Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 166

Date de la décision : 2016-10-11
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

AMG Medical Inc.

Opposante

et

 

Ronco Disposable Products

Requérante



 

 

1,571,574 pour la marque de commerce DEFENSOR

 

Demande

[1]               AMG Medical Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce DEFENSOR (la Marque) qui fait l’objet de l’enregistrement no 1,571,574.

[2]               La demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 20 janvier 2011 en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Gants résistant aux coupures, gants de travail, gants en mailles résistant aux coupures de jauges 7, 10, 13, 15 et 18, gants en polyéthylène haute performance, gants en aramide, gants en acier inoxydable, gants en fibre de verre, gants en polyuréthane, gants en nitrile, gants en mousse de nitrile, gants en latex, gants en néoprène, gants enduits sur les paumes, gants entièrement enduits, gants en mailles d’acier inoxydable.

[3]               L’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) dans laquelle elle soulève des motifs d’opposition fondés sur les articles 2 (absence de caractère distinctif); 12(1)d) (non-enregistrabilité); 16(1)a) (absence de droit à l’enregistrement); et 30i) (non-conformité) de la Loi. La question centrale en l’espèce est de savoir s’il existe une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce DEFENSE de l’Opposante qui est enregistrée sous le no LMC630,420 en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Thermomètres (d’utilisation médicale pour l’humain); stéthoscopes; blouses de contagion; blouses de laboratoire; blouses imperméables aux fluides; gants; couvre-chaussures; couvre-bottes; combinaisons; couvre-chefs, nommément bonnets bouffants, bonnets de chirurgien; articles de lunetterie, nommément lunettes de protection et écrans de protection oculaire; masques dentaires et chirurgicaux; masques avec écran; sacs pour matières contaminées; désinfectant pour les mains, tentures et tapis de table pour salle d’opération; nécessaire d’isolement, nommément trousses d’équipement de protection utilisées à des fins de contrôle des infections; hottes; sarraus de laboratoire; couvre-manches.

et qui a été employée par l’Opposante au Canada en liaison avec les produits [Traduction] « gants » visés par l’enregistrement.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition est accueillie.

Le dossier

[5]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 avril 2014.

[6]               L’Opposante s’est opposée à la demande par la voie d’une déclaration d’opposition produite au bureau du registraire le 2 juin 2014. Le 7 octobre 2014, la Requérante a produit et fait signifier une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d’opposition formulés dans la déclaration d’opposition.

[7]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de son vice-président, Marketing, Danny Meyers, souscrit le 5 février 2015 (l’affidavit Meyers).

[8]               À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de son président et chef de la direction, Ron Pecchioli, souscrit le 3 juin 2015 (l’affidavit Pecchioli).

[9]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit, mais les parties ont toutes présenté des observations à l’audience qui a été tenue. Comme l’a fait observer l’Opposante à l’audience, la Requérante a tenté de présenter une preuve de l’état du registre par le biais de son plaidoyer écrit. Je reviendrai sur ce point lorsque j’évaluerai les circonstances additionnelles de l’espèce dans le cadre du test en matière de confusion.

Analyse

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[10]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité

[11]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l’article 12(1)d) de la Loi en ce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée DEFENSE de l’Opposante susmentionnée.

[12]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que cet enregistrement est en règle à la date d’aujourd’hui, laquelle est la date pertinente pour l’appréciation d’un motif fondé sur l’article 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[13]           L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et cette marque de commerce déposée de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[14]           L’article 6(2) de la Loi prévoit que :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[15]           Ainsi, cet article ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source.

[16]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Comme l’a indiqué le juge Denault dans Pernod Ricard c Molson Breweries (1992), 44 CPR (3d) 359 (CF 1re inst) à la p 369 [Traduction] :

Les marques de commerce devraient être examinées du point de vue du consommateur moyen qui a un souvenir non pas précis mais général de la marque précédente. Il s’ensuit que les marques ne devraient pas être disséquées ni soumises à une analyse microscopique en vue d’apprécier leurs ressemblances et leurs différences. Elles devraient plutôt être envisagées globalement et évaluées en fonction de leur effet sur le consommateur moyen en général.

[17]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de tenir compte de tous les facteurs pertinents. En outre, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour un examen plus approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

Caractère distinctif inhérent

[18]           L’Opposante prétend que les marques des parties possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent, même si ni l’une ni l’autre n’est intrinsèquement forte. Les marques suggèrent toutes deux que les gants respectifs des parties protègent les mains des personnes qui les portent.

[19]           La Requérante est partiellement en désaccord avec l’Opposante. Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient ce qui suit [Traduction] :

14. La [marque DEFENSE] de l’Opposante est un mot ordinaire du dictionnaire, largement employé sur le marché, qui décrit un aspect fonctionnel des [produits] de l’Opposante. Le fait d’utiliser les [produits] de l’Opposante confère une protection contre les dangers d’ordre médical. Il a été statué que les mots qui décrivent un aspect fonctionnel de produits sont considérés comme des « marques faibles », sont dépourvus de caractère distinctif et devraient bénéficier d’une protection moindre.

15. En outre, tel qu’il appert de la description qui précède, le Registraire [sic] des marques de commerce contient un grand nombre de marques de commerce déposées qui comprennent les mots « defence », « defense » [défense] ou la combinaison de lettres « defen ». […] Nous sommes d’avis que l’état du Registraire [sic] et la coexistence de la [m]arque de l’Opposante avec ces autres marques de commerce déposées indiquent que la [m]arque de l’Opposante est dépourvue de caractère distinctif.

