Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

BW v2 Logo

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 103

Date de la décision : 2015-06-08

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Sequel Naturals Ltd. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,529,208 pour la marque de commerce OVEGA-3 au nom de Health4All Products Limited

Le dossier

[1]        Le 26 mai 2011, Health4All Products Limited, a produit une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce OVEGA-3 sur la base d'un emploi projeté au Canada, en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

suppléments diététiques et alimentaires, nommément acides gras essentiels.

[2]        La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 23 mai 2012 et Sequel Naturals Ltd. (qui est établie à Burnaby, en Colombie-Britannique) s'y est opposée le 22 octobre 2012. Le 8 novembre 2012, le registraire a transmis une copie de la déclaration d'opposition à la requérante, comme l'exige l'art. 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie de façon générale les allégations contenues dans la déclaration d'opposition.

[3]        La preuve de l'opposante est constituée des affidavits de Charles Chang et Dulce Campos. La preuve de la requérante est constituée de l'affidavit de Joel Thuna. La preuve en réponse de l'opposante est constituée de l'affidavit de Bronwen M. Jamison. Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit, mais seule l'opposante était représentée à l'audience qui a été tenue le 11 février 2015.

La déclaration d'opposition

VEGA & Design

[4]        L'Opposante allègue qu'elle est la propriétaire des marques déposées VEGA et VEGA & V Dessin, reproduites ci-dessous, toutes deux employées depuis au moins 2004 :

 

[5]        La marque VEGA est enregistrée pour emploi en liaison avec des [Traduction] « produits de santé naturels » offerts sous forme de poudre, de capsules, de comprimés et de mélanges à boisson, ainsi qu'avec des [Traduction] « produits alimentaires naturels, nommément mélanges d'huiles ». La marque VEGA & V Dessin est enregistrée en liaison avec des [Traduction] « suppléments alimentaires » offerts sous les formes susmentionnées ainsi que sous forme de [Traduction] « barres ». De plus, en 2009, l'opposante a commencé à employer la marque VEGA SPORT en liaison avec des suppléments alimentaires et diététiques.

[6]        Divers motifs d'opposition sont soulevés, mais la question déterminante en l'espèce est celle de savoir si la marque OVEGA-3 visée par la demande, que la requérante projette d'employer en liaison avec des suppléments diététiques et alimentaires constitués d'acides gras essentiels, crée de la confusion avec la marque VEGA de l'opposante employée en liaison avec les produits de l'opposante. À cet égard, je souligne que la marque OVEGA-3 visée par la demande ressemble à la marque VEGA plus que toutes les autres marques de l'opposante. Les dates pertinentes à considérer pour disposer de la question de la confusion qui découle des motifs d'opposition soulevés sont : la date de production de la demande (le 26 mai 2011); la date de production de la déclaration d'opposition (le 22 octobre 2012); et la date de ma décision. Toutefois, dans les circonstances de la présente espèce, l'issue de l'affaire ne dépend pas de la date pertinente en fonction de laquelle la question de la confusion est évaluée.

[7]        Avant d'évaluer la question de la confusion, j'examinerai d'abord la preuve des parties, puis préciserai en quoi consiste le fardeau de preuve initial qui incombe à l'opposante, le fardeau ultime dont doit s'acquitter la requérante, ce qu'il faut entendre par « confusion » dans le contexte de la Loi sur les marques de commerce, et en quoi consiste le test en matière de confusion.

La preuve de l'opposante

Charles Chang

[8]        M. Chang atteste qu'il est le fondateur et l'actuel président de la société opposante. L'opposante a été constituée en société en 2001 et son siège social se trouve à Burnaby, en Colombie-Britannique. Au 31 juin 2013, soit la date de l'affidavit de M. Chang, l'opposante employait environ 125 personnes.


