Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 188

      Date de la décision : 2012-10-05

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par The Hospital for Sick Children à l’encontre des enregistrements nos 1378945, 1378948 et 1378950 pour les marques IMPOWERAGE, IMPOWERMED et IMPOWERKIDS au nom de CK Impower Strategies Inc.

[1]               Le 11 janvier 2008, CK Impower Strategies Inc. (la Requérante) a déposé une demande d’enregistrement des marques de commerce IMPOWERAGE, IMPOWERMED et IMPOWERKIDS (les Marques) fondée sur l’emploi projeté des Marques au Canada en liaison avec les marchandises et les services suivants :

1378945

Marchandises :

(1) CD audio contenant du matériel éducatif, du matériel didactique et des enregistrements de conférences, tous dans le domaine de l'autonomisation des personnes âgées et des retraités pour améliorer leur motivation, leur santé et leur bien-être ainsi que pour célébrer leur sagesse et leur expérience; livres et bulletins périodiques imprimés et électroniques.

(2) Tee-shirts, grandes tasses, chapeaux, stylos, balles de golf, gourdes.

Services :

1) Services de conseil dans les domaines de l'enseignement, de l'éducation, des conférences, de l'autonomisation et des services d'organisation, tous offerts aux personnes âgées et aux retraités pour améliorer leur motivation ainsi que pour célébrer leur sagesse et leur expérience. (2) Services Internet, nommément webinaires, balados, blogues et sites Web interactifs, tous dans les domaines de l'enseignement, de l'éducation et de l'encadrement, tous pour l'autonomisation des personnes âgées et des retraités pour améliorer leur motivation, leur santé et leur bien-être ainsi que pour célébrer leur sagesse et leur expérience.

 

1378948

Marchandises :

(1) CD audio contenant du matériel éducatif, du matériel de formation et des conférences dans le domaine de l'autonomisation des cabinets médicaux pour améliorer la situation financière des médecins, des administrateurs, des infirmières et des entreprises qui œuvrent dans le domaine des soins de santé ainsi que pour les aider à atteindre leurs objectifs personnels et communs; livres et bulletins périodiques imprimés et électroniques.

(2) Tee-shirts, grandes tasses, chapeaux, stylos, balles de golf et gourdes.

Services :

(1) Services de conseil dans les domaines de la formation, de l'enseignement, de l'encadrement, des conférences et de l'autonomisation ainsi que services d'organisation, tous offerts aux cabinets médicaux pour et administrateurs d'atteindre leurs objectifs personnels et communs.

(2) Services Internet, nommément webinaires, balados, blogues et sites Web interactifs, tous dans les domaines de la formation, de l'enseignement et de l'encadrement pour permettre aux cabinets médicaux d'améliorer leur situation financière et aux médecins, aux administrateurs, aux infirmières et aux entreprises qui œuvrent dans le domaine des soins de santé d'atteindre leurs objectifs personnels et communs.

 

1378950

Marchandises :

(1) CD audio contenant du matériel éducatif, du matériel didactique et des enregistrements de conférences, tous dans le domaine de l'autonomisation, destinés à aider les enfants à atteindre leurs objectifs personnels; livres et bulletins périodiques en versions imprimées et électroniques.

(2) Tee-shirts, grandes tasses, chapeaux, stylos, balles de golf, gourdes, animaux rembourrés.

Services :

(1) Services de conseil dans les domaines de la formation, de l'éducation, de l'encadrement, des conférences, de la confiance en soi et de l'organisation, tous offerts aux enfants afin de leur donner les moyens d'atteindre leurs objectifs personnels.

(2) Services Internet, nommément conférences Web, balados, blogues et sites web interactifs, tous dans les domaines de l'enseignement, l'éducation et l'encadrement, visant tous à donner aux enfants les moyens d'atteindre leurs objectifs personnels.

[2]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 28 janvier 2009.