16. À l’inverse, la Marque de la Requérante n’est pas un mot d’usage courant et est simplement suggestive de la fonction de la Marque de la Requérante. Étant donné le faible caractère distinctif inhérent associé à l’emploi du mot « defence » ou « defense » [défense], de petites différences entre les deux marques de commerce sont suffisantes pour qu’on puisse les distinguer l’une de l’autre. En outre, nous sommes d’avis que, puisque la [m]arque de l’Opposante ne possède pas de caractère distinctif inhérent, l’Opposante ne peut pas obtenir de droits de propriété exclusifs à l’égard d’un mot d’usage courant, au détriment d’autres commerçants qui souhaitent évoquer la fonction de leurs produits.

[20]           À l’audience, la Requérante est allée plus loin encore en prétendant que la Marque est un [Traduction] « mot inventé ».

[21]           J’estime que la vérité se situe quelque part entre les points de vue respectifs des parties.

[22]           Le fait que d’autres marques de commence « defence » ou « defense » puissent figurer au registre n’entre pas en ligne de compte dans l’appréciation du caractère distinctif inhérent des marques respectives des parties en soi. La preuve de l’état du registre peut cependant constituer une circonstance pertinente à considérer en tant que circonstance additionnelle dans le cadre du test en matière de confusion. Je reviendrai sur ce point un peu plus loin.

[23]           Comme l’a souligné la Requérante à l’audience, il m’est permis de prendre connaissance d’office de définitions du dictionnaire. À cet égard, je souligne que le dictionnaire en ligne Merriam-Webster définit « defensor » comme un mot vieilli anciennement employé au sens de « defender » [défenseur].

[24]           Ainsi, je conviens avec la Requérante que la Marque n’est pas un mot ordinaire d’usage courant. La Marque suggère tout de même l’idée que les gants de la Requérante protègent les mains des personnes qui les portent. Cela étant, je conviens avec l’Opposante que la Marque est aussi intrinsèquement faible, bien que dans une mesure moindre que la marque de l’Opposante. À cet égard, je n’irais pas jusqu’à conclure que la marque de l’Opposante est dépourvue de caractère distinctif inhérent. Je considère que les marques des parties possèdent un certain caractère distinctif inhérent bien que ce dernier soit plutôt faible. En outre, j’estime que le caractère distinctif inhérent de la marque de l’Opposante est moindre étant donné la connotation plus suggestive du mot ordinaire « DEFENSE » [défense].

Mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[25]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi. Cela m’amène à examiner la preuve produite à cet égard par le biais des affidavits Meyers et Pecchioli, à la lumière de certaines des représentations faites par les parties.

[26]           Je dois préciser que je n’accorde aucun poids aux déclarations des déposants qui constituent des opinions personnelles quant à la probabilité de confusion entre les marques des parties. La probabilité de confusion est une question de fait et de droit qui doit être tranchée par le registraire en fonction de la preuve qui est au dossier dans la présente procédure.

L’affidavit Meyers

[27]           M. Meyers affirme que l’Opposante a employé la marque de commerce DEFENSE au Canada depuis au moins aussi tôt que décembre 2004 et qu’il l’a abondamment employée (et l’emploie présentement) en liaison avec des gants.

[28]           Plus particulièrement, M. Meyers explique que l’Opposante vend quatre types de gants d’examen médical sous la marque DEFENSE, à savoir des gants en nitrile, des gants en vinyle, des gants synthétiques et des gants en latex.

[29]           M. Meyers affirme que les gants arborant la marque DEFENSE constituent un produit très important de l’Opposante. À cet égard, il fournit un tableau faisant état des ventes (en dollars canadiens) des gants de l’Opposante arborant la marque de commerce DEFENSE réalisées au Canada de 2012 à 2014 (à jour selon les chiffres de ventes les plus récents disponibles à la date de son affidavit), qui indique que l’Opposante a vendu pour plus de 11 millions de dollars de gants arborant la marque DEFENSE au Canada depuis 2012.

[30]           À l’appui de ses déclarations d’emploi de la marque DEFENSE, M. Meyers joint les pièces suivantes à son affidavit :

-          la pièce B, qu’il décrit comme un imprimé du fichier électronique utilisé par l’Opposante pour faire imprimer les boîtes arborant la marque DEFENSE qui servent d’emballage aux gants de l’Opposante qui sont vendus au Canada. M. Meyers explique que les gants de l’Opposante arborant la marque DEFENSE sont vendus dans des boîtes qui contiennent un nombre variable de gants jetables;

-          la pièce C, qui, explique-t-il, est constituée d’images de différentes boîtes de gants arborant la marque DEFENSE telles qu’elles sont vendues au Canada;

-          la pièce D, qu’il décrit comme étant constituée de documents publicitaires (à savoir des « dépliants ») « montrant différents modèles de boîtes qui ont été utilisés au fil des ans [l’italique est de moi] pour emballer les gants DEFENSE [de l’Opposante] vendus au Canada »; et

-          les pièces E et F, qui sont constituées d’imprimés tirés des sites Webhttp://www.medprodefense.com/products/products-gloves.asp et http://www.amgmedical.com qui montrent comment la marque DEFENSE est présentée dans la publicité des gants d’examen médical de l’Opposante.