[9]        L'opposante fabrique des suppléments alimentaires qui sont offerts [Traduction] « sous forme de poudre, de barres, de mélanges pour boisson, de gélules et d'huile . . . ». Les produits contiennent des minéraux, des vitamines et des ingrédients à base de plantes. Les produits sont vendus sous les marques nominales VEGA, VEGA ONE et VEGA SPORT, ainsi que sous les marques figuratives VEGA Dessin et VEGA & Leaf Dessin, reproduites ci-dessous :

 

 

[10]      L'opposante réfère à l'ensemble de ses marques susmentionnées comme à la [Traduction] « Famille de Marques Vega ». J'emploierai, pour ma part, le terme « les marques VEGA » pour désigner les marques de l'opposante.

[11]      Aux paragraphes 6 à 11 de son affidavit, M. Chang explique comment, en 2003, il a mis au point, de concert avec Brendan Brazier, un ancien athlète de haut niveau, le premier produit VEGA. Un an plus tard, en 2004, l'opposante avait élaboré une gamme complète de produits nutritionnels arborant les marques VEGA. Divers produits de l'opposante sont décrits aux paragraphes 12 à 23 de l'affidavit de M. Chang, et des exemples de l'emploi que fait l'opposante de ses marques VEGA sont fournis aux pièces 5 à 15, de même que des exemples d'emballages de produits.

[12]      Aux paragraphes 24 à 35, M. Chang décrit la présence de l'opposante sur Internet, et précise que les produits de l'opposante sont annoncés sous les marques VEGA sur plusieurs sites Web, annonces dont il donne des exemples aux pièces 17 à 26. Je n'ai toutefois pas tenu compte du contenu de la pièce 23, car cette dernière est constituée d'une preuve par ouï-dire inadmissible qui consiste en un rapport de tiers sur les visiteurs canadiens qui ont consulté un des sites Web de l'opposante.

[13]      Aux paragraphes 36 à 43, M. Chang introduit en preuve, par la voie des pièces 27 à 34, des publicités montrant les marques VEGA qui sont affichées sur les lieux de vente.

[14]      L'opposante annonce ses produits dans diverses publications axées sur la santé, la condition physique et les régimes alimentaires. Des exemples de telles annonces montrant les marques VEGA de l'opposante sont fournis aux pièces 35 à 47.

[15]      Les paragraphes 58 à 65 portent sur la couverture médiatique dont les produits de l'opposante ont bénéficié; des exemples de cette couverture médiatique sont fournis aux pièces 48 à 55. Aux paragraphes 66 à 70, M. Chang présente i) des témoignages de clients sur les produits de l'opposante et ii) les nombreux prix que l'opposante a reçus pour ses produits.

[16]      Les produits de l'opposante sont vendus en ligne par l'intermédiaire de ses sites Web, ainsi que dans des magasins de détail, dont Shoppers Drug Mart (depuis 2008) et Loblaws (depuis 2009). En 2004, les ventes brutes de produits réalisées sous les marques VEGA de l'opposante ont été de l'ordre d'un million de dollars; elles ont atteint 5 millions de dollars en 2006, puis 27 millions de dollars en 2010. Depuis mai 2012, près de 4 millions d'unités des produits ont été vendues sous les marques VEGA de l'opposante. En 2004, les dépenses brutes de publicité et de marketing ont été d'environ 2 millions de dollars; elles ont atteint 4 millions de dollars en 2011. Pour la première moitié de 2013 seulement, ces dépenses se sont élevées à 2,5 millions.

[17]      Aux paragraphes 77 et 78 de son affidavit, M. Chang expose les préoccupations de l'opposante à l'égard de la marque OVEGA-3 visée par la demande :

 [Traduction]
77.     En raison des ventes et des activités de publicité et de marketing décrites ci-dessus, un achalandage très important est maintenant rattaché à la Famille de Marques VEGA de Vega. Outre les ventes décrites ci-dessus, ces produits bénéficient d'une couverture médiatique substantielle, en particulier sur Internet par l'intermédiaire des abonnés en ligne qui suivent les nouvelles et les développements concernant les produits de VEGA.