[3]               Le 7 juillet 2009, The Hospital for Sick Children (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de chacune des demandes. Le 22 août 2012, l’Opposante a obtenu l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition en date du 5 juillet 2012 pour chaque dossier. Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

         Conformément aux alinéas 38(2)(b) et 12(1)(d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), les Marques ne sont pas enregistrables, car elles créent de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante empower & design (LMC763587), reproduite ci-dessous, et EMPOWER (LMC763589) (les Marques EMPOWER de l’Opposante) toutes deux enregistrées pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes : « objets éducatifs, nommément cartes éclair, recueils de lecture pour les étudiants, cahiers d'exercices pour les étudiants, manuels de l'enseignant, guides de l'enseignant, livres de présentation, babillards, affiches, plans de leçon, brochures d'évaluation, guides de formation pour les parents, brochures et livres dans les domaines des soins de santé, de l'éducation et de l'alphabétisation; objets éducatifs, nommément jeux de plateau, DVD et vidéos préenregistrés, matériel didactique pour les cours en salle et activités d'exercices pour les cours en salle, tous utilisés pour l'enseignement et la formation dans les domaines des soins de santé, de l'éducation et de l'alphabétisation », et les services suivants : services éducatifs, services d'alphabétisation et d'enseignement liés aux soins de santé, formation des enseignants; exploitation d'un site Web d'information sur les soins de santé, l'éducation et l'alphabétisation » (les Marchandises et les Services de l’Opposante).

 

         Conformément aux alinéas 38(2)(c) et 16(3)(a) de la Loi, la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement des Marques, car, à la date de production des demandes d’enregistrement des Marques, les Marques créaient de la confusion avec les Marques EMPOWER de l’Opposante, qui ont précédemment été employées par l’Opposante.

         Conformément aux alinéas 38(2)(c) et 16(3)(b) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement des Marques, car, à la date de production des demandes d’enregistrement des Marques, les Marques créaient de la confusion avec les demandes précédemment produites d’enregistrement des Marques de l’Opposante pour les Marques EMPOWER.

         Conformément à l’alinéa 38(2)(d) et à l’article 2, compte tenu des faits établis par les autres motifs d’opposition, les Marques ne sont pas distinctives de la Requérante.

[4]               Pour chaque demande, la Requérante a produit et signifié une contredéclaration niant les allégations de l’Opposante et l’a mise en demeure de les prouver rigoureusement.

[5]               La même preuve a été produite pour les trois oppositions.

[6]               L’Opposante a produit à l’appui de son opposition deux affidavits d’Elenito Anastacio, un chercheur expérimenté dans le domaine des marques de commerce travaillant pour l’agent de l’Opposante. Un affidavit a été attesté le 4 janvier 2010 et déposé conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement); l’autre a été attesté le 5 juillet 2012 et versé au dossier le 22 août 2012, conformément à une autorisation de présenter en vertu de l’article 44 du Règlement.  

[7]               À l’appui de ses demandes, la Requérante a produit un affidavit d’Aleksandra Rennebohm, une stagiaire en droit travaillant pour l’agent de la Requérante, attesté le 12 mars 2010. Aleksandra Rennebohm a été contre-interrogée sur son affidavit le 21 octobre 2010; les transcriptions ont été versées au dossier le 22 novembre 2010.

[8]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle les deux parties ont participé.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[9]               Il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, l’Opposante a la charge initiale de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990) 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) au paragr. 298].

[10]           Les dates pertinentes pour l’appréciation des motifs d’opposition sont les suivantes :

         Alinéas 38(2)(b)/12(1)(d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991) 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

         Alinéas 38(2)(c)/16(3)(a) et (b) – la date de production des demandes d’enregistrement des Marques [voir le paragraphe 16(3) de la Loi].

         Alinéa 38(2)(d)/article 2 – la date de production des oppositions [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004) 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Motifs d’opposition fondés sur la non‑enregistrabilité – Alinéa 12(1)(b) de la Loi

[11]           À l’audience, la Requérante a soutenu que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve pour ce motif d’opposition. Précisément, la Requérante a soutenu que l’Opposante avait l’obligation de prouver l’emploi et la réputation de ses Marques EMPOWER afin de s’acquitter du fardeau de preuve en vertu de ce motif d’opposition. Bien qu’il puisse être utile pour une Opposante de fournir une telle preuve, cela n’est pas nécessaire pour s’acquitter du fardeau de preuve en vertu de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi. Le fardeau initial est plutôt acquitté en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) si un ou plusieurs enregistrements invoqués étaient en règle à la date de la décision relative à l’opposition. Le Registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence des enregistrements invoqués par l’Opposante [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd., (1986) 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire et je confirme que les enregistrements afférents aux Marques EMPOWER de l’Opposante sont toujours valides. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve lui incombant. Je dois maintenant évaluer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau de preuve.

