Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION
de Molson Canada 2005 à la demande
n 1,142,892 produite par 841419 Alberta Ltd.
en vue de l’enregistrement de la marque de commerce
BLACK BULL & Dessin
Le 5 juin 2002, la requérante, 841419 Alberta Ltd., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce BLACK BULL & Dessin (reproduite ci‑dessous) pour « boissons alcoolisées brassées, contenant plus de 8% d’alcool par volume » fondée sur l’emploi de la marque au Canada depuis le 30 septembre 2001. La demande a été publiée aux
fins d’opposition le 9 juillet 2003.
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Molson Canada a produit une déclaration d’opposition le 29 août 2003, dont copie a été envoyée à la requérante le 30 septembre 2003. L’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée a été accordée le 30 juin 2005 afin de changer le nom de l’opposante pour celui de Molson Canada 2005. Une nouvelle déclaration d’opposition modifiée a été produite le 29 janvier 2007, et l’autorisation a été accordée en partie le 28 février 2007.
Le premier motif d’opposition porte que la marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable du fait de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce parce qu’elle crée de la confusion avec la marque RED BULL enregistrée sous le n 550,062 au nom de Red Bull GmbH pour « boissons non alcoolisées, nommément boissons pour sportifs et boissons énergétiques ». Le deuxième motif porte que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce que la requérante ne peut pas être convaincue qu’elle a droit d’employer sa marque compte tenu des allégations formulées dans la déclaration d’opposition. Le troisième motif porte que la demande de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi parce qu’elle n’a pas employé sa marque de commerce telle qu’il était indiqué dans la demande d’enregistrement.
Le quatrième motif d’opposition porte que la marque visée par la demande n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec 25 marques de commerce déposées de l’opposante pour des « boissons alcoolisées brassées » comprenant ou incluant le mot BLACK. Les plus pertinents de ces enregistrements sont les n 304,555 pour la marque BLACK LABEL, n 433,627 pour la marque BLACK, n 547,978 pour la marque BLACK ICE et n 319,786 pour la marque BLACK HORSE.
Le cinquième motif d’opposition porte que la requérante n’est pas la personne admise à l’enregistrement aux termes de l’alinéa 16(1)a) de la Loi, étant donné qu’à la date alléguée de premier emploi la marque visée par la demande créait de la confusion avec 25 marques de commerce déposées de l’opposante, employées antérieurement ou révélées au Canada par l’opposante ou par ses prédécesseurs en titre en liaison avec de la bière et avec la marque BLACK ICE que l’opposante a employée antérieurement au Canada et qui a fait antérieurement l’objet d’une demande d’enregistrement. Le sixième motif porte que la marque de la requérante n’est pas distinctive parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de l’opposante.
La requérante a produit et a signifié une contre-déclaration. L’opposante a déposé en preuve les affidavits de Stacey A. Smallwood et de Lori A. Ball. La requérante a déposé en preuve deux affidavits de Tonia Morgan et les affidavits de Brad Wiseman, Amy McFeely et Dan Fox. L’opposante a déposé en contre-preuve l’affidavit de Marisa Hood et a obtenu par la suite, sous le régime du paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce, l’autorisation de produire une version modifiée de l’affidavit de Mme Hood en preuve complémentaire. Seule la requérante a produit un plaidoyer écrit et une audience a été tenue le 6 mars 2009, à laquelle les deux parties étaient représentées.
LA PREUVE DE L’OPPOSANTE
L’affidavit de Mme Smallwood présente simplement en preuve des renseignements sur les enregistrements de marques de commerce de l’opposante et sur les demandes invoquées dans sa déclaration d’opposition initiale.
Dans son affidavit, Mme Ball se présente comme directrice, administratrice juridique et secrétaire de l’opposante initiale, Molson Canada, et déclare que ses fonctions comprennent la gestion du portefeuille de marques de commerce de son entreprise. Molson Canada s’occupe du brassage des boissons alcoolisées et, à la suite d’une fusion d’éléments d’actif en 1989, elle a acquis les marques de commerce de Carling O’Keefe Breweries of Canada Limited, dont les marques BLACK LABEL et BLACK HORSE.
Mme Ball déclare que Molson Canada et ses prédécesseurs emploient la marque BLACK LABEL en liaison avec de la bière depuis 1926. Le volume des ventes pour la période comprise entre 1991 et 2000 dépassait 3,8 millions hectolitres et les ventes ultérieures pour la période comprise entre 2001 et 2004 ont dépassé 200 000 hectolitres par année. Les dépenses de publicité à l’égard de cette marque pour la période comprise entre 1992 et 1996 ont dépassé 48 millions de dollars. En 1997, les dépenses de publicité pour la bière de marque BLACK LABEL ont été combinées aux dépenses pour la marque de bière brassée à froid BLACK de l’opposante. Les dépenses de publicité en question pour la période comprise entre 1997 et 2001 ont dépassé 19 millions de dollars. Les dépenses de publicité et les frais de promotion concernant la marque BLACK LABEL pour la période comprise entre 2002 et 2004 ont dépassé 15 millions de dollars. Des exemples de l’emploi récent de la marque BLACK LABEL annexés comme pièces à l’affidavit de Mme Ball démontrent également l’emploi d’un dessin distinctif en forme de V tout comme celui de la marque CARLING, mais il semble être un élément beaucoup plus petit et secondaire.
Mme Ball déclare que Molson Canada et ses prédécesseurs ont employé la marque BLACK HORSE pour de la bière depuis 1922. Selon Mme Ball, Terre-Neuve est le principal marché pour cette marque. Les ventes relativement à la bière de marque BLACK HORSE pour la période comprise entre 1991 et 2001 ont dépassé 350 000 hectolitres et celles pour la période comprise entre 2002 et 2004 ont excédé 20 000 hectolitres par année. Les dépenses de publicité pour la période allant de 1991 à 2000 dépassaient 17 millions de dollars. Pour la période allant de 2002 à 2004, les dépenses en publicité ont été supérieures à 1,2 million de dollars.
Mme Ball souligne que Molson Canada a employé sa marque BLACK en liaison avec de la bière brassée à froid depuis mars 1993. Les étiquettes annexées comme pièces à l’affidavit de Mme Ball sont semblables aux plus récentes utilisées pour le produit de marque BLACK LABEL de l’opposante. Selon Mme Ball, les ventes à l’égard de la bière brassée à froid BLACK pour la période de 1993 à 2000 ont dépassé 1,5 million d’hectolitres et celles pour la période de 2001 et 2004 ont dépassé 150 000 hectolitres par année. Les dépenses de publicité pour la période de 1994 à 1996 ont dépassé 10 millions de dollars. Comme il a été mentionné précédemment, en 1997, les dépenses de publicité pour la marque BLACK ont été combinées aux dépenses pour la marque BLACK LABEL.
LA PREUVE DE LA REQUÉRANTE
Dans son premier affidavit, Mme Morgan se présente comme stagiaire en droit et décrit l’enquête qu’elle a menée concernant la disponibilité des marques de boissons alcoolisées de tiers comprenant le mot BLACK. Mme Morgan a examiné différentes publications imprimées et en ligne de plusieurs sociétés des alcools provinciales, qui ont révélé une série d’inscriptions pour des noms de bière qui comprennent le mot BLACK. Par exemple, les publications de l’Ontario contenaient plusieurs inscriptions dont BLACK OAK NUT BROWN, BLACK OAK pour de la bière blonde, ALGONQUIN BLACK & TAN, BLACK JACK pour de la bière lager, BLACK SHEEP pour de la bière ale et BLACK WYCH. Plusieurs de ces inscriptions provenaient de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse et une ou deux inscriptions d’autres provinces. Toutefois, aucun chiffre de vente n’a été fourni pour ces marques de tiers.