 

78.     Cette preuve, conjuguée aux enregistrements de marque de commerce inscrits au nom de Vega, démontre que notre Famille de Marques VEGA tend à s'étendre naturellement à une variété d'aliments santé et de suppléments alimentaires. En outre, je suis convaincu que ce qui précède démontre que la Famille de Marques VEGA a connu et continuera de connaître une croissance importante, et que plusieurs autres marques VEGA s'y ajouteront dans l'avenir. Pour ces raisons, je suis convaincu que les consommateurs qui connaissent les marques et les produits de Vega, lesquels contiennent des acides gras OMEGA-3 et sont annoncés comme tels, seraient portés à croire que la marque OVEGA-3 dont Health4All Products Limited demande l'enregistrement fait partie (en tant qu'ajout naturel) de la Famille de Marques VEGA de Vega qui est actuellement en croissance.

Dulce Campos

[18]      Mme Campos atteste qu'elle est recherchiste en marques de commerce. Son affidavit sert à présenter en preuve, par la voie de pièces documentaires, les résultats des recherches qu'elle a effectuées dans divers sites Web au sujet des acides gras. Hormis le fait qu'elle confirme que l'ingestion d'acides gras oméga-3 est nécessaire au maintien d'une bonne santé, sa preuve n'est pas particulièrement utile.

La preuve de la requérante

Joel Thuna

[19]      M. Thuna atteste qu'il est le directeur général de la société requérante. À ses débuts, la requérante était une entreprise familiale, à savoir un magasin de vente au détail de plantes médicinales. Avec le temps, elle est passée de son état premier de détaillante à celui de fabricante élaborant et vendant elle-même sa propre gamme de produits à base de plantes médicinales. Ses produits sont offerts en vente dans les magasins d'alimentation naturelle de l'ensemble du pays, ainsi que dans des chaînes de supermarchés nationales. Toutefois, au 13 novembre 2013, soit la date de l'affidavit de M. Thuna, la requérante n'avait pas encore commencé à employer la marque OVEGA-3 visée par la demande.

[20]      Aux paragraphes 5 à 8 de son affidavit, M. Thuna explique que le terme [Traduction] « acides gras essentiels » est une expression couramment employée dans le domaine des aliments et des suppléments de santé, et que l'opposante elle-même emploie ce terme, ou son abréviation EFA, pour décrire les produits de l'opposante.

[21]      M. Thuna a fourni une preuve de l’état du registre relativement à des marques de tiers comprenant le terme « vega » (ou « vege ») qui sont destinées à un emploi en liaison avec des produits de supplémentation, et qui ont été enregistrées, admises ou approuvées, à savoir VEGAPURE; VEGANFIT; UTLIMATE VEGAN & Dessin; VEGESIL; VEGE GREENS; et NUTRAVEGE.

[22]      M. Thuna souligne qu'en plus des marques susmentionnées, d'autres marques incorporant le terme « vega » sont employées au Canada en liaison avec des produits de supplémentation, soit VEGAPLEX, VEGAMAX; VEGLIFE; VITAVEGAN; et VEGAN PROTECT. Des photographies de contenants de produit présentant des étiquettes qui arborent les marques susmentionnées sont jointes comme pièce F à l'affidavit de M. Thuna.

[23]      Aux paragraphes 17 à 20 de son affidavit, M. Thuna explique la signification et l'importance que revêt le terme « vegan » [végétalien] dans le contexte des suppléments diététiques, et pourquoi il estime que la marque OVEGA-3 visée par la demande ne créerait pas de confusion avec la marque VEGA de l'opposante :

[Traduction]
17.     Bon nombre des produits offerts à titre de suppléments diététiques sont « végétaliens », c'est-à-dire ne contiennent aucun produit d'origine animale ou produit laitier. En fait, tous les produits de l'Opposante sont végétaliens. Et, c'est sans aucun doute pour cette raison qu'elle a choisi « vega » comme marque de commerce.

 

18.     Pour démontrer à quel point les produits « végétaliens » sont nombreux, j'ai joint comme pièce F des photos de divers emballages de produits sur lesquels le mot « vegan » [végétalien] figure bien en vue et qui sont la propriété de tiers autres que l'Opposante; ces produits sont les suivants :

 

Vegan Proteins+ (divers produits/emballages)

Progressive Harmonized Vegan Protein

Kaizen Vegan Protein

DEVA Vegan Prenatal

DEVA Vegan Omega-3 DHA DEVA Vegan Borage Oil

Seabuckthorn Vegan Fruit Oil Vegan Protein (facteurs naturels) Sunwarrior Protein Raw Vegan Pure Vegan (extrait de feuilles d'olivier)

 

19.     Il appert donc que la marque de l'opposante — avec seulement un « n » en plus — figure sur de nombreux produits qui sont actuellement offerts en vente au Canada.

 

20.     L'Opposante a délibérément choisi une marque qui est hautement suggestive de la nature végétalienne de son produit. En s'opposant à ma Marque, l'Opposante cherche à s'arroger un monopole sur l'emploi de « vega ».

La preuve en réponse de l'opposante

Bronwen Jamison

[24]      Mme Jamison atteste qu'elle est bibliothécaire de droit. Elle a reçu du cabinet représentant l'opposante le mandat d'effectuer des recherches informatisées sur les marques VEGAPURE et VEGAMAX que M. Thuna cite dans son affidavit. Il est apparu que les propriétaires de ces deux marques ne commercialisent aucun produit sous ces marques.

Fardeau de preuve initial et fardeau ultime

[25]      Comme je l'ai mentionné précédemment, avant d'examiner la question de la confusion, j'estime utile de passer en revue i) le fardeau initial qui incombe à l'opposante, soit celui d'étayer les allégations contenues dans la déclaration d'opposition et ii) le fardeau ultime dont doit s'acquitter la requérante, soit celui de prouver sa cause.

[26] En ce qui concerne le point i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l'opposante a le fardeau de preuve initial d'établir les faits inhérents aux allégations formulées dans sa déclaration d'opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293, p. 298 (CF 1re inst.). Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'opposante signifie que pour qu'une question soulevée par l'opposante soit prise en considération, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui a trait au point ii) ci-dessus, la requérante doit, quant à elle, s'acquitter du fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce qu'allègue l'opposante dans sa déclaration d'opposition (mais uniquement à l'égard des allégations relativement auxquelles l'opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial). Le fait que le fardeau ultime incombe à la requérante signifie que s’il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre de la requérante.

[27]      En l'espèce, l'opposante s'est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait d'étayer son allégation de confusion.

Principale question à trancher

[28]      Comme je l'ai indiqué précédemment, la principale question à trancher en l'espèce est celle de savoir si la marque OVEGA-3 visée par la demande crée de la confusion avec la marque VEGA de l'opposante. À cet égard, il ressort de mon examen des pièces produites que l'opposante emploie le plus souvent ses marques VEGA; VEGA & Leaf Dessin; et VEGA & V Dessin (voir les para. 4 et 9, ci-dessus). Bien que l'opposante n'ait pas invoqué sa marque VEGA & Leaf Dessin dans sa déclaration d'opposition, je considère que la marque VEGA & Leaf Dessin est une variante autorisée de la marque VEGA (voir Promafil Canada Ltée c. Munsingwear, Inc. (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), pp. 71 et 72). L'emploi de la marque figurative VEGA & Leaf Dessin par l'opposante équivaut donc à l'emploi de la marque nominale VEGA. J'estime en outre que l'emploi de la marque VEGA & V Dessin peut être considéré comme un emploi de la marque VEGA en soi : (voir Nightingale Interloc c. Prodesign Ltd. (1984), 2 CPR(3d) 535 (COMC), p. 538) compte tenu du fait que la police de caractères utilisée pour le terme « vega » dans la marque VEGA & V Dessin est une variante autorisée des caractères d'imprimerie.

