Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 169

Date de la décision : 05-10-2012

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Marks & Clerk visant les enregistrements nos TMA462 354 et TMA247 324 des marques de commerce KISSKISS Dessin et KISS-KISS au nom de Guerlain S.A.

 

[1]               Le 31 mai 2010, à la demande de Marks & Clerk (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Guerlain SA (l’Inscrivante), propriétaire inscrite des enregistrements nos TMA462 354 et TMA247 324 pour les marques de commerce KISSKISS Dessin et KISS-KISS.

[2]               S’agissant de l’enregistrement no TMA462 354, la marque KISSKISS Dessin (reproduite ci-dessous) est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes : (1) savons, parfumerie, huiles essentielles, lotion pour les cheveux et dentifrices; cosmétiques, nommément rouge à lèvres, vernis à ongles, démaquillant pour les lèvres, dissolvent pour les ongles et baume pour les lèvres.

KISSKISS DESSIN

[3]               S’agissant de l’enregistrement no TMA247 324, la marque KISS-KISS est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes : [TRADUCTION] (1) brillant à lèvres.

[4]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services visés par l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi de la Marque s'étend du 31 mai 2007 au 31 mai 2010 (la Période pertinente).

[5]               La définition applicable d’« emploi » en liaison avec des marchandises est énoncée au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

[6]               En réponse aux avis du registraire, l’Inscrivante a produit les affidavits identiques de Sandrine Briatte, directrice du Marketing pour Guerlain Canada Ltée, filiale et distributrice canadienne de Guerlain Société Anonyme. La Partie requérante et l’Inscrivante ont produit des observations écrites et, toutes deux, ont pris part à une audience.

Défauts de la preuve

[7]               À l’audience, la Partie requérante a soulevé une objection relativement à la forme des documents que l’Inscrivante a présentés en preuve à l’égard de chacun des enregistrements en cause. Plus précisément, la Partie requérante a affirmé que la preuve qualifiée d’« affidavit » qu’a produit l’Inscrivante n’avait été pas attestée sous serment ou solennellement. Subsidiairement, la Partie requérante, a fait valoir que dans la mesure où la preuve produite tenait lieu de déclaration solennelle, alors cette déclaration n’était pas conforme à l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985 ch. C-5, qui est ainsi libellé :

Déclaration solennelle

 

41. Tout juge, notaire public, juge de paix, juge de la cour provinciale, recorder, maire ou commissaire autorisé à recevoir les affidavits destinés à servir dans les tribunaux provinciaux ou fédéraux, ou autre fonctionnaire autorisé par la loi à faire prêter serment en quelque matière que ce soit, peut recevoir la déclaration solennelle de quiconque la fait volontairement devant lui, selon la formule qui suit, pour attester soit l’exécution d’un écrit, d’un acte ou d’une pièce, soit la vérité d’un fait, soit l’exactitude d’un compte rendu par écrit :

Je, ................, déclare solennellement que (exposer le ou les faits déclarés), et je fais cette déclaration solennelle, la croyant consciencieusement vraie et sachant qu’elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment.

Déclaré devant moi à ................, ce ................ jour de ................ 19.............

[8]               En effet, bien que la preuve produite relativement aux enregistrements en cause ait été intitulée « affidavit », Mme Briatte affirme au premier paragraphe faire une déclaration solennelle relativement aux renseignements exposés dans les paragraphes subséquents. Je constate que le document est dépourvu de la formule d’attestation qui doit figurer dans les déclarations solennelles, tel que le prévoit l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada.

[9]               À l’audience, l’Inscrivante a affirmé que les affidavits de Mme Briatte avaient été dûment souscrits dans la Province de Québec. L’Inscrivante a également fait valoir que toute objection relative au défaut présumé de la preuve produite par l’Inscrivante aurait dû être soulevée par la Partie requérante avant la tenue de l’audience en l’espèce. Selon l’article 91 du Code de procédure civile (CPC) de la Province de Québec, un affidavit doit contenir les éléments suivants :

91. Tout affidavit doit être rédigé à la première personne, et être divisé en paragraphes numérotés consécutivement.

 

Il doit y être fait mention des noms, profession et adresse précise du déclarant.

 

Le jour et le lieu de l'attestation doivent être insérés dans le jurat.

[10]           Je constate que la preuve produite relativement aux enregistrements en cause contient le nom au complet, le titre et l’adresse de Mme Briatte, ainsi qu’une déclaration selon laquelle Mme Briatte a personnellement connaissance du marketing des rouges à lèvres et des brillants à lèvres de l’Inscrivante au Canada du fait du poste et des fonctions qu’elle occupe. En outre, la preuve a été signée par Mme Briatte et est accompagnée d’un constat d’assermentation exécuté par un commissaire à l’assermentation dans la Province de Québec, conformément à l’article 218 de la Loi sur les tribunaux judiciaires du Québec. Compte tenu de ce qui précède et considérant la nature sommaire et l’objet de la procédure prévue à l’article 45, j’admets en preuve les affidavits de Mme Briatte. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai également tenu compte du moment auquel l’objection a été soulevée et du préjudice causé à l’Inscrivante. J’entends par là qu’aucune objection n’a été soulevée au moment du dépôt initial des affidavits, ni en quelque autre temps avant la tenue de l’audience en l’espèce. Lorsqu’aucune objection n’est soulevée au moment où la preuve est produite, le registraire ne permet pas à la partie opposante de tirer parti, par la suite, d’une telle objection technique, en particulier si la procédure en est à l’étape de l’audience et que la partie visée n’a aucune possibilité de corriger la situation [Maximilian Fur Co, Inc c. Maximilian for Men’s Apparel Ltd (1983), 82 C.P.R. (2d) 146 (C.O.M.C)].

