Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS LAFFAIRE DE LOPPOSITION

de Molson Canada 2005 à la demande

n 1,142,892 produite par 841419 Alberta Ltd.

                                    en vue de lenregistrement de la marque de commerce

BLACK BULL & Dessin

 

Le 5 juin 2002, la requérante, 841419 Alberta Ltd., a produit une demande denregistrement de la marque de commerce BLACK BULL & Dessin (reproduite ci‑dessous) pour « boissons alcoolisées brassées, contenant plus de 8% dalcool par volume » fondée sur lemploi de la marque au Canada depuis le 30 septembre 2001.  La demande a été publiée aux

 fins dopposition le 9 juillet 2003.

 

 

 

 

 

 

 


Molson Canada a produit une déclaration dopposition le 29 août 2003, dont copie a été envoyée à la requérante le 30 septembre 2003. Lautorisation de produire une déclaration dopposition modifiée a été accordée le 30 juin 2005 afin de changer le nom de lopposante pour celui de Molson Canada 2005. Une nouvelle déclaration dopposition modifiée a été produite le 29 janvier 2007, et lautorisation a été accordée en partie le 28 février 2007.

 

Le premier motif dopposition porte que la marque de commerce visée par la demande nest pas enregistrable du fait de lalinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce parce quelle crée de la confusion avec la marque RED BULL enregistrée sous le n 550,062 au nom de Red Bull GmbH pour « boissons non alcoolisées, nommément boissons pour sportifs et boissons énergétiques ». Le deuxième motif porte que la demande ne satisfait pas aux exigences de lalinéa 30i) de la Loi parce que la requérante ne peut pas être convaincue quelle a droit demployer sa marque compte tenu des allégations formulées dans la déclaration dopposition. Le troisième motif porte que la demande de la requérante ne satisfait pas aux exigences de lalinéa 30b) de la Loi parce quelle na pas employé sa marque de commerce telle quil était indiqué dans la demande denregistrement.

 

Le quatrième motif dopposition porte que la marque visée par la demande nest pas enregistrable en vertu de lalinéa 12(1)d) de la Loi parce quelle crée de la confusion avec 25 marques de commerce déposées de lopposante pour des « boissons alcoolisées brassées » comprenant ou incluant le mot BLACK.  Les plus pertinents de ces enregistrements sont les n 304,555 pour la marque BLACK LABEL,  n  433,627 pour la marque BLACK, n 547,978 pour la marque BLACK ICE et n 319,786 pour la marque BLACK HORSE.  

 


Le cinquième motif dopposition porte que la requérante nest pas la personne admise à lenregistrement aux termes de lalinéa 16(1)a) de la Loi, étant donné quà la date alléguée de premier emploi la marque visée par la demande créait de la confusion avec 25 marques de commerce déposées de lopposante, employées antérieurement ou révélées au Canada par lopposante ou par ses prédécesseurs en titre en liaison avec de la bière et avec la marque BLACK ICE que lopposante a employée antérieurement au Canada et qui a fait antérieurement lobjet dune demande denregistrement.  Le sixième motif porte que la marque de la requérante nest pas distinctive parce quelle crée de la confusion avec les marques de lopposante.

 

La requérante a produit et a signifié une contre-déclaration. Lopposante a déposé en preuve les affidavits de Stacey A. Smallwood et de Lori A. Ball. La requérante a déposé en preuve deux affidavits de Tonia Morgan et les affidavits de Brad Wiseman, Amy McFeely et Dan Fox. Lopposante a déposé en contre-preuve laffidavit de Marisa Hood et a obtenu par la suite, sous le régime du paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce, lautorisation de produire une version modifiée de laffidavit de Mme Hood en preuve complémentaire. Seule la requérante a produit un plaidoyer écrit et une audience a été tenue le 6 mars 2009, à laquelle les deux parties étaient représentées.

 

LA PREUVE  DE LOPPOSANTE

Laffidavit de Mme Smallwood présente simplement en preuve des renseignements sur les enregistrements de marques de commerce de lopposante et sur les demandes invoquées dans sa déclaration dopposition initiale.


