Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION
d’Alberto-Culver Company à la demande
numéro 1,148,391 produite par
VOV Cosmetics Co., Ltd. en vue de l’enregistrement
de la marque de commerce VOV Design
Le 30 juillet 2002, la requérante, VOV Cosmetics Co., Ltd. a demandé l’enregistrement de la marque de commerce VOV Design (illustrée ci‑dessous) (la marque en cause). Sa demande était fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada; elle a été modifiée, puis annoncée pour fin d’opposition le 3 septembre 2003. Elle vise les marchandises suivantes :
Parfums, rouge à lèvres, vernis à ongles, dissolvant de vernis à ongles, eau de toilette ordinaire, colorants capillaires, poudres compactes pour poudrier, crayons de maquillage, ombres à paupières, crème de beauté, lotion hydratante, brillant à lèvres, eye‑liner, lotion après‑rasage, lait, faux cils, savon cosmétique, shampoing, produits de rinçage capillaire.
L’opposante, Alberto-Culver Company (A-C U.S.), a produit une déclaration d’opposition le 22 octobre 2003, dont copie a été transmise à la requérante le 13 novembre 2002. Le premier motif d’opposition énonce que la demande d’enregistrement n’est pas conforme à l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi) parce que, l’opposante ayant déjà largement employé les marques visées dans l’opposition, la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque en cause au Canada.
Le deuxième motif d’opposition allègue que la marque de commerce en cause n’est pas enregistrable, en raison de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées suivantes de l’opposante :
Marque de commerce |
No d’enr. |
Marchandises |
|
135318 |
Produits pour le corps et pour les cheveux, nommément fixatifs, lotions de mise en plis, apprêts capillaires, shampooings, produits de rasage. |
|
194140 |
Produits cosmétiques et articles de toilette, nommément fixatifs, shampooings, crèmes de rinçage, apprêts capillaires et revitalisants pour cheveux. |
VO5 |
200509 |
Produits pour le corps et pour les cheveux, nommément fixatifs, lotions de mise en plis, apprêts capillaires, shampooings, produits de rasage, solutions de permanente et fixatifs, lotions coiffantes, crèmes de rinçage, apprêts capillaires et revitalisants pour cheveux permanentés, décolorants concentrés pour cheveux, brillants pour cheveux et revitalisant pour cheveux teints; et désodorisants. |
|
116323 |
(1) Revitalisant et apprêt concentré pour cheveux et cuir chevelu, contenant de la lanoline. (2) Shampooing. |
ALBERTO VO5 |
320129 |
Préparations pour le soin des cheveux, nommément fixatifs, shampooings, revitalisants, mousses, traitements protéiniques à chaud, traitements à l’huile chaude et produits de coiffure. |
VO5 ALIVE |
358969 |
Préparations pour le soin des cheveux et préparations de toilette, nommément mousses de mise en pli, fixatifs en aérosol et non‑aérosol, shampooings, revitalisants, colorants et produits de mise en plis. |
L’opposante soutient, dans le troisième motif d’opposition, que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement, suivant l’alinéa 16(3)a) de la Loi, parce qu’à la date du dépôt de la demande, la marque en cause créait de la confusion avec les six marques déposées susmentionnées et les trois marques de commerce suivantes dont l’enregistrement est en instance, que l’opposante avaient employées antérieurement au Canada :
Marque de commerce |
No de demande |
Marchandises |
ALBERTO VO5 NATURALS |
778045 |
Produits pour le soin des cheveux, nommément shampooings et revitalisants. |
1190599 |
Produits capillaires. |
|
1190598 |
Produits capillaires. |
Suivant le quatrième motif d’opposition, la requérante n’aurait pas droit à l’enregistrement, en raison de l’alinéa 16(3)b), car à la date du dépôt de sa demande, la marque en cause créait de la confusion avec la marque de commerce ALBERTO VO5 NATURALS, pour laquelle une demande d’enregistrement avait déjà été produite au Canada (no 778,045). Le cinquième motif énonce que la marque n’est pas distinctive parce qu’elle crée de la confusion avec les diverses marques de commerce de l’opposante.
La requérante a déposé et signifié une contre‑déclaration. L’opposante a produit en preuve l’affidavit de Don Alderman. La requérante n’a présenté aucune preuve. Les deux parties ont soumis un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle les deux parties étaient représentées.
La preuve de l’opposante
Dans son affidavit, M. Alderman se présente comme le vice‑président et directeur général de la société Alberto-Culver Canada Inc. (A-C Canada), autrefois connue sous le nom d’Alberto-Culver of Canada Ltd. Il déclare que A-C Canada est une filiale en propriété exclusive de l’opposante, A-C U.S., et qu’elle est autorisée par licence à employer les diverses marques de commerce mentionnées dans l’opposition.