[31]           M. Meyers explique que l’Opposante n’engage pas de dépenses directes pour annoncer ses gants arborant la marque DEFENSE, mais qu’elle alloue des sommes à ses distributeurs pour qu’ils fassent la publicité de ses produits auprès des établissements de santé. Il sait que, de temps à autre, ces distributeurs distribuent aux établissements de santé des dépliants dans lesquels les gants DEFENSE de l’Opposante sont annoncés. M. Meyers affirme que l’Opposante fournit aussi gratuitement des échantillons de gants arborant la marque DEFENSE à ses clients afin qu’ils puissent les essayer lorsqu’elle présente des soumissions relativement à divers contrats hospitaliers.

[32]           M. Meyers affirme que l’Opposante vend ses gants DEFENSE par l’intermédiaire de deux voies de commercialisation différentes. D’une part, il y a les hôpitaux et les établissements de santé de l’ensemble du Canada qui sont approvisionnés par ses distributeurs, dont le plus important est Cardinal Health, et, d’autre part, il y a Wal-Mart, un détaillant de premier plan, ainsi que de nombreuses chaînes de pharmacies de détail réparties dans l’ensemble du Canada, auxquels elle vend ses produits directement.

[33]           Aussi bien dans son plaidoyer écrit qu’à l’audience, la Requérante a soutenu que toutes les boîtes présentées dans les pièces susmentionnées montrent l’emploi de la marque figurative qui comprend l’expression « MedPro Defense », et non la marque nominale DEFENSE. Elle soutient qu’en fait, dans ses avis de marque de commerce, ses publicités et autres documents contenus dans les pièces susmentionnées, l’Opposante place clairement le symbole ® après l’expression « MedPro Defense ». À l’audience, la Requérante est allée plus loin encore et a prétendu que le mot « DEFENSE » était employé à des fins descriptives dans le matériel publicitaire produit en pièce D.

[34]           Je ne souscris pas à la prétention de la Requérante.

[35]           L’emploi d’une marque de commerce en conjugaison avec des mots ou des éléments supplémentaires constitue un emploi de la marque enregistrée si, sous le coup de la première impression, le public y voit un emploi de la marque de commerce en soi. Il s’agit là d’une question de fait qui dépend de celles de savoir si la marque de commerce se démarque des éléments supplémentaires, par exemple par l’emploi d’une police ou d’une taille de caractères différentes, ou si les autres éléments seraient perçus comme étant clairement descriptifs ou comme constituant une marque de commerce ou un nom commercial distincts [voir Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); et 88766 Canada Inc c National Cheese Co (2002), 24 CPR (4th) 410 (COMC)]. En outre, il est bien établi en droit que rien n’interdit l’emploi simultané de deux marques de commerce ou plus [voir AW Allen Ltd c Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst)].

[36]           En l’espèce, compte tenu de l’emploi de différentes polices, couleurs et tailles de caractères et de leur positionnement, je conviens avec l’Opposante que le mot « DEFENSE » [défense] serait probablement perçu par le public comme une marque de commerce distincte, sous le coup de la première impression, malgré qu’il soit employé en conjugaison avec le mot « MedPro » et un dessin de visière sur les spécimens d’emballage produits en pièces B, C et D, qui sont en partie reproduits à l’annexe A des présentes.

[37]           Contrairement à ce que prétend la Requérante, je ne crois pas que la présence du symbole de marque de commerce déposée après le mot « DEFENSE » [défense] indique nécessairement que l’expression « MedPro Defense », avec ou sans l’élément graphique représentant une visière, est employée en tant que marque de commerce formant une unité. La présence du symbole à cet endroit peut indiquer que l’Opposante détient des droits de propriété intellectuelle à l’égard du mot « DEFENSE » [défense], en dehors de l’expression « MedPro DEFENSE » et du dessin de visière [voir, par exemple, Barbera 1870 SpA c Barbera Caffé SpA, 2012 COMC 99, 102 CPR (4th) 49; et Fraser Milner Casgrain LLP c LG Electronics Inc, 2014 COMC 232 (CanLII), CarswellNat 5618]. De plus, comme l’a souligné l’Opposante à l’audience, dans les spécimens d’emballage (et de publicité) produits en pièce D qui sont en partie reproduits à l’annexe A, le symbole de marque de commerce déposée est placé après le mot « MedPro » qui se trouve donc à être séparé du mot « DEFENSE » [défense].

[38]           De même, contrairement à ce que prétend la Requérante, je ne crois pas que le mot « DEFENSE » [défense] est employé à des fins descriptives par l’Opposante dans ce spécimen d’emballage (et de publicité). Ce qui est employé à des fins descriptives, c’est l’expression « Personal Protection Equipment / Équipement de protection personnelle » qui figure sous le mot « DEFENSE » [défense]. Là encore, le mot « DEFENSE » [défense] se démarque.

[39]           Cela étant dit, je conviens avec la Requérante que la façon dont la marque de commerce DEFENSE est employée et annoncée en liaison avec des gants réduit sensiblement l’importance de la notoriété que l’Opposante peut revendiquer à son égard. Bien que l’affidavit Meyers établisse un emploi abondant de la marque de commerce DEFENSE en liaison avec les gants de l’Opposante au Canada depuis au moins aussi tôt que 2012, si ce n’est encore plus tôt, la marque figure toujours en liaison avec d’autres marques de commerce qui occupent, elles aussi, une place importante sur l’emballage des gants de l’Opposante. Par conséquent, la notoriété qui reviendrait à la marque de commerce DEFENSE de l’Opposante, considérée isolément, s’en trouve quelque peu diminuée à l’égard de ses produits [voir Euro-Pharm International Canada Inc c Eurofarma Laboratórios Ltda 2015 COMC 91].

