Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 197

Date de la décision : 2015-10-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

                                                                                                                       

 

Sobeys West Inc.

Opposante

et

 

Schwan's IP, LLC

Requérante

 

 

 



 

1,448,716 pour EDWARDS & Dessin

 

Demande d'enregistrement

 

[1]               Le 19 août 2009, Schwan’s IP, LLC (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement no 1,448,716 pour la marque de commerce EDWARDS & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous :

EDWARDS & Design

[2]               La demande vise les Produits suivants [Traduction] :

(1) Produits de boulangerie, nommément tartes.

(2) Desserts, nommément tartes, croquant aux pommes, tartes à la crème, gâteaux au fromage, carrés au chocolat, gâteaux et croustades.

Les Produits (1) sont visés par une demande produite sur la base de l’emploi et de l'enregistrement par la Requérante aux États-Unis. Les Produits (2) sont visés par une demande produite sur la base de l’emploi projeté par la Requérante au Canada.

[3]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 26 janvier 2011.

[4]               Canada Safeway Limited a produit une déclaration d’opposition à l'encontre de la demande d’enregistrement relative à la Marque le 27 juin 2011. Le registraire a accordé l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée mettant à jour le nom de l’opposante de Canada Safeway Limited, qui est devenu Sobeys West Inc. à la suite de la cession. Pour des raisons de simplicité, l’Opposante désigne Canada Safeway Limited ou Sobeys West Inc. dans l’ensemble de cette décision. Lorsqu’il était nécessaire de désigner l’une ou l’autre de ces entités par son nom, je l’ai fait.

[5]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante et a obtenu l’autorisation de produire une contre-déclaration modifiée niant les allégations énoncées dans la déclaration d’opposition et dans la déclaration d’opposition modifiée.

[6]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Generosa Castigione, de Julie Léger et de Dave Pullar. Mme Léger et M. Pullar ont été contre-interrogés et les transcriptions, pièces et engagements ont été versés au dossier.

[7]               À l’appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Hallee Eileen Lauriola, de Sandro Romeo et de Caroline D’Amours. Mme Lauriola a été contre-interrogée et une transcription a été versée au dossier.

[8]                Comme preuve en réponse, l’Opposante a produit les affidavits de Jamie-Lynn Kraft, de Nick Todorovic et de Jane Buckingham. Aucun contre-interrogatoire de ces déposants n’a eu lieu.

[9]               Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et a assisté à une audience tenue le 10 juin 2015.

Résumé des motifs d'opposition et dates pertinentes applicables

[10]           Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante en vertu de la Loi sur les marques de commerce, LRC, ch T-13 (la Loi) sont résumés ci-dessous :

1.            La demande n'est pas conforme à l'article 30i) de la Loi puisque la Requérante ne pouvait pas avoir été convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque compte tenu des articles 7 et 20 de la Loi et au vu de la connaissance (réelle ou présumée) qu'avait la Requérante de l’enregistrement et de l’emploi précédents de la marque de commerce EDWARDS.

2.            La demande n'est pas conforme à l'article 30b) de la Loi puisque la Requérante a employé la Marque en liaison avec les Produits et les dates de premier emploi ne sont pas indiquées dans la demande.

3.            La demande n'est pas conforme à l'article 30d) de la Loi puisque la Requérante n’a pas employé la Marque aux États-Unis en liaison avec les Produits.

4.            En violation de l'article 12(1)d) de la Loi, la Marque n'est pas enregistrable, puisqu’elle crée de la confusion avec l’enregistrement no LMCDF17115.

5.            En violation des articles 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi, la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque puisque la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce EDWARDS de l’Opposante antérieurement employée au Canada.

6.            En violation de l'article 2 de la Loi, la Marque n'est pas distinctive. La Marque ne distingue pas et n'est pas adaptée à distinguer les Produits des produits de l’Opposante.

[11]           Les dates pertinentes à l’égard des motifs d'opposition sont les suivantes :

-    article 30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à 475];

 

-    article 12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

 

-    articles 16(2)a) et 16(3)a) – la date de production de la demande [article 16 de la Loi];

 

-    article 2 – la date de production de l'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Fardeau de preuve

[12]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à 298].

Questions préliminaires relatives à la preuve

Affidavit de Dave Pullar

[13]           La preuve de l’Opposante inclut l’affidavit de M. Pullar, directeur des marques grand public de Canada Safeway Limited. Il est employé de Canada Safeway depuis 1990 et travaille au service des marques grand public depuis décembre 1995 (affidavit de M. Pullar, para 1). Dans son Plaidoyer écrit, la Requérante conteste le fait que M. Pullar n’a pas préparé lui-même son affidavit. Considérant le poste de M. Pullar et l’explication de la façon dont sa preuve a été recueillie (contre-interrogatoire de M. Pullar, page 3, ligne 26 à page 4, ligne 9), je suis convaincue que, même s’il ne l'a pas préparé lui-même, l’importance accordée à son affidavit ne devrait pas être moindre [voir, par exemple, Cascades Canada Inc c Wausau Paper Towel & Tissue, LLC (2010), 89 CPR (4th) 79 (COMC)].

[14]           La Requérante s’oppose également à la preuve de M. Pullar en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) (Plaidoyer écrit de la Requérante, pages 20 et 21) :

[Traduction]
L’Affidavit de M. Pullar n’était pas axé sur la preuve passée (en ce qui concerne la Demande) ou la preuve éventuelle. Nous faisons respectueusement valoir que la preuve de M. Pullar doit être examinée dans cet esprit. Sa preuve était axée seulement sur la date de production de son Affidavit, ce qui ne constitue pas une date pertinente pour ce motif ou tout autre motif.

[15]           La Requérante a raison, la preuve de M. Pullar est datée du mois de décembre 2011 et la date pertinente d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est la date d’aujourd’hui. Cependant, je n'accorde pas une importance considérablement moindre à la preuve de M. Pullar en ce qui concerne ce motif d’opposition puisque je ne dispose d’aucune preuve suggérant que les ventes ou l’emploi de la marque de commerce EDWARDS soient sensiblement différents en date d’aujourd’hui. Même si les ventes de café EDWARDS ont diminué de 30 M$ par année en 1995 pour atteindre 5 M$ en 2011, les ventes sont demeurées à environ 5 M$ pour chacune des années 2008, 2009 et 2010 (affidavit de M. Pullar, para 9). De plus, même si la marque de commerce EDWARDS de l’Opposante a ultimement été cédée par Canada Safeway Limited à Sobeys West Inc. après la date à laquelle l’affidavit a été souscrit, je ne connais aucun élément de jurisprudence qui permettrait d’accorder une importance moindre à la preuve de M. Pullar sur cette base.

Affidavit de Julie Léger

[16]           Mme Léger est recherchiste professionnelle auprès de l'institut de recherche Public History (affidavit de Mme Léger, para 1). Elle a reçu un tableur Excel contenant une liste de liens vers des sites Web qu’elle devait imprimer (contre-interrogatoire de Mme Léger, Q 59 à 82). Des imprimés de chaque site Web sont joints à son affidavit.

[17]           En ce qui concerne les imprimés des sites Web et des pages Facebook et Twitter de la Requérante, ils sont admissibles même s'ils constituent un ouï-dire puisque l'Opposante peut être tenue de les produire pour corroborer ses allégations de confusion, et ils sont fiables puisque la Requérante, étant partie en l'espèce, a la possibilité de réfuter la preuve [Reliant Web Hostings Inc c Tensing Holding BV (2012), 2012 (COMC), au para 35]. En ce qui concerne les autres imprimés produits en Pièce I, même si j’estime que ceux-ci représentent la preuve que les sites Web affichaient ce contenu aux dates auxquelles ils ont été imprimés, je n’estime pas qu’ils sont admissibles pour la véracité de leur contenu puisqu'ils constituent un ouï-dire. Je n’estime pas que le fait que Mme Léger a reçu un tableur Excel et s'est fait demander d’imprimer certains liens diminue l’importance de sa preuve puisque celle-ci n’a pas été présentée comme une recherche menée de façon indépendante.

