Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 191

Date de la décision : 2015-10-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Partie requérante

et

 

Vifor (International) AG, (Vifor (International) Ltd.), (Vifor, (International) Inc.)

Propriétaire inscrite

 

 

 



 

LMC722,470 pour la marque de commerce ferinject & Dessin

 

Enregistrement

[1]               Le 15 novembre 2013, à la demande de Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Vifor (International) AG, (Vifor (International) Ltd.), (Vifor, (International) Inc.) (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC722,470 de la marque de commerce ferinject & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous :

ferinject & Design

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits [Traduction] « Préparations pharmaceutiques pour le traitement de la carence en fer et de l'anémie ferriprive ».

[3]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 15 novembre 2010 au 15 novembre 2013.

[4]               La définition pertinente d'« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4 de la Loi, lequel est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des produits ou sur les emballages qui les contiennent est réputée, quand ces produits sont exportés du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces produits.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre d'une procédure en vertu de l'article 45 soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l'enregistrement au cours de la période pertinente

[6]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit un seul affidavit souscrit par deux personnes, le Dr Cyrill Blatter et M. Jean-Marc Ligibel, le 10 juin 2014 à St-Gall, en Suisse. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

La preuve de la Propriétaire

[7]               Dans leur affidavit, le Dr Blatter et M. Libigel attestent qu'ils sont respectivement le directeur des Services et de l'efficacité marketing de la Propriétaire et le chef de la Propriété intellectuelle de la Propriétaire. Ils attestent que la Propriétaire est une société suisse qui fabrique des produits pharmaceutiques pour le traitement de divers maux. Ils affirment que la Propriétaire a conclu, le 11 avril 2004, un contrat de licence avec Luitpold Pharmaceuticals, Inc. pour la distribution des produits spécifiés dans l'enregistrement aux États-Unis et au Canada. Les déposants confirment que, par le truchement de ce contrat de licence, la Propriétaire exerce un contrôle sur la qualité des produits qui sont vendus en liaison avec la Marque.

[8]               À cet égard, les déposants affirment que les produits spécifiés dans l'enregistrement ont été vendus, en liaison avec la Marque, en Europe et aux États-Unis. Toutefois, en ce qui concerne le Canada, la Propriétaire concède qu'elle n'a pas établi l'emploi de la Marque pendant la période pertinente au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[9]               Les déposants attestent, en revanche, que la « préparation pharmaceutique » spécifiée dans l'enregistrement est actuellement en voie d'être approuvée par Santé Canada. Ils affirment, en conséquence, que ce processus constitue une circonstance spéciale qui justifie le défaut d'emploi pendant la période pertinente.

[10]           À cet égard, les déposants présentent une chronologie des interactions que Luitpold a eues avec Santé Canada de 2009 à 2014. Ils ont joint à leur affidavit des copies de lettres que Luitpold a adressées à Santé Canada au cours de cette période. Une part importante du contenu des lettres jointes à leur affidavit a été caviardée; toutefois, d'après ces lettres et les déclarations des déposants, la chronologie pertinente s'établit comme suit :

         21 juillet 2009 : Luitpold soumet à Santé Canada une présentation de nouveau médicament (PNM) pour la préparation pharmaceutique spécifiée dans l'enregistrement.

         28 avril 2010 : Luitpold retire la PNM. Les déposants ne précisent pas les raisons pour lesquelles Luitpold a retiré cette PNM.

         14 décembre 2012 : Luitpold soumet à Santé Canada une seconde PNM pour la préparation pharmaceutique spécifiée dans l'enregistrement. Une copie partiellement caviardée de cette PNM est jointe comme pièce B à l'affidavit. Les déposants ne précisent pas les raisons du délai qui sépare la première PNM et de la seconde PNM. Je souligne que dans la seconde PNM, la préparation est appelée « Injectafer® », plutôt que « Ferinject » ou un nom similaire; les déposants n'expliquent pas pourquoi.

         8 mai 2013 : Luitpold envoie une pièce de correspondance à Santé Canada concernant une « Response to Screening and Review Requests » [Réponse à des demandes d'examen préliminaire et d'évaluation]. Une copie partiellement caviardée de cette pièce de correspondance est jointe comme pièce C à l'affidavit.