Mme Morgan a effectué également des recherches sur Internet pour repérer toute marque BLACK appartenant aux micro-brasseries et aux brasseries canadiennes. Elle a réussi à repérer plus de quarante marques de bière en ce sens. Encore une fois, aucun chiffre de vente n’était fourni, mais une recherche effectuée en ligne dans la base de données des alcools du Nouveau-Brunswick a révélé que la bière ale BLACK SHEEP a été mise en vente dans 37 points de vente au détail. L’édition de printemps 2005 de la publication « Food & Drink » de la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO), figurant comme pièce E annexée au premier affidavit de Mme Morgan, présente un article sur la brasserie Black Sheep Brewery en Angleterre et sur la bière BLACK SHEEP.
Le deuxième affidavit de Mme Morgan présente simplement en preuve des copies certifiées conformes d’autres enregistrements et demandes d’enregistrement pour les marques BULL de la requérante. Parmi ces copies se trouve celle pour l’enregistrement n 443,127 de la marque RED BULL & Dessin pour « boisson de malt alcoolisée », dont le dessin présentant un taureau est essentiellement identique à celui de la marque visée par la demande.
Dans son affidavit, M. Wiseman se présente comme stagiaire en droit et décrit les résultats de ses enquêtes sur le marché. Le 28 avril 2005, il a acheté plusieurs boissons alcoolisées dans un point de vente de la LCBO dont l’étiquette contenait le mot BLACK. Deux de ces produits étaient de la bière, à savoir une bière BLACK WYCH et une ale BLACK SHEEP. Le même jour, il a acheté un produit nommé BLACK CURRANT MEAD dans un point de vente de The Beer Store à Ottawa. Le 21 mai 2005, il a acheté de la bière blonde BLACK OAK et de l’ale BLACK OAK NUT BROWN dans un point de vente de la LCBO à Dundas, en Ontario.
Presque tout l’affidavit de M. Wiseman traite de ses conversations téléphoniques avec des employés de différentes régies provinciales des alcools et de deux petits brasseurs régionaux. Cette preuve constitue en majeure partie du ouï-dire et n’a donc guère de poids.
Dans son affidavit, Mme McFeely se présente comme chercheur dans le domaine des marques de commerce et déclare avoir reçu la directive d’obtenir les détails d’une série de demandes d’enregistrement et d’enregistrements visant des marques de commerce, à l’aide du logiciel CDNameSearch de la base de données des marques de commerce qui contient, selon elle, les données les plus récentes du Bureau des marques de commerce. Les pièces annexées à son affidavit révèlent que les inscriptions qu’elle a repérées constituent essentiellement les résultats de la recherche effectuée dans le registre des marques de commerce à l’égard des marques comprenant le mot BLACK pour des boissons alcoolisées.
L’examen des résultats de la recherche de Mme McFeely révèle environ 80 enregistrements pour des boissons alcoolisées. Toutefois, moins de 30 enregistrements visent des boissons alcoolisées brassées, de la bière ou autres, et tous les enregistrements sauf trois sont établis au nom de l’opposante initiale Molson Canada. Deux des trois inscriptions concernant des tiers sont des enregistrements de Terre-Neuve, l’un pour la marque BLACK LABEL dont le propriétaire est Labatt Brewing Company Limited et l’autre pour BLACK DOG & Dessin dont le propriétaire est Newfoundland Brewery Limited.
Dans son affidavit, M. Fox se présente comme administrateur délégué pour la région de l’Ontario et du Canada atlantique de Sleeman Breweries Ltd., propriétaire de The Sleeman Brewing & Malting Co. Ltd., laquelle est la propriétaire de la requérante. En mars 2001, la requérante a fait l’acquisition de la famille de marques de bière Stroh de PBC Canada Inc., comprenant les marques SCHLITZ, OLD MILWAUKEE, THE BULL, WILD BULL et RED BULL.
Selon M. Fox, à l’automne de 2001, la requérante a décidé d’élargir sa famille de marques BULL en produisant une bière extra-forte sous la marque BLACK BULL & Dessin. La bière BLACK BULL est vendue dans des bouteilles distinctes, transparentes hors format munies d’une capsule à vis. Le produit est vendu dans les six provinces à l’ouest du Nouveau‑Brunswick principalement dans des points de vente au détail, bien que M. Fox précise que le produit est aussi mis en vente dans des établissements autorisés. Les ventes pour la période de 2002 à 2004 s’élevaient à environ 48 000 hectolitres. M. Fox déclare également que la bière BLACK BULL coexiste avec les marques de l’opposante sur le marché et que rien ne démontre, à sa connaissance, une confusion réelle.
LA CONTRE-PREUVE DE L’OPPOSANTE
Le premier affidavit de Mme Hood a été soumis comme contre-preuve. Toutefois, il ne se limitait pas strictement aux matières servant de réponse et par conséquent il est inadmissible. L’autorisation de produire un affidavit modifié de Mme Hood comme preuve supplémentaire a été accordée et celui-ci introduit en preuve les caractéristiques des deux enregistrements de l’opposante délivrés à la suite des deux demandes invoquées dans la déclaration initiale d’opposition.
LES MOTIFS D’OPPOSITION
S’agissant du premier motif d’opposition, la date pertinente pour examiner les circonstances qui se rapportent à la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538, aux p. 541-542 (C.O.M.C.). De plus, il incombe à la requérante de démontrer qu’il n’existe aucun risque raisonnable de confusion entre les marques en cause. Enfin, dans l’application du test en matière de la confusion prescrit au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut prendre en compte toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi.
Pour ce qui est de l’alinéa 6(5)a) de la Loi, la marque de la requérante BLACK BULL & Dessin et la marque déposée d’un tiers, RED BULL, ont toutes deux un caractère distinctif inhérent. L’affidavit de M. Fox affidavit établit l’existence des ventes modestes mais constantes concernant la bière produite par son entreprise. Par conséquent, je conclus que la marque n’est devenue connue que dans une certaine mesure au Québec et à l’ouest du Canada. Étant donné qu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la marque RED BULL, je dois conclure qu’elle n’a acquis aucune réputation au Canada.
Pour ce qui est de l'alinéa 6(5)b) de la Loi, la période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise la requérante, étant donné qu’il n’y a pas de preuve d’emploi de la marque déposée RED BULL. En ce qui concerne les alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, c’est l’état déclaratif des marchandises et services figurant dans l’enregistrement n 550,062 qu’il faut prendre en considération : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3, aux pages 10 et 11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110, à la page 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381, aux pages 390 à 392 (C.A.F.). Toutefois, l’examen de ces états déclaratifs doit viser à déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce que les parties ont intention d’exercer plutôt que la totalité des commerces que le libellé peut englober. À cet égard, la preuve du commerce effectivement exercé peut être utile : voir la décision McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168, à la page 169 (C.A.F.).
Les marchandises des parties se distinguent. Bien qu’elles soient toutes les deux des boissons, le produit de la requérante constitue une boisson alcoolisée brassée alors que RED BULL est une marque enregistrée en liaison avec des boissons pour sportifs non alcoolisées et avec des boissons énergétiques. En l’absence d’une preuve à cet égard, je dois conclure que les voies de commercialisation de ces produits se distingueraient également.
Pour ce qui est de l’alinéa 6(5)e) de la Loi, il existe une grande ressemblance entre les deux marques en cause. Toutes deux sont formées de deux mots d’une syllabe dont le premier est le nom d’une couleur et le deuxième est le mot BULL.