[11]           Ayant conclu à l’admissibilité de la preuve, j’examinerai maintenant la question de l’emploi.

Emploi

[12]           Dans son affidavit, Mme Briatte atteste que, pendant la Période pertinente, l’Inscrivante a employé, au Canada, les marques de commerce KISSKISS Dessin et KISS-KISS sous la forme « KISSKISS » ou « KissKiss » en liaison avec des rouges à lèvres et des brillants à lèvres, dans la pratique normale du commerce. Mme Briatte atteste que les rouges à lèvres et les brillants à lèvres arborant les marques de commerce KISSKISS Dessin et KISS-KISS sont distribués au Canada par Guerlain Canada Ltée et vendus dans le rayon des cosmétiques de grands magasins, notamment La Baie et Sears, et dans les rayons des cosmétiques et des produits de beauté de certaines pharmacies spécialisées, notamment Shoppers Drug Mart. Mme Briatte n’atteste pas, cependant, qu’un emploi en liaison avec les autres marchandises visées par l’enregistrement KISSKISS Dessin a eu lieu et aucun élément de preuve établissant l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi n’a été produit.

[13]           À l’appui de ses affirmations d’emploi, Mme Briatte a joint à son affidavit plusieurs photos de rouges à lèvres et de brillants à lèvres (pièce 1) qui, selon elle, sont représentatifs des rouges à lèvres et des brillants à lèvres vendus par l’Inscrivante au cours de la Période pertinente. Je constate que la marque KISSKISS figure bien en vue sur les emballages dans une police stylisée. Mme Briatte a également joint à son affidavit des copies de 12 factures (pièce 3) attestant que, pendant la Période pertinente, l’Inscrivante a vendu des rouges à lèvres et des brillants à lèvres à divers magasins établis au Canada. Mme Briatte a indiqué que ces ventes étaient représentatives des ventes de rouges à lèvres et de brillants à lèvres arborant les marques effectuées par l’Inscrivante pendant la Période pertinente.

[14]           Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que l’Inscrivante a démontré avoir employé la marque de commerce KISSKISS Dessin en liaison avec des rouges à lèvres, au sens du paragraphe 4(1) et l’article 45 de la Loi.

[15]           J’examinerai maintenant l’emploi, par l’Inscrivante, de la ou des marque(s) en liaison avec des brillants à lèvres. Dans ses observations écrites, la Partie requérante fait remarquer que les brillants à lèvres ne font pas partie des marchandises visées par l’enregistrement KISSKISS Dessin. Et, bien que la marque KISS-KISS soit enregistrée aux fins d’un emploi en liaison avec des brillants à lèvres, je constate que lorsqu’elle est employée par l’Inscrivante en liaison avec des brillants à lèvres, le trait d’union est absent. La Partie requérante soutient que, pour cette raison, la preuve produite n’établit pas l’emploi de la marque KISS-KISS. Or, je ne pense pas que le fait d’employer la marque KISS-KISS sans trait d’union puisse induire le public en erreur et l’amener à croire qu’il s’agit d’une marque de commerce différente et que les marchandises arborant cette marque proviennent d’une source différente. Je suis d’avis que l’absence de trait d’union ne modifie pas de manière substantielle le caractère distinctif de la Marque. Considérant les principes établis dans Canada (Registrar of Trade Marks) c. Cie internationale pour l'informatique CII HoneywellBull, SA, (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.) et Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc, (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (C.A.F.), j’estime que l’omission de cet élément constitue une déviation mineure par rapport à la Marque et, je conclus, par conséquent, que la marque KISS-KISS a bel et bien été employée en liaison avec des brillants à lèvres.

[16]           Enfin, tel qu’il est mentionné précédemment, aucun élément de preuve établissant l’emploi de la marque KISSKISS Dessin en liaison avec des marchandises autres que des rouges à lèvres et des brillants à lèvres n’a été produit. L’Inscrivante n’a pas non plus présenté de preuve établissant l’existence de circonstances spéciales justifiant ce défaut d’emploi et, dans son affidavit, Mme Briatte ne déclare nulle part que la preuve fournie devrait être considérée comme étant représentative de marchandises de catégorie similaire [selon Saks & Co c. Canada (Registrar of Trade Marks) (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.)]. En conséquence, bien que l’emploi de la marque KISSKISS Dessin en liaison avec des rouges à lèvres ait été établi, je ne suis pas disposée à inférer que la marque a été employée en liaison avec les autres marchandises visées par l’enregistrement.

[17]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’Inscrivante a démontré avoir employé la marque KISSKISS Dessin, au sens l’article 45 et du paragraphe 4(1) de la Loi, en liaison avec des rouges à lèvres au cours de la Période pertinente. Tel qu’il est mentionné précédemment, aucun élément de preuve démontrant l’emploi de la marque KISSKISS Dessin en liaison avec les autres marchandises visées par l’enregistrement n’a été produit et aucune preuve établissant l’existence de circonstances spéciales justifiant ce défaut d’emploi n’a été fournie.

[18]           En ce qui a trait à la marque KISS-KISS, je suis d’avis que l’Inscrivante a démontré avoir employé cette marque, au sens l’article 45 et du paragraphe 4(1) de la Loi, en liaison avec des brillants à lèvres au cours de la Période pertinente.

Décision relative à l’enregistrement no TMA462 354

[19]           En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, j’ordonne de modifier l’enregistrement no TMA462 354 de manière à en radier les autres marchandises, conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi. L’état déclaratif des marchandises modifié sera ainsi libellé : (1) cosmétiques, nommément: rouge à lèvres.

Décision relative à l’enregistrement noTMA247 324

[20]           En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, j’ordonne de maintenir l’enregistrement no TMA247 324, conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

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Darlene H. Carreau

Présidente

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

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