         26 juin 2013 : Luitpold envoie une pièce de correspondance à Santé Canada concernant une « Response to Review Request » [Réponse à une demande d'évaluation]. Une copie de cette pièce de correspondance est jointe comme pièce D à l'affidavit. La pièce de correspondance est fortement caviardée, mais, là encore, c'est « Injectafer® » qui figure dans la ligne d'objet.

         15 novembre 2013 : Le registraire envoie l'avis prévu à l'article 45 à la Propriétaire.

         21 novembre 2013 : Luitpold envoie une pièce de correspondance à Santé Canada concernant une « Response to Clinical Request » [Réponse à une demande clinique]. Une copie partiellement caviardée de cette pièce de correspondance est jointe comme pièce E à l'affidavit. À partir de ce point, dans la correspondance qu'elle adresse à Santé Canada, Luitpold emploie « Ferinject® » pour désigner le produit médicamenteux, plutôt que « Injectafer® ».

         11 décembre 2013 : Santé Canada délivre un Avis de non-conformité (ANC) à l'égard de la seconde PNM de Luitpold.

         19 décembre 2013 : Luitpold envoie une pièce de correspondance à Santé Canada dans laquelle elle sollicite une rencontre le 27 janvier 2014 pour discuter de l'ANC. La lettre indique que le but de la rencontre est de discuter des raisons [Traduction] « scientifiques/cliniques » à l'origine de la décision de Santé Canada de ne pas approuver la PNM. Une copie partiellement caviardée de cette pièce de correspondance est jointe comme pièce F à l'affidavit.

         5 février 2014 : Luitpold rencontre Santé Canada pour discuter de l'ANC.

         14 février 2014 : Luitpold envoie une pièce de correspondance à Santé Canada dans laquelle elle demande une prorogation du délai alloué pour répondre à l'ANC. La lettre indique que la raison pour laquelle une prorogation était demandée est que cette dernière était [Traduction] « nécessaire pour préparer une justification à l'appui de l'indication générale concernant l'anémie ferriprive qui n'était pas mentionnée dans l'Avis de non-conformité » et pour garantir que la Propriétaire fournit [Traduction] « une réponse exhaustive comprenant l'information demandée dont il a été question » lors de la rencontre du 5 février. Une copie partiellement caviardée de cette pièce de correspondance est jointe comme pièce G à l'affidavit.

         10 juin 2014 : Les déposants souscrivent l'affidavit en réponse à l'avis du registraire.

[11]           Comme je l'ai indiqué ci-dessus, la correspondance produite est fortement caviardée et ne nous éclaire pas beaucoup sur les détails des processus d'approbation pharmaceutiques de Santé Canada. Je souligne, en outre, que la Propriétaire ne fournit aucun élément de preuve décrivant, en des termes généraux, les processus de Santé Canada relatifs à la PNM et à l'ANC, ou indiquant les échéanciers qui sont généralement associés à ces processus.

Admissibilité de l'affidavit

[12]           À l'audience, la Partie requérante a soutenu que l'affidavit du Dr Blatter et de M. Ligibel était inadmissible en raison d'irrégularités techniques. À cet égard, elle a fait valoir que l'affidavit n'était pas admissible en vertu [Traduction] « des normes canadiennes » parce qu'il a été souscrit conjointement par deux personnes. La Partie requérante a également fait valoir que l'affidavit n'était pas dûment notarié. Enfin, la Partie requérante a soutenu que les pièces n'étaient pas signées par [Traduction] « l'agent de légalisation » et qu'elles n'étaient donc pas dûment [Traduction] « légalisées ».

[13]           En réponse, la Propriétaire a soutenu que l'affidavit était dûment souscrit selon les normes en vigueur dans la juridiction où il a été souscrit, c'est-à-dire la Suisse. À ce titre, la Propriétaire a fait valoir que l'affidavit était dûment notarié et que les pièces jointes étaient suffisamment [Traduction] « légalisées ».

