Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 207

Date de la décision : 2015-11-24

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

 

SALT Branding, LLC Limited Liability Company California

Opposante

et

 

Salt Creative Group, Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,537,788 pour la marque de commerce Salt Creative Group
1,537,793 pour la marque de commerce Salt Creative

 

Demandes

 

[1]               SALT Branding, LLC Limited Liability Company California s'oppose à l'enregistrement des marques de commerce Salt Creative Group et Salt Creative (les Marques), qui font l'objet des demandes d'enregistrement nos 1,537,788 et 1,537,793, respectivement, inscrites au nom de Salt Creative Group, Inc.

[2]               Chaque demande a été produite le 1er août 2011 et est fondée sur l'emploi de la marque de commerce au Canada depuis le 20 mai 2005 en liaison avec des [Traduction] « services de publicité, de conception et de consultation auprès des entreprises, nommément consultation en marketing; création et gestion de noms de marque pour des tiers et création de logos; services liés au nom et à la marque de produits et de services pour des tiers; conception et mise en œuvre de stratégies de marketing pour des tiers; conception, élaboration et création d'articles de papeterie, conception d'emballages, conception de sites Web pour des tiers sur un réseau informatique mondial; graphisme général pour le matériel de vente de tiers » (les Services).

[3]               Dans chaque affaire, l'Opposante allègue que : i) la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi); ii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque selon l'article 16 de la Loi; et iii) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi.

[4]               Pour les raisons exposées ci-après, je rejette l'opposition dans chaque affaire.

Le dossier

[5]               Dans chaque affaire, l'Opposante a produit une déclaration d'opposition le 28 juin 2013; la Requérante a ensuite produit et signifié sa contre-déclaration, dans laquelle elle conteste l'ensemble des motifs d'opposition.

[6]               Au soutien de chacune de ses oppositions, l'Opposante a produit une copie certifiée de l'historique du dossier de la demande en cause, une copie certifiée de l'enregistrement américain no 2,671,901 de la marque de commerce SALT de l'Opposante, une copie certifiée du certificat de dissolution de la Requérante daté du 2 mars 2010 et un affidavit essentiellement identique d'Angela C. Wilcox, une avocate au sein du cabinet américain qui agit au nom de l'Opposante dans ses affaires de marques de commerce. Au soutien de chacune de ses demandes, la Requérante a produit le même affidavit de Louise Sallese, propriétaire et présidente de la Requérante. Aucune des déposantes n'a été contre-interrogée.

[7]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit dans chaque affaire. Les parties étaient aussi toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue relativement aux deux procédures d'opposition.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[8]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que ses demandes sont conformes aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd. (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298].

Motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif

[9]               Dans chaque affaire, les motifs d'opposition invoqués au titre des articles 16 et 2 de la Loi sont rejetés sommairement, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

[10]           Pour s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement au titre de l'article 16(1)a) de la Loi, l'Opposante devait démontrer que sa marque de commerce SALT alléguée avait déjà été employée ou révélée au Canada à la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, ce qu'elle n'a pas fait.

[11]           Pour s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement au titre de l'article 16(1)c) de la Loi, l'Opposante devait démontrer que son nom commercial SALT BRANDING allégué avait déjà été employé au Canada à la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, ce qu'elle n'a pas fait.

[12]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif au sens de l'article 2 de la Loi, l'Opposante devait démontrer que sa marque de commerce SALT alléguée ou son nom commercial SALT BRANDING allégué étaient devenus suffisamment connus au Canada à la date de production de la déclaration d'opposition pour faire perdre aux Marques leur caractère distinctif [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 FC 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF); Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.); et BojanglesInternational LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)], ce qu'elle n'a pas fait.

La demande d'enregistrement est-elle conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi?

