Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de S & S Productions Inc. à la demande no 1101107 produite par Andre M. Messier en vue de l’enregistrement de la marque de commerce POSSUM LODGES _                     

            

 

Le 3 mai 2001, Andre M. Messier (le « requérant ») a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce POSSUM LODGES (la « marque »). Il était, selon la demande, envisagé d’employer cette marque en liaison avec la « vente et location de logements récréatifs, nommément cabines, camps, gîtes, terrains de camping et chalets; immobilier récréatif en temps partagé; vente d’immobilier récréatif; location d’immobilier récréatif; réservations de logements récréatifs, nommément cabines, camps, gîtes, terrains de camping et chalets; restaurants ». Le requérant a renoncé au droit d’employer en exclusivité le mot LODGES autrement que dans la marque.

 

La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 8 janvier 2003 aux fins de la procédure d’opposition. Le 4 juin 2003, S & S Productions Inc. (l’« opposante ») a déposé une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande.

 

Les motifs d’opposition exposés dans la déclaration reposent sur les alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »). Le requérant a déposé et signifié une contre-déclaration rejetant les allégations avancées par l’opposante.

 

À titre de preuve visée par l’article 41 du Règlement, l’opposante a produit l’affidavit de David Smith, son vice-président chargé des affaires commerciales, ainsi que des copies certifiées des enregistrements canadiens des marques de commerce nos 466531 et 466655. M. Smith n’a pas été contre-interrogé sur son affidavit.

 

Le requérant a choisi de ne pas produire de preuve.

 

Les parties ont toutes deux déposé des observations écrites. Il n’y a pas eu d’audience.

 

Le fardeau de la preuve

Il incombe au requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela dit, il appartient initialement à l’opposante de produire des preuves admissibles permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition invoqués [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)b)

Selon le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)b), la marque du requérant ne saurait être enregistrée parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce de l’opposante, c’est‑à‑dire POSSUM LODGE et INTERNATIONAL POSSUM BROTHERHOOD et dessin, qui ont été enregistrées sous les nos 466531 et 466655 respectivement. L’état déclaratif des marchandises et services visés dans ces deux enregistrements contient ce qui suit :

[traduction]

Marchandises :
Articles vestimentaires, notamment des
tee-shirt, des chapeaux, des bretelles, des publications et documents imprimés, en particulier des brochures, des bulletins, des livres, des revues; des affiches, des shorts, des tasses, des autocollants pour pare-chocs et des écussons.

 

Services :
Exploitation d’une entreprise, pour le compte d’autrui, en vue de la production et de la distribution de programmes, de films et de vidéos destinés à la télévision, au cinéma et au marché des vidéocassettes; commercialisation et promotion de ces programmes, films et vidéos, ainsi que des personnages qui y sont représentés, notamment au moyen de l’organisation et du maintien de fan clubs, d’études de marché, de distribution de livres, de bulletins et de documents informatifs.

 

Les enregistrements étant en règle, l’opposante s’est acquittée du fardeau de preuve lui incombant.

 

Le critère permettant de conclure à une éventuelle confusion repose sur l’impression initiale et le souvenir imparfait. Suivant le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant ce critère, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles que prévoit le paragraphe 6(5) de la Loi, c’est‑à‑dire : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

Dans l’arrêt Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Association et al. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (C.A.F.), aux pages 58 et 59, le juge Malone a résumé en ces termes les principes qu’il convient d’appliquer pour évaluer le risque de confusion :

 

L’examen de certains arrêts-clés fournit également des principes directeurs pratiques. Par exemple, la Cour doit se mettre à la place d’une personne ordinaire qui est familière avec la marque antérieure mais qui n’en a qu’un vague souvenir; la question à se poser est de savoir si un consommateur ordinaire, au vu de la marque postérieure, aura comme première impression que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont en quelque façon associées à celles de la marque antérieure. S’agissant du degré de ressemblance dans la présentation, le son ou l’idée dont il est question à l’alinéa 6(5)e), les marques de commerce en cause doivent être examinées comme un tout. De la même façon, puisque c’est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère son caractère distinctif, il n’est pas correct, pour l’application du critère de la confusion, de placer les marques l’une en regard de l’autre et de comparer ou observer les ressemblances ou les différences des éléments ou des composantes de ces marques. En outre, les marques de commerce ne doivent pas être considérées séparément des marchandises ou services avec lesquels elles sont associées, mais en liaison avec ces marchandises ou services. Quand il s’agit de marques célèbres ou notoirement connues, il peut être plus difficile d’établir qu’il n’y a pas de probabilité de confusion, particulièrement quand le genre des marchandises est similaire. En dernier lieu, les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) ne doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids. Chaque cas de confusion peut justifier qu’on accorde plus d’importance à l’un de ces critères.

 

 

Pour évaluer le risque de confusion eu regard à ce motif d’opposition, la date à retenir est celle de ma décision. [Voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.).]

 

Je vais tout d’abord évaluer le risque de confusion entre la marque en cause et la marque enregistrée sous le no 466531, c’est-à-dire POSSUM LODGE.

 

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce

Les marques des deux parties ont effectivement un caractère distinctif inhérent en ce qui concerne les marchandises et services auxquels elles s’appliquent respectivement, mais la marque du requérant possède ce caractère à un degré moindre étant donné qu’elle décrit, en sa seconde partie, les services qu’il offre.

