Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 77

Date de la décision : 2016-05-25

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45

 

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

 

Partie requérante

et

 

Trio Selection Inc.

Propriétaire inscrite

 

 

 



LMC298,834 pour la marque de commerce CREAM SODA Dessin

Enregistrement

 

[1]               Le 9 juin 2014, à la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Trio Selection Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC298,834 de la marque de commerce CREAM SODA Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous :

CREAM SODA DESIGN

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec ce qui suit [Traduction] : tenues sportives juniors, nommément pantalons, chemises, jupes, vestes, gilets, tee-shirts, robes, survêtements, shorts, combinaisons, chandails et manteaux (les Produits).

[3]               L'avis exigeait que la Propriétaire fournisse une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des Produits à un moment quelconque entre le 9 juin 2011 et le 9 juin 2014 (la Période pertinente). Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               La définition pertinente d'emploi en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi, lequel est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et des services spécifiés dans l'enregistrement au cours de la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270].

[6]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de Lloyd Prizant, souscrit le 25 août 2014. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

La preuve de la Propriétaire

[7]               M. Prizant est le vice-président de la Propriétaire. Il affirme que la Propriétaire exploite [Traduction] « un entrepôt de 60 000 pieds carrés dans l'industrie de la vente en gros de textiles et de vêtements et elle conçoit, fabrique et vend des vêtements principalement aux magasins de détail ».

[8]               M. Prizant allègue que des tenues sportives juniors arborant la Marque ont été vendues et sont vendues à l'heure actuelle chez divers détaillants dans tout le Canada. Cette déclaration constitue une simple affirmation d'emploi qui doit être étayée par la preuve au dossier. De plus, M. Prizant ne mentionne pas expressément la Période pertinente. Cependant, M. Prizant fournit les renseignements et les documents suivants à propos de l'emploi allégué de la Marque au Canada pendant la Période pertinente :

         La pièce A-1 se compose de photographies d'une robe, portant une étiquette arborant la Marque, qui a été vendue à London Drugs, dont le nom apparaît sur l'étiquette de prix. On peut voir dans l'une des photographies un bon de commande connexe pour cette robe, daté du 19 novembre 2013;

         La pièce A-2 est une facture datée du 20 mars 2014 émise par la Propriétaire à l'intention de London Drugs pour la vente de robes représentées dans les photographies de la pièce A-1;

         La pièce A-3 est une photographie d'une jupe portant une étiquette arborant la Marque. La jupe a été vendue à London Drugs et le nom de cette dernière apparaît sur l'étiquette de prix;

         La pièce A-4 est une copie d'un bon de commande daté du 19 novembre 2013 pour l'achat, par London Drugs auprès de la Propriétaire, du type de jupe représenté dans la pièce A-3, accompagnée d'une facture datée du 20 mars 2014 pour la vente de ce type de jupe;

         La pièce A-5 est une photographie de ce que M. Prizant décrit comme étant un [Traduction] « tee-shirt avec dentelle brodée », auquel est fixée une étiquette arborant la Marque, qui a été vendu à London Drugs, comme l'indique l'étiquette de prix fixée au vêtement;

         La pièce A-6 se compose d'un bon de commande et de sa facture correspondante datée du 20 mars 2014, qui fournissent les détails d'une transaction entre la Propriétaire et London Drugs concernant le vêtement présenté dans la photographie de la pièce A-5. Cependant, ces documents décrivent le vêtement comme étant un « Ladies s/s cowl neck top with lace insert at back » [haut à col bénitier à manches courtes pour dames avec insertion de dentelle au dos];

         La pièce A-7 est une photographie de ce que M. Prizant décrit comme étant [Traduction] « un tee-shirt noir avec dentelle florale brodée », portant une étiquette arborant la Marque, vendu à London Drugs comme l'indique l'étiquette de prix fixée au vêtement;

         La pièce A-8 se compose d'un bon de commande et d'une facture datée du 20 mars 2014, qui fournissent les détails d'une transaction entre la Propriétaire et London Drugs concernant le vêtement illustré dans la photographie de la pièce A-7. Encore une fois, cependant, ces documents décrivent le vêtement comme étant un « Ladies s/s top with lace insert at back and studs on pocket » [haut à manches courtes pour dames avec insertion de dentelle au dos et rivets sur la poche], plutôt que comme un [Traduction] « tee-shirt ».

[9]               Je souligne que, mis à part l'allégation générale d'emploi et la récitation de l'état déclaratif des produits tiré de l'enregistrement, M. Prizant n'identifie nulle part dans son affidavit les vêtements vendus par la Propriétaire comme étant des [Traduction] « tenues sportives juniors » ou quelque chose du genre. De même, aucune des factures ni aucun des bons de commande produits en pièce n'indique ou ne mentionne des [Traduction] « tenues sportives juniors ».

Les arguments de la Partie requérante

[10]           La Partie requérante allègue que la preuve se rapporte à l'emploi de la Marque en liaison avec ce qu'elle prétend être des [Traduction] « vêtements habillés pour dames » plutôt que des [Traduction] « tenues sportives juniors », comme le mentionne l'enregistrement.