[13]           Dans chaque affaire, l'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi, à savoir que :

                    i.          la demande n'est pas conforme à l'article 30a) de la Loi, parce que la Requérante n'a pas inclut d'état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des produits ou des services spécifiques en liaison avec lesquels la Marque [Traduction] « a réellement été employée au Canada »;

                  ii.          la demande n'est pas conforme à l'article 30b) de la Loi, parce que la Requérante n'emploie pas la Marque au Canada en liaison avec les Services depuis la date de premier emploi alléguée, ou subsidiairement ne l'a pas employée de façon continue depuis cette date; et

                iii.          la demande n'est pas conforme à l'article 30i) de la Loi, parce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Services :

a.              compte tenu de la révélation antérieure par l'Opposante de sa marque de commerce SALT et de la révélation et de l'emploi antérieurs de son nom commercial SALT BRANDING en liaison avec les mêmes services ou le même type de services;

b.             compte tenu des [Traduction] « intérêts et/ou droits antérieurs » de l'Opposante à l'égard de la marque de commerce SALT au Canada en liaison avec les mêmes services ou le même type de services, dont avait connaissance la Requérante avant la production de la demande en cause;

c.              étant donné que la Requérante a produit sa demande de mauvaise foi, ayant essentiellement copié l'état déclaratif des services de l'Opposante qui figurent dans ses enregistrements américains correspondants des marques de commerce SALT et SALT BRANDING lorsqu'elle a produit sa propre demande au Canada, d'où l'allégation de l'Opposante selon laquelle la Requérante n'a pas réellement employé la Marque en liaison avec l'ensemble ou l'un quelconque des Services à la date de premier emploi alléguée, [Traduction] « car la Requérante n'a pas rédigé cet état déclaratif des services d'après [ses] propres activités réelles alléguées »; et

d.             étant donné que la Requérante a produit sa demande de mauvaise foi puisqu'elle avait parfaitement connaissance des intérêts que détient l'Opposante dans la Marque au Canada et de ses objections à l'emploi de la Marque par la Requérante au Canada.

[14]           La date pertinente pour l'examen des circonstances se rapportant aux motifs d'opposition fondés sur la non-conformité à l'article 30 est la date de production de la demande, soit le 1er août 2011 dans chaque affaire [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)].

Motif fondé sur l'article 30a)

[15]           En ce qui concerne le motif fondé sur l'article 30a), l'Opposante a fait valoir à l'audience que, dans chaque affaire, l'état déclaratif des services figurant dans la demande en cause n'est pas représentatif des services réellement fournis par la Requérante en liaison avec la marque de commerce. Il plus approprié d'invoquer un tel argument au titre de l'article 30b) de la Loi. En conséquence, je rejette le motif d'opposition fondé sur la non-conformité à l'article 30a) de la Loi parce qu'il n'a pas été plaidé correctement.

Motif fondé sur l'article 30b)

[16]            Dans chaque affaire, l'Opposante allègue que i) la Requérante n'emploie pas la marque de commerce au Canada en liaison avec les services visés par la demande depuis la date de premier emploi revendiquée; ii) ou subsidiairement n'a pas employé la marque de commerce de façon continue depuis la date de premier emploi revendiquée.

[17]            La question que pose l'article 30b) est celle de savoir si la Requérante a employé les Marques de manière continue dans la pratique normale du commerce pendant la période comprise entre la date de premier emploi alléguée et la date pertinente [voir Immuno AG c Immuno Concepts, Inc (1996) 69 CPR (3d) 374 (COMC); Labatt Brewing Co c Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst.), p. 262; et Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323].

[18]            Dans chaque affaire, l'Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve suffisante pour étayer son allégation de non-conformité de la demande à l'article30b) de la Loi, en gardant à l'esprit que les faits en rapport avec le premier emploi par la Requérante relèvent essentiellement de la connaissance de la Requérante [voir Tune Masters c Mr Ps Mastertune Ignition Services Ltd (1996), 10 CPR (3d) 84 (COMC), p. 89 et Corporativo de Marcas, précitée]. Pour s'acquitter de ce fardeau initial, l'Opposante peut s'appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur celle de la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst.), p. 230]. Si l'Opposante réussit à s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe, la Requérante doit alors, en réponse, corroborer sa revendication d'emploi pendant la période pertinente.

