Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 205

Date de la décision : 2013-11-27
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par J David Insurance and Investment Ltd. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,484,823 pour la marque de commerce SUNFLEX LIFESTYLE PROTECTOR au nom de Sun Life Assurance Company of Canada

[1]               Le 11 juin 2010, Sun Life Assurance Company of Canada (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce SUNFLEX LIFESTYLE PROTECTOR (la Marque) fondée sur un emploi projeté en liaison avec les services suivants :

[TRADUCTION]
Services financiers, nommément services d'assurance; offre, gestion et administration de plans d'investissement et de fonds de placement, y compris régimes épargne-retraite, régimes de revenu de retraite, fonds distincts, caisses communes, régimes d'épargne enregistrés et non enregistrés; conseil en placement et gestion de portefeuille, services de conseils financiers; services de fonds communs de placement.

[2]               J David Insurance and Investment Ltd. (l’Opposante) s’est opposée à la demande d’enregistrement en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi).

[3]               Les motifs d’opposition soulevés à l’encontre de la demande sont les suivants : i) la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi; ii) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque aux termes de l’article 16(3)a) de la Loi en raison de l’emploi et de la révélation antérieurs de la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR au Canada par l’Opposante, en liaison avec divers services de nature financière s’apparentant à ceux de la Requérante; et iii) la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

[4]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Lynn Williams, souscrit le 6 mars 2012. Mme Williams n’a pas été contre-interrogée.

[5]               La Requérante n’a produit aucune preuve.

[6]               Aucune des parties n’a présenté de plaidoyer écrit.

[7]               Les parties étaient toutes deux présentes à l’audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve

[8]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a cependant le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Non-conformité – article 30i)

[9]               Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), un motif d’opposition fondé sur cet article ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155]. La Requérante a fourni la déclaration exigée et la présente espèce n’est pas un cas exceptionnel. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Analyse des autres motifs d’opposition

Absence de droit à l’enregistrement – article 16(3)a)

[10]                 L’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque aux termes de l’article 16(3)a) de la Loi au motif que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR, laquelle a été révélée au Canada et y est employée depuis au moins 1999, en liaison avec les services suivants :

[TRADUCTION]
« Planification, analyse, éducation et conseils de nature financière concernant la préservation du patrimoine, la planification des investissements, la planification successorale, la planification fiscale, la planification de la relève, la planification du départ d’un dirigeant et la planification de la retraite; analyse, éducation et conseils de nature financière concernant l’assurance commerciale, l’assurance collective, l’assurance vie, l’assurance maladie, l’assurance contre les maladies graves et l’assurance invalidité; analyse, éducation et conseils relatifs aux investissements financiers concernant les fonds communs de placement, les fonds distincts et les assurances; services de gestion de portefeuille »

[11]           Si la Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de THE LIFESTYLE PROTECTOR l’Opposante, l’Opposante doit, pour sa part, s’acquitter du fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce était en usage ou avait déjà été révélée à la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque, à savoir le 11 juin 2010, et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date d’annonce de la demande, à savoir le 12 janvier 2011 [article 16(5) de la Loi].

[12]           La définition de « marque de commerce révélée » est énoncée à l’article 5 de la Loi. L’Opposante n’a présenté aucune observation selon laquelle sa marque de commerce avait été « révélée » au sens de cette définition et rien au dossier n’indique qu’elle l’a été. Par conséquent, la question qui subsiste est celle de savoir si la preuve de l’Opposante démontre que la Marque était employée au Canada au sens de l’article 4 de la Loi.

[13]           À l’audience, la Requérante a fait valoir que la preuve présentée dans l’affidavit de Mme Williams n’est pas suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial qui lui incombe de démontrer que sa marque de commerce était déjà en usage à la date à laquelle la Requérante a produit sa demande. La Requérante a ajouté que même si l’affidavit de Mme Williams était suffisant pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau initial en ce qui concerne l’emploi avant la date de production de la demande, il ne serait pas suffisant pour démontrer que la marque de commerce de l’Opposante n’avait pas été abandonnée à la date d’annonce de demande d’enregistrement de la Marque. J’examinerai donc maintenant la preuve relative à cette question.

[14]           Mme Williams est la présidente de l’Opposante. Mme Williams affirme que l’entreprise a initialement été enregistrée à l’extérieur de la province, en septembre 1997, en Colombie-Britannique par son père [voir les paragr. 1 à 3 et 7, et les pièces 1 et 2], et que ce dernier a par la suite créé le nom THE LIFESTYLE PROTECTOR pour identifier et distinguer ses services de ceux de tiers dans les domaines de l’assurance et des services financiers, en 1998. Mme Williams indique que, le 15 janvier 1999, son père est entré en contact avec une entreprise de création graphique dans le but de lui confier le mandat de concevoir un dessin et un logo pour le nom THE LIFESTYLE PROTECTOR de l’Opposante [voir le paragr. 10 et la pièce 4]. Dans le document intitulé « Job Confirmation » qui est joint comme pièce 4, la marque de commerce spécifiée est LIFESTYLE PROECTOR, et non THE LIFESTYLE PROTECTOR. Peu après avoir communiqué avec l’entreprise de création graphique relativement à la conception du logo, son père a fait enregistrer une autre variante (THE LIFESTYLE PROTECTOR SOLUTION) du nom auprès du British Columbia Registrar of Companies [voir les paragr. 8, 9 et 10, et les pièces 3 et 4].

[15]           À l’audience, la Requérante a fait valoir que bien que l’information contenue dans ces paragraphes soit instructive, elle n’établit pas l’emploi de la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR de l’Opposante au cours de ces premières années. J’en conviens.

[16]           Toutefois, pour les raisons exposées ci-dessous, je suis d’avis que, considéré dans son ensemble, l’affidavit de Mme Williams est suffisant pour établir que l’Opposante avait déjà employé sa marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR à la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque et qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi à la date d’annonce de la demande.

[17]           Au paragraphe 4 de son affidavit, Mme Williams affirme que l’Opposante fournit des services de planification financière, de planification successorale, de planification du style de vie, de planification de la retraite, d’assurance maladie, d’assurance vie, d’assurance contre les maladies graves et de protection du revenu ainsi que des services d’investissement à des particuliers et à des entreprises. Elle affirme, en outre, que bien que l’Opposante exploite son entreprise à partir de la Colombie-Britannique, elle a également une clientèle en Alberta et en Saskatchewan [voir le paragr. 5].

[18]           Aux paragraphes 15 à 19, Mme Williams énumère les entreprises par l’entremise desquelles l’Opposante offre à ses clients des produits d’assurance individuelle et collective et des services de fonds commun de placement. Par exemple, au paragraphe 18, Mme Williams affirme que l’Opposante offre des « group insurance for the following insurance companies using the trade-mark THE LIFESTLYE PROTECTOR, namely Desjardins Financial Security and Great West Life [TRADUCTION : des assurances collectives pour les compagnies d’assurance suivantes sous la marque de commerce THE LIFESTLYE PROTECTOR, nommément Desjardins Financial Security et Great West Life] ». Au paragraphe 19, Mme Williams affirme que l’Opposante offre des « mutual funds, mutual fund investment analysis and review either directly or indirectly through Quadrus Investment Services Ltd. using the trade-mark THE LIFESYLE PROTECTOR [TRADUCTION : des services d’analyse et d’examen de fonds communs de placement et d'investissements dans des fonds communs de placement soit directement soit indirectement par l’entremise de Quadrus Investment Services Ltd. sous la marque de commerce THE LIFESYLE PROTECTOR] ».

[19]           En cours d’audience, la Requérante a fait valoir que ces paragraphes comportent une ambiguïté de langage qui peut être interprétée comme signifiant que la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR est détenue ou employée par une de ces entreprises, plutôt que par l’Opposante elle-même. En l’absence de tout contre-interrogatoire ou de toute preuve contraire de la part de la Requérante, je suis disposée à admettre que ces déclarations contenues dans l’affidavit de Mme Williams font référence à l’emploi que l’Opposante fait de sa marque de commerce en liaison avec les services qu’elle fournit à ses clients.

[20]           Au paragraphe 20 de son affidavit, Mme Williams indique que, de 1999 à 2008, les ventes brutes effectuées en liaison avec la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR ont été de l’ordre de 125 000 $ en moyenne, annuellement. Comme pièces 7 et 8 de son affidavit, Mme Williams a fourni des photographies de papier à correspondance officielle et de cartes professionnelles arborant la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR, qui, affirme-t-elle, ont été utilisées de mars 1999 à août 2009 [voir les paragr. 22 et 23].

[21]           Mme Williams indique qu’en août 2009, l’Opposante a conçu un nouveau logo pour ses documents de communication arborant la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR. Comme pièces 9,10, 11 et 12 de son affidavit, elle a fourni des copies de papier à correspondance officielle, de cartes professionnelles, de questionnaires sur la prise en charge de clients et de pages couvertures de télécopie arborant la nouvelle version du logo de l’Opposante ainsi que sa marque de commerce.

[22]           Mme Williams indique, aux paragraphes 25 à 28, que les documents fournis comme pièces 9, 10, 11 et 12 ont commencé à être utilisés en août 2009 et qu’ils l’étaient encore au moment où elle a souscrit son affidavit, à savoir le 6 mars 2012. Mme Williams indique également, au paragraphe 21 de son affidavit, qu’en 2009 et 2010, les ventes annuelles moyennes de l’Opposante ont été d’environ 175 000 $.

[23]           À l’audience, la Requérante a fait valoir que le changement de logo survenu en 2009 équivalait à l’abandon, à ce moment, de la marque de commerce de l’Opposante et que toute preuve antérieure à cette date ne devrait pas être prise en considération. Je ne suis pas cet avis.

[24]           L’emploi d’une marque de commerce en association avec des mots ou des éléments supplémentaires constitue un emploi de la marque si le public peut percevoir, à la première impression, que la marque est employée. Il s’agit là d’une question de fait qui dépend de celle de savoir si la marque de commerce se démarque des éléments additionnels et si la marque demeure reconnaissable [voir Nightingale Interloc Ltd c. Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535, p. 538 et Promafil Canada ltée c. Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[25]           Je suis d’avis que la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR de l’Opposante demeure reconnaissable et qu’elle se démarque clairement des logos qui ont été employés sur les documents aussi bien avant qu’après août 2009. Je conclus, par conséquent, qu’étant donné la façon dont la marque figure sur ces documents, il s’agit d'un emploi de la marque nominale THE LIFESTYLE PROTECTOR tel qu’il est indiqué dans la Déclaration d’opposition.

[26]           En cours d’audience, la Requérante a également fait valoir que rien n’indique qu’une quelconque de ces cartes professionnelles, pages couvertures de télécopie, etc. dont il est question aux paragraphes 22, 23, 24, 25, 26 et 27 et qui sont jointes comme pièces 7, 8, 9, 10, 11 et 12 à l’affidavit de Mme Williams ait été distribuée. Or, Mme Williams affirme clairement dans ces paragraphes que les documents étaient [TRADUCTION] « en usage » et indique les années pendant lesquelles ils ont été utilisés. Compte tenu de ces indications et compte tenu des chiffres des ventes annuelles que Mme Williams a fournis aux paragraphes 20 et 21 de son affidavit, j’estime raisonnable de conclure que ces documents ont été utilisés ou distribués dans le cours normal des activités commerciales de l’Opposante pendant les années en cause.

[27]           À l’audience, la Requérante a également fait remarquer qu’au paragraphe 21, Mme Williams n’affirme pas explicitement que les ventes annuelles moyennes de 2009 et de 2010 ont été réalisées en liaison avec la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR. En comparaison, au paragraphe 20, Mme Williams fournit les chiffres des ventes annuelles moyennes réalisées de 1999 à 2008 et spécifie que ces ventes se rapportent à l’emploi de la marque de commerce. Au regard du contenu de l’affidavit de Mme Williams dans son ensemble, il est raisonnable de conclure que ces chiffres concernent des ventes réalisées en liaison avec la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR de l’Opposante.

[28]           Comme je l'ai mentionné précédemment, Mme Williams indique clairement aux paragraphes 25 à 28 que le papier à correspondance officielle, les cartes professionnelles, les questionnaires sur la prise en charge et les pages couvertures de télécopie arborant la marque de commerce, qui sont joints comme pièces 9, 10, 11 et 12 à son affidavit, ont commencé à être employés en août 2009 et qu’ils l’étaient encore à la date à laquelle elle a souscrit son affidavit, à savoir le 6 mars 2012.

[29]           De plus, aux paragraphes 13 et 14, Mme Williams indique qu’elle s’est jointe à l’entreprise de son père en février 2009. Comme pièce 6 de son affidavit, elle a fourni une photocopie d’une certaine pièce de correspondance datée du 10 août 2010 qui, affirme-t-elle, a été envoyée aux clients pour leur annoncer qu’elle s’était jointe à l’entreprise de son père. La marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR figure bien en vue sur cette pièce de correspondance.

[30]           Qui plus est, Mme Williams affirme qu’en avril 2009, l’Opposante a acheté les noms de domaine www.lifestyleprotector.ca et www.thelifestyleprotector.ca [voir le paragr. 30 et les pièces 14 et 15]. Elle affirme que son site Web est actif depuis octobre 2009. Comme pièce 16, elle a fourni une copie d’écran en couleurs de la page Web originale qui a été mise en ligne en octobre 2009. Comme pièce 17, elle a fourni une copie d’écran d’une des pages du site Web actuel de l’Opposante. La marque de commerce de l’Opposante figure sur ces deux copies d’écran. 

[31]           La Requérante a également signalé, et elle a raison sur ce point, que l’Opposante n’est pas identifiée comme la titulaire dans les détails des enregistrements des noms de domaines thelifestyleprotector.ca et lifestyleprotector.ca joints comme pièces 14 et 15 à l’affidavit de Mme Williams. Or, en l’absence de tout contre-interrogatoire ou de toute preuve contraire de la part de la Requérante, je suis disposée à accepter les déclarations sous serment de Mme Williams qui figurent aux paragraphes 30 à 32 voulant que l’Opposante ait acheté les noms de domaines en avril 2009 et que l’hébergement du site Web soit assuré par un employé de l’Opposante.   

[32]           Bien que l’affidavit de Mme Williams comporte certaines lacunes, je suis d’avis, après interprétation objective de l’affidavit dans son ensemble, que la Requérante a fourni la preuve que sa marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR avait déjà été employée à la date du 11 juin 2010, et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date du 12 janvier 2011. La Requérante avait la possibilité de contre-interroger Mme Williams pour dissiper ou confirmer les doutes qu’elle entretenait quant à la véracité de sa preuve, mais elle a choisi de ne pas le faire.

[33]           Je conclus, par conséquent, que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial.

[34]           L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve, je dois maintenant déterminer si la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[35]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; bla période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; dla nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[36]           Cette liste de facteurs n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC)]. 

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle chaque marque de commerce est devenue connue

[37]           Bien que la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR de l’Opposante possède un certain caractère distinctif inhérent, il ne s’agit pas d’une marque de commerce hautement distinctive. À cet égard, je souligne qu’elle est formée de mots du dictionnaire d’usage courant qui, employés en combinaison, évoquent dans une certaine mesure les services de l’Opposante. Plus particulièrement, la marque de commerce de l’Opposante suggère aux consommateurs que le recours aux services financiers et aux services d’assurance de l’Opposante peut, d’une manière ou d’une autre, les aider à maintenir leur style de vie. Étant donné que la Marque SUNFLEX LIFESTYLE PROTECTOR de la Requérante comprend, elle aussi, les mots LIFESTYLE PROTECTOR et qu’elle est employée en liaison avec des services du même genre que ceux de l’Opposante, les idées qu’elle suggère sont similaires. La présence de SUNFLEX, qui semble être un terme inventé, contribue toutefois à accroître, dans une certaine mesure, le caractère distinctif inhérent de la Marque de la Requérante. Pour cette raison, j’estime que la Marque de la Requérante possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus fort que la marque de commerce de l’Opposante. 

[38]           Le caractère distinctif d’une marque peut être accru par l’emploi et la promotion. À la date de production de la demande de la Requérante, seule la marque de l’Opposante avait été employée. Je dois, par conséquent, conclure que seule la marque de l’Opposante était devenue connue dans une certaine mesure.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[39]           La demande d’enregistrement de la Marque est fondée sur un emploi projeté. Par conséquent, la période pendant laquelle chaque marque a été en usage antérieurement à la production de la demande favorise l’Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[40]           Les parties offrent toutes deux des services financiers/d’assurance et tout porte à croire que leurs services emprunteraient les mêmes voies de commercialisation.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[41]           Dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al. (2011), 92 CPR (4th) 361 (SCC), la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énoncés à l’article 6(5) de la Loi était souvent le degré de ressemblance entre les marques [voir également Beverley Bedding & Upholstery Co c. Regal Bedding & Upholstering Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF), p. 149, conf. par (1982), 60 CPR (2d) 70 (CAF)].

[42]           En l’espèce, la Requérante a quasiment repris intégralement la marque de commerce de l’Opposante. La seule différence tient au fait que la Requérante a remplacé le mot non distinctif « THE », qu’on retrouve dans la marque de l’Opposante, par le mot « SUNFLEX ». Il est vrai que le premier élément constitutif d’une marque est souvent le plus important au regard du caractère distinctif et, en ce sens, la présence du mot « SUNFLEX » dans la marque de la Requérante se traduit par certaines différences sur les plans visuel et phonétique. Néanmoins, je suis d’avis qu’il existe tout de même un degré de ressemblance considérable entre les marques de commerce des parties et, comme je l’ai indiqué précédemment, les marques suggèrent des idées très similaires.

[43]           Par conséquent, je conclus que ce dernier facteur favorise également l’Opposante.

Conclusion

[44]           Après avoir examiné l’ensemble des circonstances de l’espèce et appliqué le test en matière de confusion en considérant qu’il tient de la première impression et de souvenir imparfait, je conclus qu’il existe une probabilité de confusion entre les marques des parties. J’arrive à cette conclusion en raison, plus particulièrement, des faits suivants : i) la Requérante a incorporé à sa Marque l’intégralité de la partie dominante de la marque de l’Opposante; ii) seule la marque de l’Opposante avait été employée et était devenue connue dans une certaine mesure à la date pertinente du 11 juin 2010; et iii) les marques sont toutes deux destinées à un emploi en liaison avec des financiers et des services d’assurance.

[45]           Étant donné que la Requérante avait le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne causait pas de confusion avec la marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR à la date de production de la demande, et qu’elle ne s’est pas acquittée de ce fardeau, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est accueilli.

Absence de caractère distinctif – article 2

[46]           L’Opposante allègue que la Marque SUNFLEX LIFESTYLE PROTECTOR de la Requérante n’est pas distinctive, parce qu’elle ne distingue pas les services de la Requérante de ceux de l’Opposante, en liaison avec lesquels l’Opposante emploie sa marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR depuis au moins 1999.

[47]           La date pertinente pour évaluer ce motif est la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[48]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses services de ceux de tiers partout au Canada, l’Opposante doit, pour sa part, s’acquitter du fardeau initial d’établir l’existence des faits invoqués à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif [Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[49]           En l’espèce, l’Opposante a l’obligation de démontrer que, à la date de production de la déclaration d’opposition, à savoir le 10 juin 2011, sa marque de commerce THE LIFESTYLE PROTECTOR était devenue suffisamment connue au Canada pour faire perdre à la Marque de la Requérante son caractère distinctif. La notoriété de la marque de commerce de l’Opposante doit être substantielle, significative ou suffisante [Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, conf. par (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[50]           Je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve. Selon l’affidavit de Mme Williams, l’Opposante a une clientèle dans les provinces de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan uniquement [voir le paragr. 5]. Bien qu’au paragraphe 33 de Bojangles’ International LLC, la Cour ait indiqué que [TRADUCTION] « une marque peut faire perdre à une autre marque son caractère distinctif si elle est bien connue dans une région précise du Canada », il n’est pas manifeste en l’espèce que la marque de l’Opposante était « bien connue » dans les provinces de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan à la date pertinente du 10 juin 2011.

[51]           Certes, Mme Williams a fourni les chiffres des ventes annuelles approximatives des années 1999 à 2010, mais ces chiffres ne sont pas particulièrement élevés compte tenu de la nature des services de l’Opposante, et il n’y a aucune indication quant à la façon dont l’Opposante facturait ses services à ses clients ou au nombre de clients auxquels elle a fourni ses services pendant cette période. En d’autres termes, ces chiffres de vente pourraient concerner aussi bien une poignée de clients qu’un nombre plus important, selon la façon dont les services de l’Opposante sont facturés. En outre, il n’y a aucune information quant à la mesure dans laquelle les services de l’Opposante ont été publicisés ou annoncés au cours des années 1999 à 2008 et aucun chiffre n’a été fourni en ce qui concerne les dépenses publicitaires ou promotionnelles annuelles. 

[52]           Au paragraphe 29 de son affidavit, Mme Williams indique que l’Opposante a commencé à distribuer un bulletin d’information à 488 de ses clients et contacts en juin 2010. Or, le bulletin d’information qui est joint comme pièce 13 à l’affidavit de Mme William est postérieur à la date pertinente du 10 juin 2011 de plusieurs mois. 

[53]           Mme Williams affirme également, aux paragraphes 30 à 32 de son affidavit que l’Opposante a commencé à exploiter un site Web en 2009. Elle ne fournit cependant aucune information quant au nombre de fois où le site aurait été consulté avant la date pertinente. De même, bien que Mme Williams affirme que l’Opposante a ouvert un compte TWITTERMD en 2009 et créé une page FACEBOOKMD en janvier 2011 et qu’elle ait fourni de l’information sur le nombre de « followers » et de mentions « J’aime » que l’Opposante comptait à la date à laquelle elle a souscrit son affidavit, on ne saurait dire combien de mentions « J’aime » l’Opposante avait obtenues ou combien de « followers » elle comptait à la date pertinente du 10 juin 2011. À la date de souscription de l’affidavit, le 6 mars 2012, l’Opposante comptait 3 157 « followers » sur TWITTERMD et avait obtenu 86 mentions « J’aime » pour sa page FACEBOOKMD. Même si la Requérante pouvait établir qu’un nombre important de ces mentions « J’aime » et de ces « followers » ont été obtenus avant la date pertinente, ces chiffres ne sont pas suffisants pour me permettre de conclure que la marque de commerce de l’Opposante était « bien connue » dans la région de l’Ouest canadien, où l'Opposante fournit ses services.

[54]           Étant donné que je ne suis pas convaincue que la marque de commerce de l’Opposante avait acquis une notoriété substantielle, significative ou suffisante à la date pertinente, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait à l’égard de son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[55]           En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

[56]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire, trad.

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