[11]           De plus, la Partie requérante fait valoir qu'il n'y a aucune preuve d'emploi de la Marque en liaison avec des pantalons, des vestes, des gilets, des tee-shirts, des survêtements, des shorts, des combinaisons, des chandails et des manteaux, qu'il s'agisse de tenues sportives juniors ou autres.

[12]           La Partie requérante souligne que, d'après les descriptions tirées des factures correspondantes, les vêtements illustrés aux pièces A-5 et A-7 sont, en réalité, un [Traduction] « haut à col bénitier à manches courtes pour dames » et un [Traduction] « haut à manches courtes pour dames avec insertion de dentelle au dos et rivets sur la poche », respectivement, et non des tee-shirts, tel que l'allègue M. Prizant dans son affidavit. Aux fins de l'examen, je supposerai que l'abréviation « s/s » signifie « short sleeves » [manches courtes].

[13]           Par souci de commodité, je reproduis l'illustration des vêtements tirée du paragraphe 11 des représentations écrites de la Partie requérante, laquelle reproduit elle-même les images des pièces susmentionnées :

[14]           La Partie requérante souligne que les factures fournies par la Propriétaire désignent expressément les vêtements comme étant des articles vestimentaires pour « Ladies » [dames]. En effet, comme je l'ai déjà souligné, les factures et les bons de commande produits en pièce ne mentionnent pas de vêtements juniors, la taille junior ou quelque chose du genre.

[15]           À l'audience et dans ses observations écrites, la Partie requérante a fait valoir que le mot « junior » dans la description des Produits se rapporte à la [Traduction] « taille junior » et non à [Traduction] « dame », qui désigne généralement une [Traduction] « femme adulte ». De plus, elle soutient que [Traduction] « tenues sportives » signifie [Traduction] « vêtements de sport », comme une jupe de tennis par exemple.

[16]           La Partie requérante fait valoir que, conformément aux définitions ordinaires tirées de dictionnaires des mots « junior », « sportswear » [tenue sportive] et « lady » [dame], il faut faire une distinction entre les [Traduction]« tenues sportives juniors » et les [Traduction] « vêtements habillés pour dames »; par conséquent, les [Traduction]« tenues sportives juniors » ne seraient pas incluses dans la catégorie des [Traduction] « vêtements habillés pour dames ».

[17]           À l'appui de sa prétention, la Partie requérante a fourni différentes définitions de dictionnaires des mots « junior », « lady » [dame], « woman » [femme] et « sportswear » [tenue sportive]. Je souligne les extraits suivants de ces définitions [Traduction] :

Junior : Se dit des jeunes ou des plus jeunes ou relatif à ceux-ci. En Amérique du Nord : Se dit des élèves en troisième année d'un programme d'une durée de quatre ans dans un collège ou une école secondaire. Dans le sport : jeune compétiteur, généralement âgé de moins de seize ans ou de dix-huit ans.

Tenue sportive : Vêtements portés pour faire du sport ou pour un usage décontracté à l'extérieur.

Dame : Manière polie ou formelle de désigner une femme. Synonyme : femme.

[18]           Enfin, la Partie requérante souligne que la Propriétaire n'a fourni aucune raison expliquant le défaut d'emploi de la Marque au sens de l'article 45(3) de la Loi.

Les arguments de la Propriétaire

[19]           La Propriétaire soutient que les définitions des mots « junior » et « sportswear » [tenue sportive] reproduites ci-dessus n'étayent pas une interprétation étroite de ces mots dans le contexte de la description des Produits. Elle allègue que le registraire doit interpréter l'état déclaratif des produits de façon libérale et qu'il serait inopportun de procéder à une analyse trop minutieuse des caractéristiques des Produits. En supposant que ce soit le cas, puis-je tout de même conclure qu'ils entrent dans la catégorie des [Traduction] « tenues sportives juniors »?

[20]           De plus, la Propriétaire fait valoir que les vêtements montrés dans les pièces A5 et A-7 sont visés par les définitions de [Traduction] « chemise » et de « tee-shirt ».

[21]           La Propriétaire prétend que la Partie requérante a accordé une importance excessive à la distinction entre les vêtements [Traduction] « pour dames » et « junior ». En outre, la Propriétaire fait valoir qu'il n'y a aucune raison pour laquelle les vêtements illustrés ci-dessus ne pourraient pas être considérés comme des [Traduction] « tenues sportives ». À cet égard, la Propriétaire soutient que les [Traduction] « tenues sportives » englobent [Traduction] « l'usage décontracté à l'extérieur ».

[22]           Enfin, la Propriétaire affirme qu'une preuve d'emploi de la Marque en liaison avec chacun des Produits visés par l'enregistrement n'est pas nécessaire. Elle soutient que la preuve d'emploi de la Marque en liaison avec des robes, des jupes, des chemises et des tee-shirts, tels qu'ils sont illustrés ci-dessus, est suffisante pour maintenir l'enregistrement de la Marque à l'égard de tous les Produits.