[12]           Le test applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[13]           Pour appliquer le test régissant la confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, de services ou d'entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids équivalent à chacun des facteurs énumérés ci‑dessus [voir, de façon générale, l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006) 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011) 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

Alinéa 6(5)(a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[14]           La Requérante affirme que les Marques EMPOWER de l’Opposante sont décidément des marques faibles qui n’ont pas un caractère distinctif inhérent parce qu’elles sont, essentiellement, des mots figurant dans les dictionnaires qui n’ont ainsi droit qu’à une protection limitée. À l’appui de sa demande, l’Opposante a déposé en preuve une copie imprimée d’une page d’un dictionnaire en ligne de la définition du mot « empower ». Puisque je suis habilitée à consulter un dictionnaire pour établir la signification de mots [voir Insurance Co. of Prince Edward Island c. Prince Edward Island Insurance Co., (1999) 2 CPR (4th) 103 (COMC)], j’ai cherché dans le Canadian Oxford Dictionary et trouvé la définition suivante pour « EMPOWER » : « donne les moyens, l’occasion, etc. nécessaires à l’indépendance, l’affirmation de soi, etc. »

[15]           L’Opposante affirme que le mot « empower » n’est pas et ne constitue pas une description de l’ensemble des Marchandises et des Services de l’Opposante. Puisque l’enregistrement de l’Opposante couvre des biens et services éducatifs, je considère que le mot « EMPOWER » est à tout le moins suggestif des Marchandises et des Services de l’Opposante.

[16]           L’Opposante affirme que le préfixe des Marques, IMPOWER, bien qu’il soit un mot inventé, présente une similitude sur le plan du son, s’il n’est pas phonétiquement équivalent au mot « empower ». Je suis d’accord. En outre, l’Opposante affirme, et je suis d’accord, que le mot « empower » suggère également les Marchandises et les Services puisqu’il fait spécifiquement référence à la notion d’autonomisation.

[17]           La Requérante affirme que les Marques sont toutes des mots inventés et que cela devrait automatiquement entraîner la conclusion qu’elles ont un caractère distinctif inhérent et méritent une protection étendue. Quoique j’admette que les Marques sont des mots inventés, j’ai déjà indiqué que le préfixe des Marques suggère la nature des Marchandises et des Services. En outre, je considère que le suffixe de chacune des Marques suggère la nature du marché cible en liaison avec les Marchandises et les Services. Plus précisément, « AGE » suggère le fait que la marque de commerce IMPOWERAGE est destinée aux personnes âgées; « MED » suggère le fait que la marque de commerce IMPOWERMED est destinée aux professionnels de la santé et « KIDS » suggère le fait que la marque de commerce IMPOWERKIDS est destinée aux enfants.

[18]           Compte tenu de ce qui précède, je considère que les Marques possèdent un plus grand caractère distinctif inhérent que les Marques EMPOWER de l’Opposante en vertu du fait que les Marques sont des mots inventés et que les Marques de l’Opposante sont composées de mots figurant dans les dictionnaires et qui suggèrent les Marchandises et les Services associés. Cependant, aucune des marques n’est particulièrement forte.

[19]           Une marque peut acquérir son caractère distinctif du fait de son emploi ou de sa promotion. Cependant, aucune des parties n’a présenté d’élément de preuve établissant l’emploi ou la promotion de ses marques. S’il est vrai que les enregistrements de l’Opposante ont été accordés sur la base d’une déclaration d’emploi, cela me permet tout au plus de présumer qu’il y a eu un emploi de minimis des Marques EMPOWER de l’Opposante [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1991) 40 CPR (3d) 427 (COMC) au paragr. 430]. L’emploi de minimis ne permet pas de conclure que les Marques EMPOWER de l’Opposante sont devenues connues dans une mesure appréciable.

Alinéa 6(5)(b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[20]           Les demandes sont toutes fondées sur l’emploi projeté des Marques et la Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi des Marques.  