[40]           Néanmoins, je conviens avec l’Opposante qu’on peut raisonnablement conclure que la marque de commerce DEFENSE est devenue connue dans une mesure assez significative au Canada en liaison avec les gants d’examen médical de l’Opposante.

L’affidavit Pecchioli

[41]           M. Pecchioli affirme que la Requérante a abondamment employé (et emploie présentement) la Marque au Canada [Traduction] « en liaison avec une gamme de gants résistant aux coupures » depuis au moins aussi tôt que juin 2011. Il désigne collectivement ces gants comme étant les « Produits » et j’en ferai autant dans mon résumé de sa preuve.

[42]           M. Pecchioli affirme que les Produits arborant la Marque sont fabriqués dans le but d’améliorer la santé et la sécurité au travail en offrant une protection contre les coupures et les éraflures.

[43]           M. Pecchioli affirme que la Requérante commercialise et vend les Produits en vue de leur utilisation dans les contextes suivants :

(a)     fabrication et assemblage d’automobiles;

(b)    manipulation de câbles et de fils;

(c)     construction et rénovation, manipulation de matériaux de construction et d’outils électriques;

(d)    manipulation du verre;

(e)     fabrication et transformation des métaux;

(f)     manipulation de métaux en tous genres;

(g)    fabrication de portes et fenêtres résidentielles et institutionnelles;

(h)    industrie de la coupe des métaux;

(i)      zones d’expédition et de réception où des couteaux et des lames sont utilisés;

(j)      environnement de transformation des aliments où des couteaux sont utilisés.

[44]           M. Pecchioli explique que la gamme des Produits comprend des gants résistant aux coupures qui diffèrent les uns des autres de par ce que la Requérante appelle leur [Traduction] « niveau de résistance aux coupures », lequel renvoie à la force du matériau utilisé. Les utilisateurs finaux des Produits choisissent un [Traduction] « niveau de résistance aux coupures » qui convient à l’utilisation qu’ils comptent faire des gants.

[45]           M. Pecchioli affirme que, depuis le lancement des Produits, la Requérante a constamment amélioré ses ventes des Produits, et il fournit les chiffres des ventes brutes (en dollars canadiens) des Produits au Canada de 2012 à 2015 (jusqu’au 31 mai 2015), lesquels s’élèvent à plus de 310 000 dollars.

[46]           M. Pecchioli affirme que la Marque figure bien en vue sur tous les produits qui sont vendus au Canada ainsi que sur leur emballage. Tous les Produits sont destinés à être réutilisés; il ne s’agit pas de produits jetables.

[47]           M. Pecchioli explique que les Produits sont vendus emballés dans des sacs ou des caisses. Pour tous les Produits, excepté les gants Defensor 69-510 avec protection anti-coupure de niveau 5, chaque sac contient 6 paires de gants et chaque caisse contient 8 sacs. Dans le cas des gants Defensor 69-510 avec protection anti-coupure de niveau 5, chaque sac contient 12 paires et chaque caisse contient 6 sacs. Le prix des gants qui composent les Produits varie d’un peu plus de 4,00 $ à 9,00 $ la paire. Le prix des caisses varie de moins de 200,00 $ à 400,00 $.

[48]           M. Pecchioli affirme que la Requérante commercialise les Produits auprès de ses distributeurs cibles au moyen de catalogues, de dépliants et d’autres formes de publicité. La Requérante annonce également les Produits sur son site Web (http://ca.en.safety.ronco.ca/category/25/safety-gloves.html).

[49]           À l’appui de ses déclarations d’emploi de la Marque, M. Pecchioli joint les pièces suivantes à son affidavit :

-          la pièce A, qu’il décrit comme étant constituée d’images de plusieurs des Produits, qui arborent tous la Marque;

-          la pièce B, qu’il décrit comme étant constituée d’images des sacs dans lesquels les gants sont emballés et de la caisse dans laquelle les sacs sont emballés, qui arborent tous la Marque lors de leur vente au Canada;

-          la pièce C, qu’il décrit comme étant constituée d’images de publicités dans lesquelles la Marque figure bien en vue, qui ont été utilisées par la Requérante pour promouvoir les Produits et leurs utilisations prévues; et

-          la pièce D, qu’il décrit comme étant constituée de captures d’écran montrant des publicités et l’emploi de la Marque telle qu’elle est affichée sur le site Web de la Requérante.

[50]           En résumé, je conviens avec la Requérante que sa Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada.

Conclusion quant au facteur énoncé à l’article 6(5)a)

[51]           En définitive, je conviens avec l’Opposante que l’examen global du facteur énoncé à l’article 6(5)a), qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques des parties, favorise l’Opposante. Bien que le caractère distinctif inhérent de la Marque soit sensiblement plus fort, la marque de commerce de l’Opposante possède un caractère distinctif acquis plus important. L’Opposante a vendu pour plus de 11 millions de dollars de gants d’examen médical de 2012 à 2014, comparativement à la Requérante qui a vendu pour environ 310 000 dollars de gants résistant aux coupures de 2012 à 2015 (jusqu’au 31 mai 2015).