[14]           Le registraire accepte généralement les affidavits souscrits dans des juridictions étrangères du moment qu'ils sont conformes aux exigences de cette juridiction [voir, par exemple, Dubuc c Montana (1991), 38 CPR (3d) 88 (COMC) et Bull, Housser & Tupper LLP c Sacha London, SL 2013 COMC 112, 113 CPR (4th) 371]. En outre, il est arrivé à maintes reprises, dans le contexte de procédures en vertu de l’article 45 – qui se veulent sommaires et expéditives – que le registraire considère comme de simples détails techniques certaines des irrégularités que présentaient des affidavits et déclarations solennelles [voir Brouillette, Kosie c Luxo Laboratories Ltd (1997), 80 CPR (3d) 312 (COMC) et 88766 Canada Inc c Tootsie Roll Industries Inc (2006), 56 CPR (4th) 76 (COMC)]

[15]           Par conséquent, je ne vois aucune raison, aux fins de la présente procédure, de considérer la preuve fournie comme inadmissible. Comme l'a indiqué la Propriétaire, l'affidavit semble avoir été dûment souscrit dans une juridiction étrangère.

[16]           En outre, aucune des parties n'a présenté de jurisprudence quant à la question de savoir si un seul affidavit souscrit par deux personnes est admissible devant le registraire. Bien qu'il ait un caractère inhabituel du fait qu'il a été souscrit par deux personnes, l'affidavit produit en l'espèce ne contient aucune déclaration qui le rend ambigu quant à son contenu. Pour l'essentiel, l'affidavit explique simplement la relation entre la Propriétaire et Luitpold, et rend compte des interactions que Luitpold a eues avec Santé Canada. Étant donné les postes qu'occupent respectivement les déposants chez la Propriétaire, j'admets qu'ils seraient tous deux au courant des faits dont ils témoignent. Par conséquent, je ne vois pas de raison pour laquelle l'affidavit devrait être considéré comme inadmissible en l'espèce simplement parce qu'il a été souscrit conjointement par deux personnes [voir également GD Express Worldwide NV c Skyward Aviation Ltd (2000), 7 CPR (4th) 348 (COMC), pour un constat similaire de la part du registraire].

Ouï-dire

[17]           À titre subsidiaire, la Partie requérante, fait valoir que, puisque les déposants ne sont pas à l'emploi de Luitpold, et ne sont pas les présidents de la Propriétaire, on ne sait pas vraiment [Traduction] « quel contrôle et quel accès » les déposant ont exercé sur les activités de Luitpold ou ont eu aux activités de Luitpold pendant la période pertinente. À cet égard, la Partie requérante soutient qu'il n'y a pas de raison que les déposants aient une connaissance personnelle des activités de Luitpold. Partant, la Partie requérante soutient que la preuve ayant trait à Luitpold contenue dans l'affidavit, y compris les pièces de correspondance qui y sont jointes, constitue une preuve par ouï-dire inadmissible.

[18]           En réponse, la Propriétaire soutient que la déclaration des déposants est suffisante, à elle seule, pour établir l'existence d'un contrat de licence entre la Propriétaire et Luitpold. Plus particulièrement, la Propriétaire soutient que [Traduction] « les activités exercées sous licence par Luitpold en liaison avec la marque ferinject & Dessin » sont réputées être [Traduction] « au bénéfice » de la Propriétaire.

[19]           Il semble que la Propriétaire réponde à une question de licence qui n'a pas été soulevée par la Partie requérante. Étant donné que la Propriétaire a concédé qu'il n'y a pas eu emploi de la Marque au Canada, il n'y a aucune question de licence en l'espèce.

[20]           Il est vrai que la Cour fédérale a indiqué qu'une approche plus stricte à l'égard de la preuve par ouï-dire pouvait être appropriée au titre de l'article 57 de la Loi, dans le cas de procédures contradictoires visant à définir les droits des parties; cependant, vu la nature sommaire des procédures de radiation, les préoccupations relatives au fait que la preuve tient du ouï-dire doivent être axées sur le poids qu'il convient d'accorder à cette preuve, plutôt que sur son admissibilité [voir Eva Gabor International Ltd c 1459243 Ontario Inc, 2011 CF 18, 90 CPR (4th) 277]. Encore une fois, compte tenu de la nature des postes qu'occupent respectivement les déposants chez la Propriétaire, j'admets que les déposants devraient normalement avoir connaissance des activités qu'exerce Luitpold en Amérique du Nord pour le compte de la Propriétaire.

