Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE‑MARKS

Référence : 2011 COMC 247

Date de la décision : 2011‑12‑13

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Blakes, Cassels, Graydon, s.r.l. visant l’enregistrement no LMC513,677 de la marque de commerce CWT et l’enregistrement no LMC566,701 de la marque de commerce CWEB au nom de la Banque Canadienne de l’Ouest

[1]               À la demande de Blake, Cassels, Graydon, s.r.l. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a transmis des avis fondés sur l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), à la Banque Canadienne de l’Ouest, propriétaire des marques déposées CWT et CWEB (les marques) visées par les enregistrements no LMC513,677 et LMC566,701.

[2]               Un avis fondé sur l’article 45 a été émis le 20 janvier 2009 pour CWEB, une marque déposée dont l’emploi est associé aux services suivants : « Accès à une base de données dans le domaine des finances et interface électronique sur Internet avec cette base de données ».

[3]               Un avis fondé sur l’article 45 a été émis le 23 janvier 2009 pour CWT, une marque déposée dont l’emploi est associé aux services suivants : « Services financiers, nommément services inhérents à l’exploitation d’une compagnie fiduciaire ».

[4]               L’article 45 de la Loi impose au propriétaire de la marque de commerce d’indiquer, à l’égard de chacune des marchandises et de chacun des services que spécifie l’enregistrement si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi de CWEB va du 20 janvier 2006 au 20 janvier 2009, et du 23 janvier 2006 au 23 janvier 2009 pour CWT.

[5]               Le paragraphe 4(2) de la Loi définit ainsi l’« emploi » en liaison avec des services :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[6]               Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet d’énoncer une procédure simple, sommaire et expéditive visant à éliminer du registre le « bois mort » et que le critère relatif à la preuve d’emploi que doit fournir le propriétaire inscrit est peu exigeant. Comme l’affirmait le juge Russell dans la décision Performance Apparel Corp. c. Uvex Toko Canada Ltd. (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF), à la page 282 :

[…] Nous savons que l’objet de l’article 45 est de débarrasser le registre du « bois mort ». Nous savons que la simple affirmation par le propriétaire de l’emploi de sa marque de commerce ne suffit pas et que le propriétaire doit « indiquer » quand et où la marque a été employée. Il nous faut des éléments de preuve suffisants pour être en mesure de nous former une opinion en vertu de l’article 45 et d’appliquer cette disposition. Également, nous devons maintenir le sens des proportions et éviter la preuve surabondante. Nous savons également que le genre de preuve exigée varie d’une affaire à l’autre, en fonction d’une gamme de facteurs tels que la nature du commerce et les pratiques commerciales du propriétaire de la marque de commerce.

[7]               En réponse aux avis du registraire, l’Inscrivante a déposé les affidavits de Peter Kenneth Morrison, vice‑président du marketing et du développement de produits pour l’Inscrivante, relativement à chacune des procédures de radiation fondées sur l’article 45 (les affidavits). L’affidavit concernant la marque CWEB a été souscrit le 17 avril 2009, et celui qui se rapporte à CWT, l’a été le 20 juillet de la même année. Les parties ont toutes deux produit des observations écrites; personne n’a demandé la tenue d’une audience.

[8]               Dans ses affidavits, M. Morrison précise que l’Inscrivante est une banque à charte figurant à l’annexe I de la Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46, constituée sous le régime de cette loi, ayant son siège social à Edmonton (Alberta), et offrant une vaste gamme de services financiers aux particuliers et aux entreprises. M. Morrison indique en outre que la société de fiducie affiliée à l’Inscrivante, Canadian Western Trust, également connue sous le nom Canadian Western Trust Company (CWTC), lui fournit des services de compagnie fiduciaire et administre ses fonds communs de placement. La preuve qui se rapporte aux deux enregistrements concerne surtout l’emploi des marques par CWTC, tel que décrit plus loin.

CWEB ‑ LMC566,701

[9]               M. Morrison affirme que la marque CWEB a été employée pour la première fois par l’Inscrivante par le biais de sa filiale CWTC depuis au moins aussi tôt que 1999, en liaison avec les services spécifiés dans l’enregistrement. Comme preuve d’emploi, M. Morrison joint les documents suivants à l’appui de son affidavit :