[19]            Dans chaque affaire, en ce qui a trait au premier volet du motif fondé sur l'article 30b), l'Opposante soutient que la marque de commerce qui a été employée n'est pas celle qui figure dans la demande et que les services fournis ne sont pas ceux qui sont énoncés dans la demande. À l'appui, l'Opposante invoque l'affidavit de Mme Salles produit par la Requérante; je résumerai en premier lieu les points les plus importants de son affidavit.

[20]            Dans son affidavit, Mme Sallese affirme que, du 21 juin 1999 à mai 2005, elle et son époux ont exploité une entreprise de marketing, de publicité et de conception sous le nom de « Salt », un jeu de mots avec « sale », qui provient de leur nom de famille et qui signifie « salt » (sel) en italien. Des spécimens de factures datées de 2001 à 2004 arborant les termes SALT ADVERTISING & DESIGN accompagnés d'un dessin géométrique sont joints comme Pièce C. Les services qui sont décrits dans ces factures comprennent la création et la conception d'un magazine (ce qui comprenait une étude de marché et des consultations, la création de l'image de marque et des concepts de logo); le concept et la conception d'un rapport annuel et d'une mise en page Web; la direction et la conception artistique créative d'une brochure touristique; du matériel pour des salons de mariage; et la direction artistique créative d'une séance de photos. Des extraits de magazines et de calendriers datés de 2001 à 2004 reconnaissant la contribution de Salt sont joints comme Pièce D.

[21]            Selon Mme Sallese, elle et son époux ont décidé de constituer la Requérante en société le 20 mai 2005; une copie du certificat de constitution est jointe comme Pièce F. Les noms de domaine <saltcreativegroup.com>, <saltcreative.ca> et <saltcreativegroup.ca> ont été enregistrés entre 2005 et 2011 [Pièces G, H et J]. Je souligne que le registraire a déjà déterminé que le simple enregistrement d'un nom de domaine ne constitue pas l'emploi d'une marque de commerce ni l'emploi d'un nom commercial [voir Sun Media Corporation c The Montreal Sun (Journal Anglophone) Inc 2011 COMC 15 (CanLII); 4358376 CanSada Inc c 770879 Ontario Ltd 2012 COMC 213 (CanLII); Lofaro c Esurance Inc 2010 COMC 216 (CanLII)].

[22]            Mme Sallese affirme que, depuis sa constitution en société, la Requérante a été fort active. Des copies de factures choisies se rapportant à des travaux accomplis pour divers clients entre le 5 juin 2005 et le 20 mars 2014 sont jointes comme Pièce O; des extraits de diverses publications reconnaissant la contribution de la Requérante pour ses travaux de conception entre 2005 et 2008 sont joints comme Pièce P. Je souligne que la marque de commerce suivante (reproduite ci-dessous) figure sur les factures datées de 2006 à 2014, tandis qu'aucune marque de commerce ne figure sur les factures de 2005. Les services décrits dans les factures choisies comprennent la sélection de fournisseurs, la recherche et la manipulation d'images et de photos; la conception, la mise en page et l'impression de cartes missionnaires; le concept créatif d'un livre; la direction artistique de séances de photos; l'épreuve d'un livre; l'impression de chemises; la conception, la mise en page et l'impression de cartes postales; la modification de la mise en page de publications; la reconception de couvertures; la direction artistique et la conception des images d'une publication; la disposition d'images; la production d'épreuves de conception; le concept et les travaux en studio pour une publication; les concepts d'une publicité; la stratégie de marque; la marque nominale d'un logo iconique d'entreprise; une publicité imprimée pour l'ouverture d'une galerie; la création d'un logo avec application à des cartes professionnelles, du papier à en-tête et des enveloppes; la conception, la mise en page et la production numérique de matériel pour des événements dont une brochure, une invitation, des insignes porte-noms, des encarts, une bannière Web, une annonce Web; la direction artistique et la création en studio d'articles de papeterie et de tableaux d'affichage numériques, etc.