 

Dans son affidavit, Mme Ball se présente comme directrice, administratrice juridique et secrétaire de lopposante initiale, Molson Canada, et déclare que ses fonctions comprennent la gestion du portefeuille de marques de commerce de son entreprise. Molson Canada soccupe du brassage des boissons alcoolisées et, à la suite dune fusion déléments dactif en 1989, elle a acquis les marques de commerce de Carling OKeefe Breweries of Canada Limited, dont les marques BLACK LABEL et BLACK HORSE.

Mme Ball déclare que Molson Canada et ses prédécesseurs emploient la marque BLACK LABEL en liaison avec de la bière depuis 1926. Le volume des ventes pour la période comprise entre 1991 et 2000 dépassait 3,8 millions hectolitres et les ventes ultérieures pour la période comprise entre 2001 et 2004 ont dépassé 200 000 hectolitres par année. Les dépenses de publicité à légard de cette marque pour la période comprise entre 1992 et 1996 ont dépassé 48 millions de dollars.  En 1997, les dépenses de publicité pour la bière de marque BLACK LABEL ont été combinées aux dépenses pour la marque de bière brassée à froid BLACK de lopposante.  Les dépenses de publicité en question pour la période comprise entre 1997 et 2001 ont dépassé 19 millions de dollars. Les dépenses de publicité et les frais de promotion concernant la marque BLACK LABEL pour la période comprise entre 2002 et 2004 ont dépassé 15 millions de dollars.  Des exemples de lemploi récent de la marque BLACK LABEL annexés comme pièces à laffidavit de Mme Ball démontrent également lemploi dun dessin distinctif en forme de V tout comme celui de la marque CARLING,  mais il semble être un élément beaucoup plus petit et secondaire. 

 


Mme Ball déclare que Molson Canada et ses prédécesseurs ont employé la marque BLACK HORSE pour de la bière depuis 1922.  Selon  Mme Ball, Terre-Neuve est le principal marché pour cette marque. Les ventes relativement à la bière de marque BLACK HORSE pour la période comprise entre 1991 et 2001 ont dépassé 350 000 hectolitres et celles pour la période comprise entre 2002 et 2004 ont excédé 20 000 hectolitres par année. Les dépenses de publicité pour la période allant de 1991 à 2000 dépassaient 17 millions de dollars. Pour la période allant de 2002 à 2004, les dépenses en publicité ont été supérieures à 1,2 million de dollars. 

 

Mme Ball souligne que Molson Canada a employé sa marque BLACK en liaison avec de la bière brassée à froid depuis mars 1993. Les étiquettes annexées comme pièces à laffidavit de Mme Ball sont semblables aux plus récentes utilisées pour le produit de marque BLACK LABEL de lopposante. Selon Mme Ball, les ventes à légard de la bière brassée à froid BLACK pour la période de 1993 à 2000 ont dépassé 1,5 million dhectolitres et celles pour la période de 2001 et 2004 ont dépassé 150 000 hectolitres par année. Les dépenses de publicité pour la période de 1994 à 1996 ont dépassé 10 millions de dollars. Comme il a été mentionné précédemment, en 1997, les dépenses de publicité pour la marque BLACK ont été combinées aux dépenses pour la marque BLACK LABEL.

 

LA PREUVE DE LA REQUÉRANTE


Dans son premier affidavit, Mme Morgan se présente comme stagiaire en droit et décrit lenquête quelle a menée concernant la disponibilité des marques de boissons alcoolisées de tiers comprenant le mot BLACK. Mme Morgan a examiné différentes publications imprimées et en ligne de plusieurs sociétés des alcools provinciales, qui ont révélé une série dinscriptions pour des noms de bière qui comprennent le mot BLACK.  Par exemple, les publications de lOntario contenaient plusieurs inscriptions dont BLACK OAK NUT BROWN, BLACK OAK pour de la bière blonde, ALGONQUIN BLACK & TAN, BLACK JACK pour de la bière lager, BLACK SHEEP pour de la bière ale et BLACK WYCH. Plusieurs de ces inscriptions provenaient de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse et une ou deux inscriptions dautres provinces. Toutefois, aucun chiffre de vente na été fourni pour ces marques de tiers.