M. Alderman affirme que la société qu’il dirige vend une ligne de produits capillaires en liaison avec la marque VO5 depuis 1961 au Canada. Les produits sont vendus par l’intermédiaire de grandes surfaces comme Wal-Mart et Zellers, de chaînes d’épicerie comme Loblaws et Safeway et de pharmacies comme London Drugs et Shoppers Drug Mart. Il déclare que pour la période allant d’octobre 1997 à septembre 2003, le chiffre d’affaires réalisé au Canada par la vente des produits capillaires associés aux marques VO5 a dépassé 48 millions de dollars. Les dépenses publicitaires effectuées entre octobre 1997 et septembre 2001, pour les produits VO5 se chiffraient à plus de 5,4 millions de dollars.
M. Alderman a joint à son affidavit du matériel d’emballage et d’étiquetage représentatif de ce que l’opposante a utilisé au cours des années ainsi que plusieurs annonces publicitaires pour revues et scénarios‑maquettes pour publicité télévisée. Comme l’a signalé la requérante, M. Alderman n’a pas fourni beaucoup de précisions concernant les dates et les endroits où la publicité a été faite. Bien que je convienne avec elle que l’affidavit de M. Alderman est plutôt sommaire sur certains points, j’estime que, dans l’ensemble, il établit que la marque VO5 de l’opposante a fait l’objet d’un emploi continu.
La requérante prétend que les pièces illustrant les divers emplois des marques de l’opposante n’établissent pas l’emploi de la marque VO5 par elle‑même, parce que le chiffre 5 y figure en exposant, ou encore parce que la marque est employée sous forme graphique et parce qu’elle est invariablement associée à la marque maison ALBERTO. Après examen des pièces, j’estime toutefois que les variations touchant la marque VO5 sont mineures et que lorsque la marque VO5 est employée avec la marque ALBERTO, VO5 domine. Compte tenu de la décision Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535, 538 (C.O.M.C.), je conclus donc que les pièces fournies par M. Alderman démontrent l’emploi de la marque VO5 « en soi ». Je fais remarquer, à cet égard, que la marque employée depuis 1998, selon M. Alderman, est la marque figurant dans les deux demandes d’enregistrement les plus récentes (no 1,190,598 et 1,190,599) où VO5 est dominant et le mot ALBERTO est d’importance secondaire.
La requérante soutient en outre que la preuve des demandes d’enregistrement et des enregistrements de marques de commerce présentée par l’opposante est viciée et que les précisions fournies par M. Alderman à l’annexe A de son affidavit renferment du ouï‑dire irrecevable. J’en conviens. Toutefois, conformément aux décisions John Labatt Ltd. c. W.C.W. Western Canada Water Enterprises Inc. (1991), 39 C.P.R. (3d) 442, p. 445 (C.O.M.C.) et Quaker Oats Co. of Canada Ltd. c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410, p. 411 (C.O.M.C.), j’ai examiné le registre, et je puis confirmer le titre de propriété et l’exactitude des détails relatifs aux demandes et aux enregistrements invoqués par l’opposante.
La preuve de la requérante
Comme indiqué précédemment, la requérante n’a présenté aucune preuve.
Les motifs d’opposition
Le premier motif n’est pas un motif d’opposition valable. Le simple emploi antérieur des diverses marques de l’opposante n’empêche pas en lui‑même la requérante de faire en toute honnêteté la déclaration exigée à l’alinéa 30i) de la Loi. Ce motif est donc écarté.
La date pertinente pour l’examen de la question de la confusion avec une marque déposée formant le deuxième motif est la date de la décision : voir Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538, p. 541-542 (C.O.M.C.). Le fardeau de persuasion repose sur la requérante, qui doit démontrer qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques. En outre, le critère relatif à la confusion prévu au paragraphe 6(2) de la Loi doit s’appliquer en tenant compte de toutes les circonstances, en particulier les facteurs qui sont expressément énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi. Enfin, la marque la plus pertinente de l’opposante étant la marque déposée VO5, portant le numéro d’enregistrement 200,509, le sort du deuxième motif d’opposition pourra se décider en fonction de l’examen de la question de la confusion entre cette marque et la marque en cause.
Pour ce qui est du facteur prévu à l’alinéa 6(5)a) de la Loi, on peut dire que la marque en cause possède un caractère distinctif inhérent. L’élément dominant, toutefois, en est les initiales VOV. La partie graphique de la marque, composée de trois blocs, augmente la probabilité que les lettres qu’ils portent soient perçues comme des initiales et non comme un mot, ce qui fait que la marque n’est pas intrinsèquement forte. La requérante n’ayant pas présenté de preuve, je dois conclure que la marque qu’elle projette d’employer n’est pas devenue connue au Canada.
La marque déposée VO5 de l’opposante possède elle aussi un caractère distinctif inhérent, puisqu’elle ne comporte aucune connotation suggestive ou descriptive à l’égard des marchandises auxquelles elle se rapporte. Toutefois, comme elle est constituée de deux initiales et d’un chiffre, elle aussi est intrinsèquement faible. Cependant, la preuve établit que la marque VO5 a été largement employée en liaison avec des produits capillaires pendant plusieurs années. Je puis ainsi conclure que la marque de l’opposante est bien connue dans tout le Canada.
Le critère de la période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise l’opposante. Relativement aux facteurs prévus aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi , on peut dire que les états des marchandises se recoupent effectivement puisque qu’ils comportent tous deux du shampooing, des crèmes de rinçage et des produits de coloration capillaire. Les autres produits présentent d’étroites affinités étant donné que les cosmétiques, les produits hydratants, les parfums et les désodorisants constituent tous des produits de soins personnels. On peut présumer que la nature du commerce de chaque partie peut se recouper substantiellement.
Pour ce qui est du facteur prévu à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, je suis d’avis que le degré de ressemblance visuelle et phonétique entre les marques est relativement élevé. Les deux sont formées de trois caractères, dont les deux premiers sont identiques. La partie graphique de la marque de la requérante distingue peu cette marque de la marque déposée VO5 de l’appelante.
L’agent de l’opposante a soutenu à l’audience que le degré de ressemblance est encore plus élevé parce que les consommateurs considéreraient le dernier caractère de la marque de la requérante comme le nombre 5 en chiffres romains. Toutefois, comme l’agent de la
requérante l’a fait valoir, la nature palindromique des lettres VOV s’oppose à une telle conclusion.
Les deux agents ont tenté, à l’audience, d’invoquer des décisions en matière d’opposition, rendues à l’étranger à l’égard des mêmes parties et des mêmes marques. Toutefois, comme ni ces décisions ni le droit étranger applicable n’ont été dûment prouvés, les décisions ne peuvent avoir valeur de précédent en l’espèce.
J’ai procédé à l’application du critère de la confusion en considérant qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Vu ma conclusion précédente et compte tenu, plus particulièrement, de la ressemblance entre les marchandises et les marques des parties, de la nature similaire de leur commerce et de la réputation associée aux marques de l’opposante, j’estime que la requérante ne s’est pas acquittée de son obligation de prouver que la marque VOV Design qu’elle projette d’employer ne crée pas de confusion avec la marque déposée VO5. En conséquence, j’accueille le deuxième motif d’opposition.
J’ai également fait porter l’examen du troisième motif sur la marque VO5 de l’opposante, puisqu’il s’agit de la marque la plus pertinente. L’opposante a prouvé qu’elle employait sa marque avant la date à laquelle la requérante a déposé sa demande et qu’elle ne l’avait pas abandonnée à la date à laquelle la demande a été annoncée. En conséquence, la décision relative à ce motif devra intervenir sur la question de la confusion entre la marque VO5 et la marque VOV Design à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, conformément au paragraphe 16(3) de la Loi. Les conclusions que j’ai tirées au sujet du deuxième motif s’appliquent pour la plupart à celui‑ci. Je suis donc d’avis que la requérante ne s’est pas acquittée de son obligation de prouver qu’à la date du dépôt de sa demande d’enregistrement, la marque qui y était visée ne créait pas de confusion avec la marque déjà employée par l’opposante. J’accueille donc également le troisième motif.
Pour ce qui est du cinquième motif d’opposition, c’est à la requérante qu’il incombe de prouver que sa marque distingue véritablement ses marchandises de celles d’autres personnes au Canada ou est adaptée à les distinguer : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). En outre, la date pertinente pour l’examen de cette question est la date de la production de l’opposition (soit le 22 octobre 2003) : voir E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130; [1976] 2 C.F. 3 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, p. 424 (C.A.F.).
Les conclusions que j’ai tirées à l’égard du deuxième et du troisième motifs s’appliquent également à celui‑ci, à la date du dépôt de l’opposition. J’estime donc que la marque de commerce de la requérante créait de la confusion avec la marque déposée VO5 de l’opposante, déjà employée par celle‑ci et qu’elle n’était donc pas distinctive à la date applicable. Par conséquent, le cinquième motif est retenu lui aussi, ce qui rend inutile l’examen du quatrième motif.
En conséquence, en vertu du pouvoir qui m’a été délégué en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 21 JUIN 2006.
David J. Martin
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce