Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de
Cluett, Peabody Canada, Inc. à la demande no 886418
pour la marque de commerce
BLU AERO BY SEASONS et dessin y afférent
produite par Aero Garment Limited.
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Le 4 août 1998, la requérante Aero Garment Limited a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce BLU AERO BY SEASONS & dessin y afférent illustrée ci‑dessous :
La demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :
pantalons, jeans, chemises, chemisiers, jupes, robes, tee-shirts, chasubles, salopettes et chaussettes pour femmes.
La Division des examens du Bureau des marques de commerce a demandé à la requérante de présenter une demande révisée afin d’inclure 1) un dessin montrant clairement tous les éléments de la marque et 2) un désistement de l’usage exclusif du terme BLU en dehors de la marque de commerce intégrale. La requérante a satisfait aux demandes du Bureau et l’annonce de la marque aux fins d’opposition a suivi dans le Journal des marques de commerce en date du 27 octobre 1999. Cluett, Peabody Canada, Inc. a fait opposition à l’objet de la demande le 4 mars 2000. Le 28 mars 2000, le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante. Le 28 avril 2000, la requérante a répondu en déposant et en signifiant sa contre‑déclaration.
L’opposante fait valoir dans sa déclaration d’opposition qu’elle est propriétaire de nombreux enregistrements de marques de commerce aux fins de l’emploi en liaison avec des chemises et d’autres articles de vêtements comportant l’élément ARROW (les marques ARROW de l’opposante), notamment les marques ARROW, ARROW NATURALS, ARROW RUGGED WEAR, BRADSTREET BY ARROW, GOLDEN ARROW et THE ARROW COMPANY. Les motifs d’opposition allèguent que i) la marque BLU AERO BY SEASONS et dessin y afférent, dont l’enregistrement est demandé, n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi) parce qu’elle crée de la confusion avec les marques ARROW de l’opposante; ii) la requérante n’a pas droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi parce que la marque dont l’enregistrement est demandé crée de la confusion avec les marques ARROW de l’opposante antérieurement employées au Canada par elle; iii) compte tenu de la confusion entre les marques des parties, la marque BLU AERO BY SEASONS et dessin y afférent dont l’enregistrement est demandé n’est pas distinctive de la requérante.
La preuve de l’opposante est composée de l’affidavit de MaryAnne Lefebvre, secrétaire juridique. La preuve de la requérante est composée de l’affidavit de Bob Kent, vice‑président de la société requérante. L’affidavit de Mme Lefebvre ne sert qu’à mettre en preuve des copies des enregistrements des marques de commerce sur lesquels s’appuie l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Les parties ont toutes deux produit une argumentation écrite; seule l’opposante était toutefois représentée à l’audience.
La preuve par affidavit de M. Kent peut se résumer comme suit. La requérante est une société de Colombie‑Britannique établie à Vancouver qui exploite une entreprise de fabrication et de commercialisation de vêtements sport depuis le début des années 1920. La requérante a employé le nom commercial Aero Garment Limited depuis 1952 et le nom commercial abrégé Aero Garment depuis la fin des années 1940. Elle vend ses vêtements sport au Canada, aux États‑Unis et sur les marchés étrangers. Les ventes annuelles en gros varient entre 7 et 12 millions de dollars. Les revendeurs comprennent la Compagnie de la Baie d’Hudson, Sears et Cleo. Comme il est fréquent dans l’industrie du vêtement, la requérante a employé de nombreuses marques qui comportent le mot AERO pour des gammes particulières de vêtements et pour des périodes de temps déterminées. Certaines marques étaient enregistrées, mais si une marque n’était plus employée au moment d’en renouveler l’enregistrement, la requérante laissait l’enregistrement expirer. De telles marques comprennent AERO (employée des années 1940 aux années 1970), AG’S BY AERO (employée de la fin des années 1980 jusqu’au début des années 1990), PULSE BY AERO (employée approximativement de 1970 à 1985), AERO PRESSED FOR LIFE (employée de 1965 à approximativement 1980) et TYME BY AERO (employée approximativement de 1976 à 1991).
La marque BLU AERO BY SEASONS et dessin y afférent, dont l’enregistrement est demandé, a été employée pour la première fois à la fin de 1998. Les ventes effectuées pour cette marque sont passées de un million par année en 1999 à plus de 2,5 millions en 2001. Les affirmations de M. Kent s’appuient sur des pièces qui forment une partie intégrante de sa preuve par affidavit.
En ce qui concerne le second motif d’opposition, les paragraphes 16(3) et 16(5) de la Loi exigent que l’opposante fasse la preuve de l’emploi de sa marque de commerce avant la date de production de la demande de la requérante et qu’elle démontre que sa marque de commerce n’a pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande de la requérante (c’est‑à‑dire le 27 octobre 1999). Les enregistrements de l’opposante sont en preuve et on peut s’y rapporter pour établir l’emploi de ses marques à une date donnée ou approximative, à savoir la date indiquée sur la déclaration d’emploi constatée dans l’enregistrement. Cependant, l’enregistrement en soi ne suffit pas à établir l’emploi continu d’une marque ou le fait qu’elle n’a pas été abandonnée après la production de la déclaration d’emploi. Le second motif d’opposition est donc rejeté parce que l’opposante n’est pas parvenue à satisfaire aux exigences de la loi quant aux allégations faisant valoir l’absence de droit à l’enregistrement. Le troisième motif d’opposition alléguant le caractère non distinctif est également rejeté parce que l’opposante n’a pas démontré un emploi substantiel de ses marques : voir par exemple Heavy Duty Cycles Ltd. c. Harley-Davidson Inc. (1997), 72 C.P.R.(3d) 527 à la page 532 (C.F. 1re inst.).