Le même dessin figure sur des extraits de deux publications imprimées jointes comme Pièce P, tandis que les mots « Designed by: SALT Creative Group » (Conçu par : SALT Creative Group) figurent au dos d'une couverture de livre et qu'un autre extrait contient les mots « DESIGNED BY SALTCREATIVEGROUP.COM » (CONÇU PAR SALTCREATIVEGROUP.COM).

[23]            Des copies des cartes professionnelles, des dépliants et des brochures de la Requérante, qui auraient été diffusés à diverses réunions et à divers événements auxquels elle a participé, sont jointes comme Pièce T; des copies des cartes de Noël et des cartes virtuelles de la Requérante sont jointes comme Pièce U. Selon Mme Sallese, les cartes de Noël et les cartes virtuelles de la Requérante ont été envoyées à environ 90 clients actuels et potentiels chaque année entre 2005 et 2013, le public cible étant les petites et moyennes entreprises de Toronto et de la région du Grand Toronto. Je souligne que le même dessin figure sur les spécimens de cartes professionnelles et de brochures de la Requérante, de même que des mentions relatives à la publicité, la conception, la création de marques, le marketing, un bulletin, des magazines, des brochures, des articles de papeterie, des emballages, la communication d'entreprise, le publipostage, des affiches, des calendriers, des rapports annuels, etc. Le même dessin figure aussi sur certains des spécimens de cartes de Noël et de cartes virtuelles joints, tandis que d'autres renferment un dessin semblable dans lequel l'élément graphique figure à la gauche des mots « SALT CREATIVE ».

[24]            Dans ses observations écrites et à l'audience, l'Opposante a fait valoir que l'emploi du dessin susmentionné ne constitue pas un emploi de la Marque, mais d'une marque composée nouvelle et différente formée [Traduction] « du mot SALT, suivi du dessin de flamme, puis des mots CREATIVE GROUP ». L'Opposante soutient également que le dessin fait clairement partie de la marque de commerce puisqu'il ne figure pas en tant qu'élément distinct.

[25]            En réponse, la Requérante fait simplement valoir que la preuve établit l'emploi des Marques.

[26]             En général, l'emploi d'une marque nominale peut être étayé par l'emploi d'une marque composée formée de la marque nominale et d'autres éléments [voir Nightingale Interloc Ltd c Prodesign (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. De plus, tel qu'indiqué dans Stikeman, Elliot c Wm Wrigley Jr Co (2001), 14 CPR (4th) 393 (COMC), à la p. 395, dans le contexte d'une marque nominale qui est déposée :

[Traduction]
Comme l'a clairement fait remarquer le déposant, la marque de commerce telle qu'elle est enregistrée est une marque nominale. Aucun dessin ni taille de police n'a été enregistré. Par conséquent, dans le cas d'une marque nominale, l'emploi du mot ou des mots servant de marque de commerce, qu'importe la forme ou la couleur, peut être considéré comme un emploi de la marque déposée.

[27]            Ainsi, comme les Marques en question sont des marques nominales, la présentation des mots SALT CREATIVE et SALT CREATIVE GROUP, qu'importe la forme, peut être considérée comme constituant l'emploi des Marques.

[28]            En ce qui concerne l'ajout du dessin et des éléments écrits, conformément aux principes établis dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l'informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF) et dans Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), j'estime que la caractéristique essentielle des Marques, à savoir les mots SALT CREATIVE dans chaque affaire, a été préservée et que l'ajout du dessin constitue une variation mineure de telle sorte que, dans chaque affaire, la marque de commerce visée par la demande n'a pas perdu son identité et demeure reconnaissable. Il en est ainsi du fait de la taille relative des mots SALT et CREATIVE comparativement à l'élément graphique, de l'emploi de la même police de caractères pour les deux mots et parce que le consommateur moyen percevrait les mots SALT CREATIVE ensemble malgré l'ajout du dessin. De plus, j'estime que les éléments écrits supplémentaires, « INC. » dans le cas de la demande no 1,537,788 et « GROUP INC. » dans le cas de la demande no 1,537,793, constituent dans chaque affaire une variation mineure compte tenu de leur nature descriptive, de leur taille, de même que de leur positionnement distinct.