[21]           Comme discuté précédemment dans mon analyse du facteur de l’alinéa 6(5)(a), les enregistrements de l’Opposante me permettent de présumer un emploi de minimis des Marques EMPOWER de l’Opposante. Il est vrai que l’emploi de minimis vaut mieux que l’absence d’emploi, mais sans preuve d’emploi de l’une ou l’autre des marques des parties, ce facteur n’en favorise aucune de façon significative.

Alinéas 6(5)(c) et (d) – le genre de marchandises, de services ou d’entreprises; la nature du commerce

[22]           Mon appréciation de ce facteur est fonction de l’examen de l’état déclaratif des marchandises et des services de la Requérante tel qu’il figure dans la demande d’enregistrement par rapport aux marchandises et aux services visés par les enregistrements de l’Opposante [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp (1997) 84 CPR (3d) 89 (COMC)].

[23]           Les parties ont des positions divergentes quant au degré de similitude des marchandises et services des parties. L’Opposante affirme que, à l’exception des Marchandises 2, les marchandises et les services des parties se chevauchent s’ils ne sont pas identiques. À l’inverse, la Requérante affirme que les Marchandises et les Services sont assez différents des Marchandises et des Services de l’Opposante. À l’appui de ses demandes, la Requérante a résumé la nature des Marchandises et des Services comme suit : CD audio contenant du matériel éducatif, du matériel didactique et des enregistrements de conférences, de même que des services de conseil et Internet, tous dans un but d’autonomisation des professionnels de la santé pour améliorer leur situation financière; des personnes âgées pour optimiser leur jouissance de vie et des enfants pour leur donner les moyens d'atteindre leurs objectifs personnels. La Requérante résume ensuite les Marchandises et les Services de l’Opposante comme étant exclusivement éducatifs et destinés uniquement aux enseignants et aux professionnels de la santé. Compte tenu de ce qui précède, la Requérante affirme que les marchandises et les services des parties sont complètement distincts. Pour étayer davantage sa position, la Requérante affirme que la nature du commerce de l’Opposante en tant qu’hôpital pour enfants est différente de façon inhérente des marchés cibles de la Requérante (les professionnels de la santé, les personnes âgées, les enfants en santé).

[24]           Étant donné l’ensemble des demandes et des états déclaratifs des marchandises et des services des parties, je considère qu’il y a un certain degré de chevauchement entre les marchandises et les services des parties. En l’occurrence, je considère que le matériel éducatif de la Requérante (Marchandises 1) et les services Internet de la Requérante (Services 2) sont semblables au matériel éducatif et à l’exploitation d’un site Web de l’Opposante.  

[25]           Comme l’Opposante l’a reconnu à l’audience, il n’y a pas de ressemblance entre les Marchandises 2 et aucun des Services et des Marchandises de l’Opposante. Même si certains services de conseil de la Requérante (Services 1) sont en liaison avec l’éducation, cela m’apparaît comme un lien bien ténu.

[26]           Compte tenu de ce qui précède, je considère qu’il existe un certain degré de ressemblance entre les marchandises et les services des parties, mais seulement en ce qui concerne les Marchandises 1 et les Services 2.

[27]           Aucune des parties n’a présenté d’élément de preuve concernant la nature du commerce des parties. En l’absence de preuve à cet effet, et considérant le chevauchement de la nature des marchandises et des services des parties en ce qui concerne les Marchandises 1 et les Services 2, j’estime raisonnable de conclure que les voies de commercialisation des parties se chevaucheraient probablement pour ces marchandises et ces services. Je ne peux dégager la même conclusion en ce qui concerne les Marchandises 2 et les Services 1 en raison de l’absence de ressemblance de la nature des marchandises et des services.  

Alinéa 6(5)(e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[28]           Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, est le facteur le plus important, les autres facteurs jouant un rôle secondaire dans l’ensemble des circonstances de l’espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980) 47 CPR (2) 145, confirmé par 60 CPR (2d) 70 (CF 1re inst.)]. Ce principe a été confirmé récemment par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece.

[29]           Les deux parties s’entendent sur le fait que lorsqu’il s’agit d’apprécier le degré de ressemblance entre les marques des parties, il ne faut pas les disséquer et il faut les examiner comme un tout et les considérer en tant que première impression d’une personne moyenne, pas d’un spécialiste de la sémantique [voir l’arrêt Masterpiece]. En outre, les deux parties s’entendent sur le fait que cela ne signifie pas qu’un élément dominant qui toucherait l’impression générale devrait être ignoré [voir l’arrêt Masterpiece]. Cependant, les parties ne s’entendent pas sur l’application de ces principes en l’espèce.