La question déterminante de la présente procédure est de savoir si la marque dont l’enregistrement est demandé crée de la confusion avec une ou des marques ARROW de l’opposante. La date pertinente pour évaluer la question de la confusion quant au premier motif d’opposition est celle de ma décision; pour une revue de la jurisprudence concernant la date pertinente en matière de procédures d’opposition, voir American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 C.P.R (3d) 198 aux pages 206‑209 (C.F. 1re inst.).
Il incombe légalement à la requérante de démontrer l’absence de risque raisonnable de confusion au sens du paragraphe 6(2) entre la marque BLU AERO BY SEASONS et dessin y afférent, dont l’enregistrement est demandé, et l’une des marques déposées de l’opposante. Le fait qu’un fardeau repose sur la requérante signifie que s’il n’est pas possible de parvenir à une conclusion bien définie une fois toute la preuve recueillie, la question devra alors être tranchée contre elle : voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R (3d) 293 aux pages 297‑298 (C.F. 1re inst.). Le critère de la confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à considérer pour évaluer si deux marques créent de la confusion sont prévus au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenus connues; la période pendant laquelle chacune a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être examinés. Tous les facteurs n’ont pas nécessairement le même poids. L’importance à accorder à chacun dépend des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon and The Registrar of Trade‑marks (1996), 66 C.P.R (3d) 308 (C.F. 1re inst.).
En l’espèce, les marques des parties ne présentent pas un caractère distinctif inhérent très prononcé et ni l’une ni l’autre n’a démontré que ses marques avaient acquis une solide réputation à une date pertinente. L’élément AERO a toutefois été employé par la requérante comme composante de ses noms commerciaux et de ses marques de commerce depuis les années 1940. La population posséderait donc une certaine connaissance de l’emploi de l’élément AERO par la requérante. De plus, la marque dont l’enregistrement est demandé a commencé à avoir une certaine réputation depuis l’emploi de la marque commencé à la fin de 1998. De nombreuses marques de l’opposante ont été déposées des dizaines d’années avant la production de la demande en cause, mais une si longue période d’enregistrement ne confère aucun avantage si l’opposante n’établit pas l’emploi réel sur le marché de ses marques déposées. La nature des marchandises des parties est essentiellement la même ou elle est étroitement liée et ces marchandises seraient probablement vendues dans les mêmes circuits commerciaux. Le facteur le plus important en l’espèce en ce qui concerne la question de la confusion est le degré de ressemblance des marques des parties.
Les principes servant à décider si des marques de commerce se ressemblent sont présentés aux pages 4 et 5 de l’argumentation écrite de la requérante :
Pour décider si une marque de commerce ressemble ou non à une autre, il ne faut pas diviser les marques de commerce en ses composantes, mais chaque marque de commerce est plutôt comparée à l’autre comme un tout. Comme l’a expliqué le président Thorson dans Sealy Sleep Products Ltd. c. Simpsons Sears Ltd. (1960), 33 C.P.R. 129 à la page 136 (C.É.) :
[traduction] Les marques de commerces peuvent être différentes les unes des autres et donc ne pas créer de confusion entre elles lorsqu’on les examine dans leur ensemble, même si certains éléments examinés séparément contiennent des ressemblances. C’est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce, et c’est l’effet de l’ensemble de la marque de commerce, et non l’effet d’une partie particulière de celle‑ci, qu’il faut considérer.
La comparaison est faite du point de vue d’un membre du public. Ce critère a été développé par le juge Blair dans Cochrane-Dunlop Hardware Ltd. c. Capital Diversified Industries Ltd. (1976), 30 C.P.R. (2d) 176 à la page 188 (C.A. Ont.) :
[traduction] Dans son analyse de la question de savoir si les marques se ressemblent et jusqu’à quel point, la Cour doit se mettre à la place d’un commerçant ou d’un consommateur qui peut se rappeler vaguement d’une marque en voyant l’autre marque pour la première fois. C’est l’impression qu’on ressentira probablement à la vue des marques dans leur ensemble qui est cruciale. On doit éviter de tenter de disséquer les marques et d’analyser en détail leurs points de ressemblance ou de dissemblance. Un examen aussi méticuleux n’est pas réaliste sur le marché.
Alors que l’élément ARROW des marques de l’opposante comporte un degré élevé de ressemblance orale avec l’élément AERO de la marque dont l’enregistrement est demandé, il n’y a aucun autre point de ressemblance entre les marques des parties. L’impression visuelle d’ensemble que suscite la marque dont l’enregistrement est demandé est bien différente de celle des marques de l’opposante. L’idée suggérée par l’élément ARROW est un bâton avec un bout pointu alors que les idées suggérées par la marque dont l’enregistrement est demandé BLU AERO BY SEASONS et dessin y afférent sont : i) la couleur bleue; ii) l’action de voler; iii) les saisons. Considérées globalement, les marques des parties sont différentes visuellement, oralement et dans les idées qu’elles suggèrent.
Comme circonstance additionnelle quant à la question de la confusion, l’opposante a invoqué l’adoption et l’emploi d’une famille de marques de commerce ARROW. Cependant, compte tenu de la décision McDonald’s Corp. c. Yogi Yogurt Ltd., 66 C.P.R. (2d) 101, un opposant qui s’appuie sur une famille ou sur une série de marques de commerce doit démontrer l’emploi de ces marques sur le marché. En l’espèce, l’opposante n’a pas démontré un tel emploi et en conséquence, sa « famille » existante de marques de commerce déposées ne joue pas en faveur de sa cause.
Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la marque dont l’enregistrement est demandé ne crée pas de confusion avec aucune des marques de l’opposante à aucune date pertinente. L’opposition de l’opposante est en conséquence rejetée.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 13 SEPTEMBRE 2004.
Myer Herzig
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce