Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 64

Date de la décision : 2015-04-02

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45 engagée à la demande de Wolfie Furs Inc., visant l'enregistrement no LMC716,908 de la marque de commerce Fashionista Society Dessin au nom de Nygård International Partnership.

[1]               La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l'égard de l'enregistrement no LMC716,908 de la marque de commerce Fashionista Society Dessin, reproduite ci-dessous (la Marque), appartenant à Nygård International Partnership.

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les services suivants (les Services) :

[traduction]
Services de magasinage personnalisés, nommément un service exclusif en ligne où les clients peuvent trouver des vêtements et des accessoires spécialement conçus pour répondre à leurs besoins et à leurs critères.

[3]               Le 25 juin 2013, à la demande de Wolfie Furs Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) à Nygård International Partnership (Nygård). L'avis exigeait que Nygård fournisse une preuve démontrant qu'elle a employé la Marque au Canada à un moment quelconque entre le 25 juin 2010 et le 25 juin 2013 (la période pertinente) en liaison avec les Services. Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, Nygård devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               Il est bien établi que l'article 45 de la Loi a pour objet et portée d'offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer le « bois mort » du registre. Bien que les critères pour établir l'emploi ne soient pas exigeants et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve, une simple allégation d'emploi de la marque de commerce n'est pas suffisante [voir Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (4th) 62 (CAF)]. Le destinataire de l'avis prévu à l'article 45 doit produire une preuve suffisante montrant comment il a employé la marque de commerce pour permettre au registraire d'évaluer si les faits étayent l'emploi de la marque de commerce conformément aux dispositions de l'article 4 de la Loi.

[5]               La définition d'emploi en liaison avec des services est énoncée à l'article 4(2) de la Loi, qui prévoit qu'une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services. Il a été statué que l'article 4(2) implique que les services annoncés au Canada soient exécutés au Canada [Porter c Don the Beachcomber (1966), 48 CPR 280 (C. de l'Éch.)]. Toutefois, il a été statué également que l'article 4(2) de la Loi est réputé respecté lorsqu'il est démontré que le propriétaire de la marque de commerce offre les services au Canada et est prêt à les y exécuter [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (RMC)].

[6]               Si le mot « services » n'est pas défini dans la Loi, on donne généralement aux services une interprétation large ou libérale [Aird & Berlis c Virgin Enterprises Ltd (2009), 78 CPR (4th) 306 (COMC)], et ceux-ci comprennent les services qui peuvent être considérés « accessoires » ou « secondaires » [Kraft Ltd c le Registraire des marques de commerce (1984), 1 CPR (3d) 457 (CF 1re inst.). Du moment que des membres du public, des consommateurs ou des acheteurs en tirent un avantage, l'activité constitue un service [Renaud Cointreau & Co c Cordon Bleu International Ltd (2000), 11 CPR (4th) 95 (CF 1re inst.), conf. par 18 CPR (4th) 415 (CAF)].

[7]               En réponse à l'avis du registraire, Nygård a produit l'affidavit de Heather Roseborough, la directrice de la commercialisation au détail de Nygård, accompagné des Pièces A à F.

[8]               Seule Nygård a produit des observations écrites. Aucune des parties n'a sollicité la tenue d'une audience.

[9]               Pour les raisons exposées ci-après, je conclus qu'il y a lieu de maintenir l'enregistrement.

La preuve

[10]           Dans son affidavit, Mme Roseborough indique que Nygård est une fabricante et une distributrice canadienne de vêtements de mode. Elle affirme que Nygård exploite un magasin de vente au détail traditionnel au Canada de même qu'une division de vente au détail en ligne au www.nygard.com, à partir duquel les clients peuvent acheter des vêtements et accessoires pour livraison.

[11]           Mme Roseborough affirme que, au cours de la période pertinente, la Marque a été employée de façon ininterrompue au Canada en liaison avec les Services. Elle explique que la Marque a été créée en vue de promouvoir les ventes en ligne des vêtements et des accessoires de Nygård, en permettant aux clients de participer activement à la création d'une garde-robe adaptée à leurs goûts et à leur type de corps. Elle affirme que l'une des manières dont la Marque est présentée est par l'entremise de blogues de mode qui visent à aider les clients à faire les bons choix parmi la vaste collection d'articles de mode de Nygård. À titre d'exemple, elle fournit plusieurs articles de blogue en ligne dans les Pièces C, D et E qui, affirme-t-elle, sont [traduction] « représentatifs d'autres pages de blogue publiées au cours de la période pertinente, montrant l'emploi de la Marque de commerce de manière analogue, pour promouvoir les ventes des vêtements et des accessoires de Nygård ».

[12]           Les articles de blogue susmentionnés sont intitulés respectivement « Nygård’s Fashionista Society: Warm or Cool…which one are you? » (Fashionista Society de Nygård : couleur chaude ou couleur froide…de quel type êtes-vous?), « Build the perfect wardrobe with Nygård’s Fashionista Society » (Créez la garde-robe parfaite avec Fashionista Society de Nygård) et « Nygård’s Fashionista Society: Every woman is a Jewel – which one are you? » (Fashionista Society de Nygård : chaque femme est un bijou – lequel êtes-vous?). Ces articles fournissent des conseils de mode aux clients, par exemple comment créer une garde-robe d'après une palette de couleurs, comment créer une garde-robe avec très peu d'articles vestimentaires et comment créer une garde-robe en fonction de quatre types de corps/silhouette différents. Je souligne que, en plus de présenter la Marque bien en vue (outre dans le titre), chacun des articles présente des sélections précises d'articles de mode de Nygård qui correspondent aux conseils donnés. De plus, chacun des articles fournit plusieurs liens vers le site Web de Nygård où les clients peuvent acheter les divers articles de mode présentés/sélectionnés ou d'autres articles d'après les recommandations du blogue.

[13]           En ce qui concerne les ventes en ligne, Mme Roseborough atteste que, au cours de la période pertinente, les ventes au détail faites en ligne au Canada des vêtements de mode de Nygård étaient en moyenne de 2,8 millions de dollars par année. Un échantillon de détails de commande reliés à neuf opérations de ventes faites en ligne à des clients canadiens au cours de la période pertinente est fourni dans la Pièce B.

[14]           Enfin, Mme Roseborough fournit dans la Pièce F un graphique de Google Analytics qui, atteste-t-elle, montre que 22 505 visiteurs uniques provenant du Canada ont visité le blogue en ligne de Nygård au cours de la période pertinente.

Analyse et motifs de la décision

[15]           Nygård soutient qu'elle a clairement annoncé et offert ses Services sous la Marque au Canada au cours de la période pertinente, comme le démontrent les articles représentatifs de blogue fournis dans les Pièces C à E et le graphique de Google Analytics fourni à la Pièce F. Plus précisément, Nygård soutient que les clients canadiens, voyant la Marque dans son blogue, ont cliqué sur le lien du magasin en ligne de Nygård pour parcourir le site et commander des vêtements et accessoires spécialement conçus pour leurs besoins particuliers d'après les recommandations du blogue.

[16]           Nygård soutient également que le fait que ses Services semblent être offerts comme faisant partie intégrante de ses services en ligne de vente au détail ou comme un service accessoire à son activité principale ne change rien au fait que les Services sont offerts. De plus, Nygård soutient avec raison qu'il n'y a pas de définition de « services » dans la Loi, pas plus que la définition de « marque de commerce » n'est interprétée aussi strictement qu'elle donne à penser que les services se limitent à ceux qui ne sont pas accessoires ou secondaires à la vente de produits; [traduction] « du moment que des membres du public, des consommateurs ou des acheteurs en tirent un avantage, l'activité constitue un service » [citant à l'appui Riches, McKenzie & Herbert c Gulliver’s, The Travel Accessory Store Ltd, 2006 CanLII 80508, p. 11 (COMC); Renaud Cointreau, précité; et Société Nationale des Chemins de Fer Français SNCF c Venice Simplon-Orient-Express Inc et al (2000), 9 CPR (4th) 443 (CF)].

[17]           J'estime que Nygård a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les Services ainsi que l'exigent les articles 4(2) et 45 de la Loi. Les Pièces C à E démontrent que le visiteur du blogue en ligne sur la mode de Nygård se voit offrir une sélection de vêtements et d'accessoires d'après des critères et des attributs clairement définis. Par exemple, dans la Pièce C, les clients obtiennent une liste de critères en fonction desquels ils peuvent se classer comme ayant une palette de couleurs chaudes ou froides. Des sélections précises de vêtements et d'accessoires pour chaque palette de couleurs sont fournies aux clients. L'article dirige ensuite les clients vers le site Web de vente au détail de Nygård à partir duquel les clients peuvent acheter les vêtements et les accessoires recommandés.

[18]           De même, dans les Pièces D et E, des critères et des attributs sont fournis aux clients d'après le nombre d'articles vestimentaires désiré et le type de corps respectivement, et des exemples de vêtements et d'accessoires qui correspondent à ces critères et à ces attributs leur sont fournis. Mme Roseborough atteste que le fait de cliquer sur l'un ou l'autre des liens fournis dans les articles de blogue dirige le client vers une page du site Web de Nygård à partir de laquelle le client peut acheter les articles recommandés. Même si le client fait le choix final, de l'information, des recommandations et des sélections précisément définies pour permettre ce choix sont fournies au client. J'estime que les exemples de vêtements et d'accessoires présentés dans les Pièces C à E d'après les critères et les attributs personnels et les liens vers le site Web à partir duquel les clients pourraient acheter les vêtements et accessoires démontrent que les clients pouvaient [traduction] « trouver des vêtements et des accessoires spécialement conçus pour répondre à leurs besoins et à leurs critères ».

[19]           Les statistiques sur les visites du site Web fournies dans la Pièce F et montrant le nombre de visiteurs canadiens uniques sur le blogue en ligne de Nygård ne démontrent pas que des visiteurs ont réellement accédé aux Services strictement pour finalement faire des achats d'après les recommandations du blogue. Les détails de commande reliés aux opérations de vente faites en ligne présentés dans la Pièce B ne le démontrent pas non plus.

[20]           Néanmoins, les Pièces C à E démontrent que, à tout le moins, les Services étaient offerts pour exécution au Canada. De plus, comme il existe certains éléments de preuve selon lesquels des Canadiens ont accédé au blogue de Nygård et pouvaient acheter et ont acheté des vêtements et accessoires de Nygård au cours de la période pertinente, j'estime raisonnable de conclure qu'au moins certaines des ventes de Nygård faites en ligne ont résulté de l'information, des conseils et des sélections d'articles de mode présentés sur le blogue qui arborait clairement la Marque.

[21]           Enfin, bien que les blogues de Nygård soient employés pour promouvoir les ventes en ligne des articles de mode de Nygård, j'estime que l'information donnée par l'entremise de ces blogues va au-delà de ce qu'un client pourrait normalement s'attendre d'un magasin de vente au détail en ligne. J'estime que les services réellement annoncés ou exécutés par Nygård, comme en témoigne l'état déclaratif des services, équivalent à davantage que la simple annonce des produits de Nygård; un service est offert dans les blogues de mode de Nygård arborant la Marque dont le public tire un avantage. En conséquence, la présente espèce se distingue de l'affaire Ralston Purina Canada Inc c Effem Foods Ltd (2000), 5 CPR (4th) 398 (COMC).

Décision

[22]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi et, conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l'enregistrement no LMC716,908 sera maintenu au registre.

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Kathryn Barnett

Agente d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

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