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[52]           La simple existence d’un enregistrement établit tout au plus un emploi minimal et ne permet pas de conclure à un emploi continu de la marque [voir Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1992), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

[53]           En l’espèce, l’enregistrement de la marque de commerce DEFENSE de l’Opposante mentionne une déclaration d’emploi de la marque produite le 9 décembre 2004 et M. Meyers affirme que l’Opposante emploie sa marque depuis cette date. Bien que son affidavit n’établisse pas que l’emploi continu de la marque DEFENSE en liaison avec les gants d’examen médical de l’Opposante remonte à aussi loin que 2004, il fournit une preuve positive d’un tel emploi depuis au moins aussi tôt que 2012, si ce n’est encore plus tôt (voir les spécimens de documents publicitaires montrant différents modèles de boîtes qui, affirme M. Meyers, [Traduction] ont été utilisés au fil des ans pour emballer les gants DEFENSE de l’Opposante, produits en pièce D).

[54]           En comparaison, la demande de la Requérante indique que la date de premier emploi de la Marque est le 20 janvier 2011 et M. Pecchioli affirme que la Requérante a employé la Marque depuis au moins aussi tôt que juin 2011. Bien que son affidavit n’établisse pas que l’emploi continu de la Marque en liaison avec les gants résistant aux coupures de la Requérante a commencé en 2011, il fournit une preuve positive d’un tel emploi depuis au moins aussi tôt que 2012.

[55]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’examen global de ce deuxième facteur ne favorise de manière significative aucune des parties.

Le genre de produits, services ou entreprises, et la nature du commerce

[56]           Pour évaluer le genre des produits, services ou entreprises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits qui figure dans l’enregistrement invoqué par l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. L’examen de ces états déclaratifs doit cependant être effectué dans l’optique de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. Une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 1996 CanLII 3963 (CAF), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[57]           Comme je l’ai indiqué précédemment, l’enregistrement de l’Opposante vise, entre autres produits, des [Traduction] « gants ».

[58]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que lorsqu’on cherche le mot « gants » dans l’outil des termes approuvés du Manuel des produits et services de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, on obtient une note de pratique indiquant que le mot « gants » (employé seul sans adjectif ou autre terme descriptif) [Traduction] « fait référence à la définition la plus courante de gants, soit un article vestimentaire ajusté qui recouvre les mains dans le cadre d’une tenue décontractée ou d’une tenue de soirée ». En outre, le Manuel comprend les termes [Traduction] « gants utilisés dans les hôpitaux » et « gants en latex »; deux termes approuvés qui auraient pu être employés pour établir une distinction par rapport au mot d’usage courant « gants ».

[59]           La Requérante insiste aussi fortement sur le fait que les gants de l’Opposante sont toujours vendus dans des boîtes qui contiennent de 100 à 200 gants minces jetables. Elle souligne que la pièce D de l’affidavit Meyers indique que le prix de vente des boîtes varie de 6,99 $ à 14,99 $. Par conséquent, si les paires de gants étaient vendues individuellement, leur prix unitaire se situerait entre 0,07 $ et 0,14 $. La Requérante soutient qu’à l’inverse, ses gants sont vendus dans des caisses qui contiennent soit 6 soit 8 sacs, qui, eux-mêmes, contiennent 6 ou 12 paires des gants de la Requérante. Le coût unitaire d’une paire de gants varie de 4, 00 à 9,00 $. La Requérante soutient qu’en raison de cette différence de prix unitaire très marquée, un acheteur raisonnable agirait avec circonspection et évaluerait attentivement les produits qu’il souhaite acheter plutôt que de se fier à une impression fugace de la marque de commerce. À la vue des produits de la Requérante et des produits de l’Opposante, un acheteur saurait, à la première impression, quels gants sont jetables parce que vendus à un prix unitaire révélateur d’un produit jetable et quels gants ne sont pas jetables parce que vendus à un prix unitaire révélateur d’une paire de gants durable et réutilisable destinée à des utilisations industrielles précises. La Requérante soutient qu’en raison de l’apparence des produits et de leur emballage, du nombre d’unités et du prix unitaire, les acheteurs cibles des produits de la Requérante et des produits de l’Opposante ne confondraient pas les produits entre eux.

[60]           La Requérante soutient en outre que ses produits sont vendus par l’intermédiaire d’un réseau de distributeurs autorisés qui ciblent spécifiquement des segments du marché de l’alimentation et du marché industriel, et ne vendent pas à l’industrie de la santé. La Requérante ajoute qu’elle ne distribue pas ses produits directement aux consommateurs.

[61]           La Requérante soutient que les consommateurs qui achètent les produits de l’Opposante chez des détaillants ne pourraient pas les confondre avec les produits de la Requérante, car les produits de la Requérante ne sont pas vendus aux consommateurs finaux. La Requérante soutient également que les distributeurs qui achètent les produits de l’Opposante ne pourraient pas non plus les confondre avec les produits de la Requérante parce que la Requérante ne vend pas ses produits à des distributeurs pour qu’ils les vendent en gros à l’industrie de la santé.

[62]           Je ne considère pas que ces arguments sont convaincants.