Dans l’application du test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu des conclusions que j’si tirées précédemment, et en particulier des différences entre les marchandises et les commerces des parties ainsi que de l’absence de réputation de la marque RED BULL d’une tierce partie, je conclus que la requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’existe pas de possibilité raisonnable de confusion entre les deux marques. Le premier motif d’opposition est donc rejeté.
Le deuxième motif d’opposition n’est pas valablement invoqué. L’opposante n’a pas réussi à présenter suffisamment d’allégations de fait à l’appui du motif de non-conformité selon les dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi. L’emploi et l’enregistrement de la marque de l’opposante n’empêchent pas en soi la Requérante de faire sincèrement la déclaration prescrite par l’alinéa 30i) de la Loi. Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est également rejeté.
En ce qui concerne le troisième motif d’opposition, l’opposante devait s’acquitter du fardeau initial de fournir des éléments de preuve susceptibles de jeter un doute sur la date revendiquée de premier emploi de la requérante. En l’absence de toute preuve en ce sens au dossier, l’opposante n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau initial et le troisième motif d’opposition est lui aussi rejeté.
Pour ce qui est du quatrième motif d’opposition, comme il a été mentionné, la date pertinente pour l’examen des circonstances entourant la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision. Il incombe à la requérante d’établir qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. De plus, pour appliquer le test en matière de confusion prévu au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi. Enfin, vu la preuve d’emploi présentée par l’opposante, ses marques BLACK, BLACK LABEL, BLACK ICE et BLACK HORSE sont les plus pertinentes de ses 25 marques déposées, et, par conséquent, l’examen de la question de la confusion entre la marque visée par la demande et les marques susmentionnées déterminera l’issue de ce quatrième motif.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a) de la Loi, toutes les marques en cause ont un caractère distinctif inhérent puisqu’aucune des marques ne fait état d’une connotation suggestive ou élogieuse se rapportant à des boissons alcoolisées brassées. Comme il a été mentionné, la marque de la requérante n’est devenue connue que dans une certaine mesure au Québec et à l’ouest du Canada. Pour ce qui est des marques de l’opposante, la bière BLACK LABEL de l’opposante a été vendue en grande quantité et a été largement annoncée de sorte qu’elle est devenue bien connue au Canada. Les ventes et la publicité concernant la bière BLACK HORSE ont été assez importantes, bien qu’elles soient principalement effectuées à Terre‑Neuve. Par conséquent, je conclus que la marque en question est devenue bien connue à Terre-Neuve, mais cette reconnaissance est moins considérable ailleurs. Les ventes et la publicité concernant la bière BLACK ICE ont été assez importantes, de sorte que je conclus que la marque en question est devenue connue dans une certaine mesure au Canada. La preuve concernant la marque BLACK en soi est moins précise, bien que certains matériels publicitaires affichent la marque BLACK toute seule et qu’elle se distingue du mot ICE sur les étiquettes du produit. Par conséquent, je conclus que la marque BLACK est devenue connue au moins dans une certaine mesure au Canada.
Pour ce qui est de l’alinéa 6(5)b) de la Loi, la période pendant laquelle les marques ont été employées favorise clairement l’opposante. En ce qui concerne les alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, comme il en a été question à l’égard du premier motif d’opposition, c’est l’état déclaratif des marchandises de la requérante et l’état déclaratif des marchandises figurant dans les quatre enregistrements de l’opposante qu’il faut prendre en considération.
Les marchandises des parties sont fondamentalement identiques et il en irait de même pour les commerces. La requérante a cherché à distinguer son produit en faisant valoir qu’il s’agit d’une bière extra‑forte, mais c’est néanmoins une boisson alcoolisée brassée, tout comme les produits de l’opposante. La requérante a également soutenu que les produits se distinguent parce que la bière BLACK BULL est vendue dans des bouteilles distinctes, transparentes et hors format alors que les produits de l’opposante sont généralement vendus en cartons porte-bouteilles. Toutefois, il semble que les deux produits seraient mis en vente ou pourraient être mis en vente de la même façon, par l’entremise des établissements autorisés, tels les restaurants ou les bars. Ce qui est encore plus important, l’état déclaratif des marchandises de la requérante ne vise pas un type ou style particulier de contenant.