[30]           L’Opposante affirme que l’élément dominant des marques des parties est l’élément IMPOWER/EMPOWER qui, selon l’Opposante, est phonétiquement équivalent et que cela crée, entre les marques des parties, une ressemblance significative dans le son et les idées que suggèrent les marques des parties.

[31]           La Requérante affirme que, considérant l’orthographe différente et unique de l’élément IMPOWER des Marques, le consommateur moyen sera porté à remarquer la différence entre les marques des parties, à savoir l’orthographe différente de l’élément IMPOWER et les suffixes additionnels. La Requérante affirme que cela crée des différences significatives entre les marques des parties en ce qui concerne le son, la présentation et les idées suggérées.

[32]           Après avoir examiné les observations de chacune des parties et les marques prises dans leur ensemble, je suis d’accord avec l’Opposante que l’élément dominant des marques des parties est l’élément EMPOWER/IMPOWER et que la seule différence entre l’élément dominant est la substitution du « I » pour le « E » et que, par conséquent, la première partie des marques des parties est essentiellement phonétiquement équivalente. Cela entraîne des similitudes dans les idées que suggèrent les marques des parties puisqu’elles suggèrent toutes deux la notion d’autonomisation, ou de donner aux personnes les moyens ou les occasions nécessaires pour atteindre l’indépendance ou l’affirmation de soi.

[33]           Les suffixes des Marques permettent de créer une certaine distinction entre les marques des parties. Cependant, ces suffixes ne sont pas particulièrement distinctifs puisque, comme indiqué précédemment, ils suggèrent le marché cible de chacune des Marques.  

Circonstances additionnelles – preuve de l’état du registre et du marché

[34]           Dans son affidavit, Aleksandra Rennebohm prétend fournir la preuve de l’état du registre pour les mots « empower » et « impower ». En contre-interrogatoire, la Requérante a mis en doute les compétences d’Aleksandra Rennebohm pour fournir une telle preuve considérant son inexpérience et son manque de connaissance de la Base de données sur les marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). Je suis disposée à accepter que la Base de données sur les marques de commerce de l’OPIC est une ressource électronique fiable et j’accepte les résultats de recherche d’Aleksandra Rennebohm comme représentatifs de l’état du registre canadien des marques de commerce pour les mots « empower » et « impower » à la date de la recherche.

[35]           Lorsqu’il s’agit d’analyser la pertinence de la preuve relative à l’état du registre, il convient de souligner qu’une telle preuve n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions sur l’état du marché. Or, on ne peut tirer de conclusions sur l’état du marché que dans les cas où il existe un grand nombre d’enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 CPR (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[36]           Je remarque qu’un certain nombre d’entrées de la recherche d’Aleksandra Rennebohm  correspondent à des demandes d’enregistrement qui n’ont pas encore été accueillies. Seules les marques de commerce enregistrées et les demandes accueillies sont pertinentes pour déterminer si les mots « empower » et « impower » sont habituellement employés dans le commerce.

[37]           La Requérante affirme que la preuve de l’état du registre confirme que les mots « empower » et « impower » sont employés par un certain nombre de tierces parties en liaison avec un certain nombre de marques de commerce pour toute une gamme de marchandises et de services. Après l’examen des résultats de recherche d’Aleksandra Rennebohm, j’ai trouvé environ 24 enregistrements ou demandes accueillies qui emploient le mot « empower » ou « impower » en liaison avec toute une gamme de marchandises et de services qui n’ont généralement rien à voir avec les marchandises et les services des parties de la présente procédure d'opposition.

[38]           L’Opposante a affirmé que seulement quatre ou cinq des entrées des résultats de recherche d’Aleksandra Rennebohm avaient une ressemblance marginale avec les marchandises et les services en question et seraient par conséquent pertinentes. L’Opposante a affirmé que la majorité des marques de la recherche d’Aleksandra Rennebohm n’étaient absolument pas pertinentes avec les présentes procédures d’opposition puisqu’elles étaient en liaison avec des marchandises et des services complètement différents. En outre, la Requérante n’a déposé aucune preuve d’emploi d’aucune des marques trouvées par la recherche et vu le petit nombre d’entrées pertinentes, aucune conclusion ne peut être tirée quant à l’état du marché.