Circonstances spéciales

[21]           Puisque la Propriétaire a concédé qu'il n'y avait aucune preuve de l'emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente, la question qui se pose est de savoir si, aux termes de l'article 45(3) de la Loi, il existait des circonstances spéciales justifiant un tel défaut d'emploi.

[22]           La règle générale porte que le défaut d’emploi doit être sanctionné par la radiation, mais il peut être fait exception à cette règle lorsque le défaut d'emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd, 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303].

[23]           Pour déterminer si l'existence de circonstances spéciales a été démontrée, le registraire doit en premier lieu déterminer, à la lumière de la preuve, la raison pour laquelle la marque de commerce n'a pas, dans les faits, été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons à l'origine du défaut d'emploi constituent des circonstances spéciales [selon Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. La Cour fédérale a statué que des circonstances spéciales s'entendaient de circonstances ou de raisons [Traduction] « inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c The Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst.), para. 29].

[24]           Si le registraire détermine que les raisons du défaut d'emploi constituent des circonstances spéciales, il lui faut encore déterminer si ces circonstances spéciales justifient la période de défaut d'emploi. Cette détermination repose sur l'examen de trois critères : i) la durée de la période pendant laquelle la marque n'a pas été en usage; ii) la question de savoir si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et iii) la question de savoir s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting, précité].

[25]           La Cour d'appel fédérale a apporté des précisions quant à l'interprétation du deuxième critère, à savoir que ce critère doit obligatoirement être rempli pour que l'on puisse conclure à l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi d'une marque de commerce [Scott Paper Ltd, précité]. En d'autres termes, les deux autres critères sont pertinents, mais ne peuvent à eux seuls constituer des circonstances spéciales justifiant un défaut d'emploi.

[26]           De plus, l'intention de reprendre l'emploi doit être corroborée par la preuve [voir Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst.); NTD Apparel Inc c Ryan 2003 CFPI 780, 27 CPR (4th) 73].

Raisons du défaut d’emploi

[27]           Comme je l'ai indiqué précédemment, la Propriétaire soutient que le [Traduction] « très long » processus d'approbation de la PNM est la raison à l'origine du défaut d'emploi de la Marque. À cet égard, la Propriétaire affirme qu'il n'y a eu aucun délai déraisonnable dans les démarches entreprises par Luitpold pour obtenir l'approbation de Santé Canada.

[28]           En réponse, la Partie requérante soutient qu'un propriétaire qui se heurte à des obstacles d'ordre réglementaire, tels que le processus d'approbation des PNM, doit fournir des raisons suffisantes pour expliquer en quoi la période de défaut d'emploi était raisonnable [citant Blake, Cassels & Graydon LLP c Canadian Western Bank, 2011 COMC 201, 97 CPR (4th) 324, para. 14]. La Partie requérante souligne qu'aucun élément de preuve n'a cependant été fourni pour expliquer les situations suivantes : le délai d'un an entre l'enregistrement de la Marque et la première PNM; l'annulation de la première PNM par Luitpold; et le délai de plus trois ans entre la première PNM et la deuxième PNM soumises par Luitpold.

[29]           Bien que les processus d'approbation gouvernementaux puissent constituer des circonstances spéciales [voir Montorsi Francesco E Figli-SpA c San Daneile Ham (2007), 63 CPR (4th) 255 (COMC)], il n'apparaît pas clairement en l'espèce que le processus d'approbation de la PNM, lui-même, était la raison du défaut d'emploi. La Propriétaire affirme simplement que le processus d'approbation de la PNM est [Traduction] « très long » et que tous les délais étaient [Traduction] « raisonnables », laissant ainsi au registraire le loisir de présumer que le processus d'approbation de la PNM est à l'origine du défaut d'emploi.