Pour ce qui est de l’alinéa6(5)e) de la Loi, il existe une grande ressemblance entre la marque de la requérante et chacune des marques de l’opposante principalement en raison de l’utilisation courante du mot BLACK. La ressemblance est plus grande dans le cas de la marque BLACK HORSE de l’opposante, vu qu’elle est formée de deux mots d’une syllabe, le premier étant le mot BLACK et le deuxième le nom d’un animal. La composante dessin de la marque de la requérante la distingue visuellement dans une certaine mesure des marques de l’opposante, mais pas d’une façon importante, vu qu’il s’agit simplement d’une représentation du deuxième mot qui forme le nom de la marque, à savoir le mot BULL.
La requérante a soutenu que l’importance de toute ressemblance entre les marques est atténuée par la preuve touchant l’état du registre introduite par l’affidavit de Mme McFeely. La preuve touchant l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où l’on peut en déduire la situation du marché : en matière d’opposition, voir la décision Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, et la décision Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il faut noter également l’arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), qui appuie le principe qu’on ne peut déduire l’état du marché de la preuve tirée de l’état du registre que si l’on trouve au registre un grand nombre d’enregistrements pertinents.
Comme il en a déjà été question, tous les 80 enregistrements relativement à la marque BLACK révélés par Mme McFeely, sauf trois, liés à des boissons alcoolisées brassées, de la bière ou autres, sont la propriété de l’opposante et deux des trois enregistrements susmentionnés sont de Terre-Neuve. La seule existence dans le registre des trois enregistrements visant la marque BLACK d’une tierce partie en liaison avec de la bière (dont deux sont des enregistrements de Terre‑Neuve) est loin d’être suffisante pour permettre de tirer des conclusions sur l’emploi actif de ces marques au Canada. Par conséquent, la preuve concernant l’état du registre, en l’espèce, n’a effectivement aucune importance.
La requérante s’est également appuyée sur la preuve touchant le marché de l’affidavit de M. Wiseman et de l’affidavit initial de Mme Morgan. Toutefois, la majeure partie de cette preuve constitue du ouï‑dire et devrait donc n’avoir guère de poids en l’espèce. Par contre, la preuve en question établit l’existence de quelques produits de tierces parties liés à la bière et portant des marques contenant le mot BLACK. Outre quelques acquisitions de produits pertinents effectuées par M. Wiseman à Ottawa et à Dundas, il existe très peu d’éléments de preuve concernant la mise en vente au Canada de bières de marque BLACK d’une tierce partie. Toutefois, étant donné le nombre de régies provinciales des alcools offrant ce type de produits, je suis prêt à conclure qu’au moins certains sont vendus en quantité plus que minimale.
La requérante a également soutenu que la coexistence des marques des parties sur le marché sans preuve de confusion réelle constitue une autre circonstance pertinente. Toutefois, l’absence de confusion réelle s’expliquait vraisemblablement par les ventes plus modestes jusqu’à ce jour du produit de la requérante, l’absence d’un chevauchement géographique relativement à certains produits de l’opposante ainsi que par les différents styles de bouteilles que la requérante a utilisés pour ses produits à ce jour. Par conséquent, il ne faut accorder qu’une valeur limitée à l’absence de preuve sur la confusion réelle.
À titre de circonstance additionnelle, j’ai pris également en considération la famille ou série de marques de l’opposante. L’opposante a souligné l’emploi d’une petite famille de marques liées à la bière comprenant le mot BLACK. Ce fait accroît la probabilité de confusion en l’espèce selon McDonald's Corp. c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F. 1re inst.). La requérante a tenté de se fonder sur sa propre famille de marques BULL, mais n’a pas établi l’emploi d’une quelconque marque de cette famille.