[39]           En s’appuyant sur Wrangler Apparel Corp c. Big Rock Brewery Partnership (2009), 72 CPR (4th) 16 (COMC); confirmée par (2010), 83 CPR (4th) 297 (FC), la Requérante affirme que la preuve de l’état du registre est pertinente peu importe si ces marchandises et ces services en liaison avec ces entrées sont ou non semblables aux marchandises et aux services des parties. Dans Wrangler, treize enregistrements et une demande accueillie pour divers services et marchandises de six différents propriétaires ont été trouvés au registre. Le Registraire a affirmé que la preuve démontrait que l’Opposante n’avait pas le monopole du mot « WRANGLER » en liaison avec l’ensemble des marchandises et des services. Cependant, le Registraire hésitait à tirer des conclusions significatives sur l’état du marché et, en fin de compte, n’a pas considéré cette circonstance additionnelle comme nécessaire pour conclure en faveur de la Requérante.

[40]           En l’espèce, je serais portée à tirer les mêmes conclusions que dans Wrangler, à savoir que l’Opposante n’a pas établi le monopole du mot « empower » en liaison avec une partie ou la totalité des marchandises et des services. Cependant, je ne suis pas prête à conclure que le mot « empower » soit courant dans le marché canadien et que les consommateurs sont habitués à faire les distinctions entre les marques et à être plus attentifs aux différences entre les marques.

[41]           Compte tenu de ce qui précède, je n’estime pas que la preuve de l’état du registre crée une circonstance qui appuie la position de la Requérante.

Circonstance additionnelle – Façon dont la Marque est employée

[42]            À l’audience, l’Opposante a affirmé que si la Requérante obtenait l’enregistrement des Marques, il serait permis d’employer les Marques comme elles l’entendaient. Par conséquent, la Requérante pourrait décider d’employer les Marques de façon à souligner l’élément IMPOWER et à minimiser l’importance des éléments AGE, MED et KIDS, augmentant ainsi la probabilité de confusion entre les marques des parties. À l’appui de cette position, l’Opposante a indiqué le paragraphe 58 de Masterpiece :

Le problème découlant d’une analyse qui tient compte de l’emploi limité de la marque en question devient manifeste lorsqu’on constate que les simples mots « Masterpiece Living » pourraient être présentés de diverses façons suivant l’enregistrement. En effet, rien n’empêcherait Alavida de modifier sa publicité en mettant en relief le mot « Masterpiece » et en donnant au mot « Living » moins d’importance, comme Masterpiece Inc. l’a fait, ou en en modifiant la typographie.

[43]           J’estime qu’il n’est pas nécessaire de considérer cela comme une circonstance additionnelle compte tenu de ma conclusion de l’analyse du facteur de l’alinéa 6(5)(e), à savoir que les marques des parties ont un degré significatif de ressemblance en vertu du fait que l’élément dominant et frappant des marques des parties, EMPOWER/IMPOWER, est très semblable dans la présentation et est essentiellement phonétiquement équivalent.  

Conclusion

[44]           En appliquant le test en matière de confusion, j’ai estimé qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Ayant tenu compte de ce qui précède, j’estime que la prépondérance des probabilités permet tout autant de conclure à l’existence de confusion entre les marques en cause qu’à l’absence de confusion en ce qui concerne les Marchandises 1 et les Services 2. Puisqu’il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les Marques ne créent pas de confusion avec une ou plusieurs des Marques EMPOWER de l’Opposante, je dois me prononcer à l’encontre de la demande en ce qui concerne les Marchandises 1 et les Services 2.  

[45]           En ce qui concerne les Marchandises 2 et les Services 1, la différence dans la nature des marchandises et des services fait basculer la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante et je rejette donc le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) de la Loi pour ce qui est des Marchandises 2 et des Services 1.  

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement

Alinéa 16(3)(a) de la Loi

[46]           Bien qu'il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les Marques et les Marques EMPOWER de l’Opposante, celle-ci doit au préalable démontrer qu'une ou plusieurs marques de commerce invoquées relativement à son motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(3)(a) de la Loi ont été employées au Canada avant la date de production de la demande des Marques (11 janvier 2008) et qu'elles n'avaient pas été abandonnées à la date de l'annonce de la demande d'enregistrement des Marques (28 janvier 2009) [paragraphe 16(5) de la Loi].