  • la pièce A est une copie imprimée de la page d’accueil du site Web de CWTC, www.cwt.ca. Je note que le lien d’[traduction] « accès aux comptes en ligne CWEB » apparaît sur le côté droit de la page. De plus, le nom « Canadian Western Bank Group » est inscrit en haut de la page, et la section texte contient ce qui suit : [traduction] « Canadian Western Trust, Valiant Trust et Canadian Direct Insurance sont des filiales en propriété exclusive de la Banque Canadienne de l’Ouest ». M. Morrison ne précise pas si la copie imprimée était à l’image du site Web durant la période pertinente, mais le lien permettant d’obtenir des renseignements sur les comptes d’épargne libres d’impôt apparaît sous la connexion CWEB, avec l’expression [traduction] « Gratuit en 2009! »

         la pièce B contient une copie du contrat de licence conclu le 5 avril 2005 entre l’Inscrivante et CWTC. Au paragraphe 9 de l’affidavit relatif à CWEB, M. Morrison explique qu’il s’agit de l’une des marques à l’égard de laquelle l’Inscrivante a accordé une licence à CWTC, visée par la déclaration figurant en pièce 1 du contrat de licence, qui stipule que la licence couvre notamment [traduction] « toute autre marque de commerce, déposée ou non, que le concédant décide, à sa discrétion absolue, d’accorder au titulaire de licence ». Comme pour la marque CWT, dont il est question plus loin, M. Morrison soutient que l’Inscrivante a octroyé à sa société filiale des licences pour l’emploi de plusieurs de ses marques, dont CWEB, bien que celle‑ci ne soit pas explicitement mentionnée dans l’entente. Il précise que les parties ont par la suite conclu une entente modifiant la licence pour que soit ajoutée la marque CWEB;

         la pièce C contient un exemplaire de l’entente d’accès ayant trait à CWEB que les clients de CWTC doivent signer pour accéder aux informations financières touchant leurs comptes disponibles par l’entremise du service CWEB de CWTC. Je note que l’en-tête porte la date « 04/07 », ce qui indique que le formulaire a été imprimé en avril 2007. M. Morrison assure que les clients signent ce genre d’ententes toutes les semaines, et qu’à la fin de 2005, 3 106 clients de CWTC avaient souscrit au service CWEB, et qu’on en dénombrait 6 681 à la fin de 2008, ce qui montre que l’utilisation de ce service a augmenté durant la période pertinente.

CWT ‑ LMC513,677

[10]           M. Morrison affirme que la marque CWT a été employée pour la première fois par l’Inscrivante par l’entremise de sa filiale CWTC depuis au moins le 23 avril 1996, en liaison avec des services financiers. Comme preuve d’emploi, M. Morrison a joint les documents suivants à son affidavit :

         la pièce A contient un prospectus non daté du Canadian Western Trust; la pièce B est une fiche d’information non datée intitulée [traduction] « Qui sommes‑nous? ». Ces deux documents font la publicité des services assurés par CWTC à titre de société de fiducie. Je constate que les lettres CWT figurent à divers endroits dans le prospectus et la fiche d’information en tant qu’acronyme de la Canadian Western Trust, et que CWTC est décrite dans le texte comme [traduction] « une filiale en propriété exclusive de la Banque Canadienne de l’Ouest ». Cependant, aucun renseignement n’a été fourni concernant la distribution des documents déposés en pièces A et B à des clients potentiels;

         la pièce C contient une copie du contrat de licence conclu le 5 avril 2005 entre l’Inscrivante et CWTC, ainsi qu’une entente modifiant la licence datée du 15 avril 2009. Au paragraphe 9 de l’affidavit relatif à CWT, M. Morrison explique qu’il s’agit de l’une des marques à l’égard de laquelle l’Inscrivante a accordé une licence à CWTC, conformément à la déclaration figurant comme pièce 1 du contrat de licence, qui stipule que la licence couvre notamment [traduction] « toute autre marque de commerce, déposée ou non, que le concédant décide, à sa discrétion absolue, d’accorder au titulaire de licence ». Je note que l’entente de modification ajoute expressément la marque CWT à la pièce 1 du contrat de licence;

         la pièce D est une copie imprimée de la page [traduction] « À notre sujet » du site www.cwt.ca qui, si l’on en croit M. Morrison, [traduction] « était virtuellement identique avant que l’avis fondé sur l’article 45 ne soit émis […] ». Comme pour les pièces A et B, je note que les lettres CWT y figurent en tant qu’acronyme du Canadian Western Trust, et que le texte décrit les services offerts par CWTC ainsi que les liens de cette entité avec l’Inscrivante;

         la pièce E contient un exemplaire d’entente que les clients doivent signer avec le Canadian Western Trust pour bénéficier des services de la société de fiducie. M. Morrison précise que pour des raisons de confidentialité, aucune version signée n’a été produite, mais qu’il a connaissance que les clients signent ce type d’ententes toutes les semaines. M. Morrison déclare qu’à la fin de 2005, CWTC comptait 27 335 clients et qu’à la fin de 2008, elle en comptait 42 543, ce qui indiquait [traduction] « [qu’]un nombre important de clients avaient signé l’entente commerciale CWT au cours des trois dernières années ». Je note que l’acronyme CWT apparaît à maintes reprises dans l’entente.

[11]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que l’Inscrivante a établi l’emploi des Marques par CWTC pendant la période pertinente en liaison avec les services auxquels se rapporte l’enregistrement. Toutefois, la Partie requérante fait valoir que l’emploi établi ne profite pas à l’Inscrivante, puisque les marques ne sont pas visées par le contrat de licence de 2005 et que l’entente modifiant ce contrat, qui figure à la pièce C de l’affidavit relatif à la marque CWT, est postérieure à la période pertinente. La Partie requérante soutient en outre que le simple fait qu’une société employant une marque de commerce soit une filiale de la propriétaire de ladite marque ne suffit pas à créer une présomption en vertu de laquelle la société mère a le contrôle sur l’utilisation de la marque de commerce par la filiale. La Partie requérante invoque à l’appui de sa thèse des décisions ayant statué que la structure de l’entreprise ne suffit pas à elle seule pour établir l’existence d’une licence au sens de l’article 50 de la Loi [London Drugs Ltd. c. Purepharm Inc. (2006), 54 CPR (4th) 87 (COMC); Ricard c. Molson Canada 2005 (2007), 60 CPR (4th) 338 (COMC)].

[12]           Suivant le paragraphe 50(1) de la Loi, le propriétaire d’une marque de commerce doit contrôler directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises ou services pour que l’emploi de la marque de commerce par le titulaire de licence soit réputé être un emploi par le propriétaire. La structure de l’entreprise ne suffit pas à elle seule pour établir l’existence d’une licence au sens du paragraphe 50(1) de la Loi [voir London Drugs Ltd., précitée, et MCI Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 CPR (3d) 245 (COMC)]; cependant, cette disposition n’exige pas d’entente écrite et il existe des précédents permettant de conclure à l’existence d’une licence compte tenu des faits présentés [voir Taylor c. Matthew McAvan Enterprises Ltd. (2004), 38 CPR (4th) 284 (COMC)]. Qui plus est, la preuve de l’exercice d’un contrôle par le propriétaire de la marque peut étayer l’existence d’un accord de licence tacite [voir Well’s Dairy Inc. c. UL Canada Inc. (2000), 7 CPR (4th) 77 (C.F. 1re inst.)].

[13]           À ce stade, il importe de souligner que la Partie requérante s’est opposée à certaines des allégations portant sur cette question dans les observations écrites de l’Inscrivante parce qu’elles n’avaient pas été mises en preuve, je n’ai en conséquence pas tenu compte des allégations en question [voir Ridout & Maybee, s.r.l. c. Encore Marketing International Inc. (2009), 72 CPR (4th) 204 (COMC)].

[14]           Cependant, il est possible de déduire de la preuve fournie en l’espèce que l’Inscrivante contrôlait les caractéristiques et la qualité des services fournis par CWTC. Le contrat de licence de 2005 contient des indices clairs de contrôle, généralement exercé par l’Inscrivante sur CWTC. Je note, par exemple, que le préambule du contrat de licence énonce que [traduction] « […] la concédante exerce un contrôle direct sur le titulaire de licence », et que d’autres clauses indiquent clairement que l’Inscrivante contrôle l’annonce et la prestation des services de CWTC. Quoi qu’il en soit, même s’il ne mentionnait pas explicitement les marques en question, le contrat concernait d’autres marques de commerce ayant été employées simultanément pendant la période pertinente relativement aux mêmes services : je suis donc disposé à conclure que le contrôle exercé visait les marques en cause.

[15]           Bien que, comme l’a noté la Partie requérante, d’autres clauses donnent à penser que le contrat écrit de licence représente l’intégralité de l’entente entre les parties, j’estime qu’une disparité entre ce document et la preuve manifeste de contrôle n’est pas déterminante en ce qui concerne cette question. L’objectif du paragraphe 50(1) a été atteint en l’espèce et, compte tenu du caractère sommaire de la procédure fondée sur l’article 45 et de son dessein, les défauts allégués du contrat écrit de licence ne devraient pas être fatals aux enregistrements visés [voir Baume & Mercier S.A. c. Brown Carrying On Business As Circle Import (1985), 4 CPR (3d) 96 (CF 1re inst.)].

[16]           Par conséquent, compte tenu de l’ensemble de la preuve dont je dispose, je crois raisonnable de conclure que l’emploi démontré des marques par CWTC pendant la période pertinente est favorable à l’Inscrivante.

Conclusion

[17]           C’est pourquoi, eu égard à ce qui précède, je suis convaincu que l’Inscrivante a établi l’emploi des marques au Canada en liaison avec les services respectifs spécifiés dans l’enregistrement au sens de l’article 45 et du paragraphe 4(2) de la Loi.

[18]           En vertu du pouvoir qui m’est conféré aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, les enregistrements nos LMC513,677 et LMC566,701 seront maintenus conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

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