Comme il a été mentionné, dans l’application du test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. De plus, c’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion. Cela signifie que, si les probabilités ne favorisent ni l’une ni l’autre des parties, je dois trancher à l’encontre de la requérante. Compte tenu de mes conclusions ci‑dessus, en particulier de la ressemblance entre les marques, les marchandises et les commerces des parties, de la famille de marques BLACK de l’opposante en liaison avec de la bière et de la réputation inhérente de certaines des marques de l’opposante, et malgré l’existence sur le marché d’au moins quelques marques BLACK d’une tierce partie, je conclus que les probabilités sont égales pour chaque partie. Par conséquent, je dois trancher la question contre la requérante. Si la requérante avait pu faire la preuve d’un emploi contemporain important des marques en cause sans confusion réelle, la preuve de l’emploi des marques BLACK d’une tierce partie ou d’un nombre important d’enregistrements des marques de tiers inscrits au registre des marques de commerce, ma conclusion aurait pu être différente.
En ce qui concerne le cinquième motif d’opposition, la demande n 1,148,703 pour la marque BLACK ICE qui le fonde ne peut étayer un motif en vertu des dispositions de l’alinéa 16(1)b) de la Loi, parce qu’elle n’a pas été produite avant la date de premier emploi revendiquée par la requérante. Par conséquent, cet aspect du cinquième motif est rejeté.
Pour ce qui est des autres aspects du cinquième motif, comme il a été mentionné, les marques les plus pertinentes de l’opposante sont BLACK, BLACK LABEL, BLACK ICE et BLACK HORSE. Comme l’opposante a établi l’emploi de ces quatre marques de commerce avant la date de premier emploi revendiquée ainsi qu’elle ne les avait pas abandonnées à la date de la publication de la demande de la requérante, il incombe à la requérante de démontrer que sa marque visée par la demande BLACK BULL & Dessin ne créait pas de confusion avec les quatre marques précédemment employées de l’opposante à la date pertinente, soit le 30 septembre 2004 en l’espèce. Plusieurs des conclusions que j’ai formulées à l’égard du quatrième motif s’appliquent également au présent motif. De plus, certains éléments de preuve et certaines conclusions favorisant la requérante ne sont pas pertinents en ce qui a trait au présent motif parce qu’ils concernent des circonstances survenues après la date pertinente. En réalité, la thèse de l’opposante concernant le cinquième motif est plus solide que celle concernant le quatrième motif. Par conséquent, je conclus que le cinquième motif dans la mesure où il repose sur l’emploi antérieur des quatre marques susmentionnées est rejeté.
En ce qui concerne le sixième motif d’opposition, il incombe à la requérante de démontrer que sa marque est adaptée à distinguer ou qu’elle permet effectivement de distinguer ses marchandises, au Canada, de celles des autres parties : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.M.O.C.). De plus, en ce qui concerne les circonstances entourant cette question, la date à retenir est la date de dépôt de l’opposition (à savoir le 29 août 2003) : voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporatio c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.). Enfin, il incombe à l’opposante de prouver les allégations de fait formulées à l’appui de son motif fondé sur l’absence de caractère distinctif.
Le sixième motif repose essentiellement sur la question de la confusion entre la marque de la requérante BLACK BULL & Dessin et les quatre marques susmentionnées de l’opposante comprenant ou incluant le mot BLACK. Mes conclusions concernant le quatrième motif s’appliquent également, pour la plupart, au sixième motif. En conséquence, je conclus que la requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que sa marque ne créait aucune confusion avec les quatre marques de l’opposante BLACK, BLACK LABEL, BLACK ICE et BLACK HORSE depuis la date de production de l’opposition. Le sixième motif est donc également accueilli dans la mesure où il est fondé sur ces quatre marques déterminées.
Compte tenu de ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 13 MARS 2009.
David J. Martin,
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Traduction certifiée conforme
Semra Denise Omer