Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                                                                   Référence: 2015 COMC 183

Date de la décision: 2015-10-06

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Les Entreprises Foxmind Canada Ltée

Opposante

et

 

 

Requérante

 

Divertissement F2Z inc./F2Z Entertainment Inc.

 

 

 



1,520,873 pour la marque de commerce FILOSOFIA & Dessin

Demande

I          Introduction

[1]               Les Entreprises Foxmind Canada Ltée (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce FILOSOFIA & Dessin (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,520,873, au nom de Divertissement F2Z inc./F2Z Entertainment Inc. (F2Z).

FILOSOFIA & DESSIN

[2]               La demande revendique la couleur comme caractéristique de la Marque. Cette revendication se lit: « BLANC pour les lettres composant le terme ‘FILOSOFIA’, pour le grand cercle ainsi que pour les huit petits demi-cercles l'entourant. ORANGE pour tout l’arrière-plan.»

[3]               F2Z est la société résultante d’une fusion du 1er juillet 2014 à laquelle était partie Filosofia Éditions inc. (Filosofia), la société à l’origine de la demande d’enregistrement. Sauf indication contraire, je référerai indistinctement à F2Z et Filosofia comme la Requérante.

[4]               Même si les parties en l’espèce ne sont ni liées ni associées, elles ne sont pas étrangères l’une à l’autre, en ce qu’il ressort du dossier que la Cour supérieure du Québec a été saisie d’un litige entre la Requérante et l’Opposante. Quoique ce litige ait teinté la preuve et les représentations des parties, il est à noter qu’il n’est pas pertinent au regard du seul motif d’opposition soulevé en l’espèce. Ce motif d’opposition allègue que la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) « car les dates de premier usage indiquées par Filosofia dans sa demande sont fausses ».

[5]               Chaque partie a produit de la preuve et un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience. D’ailleurs, dans le cadre de la présente décision, je dois trancher des questions qui découlent de l’audience. Je trancherai ces questions dans le cadre des raisons qui suivent et pour lesquelles j’estime qu’il y a lieu de rejeter l’opposition.

II        La demande d’enregistrement au dossier

[6]               La Requérante demande principalement l’enregistrement de la Marque en liaison avec différents jeux et des services y relatifs. Selon les produits en cause, la demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada ou son emploi projeté; la demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les services.

[7]               La demande d’enregistrement originale a été produite le 25 mars 2011. Comme suite à l’examen de la demande d’enregistrement par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC), le 5 octobre 2011 la Requérante a modifié l’état déclaratif des produits et services afin qu’il respecte les termes ordinaires du commerce. Les détails de cette demande modifiée ont été annoncés dans le Journal des marques de commerce du 28 mars 2012.

[8]               Au cours de la procédure d’opposition, le registraire a reçu deux lettres du 5 décembre 2013 de la Requérante proposant des modifications visant à retirer des produits et à amender la description des services. Les modifications proposées différaient d’une lettre à l’autre. Le 25 février 2014, l’Opposante était informée que la modification à la demande d’enregistrement « tel qu’il est indiqué dans la lettre [du 5 décembre 2013] de la requérante » avait été acceptée au nom du registraire.

[9]               L’une des questions à trancher concerne l’état déclaratif des produits et services de la demande d’enregistrement à considérer en l’espèce. Cette question découle de la position de l’Opposante selon laquelle la modification de la demande d’enregistrement après son annonce dans le Journal des marques de commerce ne peut pas être prise en considération. Ainsi l’Opposante soumet que la demande d’enregistrement pertinente en l’espèce est la demande telle qu’annoncée dans le Journal des marques de commerce le 28 mars 2012.

[10]           À cet égard, lors de l’audience l’Opposante a soumis qu’il était impossible de déterminer les modifications acceptées par le registraire le 25 février 2014 puisque les deux lettres du 5 décembre 2013 étaient différentes. Ainsi, l’Opposante a soutenu que la décision d’accepter les modifications de la demande d’enregistrement devait être considérée comme nulle et sans effet.

[11]           Dans l’éventualité où je refuserais de reconsidérer la décision du 25 février 2014, l’Opposante a réitéré ses représentations écrites selon lesquelles les modifications auraient dû être refusées par le registraire parce que contraires à l’article 32b) du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement). Cet article prévoit que :

32.   La modification d’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce n’est pas permise après l’annonce de la demande dans le Journal, si elle vise, selon le cas : […] 

b) à changer la date de premier emploi ou révélation, au Canada, de la marque de commerce;

[12]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soumet que « la suppression de dates de premier emploi par le retrait de certaines marchandises constitue une modification interdite » au sens de l’article 32b) du Règlement. L’Opposante cite également la décision Asset Inc c Park It & Sell It of Canada Ltd, 2007 CanLII 80801 (COMC) dans laquelle Jill W. Bradbury, agissant au nom du registraire, formulait le commentaire suivant : « [traduction] Cette interdiction est nécessaire pour protéger les droits des tiers qui décident ou non de s’opposer à une demande annoncée en se fondant sur la date alléguée de premier emploi. »

[13]           Il n’est pas nécessaire que je fasse état des représentations orales de la Requérante sur cette question. En effet, tel que je l’ai indiqué à l’Opposante à l’audience, elle ne m’a pas convaincue que le fait de retirer des produits de la demande d’enregistrement entraîne la « suppression » ou un changement des dates de premier emploi revendiquées dans la demande d’enregistrement.