[47]           L’Opposante n’a déposé aucune preuve attestant l’emploi de ses Marques EMPOWER. Qui plus est, la mention d’un emploi dans les demandes ou les enregistrements dont l’Opposante est propriétaire n’est pas suffisante pour permettre à cette dernière de s’acquitter de son fardeau de preuve initial fondé sur l’alinéa 16(3)(a) de la Loi [voir Rooxs, Inc. c. Edit-SRL (2002) 23 CPR (4th) 265 (COMC)].

[48]           Compte tenu de ce qui précède, l’Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait et, par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(3)(a) de la Loi est rejeté.

Alinéa 16(3)(b) de la Loi

[49]           Bien qu'il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les Marques et les Marques EMPOWER de l’Opposante, l’Opposante a le fardeau initial de prouver que l’une ou plusieurs des marques de commerce invoquées relativement à son motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(3)(b) de la Loi était pendante à la date de production de la demande d’enregistrement des Marques, et le demeurait à la date de publication des demandes d’enregistrement des Marques le 28 janvier 2009 [paragraphe 16(5) de la Loi]. Le Registraire a le pouvoir discrétionnaire de vérifier au registre, dans l’intérêt public, les demandes invoquées par un opposant [voir Royal Appliance Mfg Co c. Iona Appliance Inc (1990) 32 CPR (3d) 525 (COMC)]. J’ai exercé ce pouvoir et vérifié l’état de la demande invoquée par l’Opposante et je confirme que les deux demandes ont été déposées avant la date de la demande et demeuraient pendantes à la date de l’annonce (malgré le fait qu’elles soient ensuite devenues des enregistrements).

[50]           La différence entre les dates pertinentes n'est pas importante et ainsi, les conclusions que j’ai tirées quant au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) de la Loi s’appliquent également ici. Par conséquent, j’estime que la prépondérance des probabilités penche autant en faveur d’une conclusion de confusion entre les marques des parties que d’une conclusion d’absence de confusion en ce qui concerne les Marchandises 1 et les Services 2. Comme il appartient à la Requérante de s’acquitter du fardeau de prouver selon la prépondérance des probabilités que les Marques ne créent pas de confusion avec les Marques EMPOWER de l’Opposante, je dois conclure à l’encontre de la Requérante en ce qui concerne les Marchandises 1 et les Services 2.  

[51]           En ce qui concerne les Marchandises 2 et les Services 1, la différence dans la nature des marchandises et des services fait basculer la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante : je rejette donc le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)(b) de la Loi pour ce qui est des Marchandises 2 et des Services 1.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif – alinéa 38(2)(d) de la Loi

[52]           Alors que la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que les Marques permettent de distinguer ou sont adaptées à distinguer ses Marchandises et ses Services de ceux des autres à travers le Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985) 4 CPR (3d) 272 (COMC)], l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial d’établir les faits invoqués en appui au motif de caractère non distinctif.

[53]           Suivant sa charge de preuve, l’Opposante a l’obligation de prouver qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, une ou plusieurs de ses Marques EMPOWER étaient devenues suffisamment connues pour rendre nul et non avenu le caractère distinctif des Marques [voir Bojangles’International, LLC c. Bojangles Café Ltd (2004) 40 CPR (4th) 553, confirmée par (2006) 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[54]           Ainsi qu’il appert plus en détail dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)(a), l’Opposante n’a pas réussi à fournir une preuve d’emploi ou de réputation des Marques EMPOWER et, par conséquent, l’Opposante n’a pas réussi à s’acquitter de sa charge de preuve et ce motif d’opposition est rejeté.  

Disposition

[55]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette les demandes d’enregistrement des Marques en ce qui concerne les Marchandises 1 et les Services 2 et je rejette les demandes d’opposition en ce qui concerne les Marchandises 2 et les Services 1 conformément au paragraphe 38(8) de la Loi [voir Produits Menagers Coronet Inc c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986) 10 CPR (3d) 492 (CF 1re inst.), à titre d’autorité jurisprudentielle permettant de rendre une décision donnant en partie gain de cause].

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay

 

 

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