 

Mme Morgan a effectué également des recherches sur Internet pour repérer toute marque BLACK appartenant aux micro-brasseries et aux brasseries canadiennes. Elle a réussi à repérer plus de quarante marques de bière en ce sens. Encore une fois, aucun chiffre de vente nétait fourni, mais une recherche effectuée en ligne dans la base de données des alcools du Nouveau-Brunswick a révélé que la bière ale BLACK SHEEP a été mise en vente dans 37 points de vente au détail.  Lédition de printemps 2005 de la publication « Food & Drink » de la Régie des alcools de lOntario (LCBO), figurant comme pièce E annexée au premier affidavit de Mme Morgan, présente un article sur la brasserie Black Sheep Brewery en Angleterre et sur la bière BLACK SHEEP.

 


Le deuxième affidavit de Mme Morgan présente simplement en preuve des copies certifiées conformes dautres enregistrements et demandes denregistrement pour les marques BULL de la requérante. Parmi ces copies se trouve celle pour lenregistrement n 443,127 de la marque RED BULL & Dessin pour « boisson de malt alcoolisée », dont le dessin présentant un taureau est essentiellement identique à celui de la marque visée par la demande.

 

Dans son affidavit, M. Wiseman se présente comme stagiaire en droit et décrit les résultats de ses enquêtes sur le marché. Le 28 avril 2005, il a acheté plusieurs boissons alcoolisées dans un point de vente de la LCBO dont létiquette contenait le mot BLACK.  Deux de ces produits étaient de la bière, à savoir une bière BLACK WYCH et une ale BLACK SHEEP. Le même jour, il a acheté un produit nommé BLACK CURRANT MEAD dans un point de vente de The Beer Store à Ottawa. Le 21 mai 2005, il a acheté de la bière blonde BLACK OAK et de lale BLACK OAK NUT BROWN dans un point de vente de la LCBO à Dundas, en Ontario.

 

Presque tout laffidavit de M. Wiseman traite de ses conversations téléphoniques avec des employés de différentes régies provinciales des alcools et de deux petits brasseurs régionaux. Cette preuve constitue en majeure partie du ouï-dire et na donc guère de poids.

 


Dans son affidavit, Mme McFeely se présente comme chercheur dans le domaine des marques de commerce et déclare avoir reçu la directive dobtenir les détails dune série de demandes denregistrement et denregistrements visant des marques de commerce, à laide du logiciel CDNameSearch de la base de données des marques de commerce qui contient, selon elle, les données les plus récentes du Bureau  des marques de commerce. Les pièces annexées à son affidavit révèlent que les inscriptions quelle a repérées constituent essentiellement les résultats de la recherche effectuée dans le registre des marques de commerce à légard des marques comprenant le mot BLACK pour des boissons alcoolisées.

 

Lexamen des résultats de la recherche de Mme McFeely révèle environ 80 enregistrements pour des boissons alcoolisées. Toutefois, moins de 30 enregistrements visent des boissons alcoolisées brassées, de la bière ou autres, et tous les enregistrements sauf trois sont établis au nom de lopposante initiale Molson Canada. Deux des trois inscriptions concernant des tiers sont des enregistrements de Terre-Neuve, lun pour la marque BLACK LABEL dont le propriétaire est Labatt Brewing Company Limited et lautre pour BLACK DOG & Dessin dont le propriétaire est Newfoundland Brewery Limited.

 

Dans son affidavit, M. Fox se présente comme administrateur délégué pour la région de lOntario et du Canada atlantique de Sleeman Breweries Ltd., propriétaire de The Sleeman Brewing & Malting Co. Ltd., laquelle est la propriétaire de la requérante. En mars 2001, la requérante a fait lacquisition de la famille de marques de bière Stroh de PBC Canada Inc., comprenant les marques SCHLITZ, OLD MILWAUKEE, THE BULL, WILD BULL et RED BULL. 


Selon M. Fox, à lautomne de 2001, la requérante a décidé délargir sa famille de marques  BULL en produisant une bière extra-forte sous la marque BLACK BULL & Dessin.  La bière BLACK BULL est vendue dans des bouteilles distinctes, transparentes hors format munies dune capsule à vis. Le produit est vendu dans les six provinces à louest du Nouveau‑Brunswick principalement dans des points de vente au détail, bien que M. Fox précise que le produit est aussi mis en vente dans des établissements autorisés. Les ventes pour la période de 2002 à 2004 sélevaient à environ 48 000 hectolitres. M. Fox déclare également que la bière BLACK BULL coexiste avec les marques de lopposante sur le marché et que rien ne démontre, à sa connaissance, une confusion réelle.

 

LA CONTRE-PREUVE DE LOPPOSANTE 

Le premier affidavit de Mme Hood a été soumis comme contre-preuve.  Toutefois, il ne se limitait pas strictement aux matières servant de réponse et par conséquent il est inadmissible.  Lautorisation de produire un affidavit modifié de Mme Hood comme preuve supplémentaire a été accordée et celui-ci introduit en preuve les caractéristiques des deux enregistrements de lopposante délivrés à la suite des deux demandes invoquées dans la déclaration initiale dopposition.     

 

LES MOTIFS DOPPOSITION


Sagissant du premier motif dopposition, la date pertinente pour examiner les circonstances qui se rapportent à la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir  Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538, aux p. 541-542 (C.O.M.C.).  De plus, il incombe à la requérante de démontrer quil nexiste aucun risque raisonnable de confusion entre les marques en cause. Enfin, dans lapplication du test en matière de la confusion prescrit au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut prendre en compte toutes les circonstances de lespèce, notamment celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi.

 

Pour ce qui est de lalinéa 6(5)a) de la Loi, la marque de la requérante BLACK BULL & Dessin et la marque déposée dun tiers, RED BULL, ont toutes deux un caractère distinctif inhérent. Laffidavit de M. Fox affidavit établit lexistence des ventes modestes mais constantes concernant la bière produite par son entreprise. Par conséquent, je conclus que la marque nest devenue connue que dans une certaine mesure au Québec et à louest du Canada.  Étant donné quil ny a aucune preuve demploi de la marque RED BULL, je dois conclure quelle na acquis aucune réputation au Canada.

 


Pour ce qui est de l'alinéa 6(5)b) de la Loi, la période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise la requérante, étant donné quil ny a pas de preuve demploi de la marque déposée RED BULL. En ce qui concerne les alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, cest létat déclaratif des marchandises et services figurant dans lenregistrement n 550,062 quil faut prendre en considération : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3, aux pages 10 et 11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110, à la page 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381, aux pages 390 à 392 (C.A.F.). Toutefois, lexamen de ces états déclaratifs doit viser à déterminer le genre probable dentreprise ou de commerce que les parties ont intention dexercer plutôt que la totalité des commerces que le libellé peut englober. À cet égard, la preuve du commerce effectivement exercé peut être  utile : voir la décision McDonalds Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168, à la page 169 (C.A.F.).

 

Les marchandises des parties se distinguent. Bien quelles soient toutes les deux des boissons, le produit de la requérante constitue une boisson alcoolisée brassée alors que RED BULL est une marque enregistrée en liaison avec des boissons pour sportifs non alcoolisées et avec des boissons énergétiques. En labsence dune preuve à cet égard, je dois conclure que les voies de commercialisation de ces produits se distingueraient également.

        

 Pour ce qui est de lalinéa 6(5)e) de la Loi, il existe une grande ressemblance entre les deux marques en cause. Toutes deux sont formées de deux mots dune syllabe dont le premier est le nom dune couleur et le deuxième est le mot BULL.

 


Dans lapplication du test en matière de confusion, jai considéré quil sagissait dune question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu des conclusions que jsi tirées précédemment, et en particulier des différences entre les marchandises et les commerces des parties ainsi que de labsence de réputation de la marque RED BULL dune tierce partie, je conclus que la requérante sest acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer quil nexiste pas de possibilité raisonnable de confusion entre les deux marques.  Le premier motif dopposition est donc rejeté.

 

Le deuxième motif dopposition nest pas valablement invoqué. Lopposante na pas réussi à présenter suffisamment dallégations de fait à lappui du motif de non-conformité selon les dispositions de lalinéa 30i) de la Loi. Lemploi et lenregistrement de la marque de lopposante nempêchent pas en soi la Requérante de faire sincèrement la déclaration prescrite par lalinéa 30i) de la Loi. Par conséquent, le deuxième motif dopposition est également rejeté.

 

En ce qui concerne le troisième motif dopposition, lopposante devait sacquitter du fardeau initial de fournir des éléments de preuve susceptibles de jeter un doute sur la date revendiquée de premier emploi de la requérante. En labsence de toute preuve en ce sens au dossier, lopposante na pas réussi à sacquitter de son fardeau initial et le troisième motif dopposition est lui aussi rejeté.

 


Pour ce qui est du quatrième motif dopposition, comme il a été mentionné, la date pertinente pour lexamen des circonstances entourant la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision. Il incombe à la requérante détablir quil nexiste aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause.  De plus, pour appliquer le test en matière de confusion prévu au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut tenir compte de toutes les circonstances de lespèce, y compris celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi.  Enfin, vu la preuve demploi présentée par lopposante, ses marques BLACK, BLACK LABEL, BLACK ICE et BLACK HORSE sont les plus pertinentes de ses 25 marques déposées, et, par conséquent, lexamen de la question de la confusion entre la marque visée par la demande et les marques susmentionnées déterminera lissue de ce quatrième motif.

 


En ce qui concerne lalinéa 6(5)a) de la Loi, toutes les marques en cause ont un caractère distinctif inhérent puisquaucune des marques ne fait état dune connotation suggestive ou élogieuse se rapportant à des boissons alcoolisées brassées. Comme il a été mentionné, la marque de la requérante nest devenue connue que dans une certaine mesure au Québec et à louest du Canada. Pour ce qui est des marques de lopposante, la bière BLACK LABEL de lopposante a été vendue en grande quantité et a été largement annoncée de sorte quelle est devenue bien connue au Canada. Les ventes et la publicité concernant la bière BLACK HORSE ont été assez importantes, bien quelles soient principalement effectuées à Terre‑Neuve. Par conséquent, je conclus que la marque en question est devenue bien connue à Terre-Neuve, mais cette reconnaissance est moins considérable ailleurs. Les ventes et la publicité concernant la bière BLACK ICE ont été assez importantes, de sorte que je conclus que la marque en question est devenue connue dans une certaine mesure au Canada. La preuve concernant la marque BLACK en soi est moins précise, bien que certains matériels publicitaires affichent la marque BLACK toute seule et quelle se distingue du mot ICE sur les étiquettes du produit.  Par conséquent, je conclus que la marque BLACK est devenue connue au moins dans une certaine mesure au Canada.

 

Pour ce qui est de lalinéa 6(5)b) de la Loi, la période pendant laquelle les marques ont été employées favorise clairement lopposante. En ce qui concerne les alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, comme il en a été question à légard du premier motif dopposition, cest létat déclaratif des marchandises de la requérante et létat déclaratif des marchandises figurant dans les quatre enregistrements de lopposante quil faut prendre en considération.

 


Les marchandises des parties sont fondamentalement identiques et il en irait de même pour les commerces. La requérante a cherché à distinguer son produit en faisant valoir quil sagit dune bière extra‑forte, mais cest néanmoins une boisson alcoolisée brassée, tout comme les produits de lopposante. La requérante a également soutenu que les produits se distinguent parce que la bière BLACK BULL est vendue dans des bouteilles distinctes,  transparentes et hors format alors que les produits de lopposante sont généralement vendus en cartons porte-bouteilles.  Toutefois, il semble que les deux produits seraient mis en vente ou pourraient être mis en vente de la même façon, par lentremise des établissements autorisés, tels les restaurants ou les bars. Ce qui est encore plus important, létat déclaratif des marchandises de la requérante ne vise pas un type ou style particulier de contenant.

 

Pour ce qui est de lalinéa6(5)e) de la Loi, il existe une grande ressemblance entre la marque de la requérante et chacune des marques de lopposante principalement en raison de lutilisation courante du mot BLACK. La ressemblance est plus grande dans le cas de la marque BLACK HORSE de lopposante, vu quelle est formée de deux mots dune syllabe, le premier étant le mot BLACK et le deuxième le nom dun animal. La composante dessin de la marque de la requérante la distingue visuellement dans une certaine mesure des marques de lopposante, mais pas dune façon  importante, vu quil sagit simplement dune représentation du deuxième mot qui forme le nom de la marque, à savoir le mot BULL.

 

La requérante a soutenu que limportance de toute ressemblance entre les marques est atténuée par la preuve touchant létat du registre introduite par laffidavit de Mme McFeely.  La preuve touchant létat du registre nest pertinente que dans la mesure où lon peut en déduire la situation du marché : en matière dopposition, voir la décision Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, et la décision Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il faut noter également larrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), qui appuie le principe quon ne peut déduire létat du marché de la preuve tirée de létat du registre que si lon trouve au registre un grand nombre denregistrements pertinents. 


Comme il en a déjà été question, tous les 80 enregistrements relativement à la marque BLACK révélés par Mme McFeely, sauf trois, liés à des boissons alcoolisées brassées, de la bière ou autres, sont la propriété de lopposante et deux des trois enregistrements susmentionnés sont de Terre-Neuve. La seule existence dans le registre des trois enregistrements visant la marque BLACK dune tierce partie en liaison avec de la bière (dont deux sont des enregistrements de Terre‑Neuve) est loin dêtre suffisante pour permettre de tirer des conclusions sur lemploi actif de ces marques au Canada. Par conséquent, la preuve concernant létat du registre, en lespèce, na effectivement aucune importance.

 

La requérante sest également appuyée sur la preuve touchant le marché de laffidavit de M. Wiseman et de laffidavit initial de Mme Morgan. Toutefois, la majeure partie de cette preuve constitue du ouï‑dire et devrait donc navoir guère de poids en lespèce. Par contre, la preuve en question établit lexistence de quelques produits de tierces parties liés à la bière et portant des marques contenant le mot BLACK. Outre quelques acquisitions de produits pertinents effectuées par M. Wiseman à Ottawa et à Dundas, il existe très peu déléments de preuve concernant la mise en vente au Canada de bières de marque BLACK dune tierce partie.  Toutefois, étant donné le nombre de régies provinciales des alcools offrant ce type de produits, je suis prêt à conclure quau moins certains sont vendus en quantité plus que minimale.

 


La requérante a également soutenu que la coexistence des marques des parties sur le marché sans preuve de confusion réelle constitue une autre circonstance pertinente. Toutefois, labsence de confusion réelle sexpliquait vraisemblablement par les ventes plus modestes jusquà ce jour du produit de la requérante, labsence dun chevauchement géographique relativement à certains produits de lopposante ainsi que par les différents styles de bouteilles que la requérante a utilisés pour ses produits à ce jour. Par conséquent, il ne faut accorder quune valeur limitée à labsence de preuve sur la confusion réelle.

 

À titre de circonstance additionnelle, jai pris également en considération la famille ou série de marques de lopposante. Lopposante a souligné lemploi dune petite famille de marques liées à la bière comprenant le mot BLACK.  Ce fait accroît la probabilité de confusion en lespèce selon McDonald's Corp. c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F. 1re inst.). La requérante a tenté de se fonder sur sa propre famille de marques BULL, mais na pas établi lemploi dune quelconque marque de cette famille.