Affidavits de Nick Todorovic et Jane Buckingham

[18]           M. Todorovic, un étudiant en droit employé par l’agent de l’Opposante, et Mme Buckingham, une recherchiste en marques de commerce employée par l’agent de l’Opposante, ont tous les deux produit une preuve en réponse à l’appui de l’allégation de l’Opposante portant que la nature des produits des parties se recoupe. La Requérante s'est opposée à cette preuve au motif qu’elle ne constitue pas une preuve en réponse adéquate.

[19]           J'estime plutôt qu'une preuve en réponse valable répond directement aux points soulevés dans la preuve de la Requérante, lesquels sont imprévus, et qu'elle ne doit pas comprendre d'éléments de preuve qui auraient pu faire partie de la preuve principale de l'opposante [voir Lemon Hart Rum c Bacardi & Co 2015 COMC 75 au para 22]. L'article 43 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement) énonce expressément qu’une preuve produite en vertu de cet article doit [Traduction] « être strictement limitée aux matières servant de réponse ». Il n’y a pas de raison justifiant l'incapacité de l’Opposante à produire la preuve de Mme Buckingham et de M. Todorovic en tant que preuve principale et, par conséquent, ces affidavits sont inadmissibles.

Motifs d'opposition fondés sur l'article 30

[20]           Pour les raisons qui suivent, chacun des motifs d’opposition fondés sur l’article 30 est rejeté.

[21]           L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial au titre du motif d’opposition fondé sur l’article 30b) puisqu’il n’y a aucune preuve appuyant l’allégation portant que la Requérante a employé la Marque au Canada avant la production de la demande.

[22]           L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial au titre du motif d’opposition fondé sur l’article 30d) puisqu’il n’y a aucune preuve appuyant l’allégation portant que la Requérante n’avait pas employé la Marque aux États-Unis.

[23]           L’article 30i) de la Loi exige simplement qu’un requérant se déclare convaincu d'avoir le droit d’employer la marque dans sa demande. Si un requérant a fourni la déclaration exigée, le motif d’opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à 155]. La simple connaissance de l'existence des marques de commerce de l'Opposante, réelle ou fictive, n'appuie pas en soi une allégation selon laquelle la Requérante ne peut pas avoir été convaincue de son droit à l'emploi de la Marque [voir Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)]. En ce qui concerne les allégations portant que la Requérante ne peut pas avoir été convaincue de son droit compte tenu des articles 7 et 20 de la Loi, il n’y a aucune preuve à l’appui d’une telle allégation.

Motifs d'opposition fondés sur l'article 12(1)d)

[24]           Un opposant s'acquitte de son fardeau de preuve initial à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) si l'enregistrement qu'il invoque est en règle à la date de la décision.

[25]           Dans son Plaidoyer écrit, la Requérante fait valoir que, puisque la propriétaire de l’enregistrement est maintenant Sobeys West Inc. et que la déclaration d’opposition n’a pas été modifiée, ce motif d’opposition doit être rejeté (Plaidoyer écrit de la Requérante, page 20). Premièrement, la déclaration d’opposition modifiée acceptée après la production du Plaidoyer écrit de la Requérante traite de cette irrégularité alléguée. Deuxièmement, il n’y a aucune exigence dans la Loi ou ailleurs qui requiert qu’un opposant soit le propriétaire inscrit d’un enregistrement qui sert de base à un motif d’opposition invoqué en vertu de l’article 12(1)d).

[26]            L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne l'enregistrement en règle no LMCDF17115 pour EDWARDS en liaison avec du café et des filtres à café. La Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et cet enregistrement.

[27]           L'article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce si l'emploi des deux marques de commerce dans la même région est susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[28]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir, en général, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC), Veuve Cliquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC) et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC).]

Le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle chacune est devenue connue

[29]           Aucune marque ne possède un caractère distinctif inhérent fort puisqu'elles sont toutes les deux composées d’un nom qui est couramment employé au Canada (affidavit de Mme Lauriola, para 7, pièce 5). Dans la mesure où la Marque possède certains éléments graphiques de base, son caractère distinctif inhérent est légèrement plus important que celui de la marque de commerce de l’Opposante.

[30]           Le caractère distinctif d'une marque de commerce peut être accru par l'emploi et la promotion. M. Pullar fournit la preuve suivante à l’égard de la marque EDWARDS de l’Opposante :

         La marque de commerce EDWARDS, reproduite ci-dessous, figure bien en vue sur les étiquettes du café vendu en boîtes à la date de souscription de l’affidavit (affidavit de M. Pullar, pièces E1 à E10). L’emploi de cette étiquette avec les mots descriptifs FINE COFFEE [café fin] constitue un emploi de la marque de commerce EDWARDS.

 

         L’emballage du café de marque EDWARDS indique qu’il est préparé pour Lucerne Foods, qui est un nom commercial de l’Opposante.

         Le montant total des ventes du café de marque EDWARDS entre 2001 et 2011 dépassait 95 M$, les ventes annuelles s'élevant à plus de 5 M$ pour chacune des années 2005 à 2011 (affidavit de M. Pullar, para 9).

         Les cafés de marque EDWARDS sont offerts dans les 215 supermarchés Canada Safeway en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario et en Saskatchewan (affidavit de M. Pullar, para 7).

         M. Pullar déclare que le café de marque EDWARDS est annoncé dans les dépliants hebdomadaires de Canada Safeway et a fait l’objet de promotions et de coupons dans le cadre de promotions par publipostage de Canada Safeway (affidavit de M. Pullar, para 11 et 13, pièces F, G, I et J). Les échantillons de publicité fournis sont datés entre 2002 et 2010.

[31]           En revanche, il n’y a aucune preuve indiquant que la Requérante a employé la Marque au Canada ou que la Marque a acquis un caractère distinctif quelconque au Canada puisque rien ne démontre que l''un ou l’autre des sites Web faisant référence à la Marque a été consulté par des Canadiens.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[32]           M. Pullar déclare que l’Opposante, ou ses prédécesseurs, emploie la marque de commerce EDWARDS de façon continue depuis 1940 en liaison avec du café (affidavit de M. Pullar, para 5) et il fournit des publicités du café de marque EDWARDS de 1940, 1965 et 1978 (pièces A à C). Même si je considérais seulement l’emploi de la marque de commerce EDWARDS de l’Opposante de 1988, lorsqu’elle a été cédée à Canadian Safeway Limited, cet emploi dure quand même depuis fort longtemps (voir la copie certifiée de l’enregistrement de la marque de commerce no LMCDF17115 joint à l’affidavit de Generosa Castiglione établissant la date de cession).

Le genre de produits ou d'entreprise et la nature du commerce

[33]           Pour évaluer ce facteur, je dois comparer l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande de la Requérante avec les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante

[34]           Même si des aliments sont de la même catégorie générale de produits et sont vendus dans les mêmes magasins, ils peuvent également être intrinsèquement différents [Oshawa Holdings Ltd c Fjord Pacific Marine Industries Ltd. (1981), 55 CPR (2d) 39 à 44 (CAF); Clorox Co c Sears Canada Inc (1992), 41 CPR (3d) 483 (CF 1re inst) à 490]. Je considère que c'est le cas en l'espèce puisque le café est une boisson et que les desserts sont des produits de pâtisserie ou des gâteries sucrées. Cela étant dit, la preuve montre que ces produits sont liés puisque les produits de la Requérante et de l’Opposante peuvent être servis ensemble (voir, par exemple, les commentaires affichés sur le site Web et la page FACEBOOK d’EDWARDS dans l’affidavit de Mme Léger, pièces C1 et G3) [voir, par exemple, Cheungs Bakery Products Ltd c Saint Honore Cake Shop Ltd 2011 COMC 94 aux para 114, 128 et 129, où la décision confirmant que les produits en cause étaient servis ensemble s'appliquait à l'appréciation de ce genre de produits].

[35]           En ce qui concerne la nature du commerce, puisque la demande ne contient pas de restriction, la nature du commerce de la Requérante est susceptible de recouper la nature du commerce de l’Opposante, car les Produits pourraient être vendus dans les mêmes endroits que le café de l’Opposante, comme des supermarchés.