[29]            En dernière analyse, j'estime que la marque de commerce telle qu'elle est employée dans les factures et les publications imprimées susmentionnées constitue un affichage des Marques.

[30]            Quant à l'allégation selon laquelle les services fournis ne sont pas ceux qui sont décrits dans les demandes, je ne vois aucune incompatibilité entre les services décrits dans l'affidavit de Mme Sallese, y compris ceux qui sont énoncés dans les spécimens de publicités et de factures, et ceux qui sont décrits dans l'état déclaratif des services figurant dans les demandes en cause. En l'absence d'éléments de preuve donnant à penser que la Requérante n'a pas employé les Marques au Canada à la date de premier emploi alléguée, la Requérante n'est pas tenue de produire une preuve positive d'un tel emploi. En conséquence, je rejette le premier volet du motif d'opposition fondé sur l'article 30b) parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait dans chaque affaire.

[31]            En ce qui concerne le deuxième volet du motif d'opposition fondé sur l'article 30b), l'Opposante soutient dans chaque affaire que la Requérante a été dissoute le 2 mars 2010 et que la Requérante n'a donc pas employé la Marque de manière continue depuis la date de premier emploi revendiquée. À l'appui, l'Opposante a produit une copie certifiée du certificat de dissolution de la Requérante daté du 2 mars 2010. J'estime par conséquent que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial.

[32]            Dans son affidavit, Mme Sallese affirme que, même si la Requérante a continué à exercer ses activités aprèssa constitution en 2005, elle a été dissoute par Industrie Canada le 2 mars 2010 pour non-paiement de la taxe de maintien du statut actif de la société. Mme Sallese explique qu'elle et son époux n'ont eu connaissance de la dissolution que sur réception d'une lettre de l'Agence du revenu du Canada le 8 août 2011 concernant la production de la déclaration de revenus des sociétés [Pièce K]. Mme Sallese affirme qu'elle a demandé un certificat de reconstitution le 17 août 2011 et que le certificat a été délivré le jour même [Pièce L]. Mme Salles affirme également que la Requérante a continué à exécuter ses services pendant cette période. Des états des revenus caviardés de la Requérante pour les années se terminant le 31 janvier 2011 et le 31 janvier 2012 de même que des grands livres caviardés correspondant à cette période sont joints comme Pièce Q.

[33]            Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante soutient que tout emploi allégué des Marques pendant cette période d'un an et demi ne peut être attribué à la Requérante, car celle-ci n'avait pas d'existence à titre d'entité juridique, et on ne peut donc pas dire que la Requérante a employé les Marques de manière continue depuis la date de premier emploi revendiquée.

[34]            Dans son plaidoyer écrit, la Requérante souligne que le Formulaire 15, qui concerne les clauses de reconstitution de la société en vertu de l'article 209 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, également joint comme Pièce L à l'affidavit de Mme Sallese, indique qu'« une société reconstituée est rétablie comme si elle n'avait jamais été dissoute » et que « les livres publics indiqueront les statuts de la société reconstituée tels qu'ils apparaissaient au moment de la dissolution ». La Requérante fait également valoir que, de toute manière, la preuve établit clairement l'emploi continu des Marques par la Requérante pendant la période pertinente.

[35]            L'article 209 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, ch. C-44 prévoit ce qui suit :

(1) Tout intéressé peut demander au directeur la reconstitution en société régie par la présente loi d'une personne morale dissoute en vertu de la présente partie, de l'article 268 de la présente loi, de l'article 261 de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, chapitre 33 des Statuts du Canada de 1974-75-76, ou du paragraphe 297(6) de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif.

(2) Les clauses de reconstitution sont envoyées au directeur en la forme établie par lui.

(3) Sur réception des clauses de reconstitution, le directeur doit délivrer un certificat de reconstitution conformément à l'article 262 si :

a) la personne morale a rempli les conditions préalables à la délivrance qu'il estime raisonnables;

b) il n'y a aucun motif valable d'en refuser la délivrance.

(3.1) La personne morale est reconstituée en société régie par la présente loi à la date figurant sur le certificat.

(4) Sous réserve des modalités raisonnables imposées par le directeur, des droits acquis par toute personne après sa dissolution et de tout changement aux affaires internes de la société survenu après sa dissolution, la société reconstituée recouvre, comme si elle n'avait jamais été dissoute :

a) la même situation juridique, notamment ses droits et privilèges, indépendamment de leur date d'acquisition;

b) la responsabilité des obligations qui seraient les siennes si elle n'avait pas été dissoute, indépendamment de la date où elles ont été contractées.

(5) Est valide toute action en justice concernant les affaires internes de la société reconstituée intentée entre le moment de sa dissolution et celui de sa reconstitution.

[36]            Dans l'affaire Litemor Distributors (Ottawa) Ltd v WC Somers Electric Ltd, 2004 CanLII 39026 (ON SC), 73 OR (3d) 228, la Cour supérieure de justice de l'Ontario affirme, en lien avec l'article 209(4) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et une disposition équivalente de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario, que [Traduction] « à la reconstitution, toute action prise au nom de la société par ses dirigeants pendant la période de dissolution est “remédiée”, de telle sorte qu'une telle action est réputée avoir été prise par la société elle-même, même si celle-ci était dissoute à ce moment-là » [para. 27]. De même, dans son analyse de l'article 209(4) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et de sa disposition équivalente dans la Loi sur les sociétés par actions du Nouveau-Brunswick, la Cour canadienne de l'impôt souligne dans Leger c La Reine 2007 CCI 322 (CanLII) que [Traduction] « la reconstitution d'une société est rétroactive à la date de sa dissolution et que, à toutes fins utiles, la société est réputée n'avoir jamais été dissoute » [para. 26].

[37]            L'affidavit de Mme Sallese doit être considéré dans son ensemble. En plus de fournir un certificat de reconstitution, la Requérante a fourni la preuve qu'elle a continué à exécuter les Services en liaison avec les Marques pendant la période de dissolution temporaire. L'article 209(4) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions prévoit que, une fois reconstituée, la Requérante recouvre la même situation juridique, notamment ses droits et privilèges, « comme si elle n'avait jamais été dissoute »; par conséquent, je suis convaincu que les Marques ont été employées de manière continue depuis la date de premier emploi revendiquée.

[38]            Compte tenu de ce qui précède, je rejette le deuxième volet du motif d'opposition fondé sur l'article 30b) dans chaque affaire.

Motif fondé sur l'article 30i)

[39]           L'article 30i) de la Loi exige que le requérant se déclare convaincu, dans sa demande, d'avoir droit d'employer la marque de commerce au Canada. D'après la jurisprudence, lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée, on ne peut conclure à la non-conformité à l'article 30i) de la Loi qu'en présence de circonstances exceptionnelles qui rendent la déclaration du requérant invraisemblable [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155]. J'examinerai chacune des allégations que l'Opposante a formulées au titre de l'article 30i) de la Loi dans sa déclaration d'opposition..

[40]           Le simple fait que l'Opposante a allégué l'emploi antérieur ou la révélation antérieure de sa marque de commerce et de son nom commercial en liaison avec les mêmes services ou le même type de services que ceux de la Requérante au Canada n'est pas en soi suffisant pour mettre en cause l'article 30i) de la Loi. De même, le simple fait que la Requérante pouvait avoir connaissance des [Traduction] « intérêts et/ou droits antérieurs » allégués de l'Opposante à l'égard de sa marque de commerce au Canada, ou de ses [Traduction] « objections antérieures » à l'emploi des Marques au Canada, n'est pas en soi suffisant pour laisser croire à la mauvaise foi et mettre en cause l'article 30i) de la Loi [voir Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)].

[41]           L'Opposante allègue également que, dans chaque affaire, la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30i) de la Loi du fait que la Requérante n'a pas réellement employé la marque de commerce en liaison avec l'ensemble ou l'un quelconque des services décrits dans sa demande depuis la date de premier emploi alléguée. À cet égard, l'Opposante fait valoir que la Requérante a essentiellement copié l'état déclaratif des services de l'Opposante figurant dans ses enregistrements étrangers. Il est plus approprié d'invoquer un tel argument au titre de l'article 30b) de la Loi. J'écarte la question parce qu'elle n'a pas été plaidée correctement, car l'article 30i) de la Loi ne devait pas être mis en cause.

[42]           À l'audience, l'Opposante a également allégué que, dans chaque affaire, la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30i) de la Loi du fait que la Requérante n'a pas produit une demande d'enregistrement pour sa propre marque de commerce, mais pour celle de l'Opposante, car la Requérante a essentiellement copié l'état déclaratif des services de l'Opposante figurant dans ses enregistrements étrangers. Ainsi, l'Opposante soutient que chaque demande comporte une fausse déclaration importante. En réponse, la Requérante soutient que cette allégation en particulier n'a pas été formulée dans les déclarations d'opposition et qu'il n'existe aucune preuve qu'une fausse déclaration a été faite. Je me contenterai de dire qu'en choisissant de ne produire aucune preuve d'emploi ou de révélation de sa marque de commerce ou de son nom commercial au Canada, l'Opposante a, du même coup, choisi de ne pas corroborer sa revendication à l'égard des Marques au Canada. En conséquence, j'écarte cette question soulevée au titre de l'article 30i).

[43]           La dernière question soulevée dans le cadre du motif fondé sur l'article 30i) concerne une allégation de mauvaise foi fondée sur la présomption que la Requérante a essentiellement copié l'état déclaratif des services figurant dans les enregistrements américains de l'Opposante. Une copie d'une mise en demeure datée du 29 juillet 2011 accompagnée de copies des enregistrements américains des marques de service SALT et SALT BRANDING de l'Opposante portant respectivement les nos 2,671,901 et 2,596,052, envoyée à la Requérante par le représentant américain en marques de commerce de l'Opposante, ainsi que le dossier des demandes en cause sont joints comme Pièce A à l'affidavit de Mme Wilcox. Je souligne que, dans chaque affaire, la demande en cause, telle qu'elle a été produite au départ auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada le 1er août 2011, renfermait un état déclaratif des services qui est pratiquement identique à celui des enregistrements américains de l'Opposante. De ce fait, l'Opposante soutient que les demandes en cause n'ont pas été produites de bonne foi et que la Requérante [Traduction] « cherchait sans doute à s'assurer que ses demandes auraient les meilleures chances de faire obstacle à toute demande produite par la suite par l'Opposante ».

[44]           En réponse, la Requérante fait valoir que [Traduction] « le copiage des états déclaratifs des services est dans les faits encouragé par l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, qui tient une liste de descriptions de services approuvées pour emploi dans les demandes d'enregistrement ». De plus, la Requérante invoque l'affidavit de Mme Sallese comme preuve qu'une entreprise a été exploitée au Canada par Mme Sallese, la propriétaire et présidente de la Requérante, et son époux de 1999 à 2005 sous le nom de SALT dans le domaine du marketing, de la publicité et de la conception, avant que la Requérante soit constituée en société en 2005 et qu'elle produise des demandes d'enregistrement pour les Marques [paragraphes 2 à 10 de l'affidavit de Mme Sallese]. De ce fait, la Requérante soutient que la preuve démontre clairement que, non seulement elle croyait avoir droit d'employer les Marques, mais elle avait en réalité droit de les employer.

[45]           Si l'Office de la propriété intellectuelle du Canada tient une liste de produits et de services pré-approuvés dans son Manuel des produits et des services, il ne formule pas de commentaires quant aux pratiques impliquant le copiage d'états déclaratifs de produits et de services figurant dans des demandes ou des enregistrements de tiers, au Canada ou à l'étranger. Je souligne que l'état déclaratif des services en question ne semble pas être tiré de la liste pré-approuvée que contient le Manuel des produits et des services. Les demandes en cause semblent plutôt être fortement inspirées de l'état déclaratif des services figurant dans les enregistrements américains des marques de commerce SALT et SALT BRANDING de l'Opposante.

[46]           Même dans ce cas, j'estime que le simple copiage d'un état déclaratif des services ne met pas à lui seul en doute la véracité de la déclaration de la Requérante faite au titre de l'article 30i) de la Loi à l'égard de chacune de ses demandes, surtout lorsque je tiens compte du fait que la propriétaire de la Requérante exploitait une entreprise semblable sous un nom qui ressemble beaucoup aux Marques des années avant de recevoir la mise en demeure de l'Opposante.

[47]           Dans Taverniti SARL c DGGM Bitton Holdings Inc (1986), 8 CPR (3d) 400 (COMC), aux p. 404-405, le membre Troicuk affirme ce qui suit en ce qui concerne un motif fondé sur l'article 30i) :

[Traduction]
Le troisième motif d'opposition de l'opposante porte que la demande de la requérante n'est pas conforme à l'article 30i), en ce sens que la requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la marque de commerce au Canada... L'opposante a fait valoir qu'on pouvait déduire de la preuve que... la requérante était au courant des marques de commerce de l'opposante et... ne pouvait pas être convaincue qu'elle était la personne ayant droit à l'enregistrement. À l'appui de cette observation, l'opposante a invoqué la décision de la Cour de l'échiquier dans l'affaire Williamson Candy Co. c W. J. Crothers Co., [1924] R.C. de l'Éch. 183 (C. de l'Éch. du Can.) et, en particulier, la déclaration suivante du juge Maclean, à la p. 191 :

[Traduction]
Je crois que le fait de savoir qu'il existe à l'étranger un enregistrement et un usager d'une marque adoptée à l'égard d'une même catégorie de produits, comme en l'espèce, devrait dans la plupart des cas constituer un obstacle à l'enregistrement fait sciemment de cette marque au Canada, en particulier lorsque l'usager étranger se trouve dans un pays contigu où l'on parle la même langue, que les déplacements entre les deux pays sont faciles et que la publicité circule librement.

L'affaire Williamson a toutefois été tranchée en vertu de la Loi des marques de commerce et dessins de fabrique, L.R.C. 1906, ch. 71, dont l'art. 13 exigeait que la requérante déclare que la marque de commerce pour laquelle elle demandait l'enregistrement n'était pas, à sa connaissance, employée par toute autre personne qu'elle-même au moment de son adoption de ladite marque. Aucune disposition du genre n'existe dans l'actuelle Loi sur les marques de commerce. En l'espèce, l'opposante n'a pas établi l'emploi antérieur, la révélation antérieure ou la production antérieure d'une demande d'enregistrement, ni que ses marques de commerce étaient suffisamment connues au Canada pour faire perdre à la marque de commerce de la requérante son caractère distinctif. Il n'existe donc aucun fondement permettant de conclure que la requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer sa marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises visées dans sa demande. En conséquence, je rejette aussi le troisième motif d'opposition de l'opposante.

[48]           Compte tenu de ce qui précède, il m'est impossible de conclure que les demandes ont été produites de mauvaise foi du simple fait que la Requérante semble avoir employé le libellé des états déclaratifs des services figurant dans les enregistrements de l'Opposante lorsqu'elle a produit ses propres demandes relatives aux Marques. Cela est d'autant lorsqu'on considère l'histoire de la société et les services que la Requérante a exécutés au fil des années en liaison avec la Marque et ses variations, comme l'explique Mme Sallese dans son affidavit.

[49]           En conséquence, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 30i) dans chaque affaire.

Décision

[50]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition dans chaque affaire conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Pik-Ki Fung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

Date de l'audience : 30 septembre 2015

 

Comparutions

 

Richard Whissell                                                                      Pour l'Opposante

 

Steven H. Leach                                                                      Pour la Requérante

 

Agents au dossier

 

MacRae & Co.                                                                         Pour l'Opposante

 

Ridout & Maybee LLP                                                            Pour la Requérante

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