[63]           Premièrement, les produits « gants » qui figurent dans l’état déclaratif des produits de l’enregistrement de l’Opposante doivent être interprétés dans le contexte global de l’état déclaratif des produits. On peut d’emblée comprendre qu’ils ne sont pas destinés à être portés dans le cadre d’une tenue décontracté ou d’une tenue de soirée. L’affidavit Meyers montre en outre que les gants de l’Opposante comprennent quatre types de gants d’examen médical, à savoir des gants en nitrile, des gants en vinyle, des gants synthétiques et des gants en latex, qui peuvent être utilisés à différentes fins ou dans différents contextes, comme les [Traduction] « pathogènes transmissibles par le sang », les « salles d’urgence », les « laboratoires », les « produits chimiques corrosifs », la « mécanique », la « manipulation d’aliments » et l’« entretien ménager » [voir, entre autres, les spécimens de publicité joints comme pièce D à l’affidavit Meyers, qui sont en partie reproduits à l’annexe B des présentes].

[64]           Deuxièmement, le fait que les gants des parties soient vendus à des prix différents n’est pas une considération aussi significative qu’il n’y paraît. D’une part, ni les paires de gants de l’Opposante ni celles de la Requérante ne sont vendues à l’unité. M. Pecchioli affirme plutôt que les gants de la Requérante sont vendus en sacs ou en caisses. En outre, bien que les gants de la Requérante soient, en réalité, plus onéreux, la Cour suprême du Canada a indiqué dans Masterpiece, supra, que même si les consommateurs à la recherche de biens onéreux sont moins susceptibles de confondre deux marques, le test demeure celui de la première impression. C’est faire erreur que de croire que, parce que les consommateurs à la recherche de biens et de services onéreux consacrent un temps appréciable à s’informer sur la source de tels biens et services, la probabilité de confusion s’en trouve réduite. Il convient plutôt d’évaluer la confusion en se fondant sur la première impression qu’a le consommateur s’apprêtant à faire un achat coûteux lorsqu’il voit la marque de commerce. La possibilité que des recherches approfondies puissent ultérieurement dissiper la confusion ne signifie pas que la confusion n’a jamais existé ou qu’elle cesserait de subsister dans l’esprit du consommateur qui n’a pas fait de telles recherches.

[65]           Troisièmement, [Traduction] « l’apparence » des produits des parties et de leur emballage n’est pas une considération pertinente. Il est vrai que des considérations comme le design et la présentation sont pertinentes dans une action en commercialisation trompeuse, mais elles ne le sont pas lorsque, dans le contexte d’une procédure d’opposition, un opposant invoque un enregistrement de marque de commerce pour s’opposer à la demande de marque de commerce d’un requérant [voir WordPerfect Corporation c Formulator Software Inc, 1990 CanLII 6412 (COMC)].

[66]           Quatrièmement, les gants de l’Opposante ne sont pas strictement confinés à l’industrie de la santé. Comme je l’ai mentionné ci-dessus et comme l’a souligné l’Opposante à l’audience, l’affidavit Meyers montre que les gants d’examen médical de l’Opposante peuvent être utilisés à différentes fins et dans différents contextes, tels que les [Traduction] « laboratoires », les « produits chimiques corrosifs », la « mécanique », la « manipulation d’aliments » et l’« entretien ménager ». Je conviens avec l’Opposante que certains de ces usages semblent recouper ceux décrits par M. Pecchioli énoncés ci-dessus.

[67]           Loin de démentir ce constat, les extraits du site Web joints comme pièce D à l’affidavit Pecchioli indiquent que les gants résistant aux coupures [Traduction] « DEFENSORTM 69-510 [de la Requérante] peuvent être portés seuls ou comme doublure intérieure sous un gant jetable [l’italique est de moi] ou un autre gant qui n’est pas résistant aux coupures, ou comme protection supplémentaire sous un autre gant résistant aux coupures dans les contextes où le risque de coupure est extrêmement élevé » [voir également les spécimens de publicité joints comme pièce C à l’affidavit Pecchioli en partie reproduits à l’annexe C des présentes, montrant un gant DEFENSOR de la Requérante porté comme doublure sous un gant jetable du type de ceux vendus par l’Opposante, dans un contexte de manipulation d’aliments].

[68]           Cinquièmement, l’affidavit Pecchioli est axé exclusivement sur la [Traduction] « gamme de gants résistant aux coupures » de la Requérante; pourtant l’état déclaratif des produits qui figure dans la demande de la Requérante comprend également d’autres types de gants qui ne sont pas spécifiquement définis comme étant résistant aux coupures, notamment les gants en polyéthylène haute performance, les gants en aramide, les gants en nitrile, les gants en mousse de nitrile, les gants en latex, les gants en néoprène, les gants enduits sur les paumes, les gants entièrement enduits, qui pourraient recouper les gants en nitrile, les gants en vinyle, les gants synthétiques et les gants en latex de l’Opposante. Je reconnais que bon nombre des gants de la Requérante qui sont représentés dans les pièces jointes à l’affidavit Pecchioli sont décrits comme des [Traduction] « gants en aramide résistant aux coupures enduits de nitrile sur les paumes » [l’italique est de moi] ou comme des [Traduction] « gants en polyéthylène haute performance résistant aux coupures enduits de polyuréthane sur les paumes » [l’italique est de moi]. Or, l’état déclaratif des produits qui figure dans la demande de la Requérante ne contient aucune restriction de ce genre.

[69]           Sixièmement, bien que M. Pecchioli affirme dans son affidavit que la Requérante vend ses gants résistant aux coupures [Traduction] « par l’intermédiaire d’un réseau de distributeurs autorisés qui ciblent spécifiquement des segments du marché de l’alimentation et du marché industriel », tel qu’indiqué au paragraphe 43 ci-dessus, et que la Requérante [Traduction] « n’emploie pas et n’a pas l’intention d’employer la [Marque] en liaison avec des gants d’examen médical jetables destinés à être vendus à des distributeurs ou à des clients du secteur médical ou hospitalier », la demande pour la Marque ne comporte aucune restriction quant aux voies de commercialisation que les produits de la Requérante pourraient emprunter. Et, il en va de même pour l’enregistrement de la marque de commerce DEFENSE de l’Opposante.

[70]           À cet égard, l’affidavit Meyers établit que les gants de l’Opposante ne sont pas seulement vendus à des hôpitaux et des établissements de santé du Canada, mais aussi directement au détaillant de premier plan qu’est Wal-Mart et à de nombreuses chaînes de pharmacies de détail dans l’ensemble du Canada.

[71]           Comme l’a fait observer l’Opposante à l’audience, il convient également de souligner que M. Meyers affirme ce qui suit dans son affidavit [Traduction] :

J’ai une connaissance directe et personnelle des activités de Ronco Disposable Products au Canada et je sais que l’entreprise vend des gants d’examen médical au Canada. Je considère que Disposable Products est un compétiteur direct de l’Opposante.

[72]           Loin de démentir cette affirmation, les extraits du site Web se rapportant aux gants DEFENSOR™ 69-510 en polyéthylène haute performance avec protection anti-coupure de niveau 5 qui sont joints comme pièce D à l’affidavit Pecchioli contiennent sous l’entête « Quick Links » [liens rapides] une liste de ce qui semble être des liens vers d’autres sections du site Web de la Requérante portant sur d’autres produits offerts par la Requérante dans les domaines suivants : « HEAD PROTECTION » [protection de la tête]; « HAND PROTECTION » [protection des mains]; « BODY PROTECTION » [protection du corps]; « FOOD » [alimentation]; « HEALTHCARE » [soins de santé]; et « INDUSTRIAL » [industriel]. Je souligne que les extraits comprennent également, sous l’entête « Related Products » [produits connexes], ce qui semble être des photographies et des liens vers d’autres produits de la Requérante, comme les gants DEFENSOR™ 69-560, des couvre-chaussures en polypropylène, des gants jetables et des lunettes de sécurité. Rien n’empêche la Requérante d’étendre la gamme de produits qu’elle offre actuellement à l’industrie des soins de santé pour y inclure les gants DEFENSOR.

[73]           Enfin, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que les parties exercent leurs activités dans le même domaine général ou dans la même industrie ou que leurs produits et services respectifs soient du même type ou de la même qualité pour qu’il existe une probabilité de confusion. Comme l’indique l’article 6(2) de la Loi, il peut y avoir confusion « que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ».

[74]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’examen global de ces troisième et quatrième facteurs favorise l’Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[75]           Comme l’a fait observer la Cour suprême dans Masterpiece, supra, au paragraphe 49, [Traduction] « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu [à l’article] 6(5) [de la Loi] [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire ».

[76]           En outre, comme je l’ai mentionné précédemment, il est bien établi dans la jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, [Traduction] « [m]ême s’il faut examiner les marques comme un tout (et non les disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible [de s’attarder à] des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 1998, CanLII 9052 (CAF), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au para 34]. Même si le premier mot ou la première partie d’une marque de commerce sont généralement les plus importants au chapitre de la distinction, l’approche à privilégier consiste à se demander d’abord si la marque de commerce présente un aspect particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, supra, au para 64].

[77]           M’appuyant sur ces principes, j’estime qu’il existe en l’espèce une ressemblance considérable entre les marques des parties. Elles différent seulement de par leurs finales : le lettre « E » dans la marque de l’Opposante a été remplacée par le suffixe « OR » dans la Marque.

[78]           En ce qui concerne les observations de la Requérante selon lesquelles la Marque n’a aucune signification dans le commerce et ne fait pas partie du langage courant, je souligne qu’il faut tenir compte du sens commun pour évaluer la première impression que produit la Marque dans le contexte des produits en question [voir Neptune SA c Canada (Procureur général) (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst); et Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général) (2010), 89 CPR (4th) 401 (CF); 99 CPR (4th) 213 (CAF)].

[79]           Indépendamment de la question de savoir si le consommateur sait ou non que la Marque est un mot vieilli anciennement employé au sens de « defender » [défenseur], il est évident que la Marque est dérivée du mot « defense » [défense]. Le suffixe « -or » dénote [Traduction] « ‘une personne ou un objet faisant quelque chose’, p. ex. investigator [enquêteur], decorator [décorateur], escalator [ascenseur], ventilator [ventilateur] » [voir The English Oxford Living Dictionaries]. En l’espèce, les marques suggèrent toutes deux que les gants respectifs des parties protègent les mains des personnes qui les portent. En réalité, et comme je l’ai mentionné dans mon examen du facteur énoncé à l’article 6(5)a), la Requérante, elle-même, reconnaît que la Marque est [Traduction] « suggestive de la fonction » des gants de la Requérante.

[80]           Avant de conclure quant au cinquième facteur, je souligne que n’accorde aucun poids à l’observation non corroborée de la Requérante selon laquelle le mot « DEFENSE » [défense] est couramment employé dans le commerce. D’une part, la preuve de l’état du registre mentionnée par la Requérante dans son plaidoyer écrit et à l’audience n’a pas été produite en preuve. Je reviendrai sur ce point ci-dessous. D’autre part, le simple fait que la marque de l’Opposante soit constituée d’un mot ordinaire du dictionnaire ayant une connotation suggestive dans le contexte des gants de protection de l’Opposante n’est pas, en soi, suffisant pour me permettre de conclure qu’il s’agit nécessairement d’un mot courant dans le commerce.

Circonstances additionnelles de l’espèce

État du registre

[81]           Comme je l’ai mentionné précédemment, la Requérante a tenté de présenter une preuve de l’état du registre par le biais de son plaidoyer écrit.

[82]           Plus particulièrement, la Requérante mentionne la présence, au registre canadien des marques de commerce, de 171 marques de commerce déposées qui contiendraient le mot « defence » ou « defense » [défense] et de 273 marques de commerce déposées qui contiendraient la combinaison de lettres « defen ». La Requérante énumère également quatre marques de commerce, à savoir GORE-TEX BEST DEFENSE (LMC571,251) en liaison avec des produits et services qui incluraient des gants; 2nd DEFENSE (LMC841,071) en liaison avec des produits et services qui incluraient un type précis de gants; DEFENDO & Dessin (LMC643,625) en liaison avec des produits et services qui incluraient un type précis de gants; et PREMIUM DEFENSE (demande admise no 1,664,260) en liaison avec des gants de protection pour le travail.

[83]           Appliquant à la présente affaire les commentaires du registraire dans 1772887 Ontario Limited c Bell Canada, 2012 COMC 42, au paragraphe 24, je souligne que la preuve de l’état du registre ne peut pas être prise en considération lorsqu’elle est présentée dans le cadre de l’argumentation et sans la production de copies certifiées des enregistrements ou, à tout le moins, d’un affidavit exposant les détails des enregistrements pertinents [Unitron Industries Ltd c Miller Electronics Ltd (1983), 78 CPR (2d) 244 à la p 253 (COMC)]. En outre, il est bien établi en droit que, lorsqu’il se prononce dans une procédure d’opposition, le registraire n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire de prendre connaissance de ses propres dossiers, excepté pour vérifier l’existence des enregistrements ou des demandes de marque de commerce invoqués [Quaker Oats Co of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC) à la p 411; et Royal Appliance Mfg Co c Iona Appliance Inc (1990), 32 CPR (3d) 525 (COMC)]. Il revient aux parties à une procédure d’opposition de prouver chacun des aspects de leur thèse conformément à des règles de preuve relativement strictes [Loblaw’s Inc c Telecombo Inc 2004 CarswellNat 5135 au para 13 (COMC)].

[84]           En conséquence, je ne tiendrai pas compte de cette « preuve », car elle n’a pas été produite selon les règles. Quoi qu’il en soit, je souligne que seules trois marques déposées et une demande admise seraient pertinentes, ce qui est loin d’être un nombre suffisant pour que l’on puisse tirer des conclusions quant à l’état du marché [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[85]           Comme je l’ai indiqué précédemment, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Le fait que le fardeau ultime incombe à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

[86]           Contrairement à ce que prétend la Requérante, la question n’est pas de savoir si l’Opposante doit se voir accorder un monopole sur le mot suggestif « DEFENSE » au Canada, mais si une personne ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce DEFENSE de l’Opposante, employée en liaison avec les gants de l’Opposante, conclurait, en se fondant sur sa première impression et son souvenir imparfait, que les gants de la Requérante proviennent de la même source ou qu’une certaine forme d’autorisation existe entre les parties. J’estime qu’une telle situation pourrait se produire.

[87]           En effet, étant donné le recoupement potentiel entre les produits et les commerces respectifs des parties, je ne suis pas convaincue que la Requérante a suffisamment distingué sa Marque de celle de l’Opposante.

[88]           En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[89]           L’Opposante allègue que la Marque ne distingue pas les produits visés par la demande de la Requérante des produits de l’Opposante, et qu’elle n’est pas non plus adaptée à les distinguer étant donné l’emploi et l’enregistrement antérieurs par l’Opposante au Canada de sa marque de commerce DEFENSE.

[90]           Pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer qu’à la date de production de sa déclaration d’opposition (en l’espèce, le 2 juin 2014), sa marque de commerce était devenue connue dans une mesure suffisante pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst)]. Ainsi qu’il appert de mon examen de l’affidavit Meyers, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui a trait à ses gants DEFENSE.

[91]           Le fait que la date pertinente qui s’applique ne soit pas la même n’a pas d’incidence substantielle sur mon analyse exposée ci-dessus, relativement au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

[92]           En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est accueilli.

Les autres motifs d’opposition

[93]           Comme j’ai déjà repoussé la demande pour deux motifs, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition.

Décision

[94]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

 


Annexe A

 

Extrait de la pièce C jointe à l’affidavit Meyers montrant des images de différentes boîtes de gants

 

 

Extrait de la pièce D jointe à l’affidavit Meyers montrant des spécimens de documents publicitaires représentant des boîtes de gants

 

Annexe B

 

Extraits de la pièce D jointe à l’affidavit Meyers montrant des spécimens de documents publicitaires décrivant différentes utilisations possibles

 

 

 

        

        

 


 

Annexe C

 

Extrait de la pièce C jointe à l’affidavit Pecchioli

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2016-09-13

 

COMPARUTIONS

 

Cathering Daigle                                                                      POUR L’OPPOSANTE

 

Allan Oziel et Paul Lomic                                                       POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Norton Rose Fulbright                                                             POUR L’OPPOSANTE

 

Oziel Law                                                                                POUR LA REQUÉRANTE

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