[30]           Or, je conviens avec la Partie requérante que la Propriétaire n'a pas fourni des explications et une preuve suffisantes en ce qui concerne les délais dans le dépôt des PNM et l'annulation de la première PNM.

[31]           En outre, la Propriétaire ne fournit aucune description des processus de Santé Canada relatifs à la PNM et à l'ANC. En l'absence de détails, il n'apparaît pas clairement que ces processus devraient être considérés comme des circonstances inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles constituant des circonstances spéciales [voir Harris Knitting Mills, précité; et Lander Co Canada Ltd c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst.)].

[32]           Par conséquent, en l'espèce, il est, au mieux, incertain que le processus d'approbation de la PNM était la raison du défaut d'emploi de la Marque pendant la période pertinente.

[33]           En effet, la Propriétaire ne fournit aucune raison pour expliquer le retrait de la première PNM ou les délais subséquents. Qui plus est, la Propriétaire ne fournit aucune pièce de correspondance se rapportant à la première PNM. Quant à la deuxième PNM, les pièces sont fortement caviardées et ne permettent pas de déterminer si les délais étaient volontaires ou non.

[34]           En conséquence, je conviens avec la Partie requérante que la décision de la Propriétaire d'annuler la première PNM et son apparente inaction ne peuvent pas être considérées comme involontaires. En l'absence d'une preuve contraire, j'estime que les délais sont probablement attribuables, du moins en partie, à des décisions d'affaires prises volontairement par la Propriétaire. Or, les décisions d'affaires volontaires ne font pas partie des circonstances inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles qui constituent des circonstances spéciales [selon Harris Knitting Mills, précité; Lander, précitée].

[35]           Par conséquent, je ne suis pas convaincu que les raisons du défaut d'emploi de la Marque en l'espèce constituent des circonstances spéciales.

[36]           Je me pencherai néanmoins sur la question de savoir si le processus d'approbation de la PNM en l'espèce pourrait constituer une circonstance spéciale justifiant le défaut d'emploi de la Marque au regard des trois critères établis par la Cour d'appel fédérale [dans Harris Knitting, précité].

Durée du défaut d'emploi

[37]           Dans les cas comme celui-ci, lorsque le propriétaire n'allègue l'emploi de sa marque à aucun moment, la date de l'enregistrement est considérée comme la date pertinente pour les besoins du premier critère [selon Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Rath, 2010 COMC 34, 82 CPR (4th) 77]. Ainsi, puisque la Marque a été enregistrée le 27 août 2008, la période de défaut d'emploi est de plus de six ans.

Les raisons du défaut d'emploi étaient-elles indépendantes de la volonté de la Propriétaire?

[38]           Tout comme j'ai conclu ci-dessus que les raisons du défaut d'emploi étaient plus vraisemblablement attribuables aux décisions d'affaires volontaires et/ou à l'inaction de la Propriétaire, je ne considère pas que le processus d'approbation de la PNM en soi était indépendant de la volonté de la Propriétaire. La Propriétaire a eu six ans, à partir de la date de l'enregistrement, pour mener à terme le processus d'approbation de la PNM. Bien que la Propriétaire soutienne qu'elle a [Traduction] « participé avec diligence » au processus d'approbation de la PNM et que [Traduction] « il ne s'agit pas d'un délai déraisonnable dans les circonstances », elle ne fournit aucune explication à savoir pourquoi un délai de plus de six ans constitue une période raisonnable dans les circonstances.

[39]           Dans Montorsi, précitée, des négociations entre les gouvernements canadiens et italiens avaient eu un impact sur le processus d'approbation du propriétaire inscrit et ont été considérées comme des circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit. En l'espèce, la Propriétaire a uniquement fourni des pièces de correspondance fortement caviardées en ce qui a trait au processus de la PNM. Ces lettres n'établissent pas l'existence de circonstances semblables à celles qui prévalaient dans Montorsi.

[40]           Je conviens effectivement avec la Partie requérante qu'étant donné le peu d'explications fournies par la Propriétaire, une inférence défavorable doit être tirée, à savoir que la Propriétaire, à tout le moins, n'était pas en position de satisfaire aux critères de Santé Canada pour l'approbation de la PNM.