Ce qu'il faut entendre par « confusion entre des marques de commerce »

[29]      Des marques de commerce sont réputées créer de la confusion lorsqu'il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l'article 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, lequel est libellé comme suit :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[30]      Ainsi, l'article 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d'une source proviennent d'une autre source. En l'espèce, la question que soulève l'article 6(2) est celle de savoir si des acheteurs des suppléments diététiques et alimentaires de la requérante vendus sous la marque OVEGA-3 croiraient que ces produits ont été fabriqués ou autorisés par l'opposante, ou font l'objet d'une licence concédée par cette dernière, qui vend des produits similaires sous la marque VEGA. C'est à la requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui s'applique en matière civile, qu'il n'y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion.

Le test en matière de confusion

[31] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles expressément énoncées aux articles 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive et il importe de tenir compte de tous les facteurs pertinents. En outre, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids, car le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie selon les circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst.). Toutefois, comme l'a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR(4th) 361 (CSC), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l’article 6(5).

Examen des facteurs énoncés à l'article 6(5)

Le caractère distinctif inhérent et acquis

[32]      La marque VEGA de l'opposante possède un caractère distinctif inhérent considérable, car il s'agit d'un mot inventé. Toutefois, le caractère distinctif inhérent de la Marque est amoindri par le fait que la Marque serait perçue comme une version tronquée du mot « vegan », suggérant que les produits de l'opposante ne contiennent aucun composant d'origine animale. La marque OVEGA-3 visée par la demande possède, elle aussi, un caractère distinctif inhérent considérable puisqu'elle est, comme la marque de l'opposante, constituée d'un mot inventé. Son caractère distinctif inhérent est cependant amoindri par le fait qu'elle serait perçue comme une allusion à l'élément nutritif oméga-3, et par le fait, également, qu'elle suggère que les produits de la requérante sont exempts de composants d'origine animale. Étant donné leurs connotations suggestives, les marques sont davantage des « marques faibles » que des « marques fortes » possédant un caractère distinctif inhérent fort.

[33]      La preuve de l'opposante indique que la marque VEGA avait acquis une notoriété substantielle au Canada à toutes les dates pertinentes. La requérante, en revanche, n'a pas démontré que la marque OVEGA-3 visée par la demande était devenue connue à l'une quelconque des dates pertinentes. Le premier facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis, favorise donc l'opposante à toutes les dates pertinentes.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[34]      L'opposante a commencé à employer sa marque VEGA en 2004, c'est-à-dire sept ans avant que la requérante produise sa demande d'enregistrement, laquelle, de surcroît, est fondée sur un emploi projeté. Le deuxième facteur favorise donc également l'opposante à toutes les dates pertinentes.

Le genre de produits et les voies de commercialisation

[35]      Les produits des parties sont très similaires et, en l'absence d'une preuve contraire, on peut supposer que les produits des parties seraient vendus par les mêmes voies de commercialisation. Il serait donc plus que probable que les produits des parties soient exposés à proximité immédiate les uns des autres sur les tablettes de magasins de détail, si ce n'est carrément côte à côte. Les troisième et quatrième facteurs favorisent donc l'opposante également.

Le degré de ressemblance

[36]      Il existe une ressemblance appréciable entre les marques des parties dans la présentation et dans le son, car la marque de la requérante incorpore la totalité de la marque de l'opposante, à laquelle le préfixe « O » et le suffixe « 3 » ont été ajoutés. Ces ajouts ont toutefois pour effet de différencier de façon significative les idées suggérées par les marques des parties. À cet égard, la marque VEGA de l'opposante évoque un produit exempt de composants d'origine animale, tandis que la marque OVEGA-3 visée par la demande évoque, en premier lieu, l'élément nutritif oméga-3 et, en second lieu, l'idée que le produit est exempt de composants d'origine animale. Dans l'ensemble, j'estime que, lorsqu'on considère globalement les trois aspects de la ressemblance, les marques des parties sont plus dissemblables que semblables, mais seulement légèrement. Le cinquième facteur, qui est le plus important, favorise donc la requérante, mais uniquement dans une mesure limitée.

[37]      J'ai conscience que des différences relativement peu marquées peuvent suffire à distinguer entre elles des marques « faibles », c'est-à-dire des marques qui ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent fort : voir GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 CPR(2d) 154 (CF 1re inst.). En l'espèce, cependant, l'opposante a fait la preuve du caractère distinctif acquis de sa marque, ce qui atténue l'avantage qui est accordé au requérant lorsque la marque de l'opposant est intrinsèquement faible.

[38]      Je m'appuie également sur une décision récente de la présente Commission, Breville Pty Limited c Keuring Green Mountain, Inc, 2014 COMC 248 (CanLII). Dans Breville, la propriétaire des marques YOUBREW et BREW IQ s'opposait à l'enregistrement de la marque MYBREW en liaison avec des machines à infuser électriques. La Commission s'est exprimée dans les termes suivants [Traduction] :

[27]   Examinant le degré de ressemblance, la Cour suprême du Canada écrit, dans l’arrêt Masterpiece [Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., [2011] 2 RCS 387, 2011 CSC 27 (CanLII)], précité, que la ressemblance est définie en tant que rapport entre des objets de même espèce présentant des éléments identiques ou similaires (para 62) et que, pour mesurer le degré de ressemblance, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects d’une marque de commerce est particulièrement frappant ou unique (para 64). En l’espèce, il n’y a rien de frappant ou d’unique dans le mot BREW considérant que les marchandises de chaque partie sont liées aux appareils d'infusion et aux produits avec lesquels ils sont employés [voir, par exemple, Molson Companies Ltd c John Labatt Ltd (1994), 58 CPR (3d) 527 (CAF)]. De même, le préfixe des marques des parties (un pronom personnel) n'est pas particulièrement frappant ou unique étant donné que les consommateurs utilisent souvent des appareils d'infusion pour se préparer des boissons pour eux-mêmes.

 

[28]   Les marques de commerce des parties se ressemblent donc dans une certaine mesure dans la présentation et le son puisqu'elles partagent le suffixe BREW. Tandis que les marques de commerce des parties YOUBREW et MYBREW suggèrent la même idée, un infuseur qui permet de personnaliser des produits infusés, il ne peut y avoir de monopole dans ce genre d'idée [American Assn of Retired Persons c Canadian Assn. of Retired Persons/Assoc Canadienne des Individus Retraités (1998), 84 CPR (3d) 198 para 34 (CF 1re inst)].

(non souligné dans l'original)

[39]      De façon similaire, en l'espèce, les marques des parties se ressemblent dans la présentation et dans le son, car elles contiennent toutes deux le terme VEGA. Or, le terme VEGA n'a rien de particulièrement frappant ou unique compte tenu du fait qu'il serait perçu comme une version tronquée du mot « vegan » [végétalien], et qu'il ne peut être accordé de monopole sur l'idée que des produits sont végétaliens. La preuve de l'état du registre présentée par M. Thuna, met en évidence le fait qu'il existe sur le marché un nombre considérable de marques de tiers qui incorporent le terme « vega » et sont destinées à un emploi en liaison avec des produits de supplémentation.

Décision

[40]      Eu égard à la preuve au dossier, aux facteurs énoncés à l'article 6(5) et à la jurisprudence citée, j'estime que, à toutes les dates pertinentes, la prépondérance des probabilités quant à la question de la confusion est également partagée et ne penche donc en faveur d'aucune des parties, malgré ma conclusion selon laquelle les quatre premiers facteurs sont résolument favorables à la cause de l'opposante. Toutefois, puisque c'est à la requérante qu'incombe le fardeau ultime, la présente demande d'enregistrement doit être repoussée.

[41]      J'ajouterai que si la requérante avait été en mesure de démontrer que sa marque a acquis un caractère distinctif, et que les marques des parties ont coexisté sur le marché dans des points de vente situés à proximité les uns des autres sans qu'un seul cas de confusion ne soit signalé, le résultat de la présente procédure aurait pu être favorable à la requérante.

[42]      Compte tenu de ce qui précède, la demande d'enregistrement est repoussée. La présente décision est rendue dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

______________________________

Myer Herzig, membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.