Le degré de ressemblance entre les marques

[36]           Ce facteur favorise l'Opposante. Il y a un degré élevé de ressemblance dans la présentation et dans le son des marques compte tenu de la présence du mot EDWARDS dans les deux marques de commerce. L’ajout de lettrage stylisé, d’un arrière-plan et de l’image d’une pelle à tarte ne diminue pas de façon significative le degré de ressemblance dans la présentation et le son puisque cela ne fait que mettre l’accent sur le mot EDWARDS, qui demeure l’élément dominant de la Marque. De plus, les idées suggérées par les deux marques de commerce sont similaires, à savoir des produits qui sont liés à quelqu’un du nom d’EDWARDS.

Autres circonstances de l'espèce

(i)     État du registre et du marché

[37]           Comme autre circonstance de l'espèce, la Requérante soutient que l’emploi d’EDWARDS et de variantes de ce nom est omniprésent au Canada, même en liaison avec des aliments. Ce qui m’amène à commenter la preuve relative à l’état du registre et du marché produite dans les affidavits de M. Romeo, de Mme Lauriola et de Mme D’Amours.

[38]           M. Romeo, un analyste-recherchiste en marques de commerce à l'emploi de Thomson CompuMark, a fait une recherche dans le Registre des marques de commerce canadiennes afin d'y repérer des marques de commerce déposées ou faisant l’objet d’une demande comportant les éléments EDWARD ou EDWARDS ou EDWARD’S pour tous les produits et services au Canada (affidavit de M. Romeo, para 4). Il a trouvé 144 marques de commerce actives et inactives (affidavit de M. Romeo, pièce SR-1, résumé canadien pages 7 à 14). La preuve de l’état du registre peut être utilisée pour dégager des conclusions sur l’état du marché, mais seulement si l’on relève un nombre significatif d’enregistrements pertinents [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432; Del Monte Corp c Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Parmi les marques de commerce pertinentes on compte celles qui (i) sont déposées ou autorisées et basées sur l’emploi; (ii) celles qui concernent des produits et services similaires à ceux des marques en cause et (iii) celles qui incluent l’élément en tant qu'élément important.

[39]           Même si le registre contient un grand nombre de marques de commerce EDWARDS, la majorité des résultats trouvés par M. Romeo ne sont pas pertinents puisque les marques concernent des produits et services non liés, sont inactives, en instance ou non basées sur l’emploi, ou ne contiennent pas l’élément EDWARD ou EDWARDS en tant qu'élément important. À la page 30 de son Plaidoyer écrit, la Requérante présente 28 marques de commerce qui couvrent des aliments, des boissons et des services connexes. Je remarque que la majorité des marques de commerce comportent des éléments supplémentaires qui évoquent des idées différentes de celles des marques de commerce de l’Opposante ou de la Requérante. Par exemple, plus de 20 marques de commerce présentées dans le Plaidoyer écrit de la Requérante concernent des marques de commerce qui contiennent les éléments PRINCE EDWARD, KING EDWARD ou PRINCE EDWARD CHARLES. Ainsi, le nombre de marques de commerce est insuffisant pour conclure que l’élément EDWARD ou EDWARDS est largement employé seul dans le domaine des aliments et des boissons, de sorte que le consommateur canadien moyen a l’habitude de distinguer ces marques.

[40]           M. Romeo a également produit des imprimés de noms de domaine qui contiennent les éléments EDWARD, EDWARDS ou EDWARD’S. Je ne considère pas ces résultats comme pertinents puisqu’il n’y a aucun renseignement quant à la mesure selon laquelle l’une ou l’autre de ces pages Web a été consultée au Canada.

[41]           Mme D’Amours, une analyste-recherchiste en marques de commerce à l'emploi de Thomson CompuMark, joint à son affidavit une recherche sur la fréquence du terme EDWARD, EDWARDS ou EDWARD’S en combinaison avec des produits et services liés aux aliments et aux boissons. Cependant, la recherche de Mme D’Amours inclut de nombreux résultats pour lesquels il n’est pas évident de déterminer dans quel domaine les références trouvées sont utilisées ou qui comprennent des domaines qui, malgré la présence d’éléments liés à un aliment ou à une boisson, sont sans lien avec ceux-ci (par exemple, des services hôteliers, restaurants, fermes, services d’investissement et grains). De plus, plusieurs des résultats trouvés contiennent les éléments KING EDWARD ou PRINCE EDWARD, mais pas EDWARDS.

[42]           Mme Lauriola produit des imprimés de sites Web affichant les marques de commerce suivantes dans le domaine des aliments et des boissons : PRINCE EDWARD ISLAND COMPANY & Dessin (affidavit de Mme Lauriola, pièce 6); PRINCE EDWARD COUNTY (affidavit de Mme Lauriola, pièce 7); PRINCE EDWARD ISLAND POTATOES et PRINCE EDWARD ISLAND POTATO SPECIALISTS (affidavit de Mme Lauriola, pièce 10); et des imprimés de recherches dans GOOGLE pour « PEI oysters » [huîtres et ÎPE] (affidavit de Mme Lauriola, pièce 8) et « PEI mussels » [moules et ÎPE] (affidavit de Mme Lauriola, pièce 9) et des recherches sur LCBO pour Edwards et des variantes et Drambuie (pièce 12) de même que www.Canada411.ca pour EDWARD, EDWARDS et EDWARD’S (pièce 5). Je ne considère pas que les imprimés faisant référence à la boutique de vêtements EDWARD CHAPMAN WOMAN (pièce 14) ou aux services financiers EDWARD JONES (pièce 15) sont pertinents puisque ces domaines ne sont pas liés aux aliments et aux boissons.

[43]           Je suis prête à accorder un certain poids à la preuve de Mme Lauriola et de Mme D’Amours, car elle semble clairement démontrer que des tiers exerçaient des activités sous des noms commerciaux et des marques de commerce contenant le mot EDWARD dans le même domaine d'activité général que celui des parties. Dans le même ordre d’idées, toutefois, pour ce qui est de la preuve de M. Romeo, plusieurs des marques de commerce trouvées contiennent les éléments EDWARD ou EDWARDS dans des expressions comme comme Prince Edward Island ou King Edward. De plus, il n'existe aucune preuve que ces noms commerciaux ou marques de commerce de tiers ont acquis une réputation importante sur le marché.

[44]           Selon ce que je comprends, la Requérante souhaite que je conclue, selon la preuve de l’état du registre et du marché, que les marques de commerce EDWARD et EDWARDS sont si communes au Canada que seule une protection très limitée devrait être accordée à la marque de commerce de l’Opposante. Je suis d'accord pour dire que l'Opposante ne devrait pas pouvoir empêcher l'emploi de toute marque de commerce contenant l'élément EDWARDS. Cependant, la preuve de l’état du registre et du marché ne me permet pas de conclure que les consommateurs ont l’habitude de distinguer des marques de commerce si similaires (composées du mot EDWARDS seul, sous forme stylisée ou non) dans le domaine des aliments et des boissons puisqu’il n’y a pas suffisamment d’exemples d’emploi de marques de commerce composées des mots EDWARD ou EDWARDS ou d’une variante de ceux-ci sans l’ajout d’éléments supplémentaires qui évoquent des idées différentes de celles évoquées par la Marque ou la marque de commerce EDWARDS.

(ii)   Emploi avec Liqueur

[45]           La Requérante a également produit une preuve qu’il existe plusieurs marques de liqueurs et de vins qui contiennent l’élément EDWARD ou EDWARDS, dont le drambuie de marque PRINCE CHARLES EDWARD (affidavit de M. Romeo, SR-1), et elle fait valoir que la preuve de Mme Léger montre que le café et la liqueur font parfois partie de la même boisson (voir, par exemple, l'affidavit de Mme Léger, pièce 12). Même si j’estime que la preuve de Mme Léger n'est pas admissible pour établir la véracité de son contenu, je souligne que même si j’ai convenu que le consommateur ordinaire est au courant de ces marques et de recettes qui contiennent du café et de la liqueur, je n’estime pas que cela permet d’inférer que les consommateurs seront en mesure de faire la distinction entre la Marque et la marque de commerce EDWARDS de l’Opposante en liaison avec les produits respectifs des parties.

(iii)  Pas employée comme une marque maison

[46]           L'Opposante fait valoir ce qui suit dans son plaidoyer écrit (à la page 23) :

[Traduction]
L’Opposante n’emploie la marque de commerce EDWARDS sur aucun produit alimentaire, et ne l’a pas employée au cours des décennies d’emploi de la marque pour du café. Comme elle possède des marques maison pour plusieurs produits alimentaires, elle aurait pu employer cette marque comme l’une de ses marques maison pour de tels produits, mais elle ne l’a pas fait.