[41]           En outre, les pièces de correspondance jointes à l'affidavit indiquent que LuitPold n'a cherché à obtenir avec empressement l'approbation de la PNM qu'après que l'avis en vertu de l'article 45 ait été donné. Après l'avis, la correspondance de Luitpold avec Santé Canada est devenue plus fréquente et Luipold a commencé à employer « Ferinject® » pour désigner la préparation pharmaceutique, plutôt que « Injectafer® ». La question qui se pose, dans ce contexte, est de savoir pourquoi un tel effort n'a pas été déployé avant que l'avis ne soit donné.

[42]           À cet égard, je reproduis ci-dessous l'observation formulée par la Cour d'appel fédérale dans Plough, précité :

[Traduction]
Il n'est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s'il ne l'emploie pas, c'est-à-dire s'il ne l'emploie pas du tout ou s'il ne l'emploie pas à l'égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée. [au paragraphe 66]

[43]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que le processus d'approbation de la PNM en l'espèce était indépendant de la volonté de la Propriétaire.

Y a-t-il une intention sérieuse de commencer l'emploi?

[44]           En ce qui concerne la question de savoir si la Propriétaire a démontré qu'elle entendait sérieusement commencer l'emploi, les déposants attestent que la Propriétaire a l'intention d'employer la Marque au Canada dès que la PNM aura été approuvée par Santé Canada. Comme je l'ai mentionné ci-dessus, cette intention semble se manifester dans la fréquence accrue de la correspondance que Luitpold a adressée à Santé Canada après la date de l'avis en vertu de l'article 45.

[45]           Néanmoins, la Partie requérante souligne que, bien que « Ferinject® » soit employé dans la correspondance, la Marque telle qu'elle est enregistrée, c'est-à-dire avec les mots et éléments graphiques supplémentaires, ne figure nulle part dans la correspondance. La Partie requérante soutient, en outre, que, bien que les déposants affirment que la Marque telle qu'elle est enregistrée est employée à l'extérieur du Canada, aucune preuve de cet emploi n'a été fournie. À ce titre, la Partie requérante soutient qu'on ne sait pas vraiment si la Propriétaire à l'intention d'employer la Marque figurative telle qu'elle est enregistrée, ou si elle entend employer INJECTAFER ou une variante de FERINJECT qui pourrait ne pas constituer un emploi de la Marque telle qu'elle est enregistrée.

[46]           Dans tous les cas, la Partie requérante souligne que la Propriétaire ne précise par combien de temps il faudrait à Luitpold pour mettre la préparation pharmaceutique en question sur le marché. En l'absence d'une preuve indiquant à quel moment la Propriétaire vendra au Canada les produits spécifiés dans l'enregistrement, la Partie requérante soutient que la preuve au dossier n'est pas suffisante pour établir l'existence d'une intention sérieuse de commencer à employer la Marque sous peu.

[47]           En effet, on ignore combien de temps encore durera le défaut d'emploi en l'espèce. La Propriétaire n'a produit aucune preuve quant à la durée habituelle du processus d'approbation d'une PNM, pas plus qu'elle n'a fourni de calendrier probable pour sa PNM en particulier.

[48]           Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a suffisamment corroboré son intention de commencer à employer la Marque [selon Arrowhead Spring Water, précité et NTD Apparel, précitée].

[49]           Dans tous les cas, vu le défaut d'emploi prolongé et l'absence d'explications suffisantes à cet égard, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré que les raisons du défaut d'emploi de la Marque étaient indépendantes de sa volonté. Par conséquent, même si je concluais que le processus d'approbation de la PNM constitue une circonstance spéciale, je ne serais pas convaincu que cette circonstance, en l'espèce, justifie le défaut d’emploi de la Marque.

Décision

[50]           En conséquence, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi.

______________________________

Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

Date de l’audience : 2015-09-21

 

Comparutions

 

Gowling Lafleur Henderson LLP                                           Pour la Propriétaire inscrite

 

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.                            Pour la Partie requérante

 

Agents au dossier

 

Simon Hitchens                                                                       Pour la Propriétaire inscrite

 

Jonathan Colombo                                                                   Pour la Partie requérante

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