 


Comme il a été mentionné, dans lapplication du test en matière de confusion, jai considéré quil sagissait dune question de première impression et de souvenir imparfait. De plus, cest à la requérante quincombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, quil nexiste aucune probabilité raisonnable de confusion. Cela signifie que, si les probabilités ne favorisent ni lune ni lautre des parties, je dois trancher à lencontre de la requérante. Compte tenu de mes conclusions ci‑dessus, en particulier de la ressemblance entre les marques, les marchandises et les commerces des parties, de la famille de marques BLACK de lopposante en liaison avec de la bière et de la réputation inhérente de certaines des marques de lopposante, et malgré lexistence sur le marché dau moins quelques marques BLACK dune tierce partie, je conclus que les probabilités sont égales pour chaque partie. Par conséquent, je dois trancher la question contre la requérante. Si la requérante avait pu faire la preuve dun emploi contemporain important des marques en cause sans confusion réelle, la preuve de lemploi des marques BLACK dune tierce partie ou dun nombre important denregistrements des marques de tiers inscrits au registre des marques de commerce, ma conclusion aurait pu être différente.

 

En ce qui concerne le cinquième motif dopposition, la demande n 1,148,703 pour la marque BLACK ICE qui le fonde ne peut étayer un motif en vertu des dispositions de lalinéa 16(1)b) de la Loi, parce quelle na pas été produite avant la date de premier emploi revendiquée par la requérante. Par conséquent, cet aspect du cinquième motif est rejeté.

 


Pour ce qui est des autres aspects du cinquième motif, comme il a été mentionné, les marques les plus pertinentes de lopposante sont BLACK, BLACK LABEL, BLACK ICE et BLACK HORSE. Comme lopposante a établi lemploi de ces quatre marques de commerce avant la date de premier emploi revendiquée ainsi quelle ne les avait pas abandonnées à la date de la publication de la demande de la requérante, il incombe à la requérante de démontrer que sa marque visée par la demande BLACK BULL & Dessin ne créait pas de confusion avec les quatre marques précédemment employées de lopposante à la date pertinente, soit le 30 septembre 2004 en lespèce. Plusieurs des conclusions que jai formulées à légard du quatrième motif sappliquent également au présent motif. De plus, certains éléments de preuve et certaines conclusions favorisant la requérante ne sont pas pertinents en ce qui a trait au présent motif parce quils concernent des circonstances survenues après la date pertinente. En réalité, la thèse de lopposante concernant le cinquième motif est plus solide que celle concernant le quatrième motif. Par conséquent, je conclus que le cinquième motif dans la mesure où il repose sur lemploi antérieur des quatre marques susmentionnées est rejeté.  

 

    En ce qui concerne le sixième motif dopposition, il incombe à la requérante de démontrer que sa marque est adaptée à distinguer ou quelle permet effectivement de distinguer ses marchandises, au Canada, de celles des autres parties : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.M.O.C.). De plus, en ce qui concerne les circonstances entourant cette question, la date à retenir est la date de dépôt de lopposition (à savoir le 29 août 2003) : voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporatio c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.). Enfin, il incombe à lopposante de prouver les allégations de fait formulées à lappui de son motif fondé sur labsence de caractère distinctif.

                                                         


Le sixième motif repose essentiellement sur la question de la confusion entre la marque de la requérante BLACK BULL & Dessin et les quatre marques susmentionnées de lopposante comprenant ou incluant le mot BLACK. Mes conclusions concernant le quatrième motif sappliquent également, pour la plupart, au sixième motif. En conséquence, je conclus que la requérante na pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que sa marque ne créait aucune confusion avec les quatre marques de lopposante BLACK, BLACK LABEL, BLACK ICE et BLACK HORSE depuis la date de production de lopposition. Le sixième motif est donc également accueilli dans la mesure où il est fondé sur ces quatre marques déterminées.

          

Compte tenu de ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 13 MARS 2009.

 

 

David J. Martin,

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

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