 

La mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues

Rien n’indique que la marque que le requérant projette d’employer a été employée ou annoncée. Par contre, la marque de l’opposante, POSSUM LODGE, a été largement employée au Canada depuis 1991. Elle a paru à la télévision dans le cadre du programme « Red Green Show », émission hebdomadaire diffusée d’abord à Hamilton (Ontario) puis, de 1994 à 1997, à l’échelle nationale sur le réseau de télévision Global, et, enfin, de 1997 au 10 février 2004 (date de l’affidavit de M. Smith) à l’échelle nationale par la Société Radio-Canada (CBC). Les émissions ont été reprises quotidiennement par la CBC ainsi que par le Comedy Network. Jusqu’au mois de février 2004, plus de 260 segments de 30 minutes du « Red Green Show » avaient été produits et diffusés au Canada.

 

Au paragraphe 20, M. Smith affirme :

[traduction] POSSUM LODGE, l’endroit où se réunit habituellement un cercle d’amis est, comme il l’a toujours été, au centre même du Red Green Show. Tout, dans cette émission, a lieu au POSSUM LODGE. Tous les épisodes, y compris les épisodes repris en vidéo, et le long métrage Duct Tape Forever, montrent les personnages s’activant au POSSUM LODGE. Dans chaque épisode, ainsi que dans chaque vidéo et dans le long métrage, les marques POSSUM LODGE et INTERNATIONAL POSSUM BROTHERHOOD et dessin, sont mises en évidence à l’écran. Dans chaque épisode, dans chaque bande vidéo ainsi que dans le long métrage, la POSSUM LODGE est constamment mentionnée. Les deux marques de commerce figurent également sur toute une gamme d’articles commercialisés, comme je l’expliquerai un peu plus loin. Les marques sont également en évidence sur le site Web officiel de Red Green, ainsi que sur chaque exemplaire du bulletin Red Green, qui était à l’origine diffusé aux membres du fan club de ce programme, qu’on appelait aussi membres de la POSSUM LODGE.

 

Au paragraphe 47, M. Smith affirme que, dans chacun des épisodes du RED GREEN SHOW, [traduction] « on fait constamment allusion à la POSSUM LODGE, en tant que lieu où se rencontrent et s’activent les protagonistes, et aussi en tant que cercle ou amicale auquel appartiennent les divers personnages ».

 

Les pièces produites par M. Smith comprennent notamment l’enregistrement vidéo d’un des épisodes de l’émission de télévision de l’opposante, ainsi que des exemplaires du bulletin diffusé aux membres du fan club [pièces 1, 2, 3, 4, et 27].

 

M. Smith a également fourni des détails concernant les marchandises vendues ou annoncées en liaison avec la marque POSSUM LODGE. Par exemple, des poupées à tête branlante dont l’emballage porte la marque POSSUM LODGE et des exemplaires du livre « Possum Lodge Poems and Campfire Songs » ont été vendus au Canada [paragraphes 28, 38 et 39, pièces 8, 9, 20 et 21, affidavit de Smith].

 

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

En ce qui concerne la durée de l’usage, il y a lieu de se prononcer en faveur de l’opposante.

 

Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

Les activités et marchandises des deux parties sont tout à fait différentes. Le requérant semble spécialisé dans la location et la vente de logements récréatifs, alors que l’opposante travaille pour la télévision. Il y a pourtant entre les deux secteurs d’activité un lien plus fort qu’on ne pourrait à première vue le penser. Comme l’a montré l’opposante, son émission de télévision porte à l’écran les activités d’un groupe d’hommes qui se réunissent régulièrement au sein de la POSSUM LODGE, et elle met en scène sur le mode satirique des spécimens représentatifs du Canadien-type sportif et amateur de vie au grand air. Ainsi, bien que les services offerts par les parties ne coïncident en rien, il existe néanmoins un certain lien entre eux.

 

L’opposante assure également la promotion et la vente de divers articles en liaison avec sa marque POSSUM LODGE [pièce 7, affidavit de Smith], et des cartes de membre de la POSSUM LODGE sont offertes aux membres de son fan club.

 

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

Les marques en question étant essentiellement identiques, elles se ressemblent au plus haut point.

 

Conclusion concernant le risque de confusion

Il incombe au requérant de démontrer qu’il n’y a aucun risque raisonnable de confusion entre les marques. Étant donné 1) que les marques sont pour ainsi dire identiques, 2) que la marque de l’opposante jouit d’une réputation appréciable et 3) que le requérant n’a produit aucune preuve, je considère qu’il existe, entre les services des deux parties, un lien tel qu’il y a un risque raisonnable de confusion. Autrement dit, le requérant ne m’a pas persuadée que, selon la prépondérance des probabilités, un Canadien ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce de l’opposante, POSSUM LODGE, employée en liaison avec l’émission de télévision de l’opposante, n’établirait pas, a priori, un lien entre les logements récréatifs et les services de restauration, offerts par le requérant sous la marque POSSUM LODGE, et l’émission de télévision.

 

Selon le paragraphe 19 de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381, le requérant était dans l’obligation de veiller à choisir un nom permettant d’éviter toute confusion, comme l’exige la définition de l’expression « marque de commerce projetée » à l’article 2 de la Loi. Or, j’estime que le requérant ne l’a pas fait.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)b) est par conséquent admis.

 

L’opposition ayant été accueillie, il n’y a pas lieu d’examiner les autres motifs d’opposition.

 

Décision

En vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le registraire des marques de commerce au titre du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande en application du paragraphe 38(8).

 

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 11 SEPTEMBRE 2006.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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