Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 122

Date de la décision : 2010-08-10

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION en vertu de l’article 45, engagée à la demande de BCF, S.E.N.C.R.L., visant l’enregistrement no LMC208808 de la marque de commerce RUSSIAN VODKA & Dessin au nom de Spirits International B.V.

[1]               Le 18 juin 2008, à la demande de BCF, S.E.N.C.R.L. (la partie requérante), le registraire des marques de commerce a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) à Spirits International B.V. (l’inscrivante), la propriétaire inscrite de l’enregistrement de la marque de commerce susmentionnée. La marque de commerce RUSSIAN VODKA & Dessin (la Marque), illustrée ci-dessous, est enregistrée pour être employée en liaison avec de la « vodka » (les marchandises visées par l’enregistrement).

RUSSIAN VODKA & DESIGN

[2]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique si celle-ci a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours de la période de trois ans précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Dans la présente affaire, la période pertinente en ce qui concerne l’emploi est la période allant du 18 juin 2005 au 18 juin 2008 (la période pertinente). Je souligne que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a inscrit l’inscrivante à titre de propriétaire de l’enregistrement le 29 juin 2007, après une « conversion » de Spirits International N.V. le 29 mars 2007.

[3]               L’« emploi » en liaison avec des marchandises est décrit comme suit aux paragraphes 4(1) et 4(3) de la Loi :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[…]

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

Le paragraphe 4(1) s’applique en l’espèce.

[4]               En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivante a fourni l’affidavit de Pavel Fedoryna et les pièces « A » à « D », ainsi que l’affidavit de Michael S. Mulvey et les pièces « A » à « C ». Monsieur Fedoryna déclare qu’il est le directeur par intérim de la succursale suisse de l’inscrivante, tandis que M. Mulvey, Ph. D., affirme qu’il est chargé d’enseignement en marketing à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa et professeur invité à la Bucharest School of Management - programme MBA canadien. Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient représentées à une audience de vive voix.

[5]               Il est bien reconnu que de simples allégations d’emploi ne suffisent pas pour établir l’emploi d’une marque de commerce dans le contexte des procédures prévues à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)] (Aerosol Fillers). De plus, dans le cas des marchandises, il n’appartient pas au registraire ni à la Cour de trouver ou de fixer des normes à l’égard de la pratique normale du commerce [Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. et al. (1987), 17 C.P.R. (3d) 237 (C.A.F.)]. Bien que le critère de la preuve requise pour établir l’emploi dans une instance fondée sur l’article 45 soit très peu exigeant [Woods Canada Ltd. c. Lang Michener (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.), p. 480], et qu’il ne soit pas nécessaire de présenter une « preuve surabondante » [Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], encore faut-il mettre en preuve suffisamment de faits pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec les marchandises et les services que spécifie l’enregistrement au cours de la période pertinente. De plus, il incombe au propriétaire inscrit de convaincre le registraire [88766 Inc. c. George Weston Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 260 (C.F. 1re inst.)] et toute ambiguïté que renferme la preuve doit être interprétée à l’encontre de celui-ci [Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc., précitée].

[6]               Au paragraphe 1 de son affidavit, M. Fedoryna déclare ce qui suit :

[traduction]

Je suis le directeur par intérim de la succursale suisse de Spirits International B.V. (auparavant connue sous le nom de Spirits International N.V.). Les mots MA SOCIÉTÉ figurant dans le présent affidavit comprennent S.P.I. Group et ses sociétés affiliées ainsi que les droits que Spirits International B.V. a acquis en 1999 de la société par actions de type fermé Sojuzplodimport et ses prédécesseurs.

Monsieur Fedoryna décrit ensuite le contrôle exercé par MA SOCIÉTÉ sur les caractéristiques et la qualité des marchandises visées par l’enregistrement, la pratique normale du commerce établie par MA SOCIÉTÉ, la façon dont la Marque figure sur les produits de vodka de celle-ci et les chiffres des ventes de ladite société au Canada au cours de la période pertinente.

[7]               Au soutien de son affirmation concernant la composition de MA SOCIÉTÉ, M. Fedoryna joint comme pièce « D » une copie d’un extrait d’un registre de l’entreprise daté de juin 2006; intitulé « Certificate of S.P.I. Group SA » (certificat de S.P.I. Group SA), ce document [traduction] « énonce la position [de l’inscrivante] au sein de S.P.I. Group et de ses sociétés affiliées ». Le document en question comporte de nombreuses dispositions concernant les liens entre S.P.I. Group SA comme actionnaire de différentes sociétés, notamment Spirits Product International Intellectual Property B.V., Spirits International N.V., ZAO Sojuzplodimport et S.P.I. Spirits (Cyprus) Limited. Enfin, il appert du certificat que, puisque S.P.I. Group SA détient la majorité des actions de chacune de ces sociétés, [traduction] « il est permis de conclure que [ces quatre sociétés] sont des sociétés affiliées de [S.P.I. Group SA] et qu’elles appartiennent au même groupe de sociétés, soit le S.P.I. Group ».

[8]               Étant donné que l’ensemble de la preuve de l’inscrivante au sujet de l’emploi repose sur celle de MA SOCIÉTÉ (désignation donnée à un groupe de sociétés), il faut décider si cet emploi peut être attribué à l’inscrivante. Pour les besoins de la présente instance, le propriétaire inscrit ou le licencié doit, pour satisfaire les exigences du paragraphe 50(1) de la Loi, mentionner clairement dans l’affidavit ou dans la déclaration solennelle que le contrôle exigé par l’article 50 existe [voir Gowling, Strathy & Henderson c. Samsonite Corp. (1996), 66 C.P.R. (3d) 560 (C.O.M.C.), et Mantha & Associates. c. Central Transport Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 354 (C.A.F.)]. Subsidiairement, une description du contrôle ou une copie de l’accord de licence comportant des dispositions au sujet du contrôle serait également suffisante.

[9]               Il est également reconnu dans la jurisprudence que les exigences de l’article 50 peuvent être remplies si le président ou le directeur d’une société qui est propriétaire de la marque de commerce en question est également le président ou le directeur de l’utilisateur de celle-ci [voir Petro-Canada c. 2946661 Canada Inc. (1998), 83 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.), et Automobility Distribution Inc. c. Jiangsu Electronics Industries Ltd., (2005), 43 C.P.R. (4th) 157 (C.O.M.C.)]. Il est par contre indéniable que le registraire ne peut se fonder uniquement sur la structure de l’organisation en question pour conclure que le propriétaire inscrit contrôle les caractéristiques ou la qualité des marchandises et des services en liaison avec lesquels une marque de commerce sous licence est employée [voir MCI Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245 (C.O.M.C.); 3082833 Nova Scotia Co. c. Lang Michener LLP, 2009 CF 928 (C.F.); Dynatech Automation Systems Inc. c. Dynatech Corp. (1995), 64 C.P.R. (3d) 101 (C.O.M.C.)].

[10]           À cet égard, la partie requérante soutient que l’inscrivante n’a pas établi l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement, que ce soit par elle-même ou par un licencié, conformément à l’article 50 de la Loi. Plus précisément, elle fait valoir que l’utilisation des mots MA SOCIÉTÉ dans l’affidavit de M. Fedoryna est ambiguë et que, même si le déposant a fourni une déclaration du contrôle exercé par MA SOCIÉTÉ, il est difficile de savoir si l’inscrivante est l’entité qui exerçait le contrôle en question parmi les nombreuses entreprises qu’englobe cette désignation. L’inscrivante répond qu’elle fait indéniablement partie de MA SOCIÉTÉ et que, quelle que soit sa composition, elle a fourni la déclaration de contrôle exigée par l’article 50 de la Loi. Elle ajoute que l’affidavit établit simplement qu’il existe cinq sociétés qui sont situées dans des pays différents et qui participent au processus de vente des marchandises visées par l’enregistrement; l’inscrivante exerçait un contrôle sur tout emploi de la Marque en liaison avec de la vodka.

[11]           Dans son affidavit, M. Fedoryna affirme en toutes lettres que MA SOCIÉTÉ, et non l’inscrivante, exerçait un contrôle direct ou indirect sur les caractéristiques et sur la qualité de la vodka vendue en liaison avec la Marque au Canada au cours de la période pertinente. À cet égard, les déclarations sous serment du déposant ainsi que le certificat de S.P.I. Group SA produit comme pièce « D » corroborent l’affirmation de l’inscrivante elle-même selon laquelle elle n’est que l’une des nombreuses entités regroupées sous le nom de MA SOCIÉTÉ. C’est là la seule déclaration fournie par l’inscrivante au sujet du contrôle. Il n’y a pas de description du contrôle lui-même, ni de copie de l’accord de licence. Aucun détail n’est fourni non plus au sujet des présidents, des administrateurs ou des dirigeants des entités faisant apparemment partie de MA SOCIÉTÉ.

[12]           Lorsque j’examine l’ensemble de la preuve, je ne puis que conclure qu’un groupe de sociétés appelé MA SOCIÉTÉ et composé d’au moins cinq entités distinctes a exercé une forme de contrôle sur les caractéristiques ou sur la qualité des marchandises visées par l’enregistrement au cours de la période pertinente. Bien qu’il soit possible que l’inscrivante appartienne à l’une ou à chacune de ces entités ou qu’elle soit affiliée à celles-ci, il n’y a tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuve au sujet du contrôle pour me permettre de conclure que les ventes des marchandises visées par l’enregistrement en liaison avec la Marque, qu’elles aient été réalisées par MA SOCIÉTÉ ou par l’une des sociétés affiliées, seraient attribuées à l’inscrivante.

[13]           Étant donné qu’il n’y a aucun autre élément de preuve fourni au sujet de l’emploi, hormis celui de MA SOCIÉTÉ, et que l’inscrivante n’a pas confirmé clairement à mon avis qu’elle exerçait un contrôle sur la qualité ou sur les caractéristiques des marchandises visées par l’enregistrement qui ont été vendues au cours de la période pertinente, il n’est pas nécessaire de déterminer si les autres éléments de preuve présentés par M. Fedoryna au sujet de l’emploi de la Marque sont pertinents. J’aimerais toutefois commenter un argument que l’inscrivante a soulevé au cours de l’audience. Comme argument subsidiaire, l’inscrivante fait valoir que notre Commission n’a pas compétence pour examiner la question de savoir si les exigences de l’article 50 de la Loi sont respectées dans le cadre de la présente instance. En conséquence, elle estime qu’il n’est pas nécessaire d’établir l’emploi de la Marque par l’inscrivante ou par un licencié sous son contrôle, car tout emploi de la Marque au Canada au cours de la période pertinente suffirait.

[14]           Je conviens que les tribunaux ont affirmé à maintes reprises que les procédures prévues à l’article 45 ne visent pas à trancher des questions de fond comme la propriété, le caractère distinctif, le caractère descriptif ou l’abandon d’une marque de commerce désposée [voir United Grain Growers Ltd. c. Lang Michener (2001) 12 C.P.R. (4th) 89 (C.A.F.), Phillip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289, p. 293 (C.F. 1re inst.)], mais je ne suis pas d’accord avec l’inscrivante pour dire que la question du contrôle au sens de l’article 50 ne peut être visée par la procédure prévue à l’article 45 ou que la preuve de l’emploi de la Marque par quiconque au Canada au cours de la période pertinente suffit pour répondre à l’avis prévu à l’article 45. L’article 50 concerne une question qui est différente de celle du caractère distinctif, soit une question qui est visée par la procédure prévue à l’article 45 depuis que cette disposition est entrée en vigueur en 1993. L’emploi qui est défini à l’article 4 de la Loi s’entend de l’emploi par le propriétaire de la marque de commerce ou par une entité ayant obtenu une licence ou une autorisation de celui-ci conformément à l’article 50 de la Loi. Dire que l’emploi de la Marque, par quiconque, respecterait les exigences de l’article 45 de la Loi, une loi fondée sur le principe de l’acquisition de droits afférents à une marque découlant de son usage, va à l’encontre de la définition même de la marque de commerce.

[15]           Eu égard à ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

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P. Fung

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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