Analyse

Existe-t-il une preuve d'emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « tenues sportives juniors »?

[23]           J'estime au mieux que la preuve est ambiguë quant à savoir si les vêtements montrés dans les pièces entrent dans la catégorie des [Traduction] « tenues sportives juniors ». À cet égard, la Propriétaire a choisi de décrire les Produits dans l'enregistrement comme étant des [Traduction] « tenues sportives juniors ». Cependant, M. Prizant ne fournit aucune explication quant au sens ou à la signification de [Traduction] « tenues sportives juniors ».

[24]           À mes yeux, le terme « junior » mentionné dans la description des Produits de l'enregistrement se rapporte logiquement à la taille. La Propriétaire a choisi ce terme pour le distinguer des tailles [Traduction] « pour dames » ou « pour enfants ». C'est la Propriétaire qui, dans sa propre description des vêtements figurant dans les factures produites en pièce, les décrit comme étant des articles vestimentaires [Traduction] « pour dames ». Le fait que le terme « junior » peut également désigner un élève en troisième année au collège ou à l'école secondaire, conformément à la définition de dictionnaire produite par la Partie requérante, n'est d'aucun secours pour la Propriétaire. Conformément à l'article 30a) de la Loi, l'état déclaratif des produits doit être dressé dans les termes ordinaires du commerce. Une [Traduction] « robe junior » ne fait pas référence à une robe destinée à être portée par une élève en troisième année au collège ou en troisième année à l'école secondaire. En l'absence de preuve que les [Traduction] « tenues sportives juniors » entrent dans la catégorie des [Traduction] « tenues sportives pour dames », je dois interpréter cette ambiguïté à l'encontre de la Propriétaire [voir, par analogie, MAPA GmbH Gummi-und Plastikwerke c 2956-2691 Québec Inc, 2012 COMC 192, 2012 CarswellNat 4869].

[25]           Quoi qu'il en soit, comme je l'ai déjà mentionné, M. Prizant ne fait pas référence à l'emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « tenues sportives juniors » dans son affidavit, à l'exception d'une simple affirmation générale d'emploi de la Marque en liaison avec cette catégorie de produits. De plus, les factures émises par la Propriétaire ne mentionnent pas de [Traduction] « tenues sportives juniors ».

[26]           Au mieux pour la Propriétaire, il y a un doute quant à savoir si l'on pourrait qualifier la jupe et la robe illustrées dans les pièces A-1 et A-3 de [Traduction] « tenues sportives juniors ». Compte tenu de leur apparence et de leur description, en l'absence d'une déclaration claire de M. Prizant portant que ces vêtements sont des [Traduction] « tenues sportives juniors », ce doute doit être résolu à l'encontre de la Propriétaire [voir Plough, supra].

[27]           De plus, j'estime que les vêtements illustrés ci-dessus ne sont pas des [Traduction] « tenues sportives », malgré la possibilité d'une interprétation libérale de ce terme qui permettrait d'englober des [Traduction] « vêtements décontractés ». D'après les définitions ci-dessus, il semblerait que les [Traduction] « tenues sportives » représentent un certain type de vêtements qui sont principalement portés pour pratiquer des activités sportives, mais qui pourraient aussi être portés de manière décontractée. Il n'est pas évident que l'un ou l'autre des vêtements illustrés ci-dessus pourrait être porté principalement pour pratiquer des activités sportives. Encore une fois, aucune mention n'est faite de [Traduction] « tenues sportives » ou de quelque chose du genre dans la description des vêtements vendus par la Propriétaire apparaissant dans les factures produites en pièce, ni même dans la propre description de M. Prizant des vêtements illustrés dans les photographies produites en pièce. Fait révélateur, M. Prizant n'a pas fourni la moindre explication ni clarification quant au sens de [Traduction] « tenues sportives » ou de [Traduction] « tenues sportives juniors » dans son affidavit.

Aucune preuve d'emploi en liaison avec les autres Produits

[28]           Malgré ce qui précède, je conviens avec la Partie requérante qu'il n'y a aucune preuve d'emploi de la Marque en liaison avec ce qui suit : pantalons, vestes, gilets, survêtements, shorts, combinaisons, chandails et manteaux. De plus, l'affidavit de M. Prizant ne contient aucune allégation qui décrirait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque au Canada pendant la Période pertinente au sens de l'article 45(3) de la Loi.

Décision

[29]           Il n'y a aucune preuve d'emploi de la Marque pendant la Période pertinente par la Propriétaire en liaison avec l'un quelconque des Produits décrits ci-dessus et il n'y a aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque au Canada pendant la Période pertinente en liaison avec les Produits.

Décision

[30]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement LMC298,834 sera radié selon les dispositions de l'article 45 de la Loi.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2016-04-26

 

COMPARUTIONS

 

Claudette Dagenais                                                                 POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Melissa A. Binns                                                                      POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Claudette Dagenais (DJB)                                                       POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Gowling Lafleur Henderson LLP                                           POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

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