La Requérante fait remarquer avec raison qu'EDWARDS n’est pas une marque maison de l’Opposante. Cela étant dit, je ne peux pas inférer que, comme ce n’est pas une marque maison, les consommateurs seraient en mesure de distinguer la source des Produits en liaison avec la Marque de la source du café EDWARDS de l’Opposante.

Conclusion

[47]           J’estime que la Requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne risque pas de créer de la confusion avec la marque de commerce déposée EDWARDS de l’Opposante en date d’aujourd’hui. J’arrive à cette conclusion parce que, même si EDWARDS n'est pas le genre de marque qui se voit généralement accorder une protection étendue, seule l’Opposante a acquis une réputation en liaison avec sa Marque en date d’aujourd’hui; l’Opposante Sobeys West Inc. ou son prédécesseur en titre Canada Safeway Limited emploient la Marque depuis fort longtemps, au moins depuis 1988; il est possible que les produits des parties soient servis ou vendus ensemble dans des épiceries (même si ce n’est pas spécifiquement dans les mêmes magasins ou les mêmes rayons de magasins); et la Marque ressemble beaucoup à la marque de commerce de l'Opposante dans la présentation, le son et les idées qu'elle suggère. Comme indiqué dans Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 à 149 (CF 1re inst), [Traduction] « À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire. »

Motifs d'opposition fondés sur les articles 16(2) et 16(3)

[48]           L’Opposante a le fardeau de preuve initial de démontrer qu’elle a employé sa marque de commerce EDWARDS au Canada avant la date de production de la demande, soit le 19 août 2009, et qu’elle n’a pas abandonné un tel emploi à la date de l’annonce de la demande, soit le 26 janvier 2011 [voir les articles 16(2), 16(3) et 16(5) de la Loi]. Compte tenu de la preuve de l’Opposante décrite au paragraphe 30 de cette décision, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial.

[49]           Par conséquent, je dois déterminer si, à la date pertinente, la Marque était susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce EDWARDS de l'Opposante. La différence entre les dates pertinentes d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) et des motifs d’opposition fondés sur les articles 16(2) et 16(3) ne se traduirait pas par un résultat différent. L’examen des circonstances de l’espèce donnerait au moins les mêmes résultats sinon de meilleurs résultats pour l’Opposante puisqu'elle a produit une preuve de ventes et de publicité pour cette période. De plus, la question de la cession à Sobeys West Inc. ne s'applique pas à cette date pertinente. Ainsi, ma conclusion susmentionnée selon laquelle les marques de commerce de la Requérante et de l’Opposante sont susceptibles d'être confondues s'applique aussi à ces motifs d'opposition, lesquels sont par conséquent accueillis.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

[50]           Pour s'acquitter de son fardeau initial à l'égard de son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif, l'Opposante doit démontrer que sa marque de commerce EDWARDS était devenue suffisamment connue en date du 27 juin 2011 pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst) et BojanglesInternational, LLC et Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Une fois que l'Opposante s'est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n'était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce de l'Opposante à cette date partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)]. La preuve de M. Pullar résumée au paragraphe 30 de cette décision permet à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau initial.

[51]           À mon avis, la plus ancienne date pertinente pour ce motif d’opposition en regard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) n'a pas d'incidence importante sur la décision relative à la question de confusion entre les marques de commerce des parties. Ainsi, ma conclusion selon laquelle les marques de commerce de la Requérante et de l’Opposante sont susceptibles d'être confondues s'applique aussi à ce motif, lequel est par conséquent accueilli.

Décision

[52]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement no 1,448,716 conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

Date de laudience : 2015-06-10

 

Comparutions

 

Reed Taubner                                                                          pour lOpposante

 

Colleen S. Zimmerman                                                            pour la Requérante

 

Agents au dossier

 

Gowling Lafleur Henderson LLP                                           pour l'Opposante

 

Fogler, Rubinoff LLP                                                              pour la Requérante

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