[14]           D’ailleurs, comme suite à mes remarques concernant sa prétention, l’Opposante a reconnu que les lettres du 5 décembre 2013 de la Requérante ne proposaient aucun changement de dates de premier emploi revendiquées dans la demande. L’Opposante a aussi ultimement reconnu qu’elle ne pouvait citer aucune autre décision que l’affaire Asset Inc, précitée, pour appuyer sa prétention. Or, les faits en l’espèce n’ont rien en commun avec ceux de cette affaire où la requérante, par le biais de sa preuve, cherchait à modifier la demande d’enregistrement pour revendiquer le 1er septembre 2003, plutôt que 1er septembre 2000, comme date de premier emploi de la marque de commerce en cause.

[15]           Finalement, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la valeur de la décision d’accepter la modification à la demande d’enregistrement le 25 février 2014.

[16]           En effet, en révisant le dossier, j’ai constaté que la Requérante avait produit une demande d’enregistrement modifiée le 26 mars 2014 faisant référence à ses deux lettres du 5 décembre 2013. J’ai informé l’Opposante de cette situation à l’audience en constatant que la Requérante ne semblait pas lui avoir fait parvenir une copie de la demande d’enregistrement modifiée. De plus, pour une raison que j’ignore, aucune communication n’a été émise par l’OPIC pour accepter la demande modifiée du 26 mars 2014 au nom du registraire. Afin de remédier à cette situation, j’ai indiqué aux parties que je confirmerais l’acceptation de la demande d’enregistrement modifiée dans la présente décision.

[17]           En conséquence, au nom du registraire, j’accepte la demande d’enregistrement modifiée produite le 26 mars 2014. Ainsi, les produits et services de même que les revendications d’emploi contenus dans la demande d’enregistrement présentement au dossier sont les suivants :

Produits :

(1) Jeux de société, jeux de plateaux.

(2) Jeux de cartes.

(3) Puzzles, jeux-livres, logiciels pour jeux éducatifs, jeux Virtuel (sic), figurines.

 

Services :

(1) Conception, édition, vente en gros et au détail et vente en ligne et distribution de jeux de sociétés, jeux de cartes, jeux de plateaux.

 

Revendications :

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt que le 15 mai 2007 en liaison avec les produits (1).

Employée au Canada depuis au moins aussitôt que le 22 février 2007 en liaison avec les produits (2).

Emploi projeté au Canada en liaison avec les produits (3).

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt que février 2007 en liaison avec les services.

III       Le motif d’opposition en l’espèce

[18]           Le 28 novembre 2012, l’Opposante a produit sa déclaration d’opposition contenant de nombreuses allégations et soulevant trois motifs d’opposition.

[19]           Le 25 janvier 2013, la Requérante a demandé une décision interlocutoire pour la radiation de tous les motifs d’opposition. Le 19 février 2013, l’Opposante a présenté ses observations en réponse à la demande de la Requérante.

[20]           Le 13 mars 2013, agissant au nom du registraire, j’accueillais en partie la demande de la Requérante en décidant de radier deux des trois motifs d’opposition. Il ne reste donc qu’un seul motif d’opposition à considérer. Ce motif d’opposition, tel que plaidé, se lit ainsi qu’il suit :

a)    La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, car les dates de premier usage indiquées par Filosofia dans sa demande sont fausses;

[21]           Dans la décision Massif Inc c Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc, 2011 CF 118, 95 CPR (4th) 249, la Cour fédérale a ordonné qu’une opposition soit évaluée en fonction des motifs d’opposition tels que plaidés. Si une opposante soutient qu’une demande contrevient à une disposition de la Loi en raison de circonstances précises, il n’est pas permis de repousser la demande au motif qu’elle ne respecte pas cette disposition de la Loi pour des raisons différentes de celles invoquées.

[22]           La portée du motif d’opposition restant est une autre question que je dois trancher suite à l’audience au cours de laquelle l’Opposante a fait des représentations selon lesquelles ce motif d’opposition allèguerait que la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences des articles 30b), 30e) et 30i) de la Loi.

[23]           Or, le motif d’opposition allègue uniquement que les dates de premier emploi revendiquées dans la demande sont fausses. En conséquence, je suis d’accord avec la Requérante que le motif d’opposition, tel que plaidé, allègue tout au plus que la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30b) de la Loi.

IV       Le fardeau qui repose sur les parties

[24]          C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi. Cela signifie que, si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur. Toutefois, l’Opposante doit, pour sa part, s’acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’Opposante signifie que son motif d’opposition ne sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de celui-ci [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company, 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

V        La preuve de l’Opposante

[25]          Je vais discuter de la preuve de l’Opposante en l’espèce et par la même occasion statuer sur des questions qui découlent de l’audience.

[26]           La preuve de l’Opposante produite sous l’article 41 du Règlement consiste en :

           l’affidavit de David Capon, souscrit le 28 novembre 2012;

           l’affidavit de Marie-Ève Lupien, souscrit le 27 novembre 2012;

           l’affidavit de Guillaume Bilodeau, souscrit le 27 novembre 2012; et

           les pièces O‑1 à O‑17 produites au soutien de ces trois affidavits.

[27]           M. Capon, Mme Lupien et M. Bilodeau ont été contre‑interrogés par la Requérante. Les transcriptions des contre-interrogatoires, les réponses aux engagements, et la pièce DC-1 à la transcription du contre-interrogatoire de M. Capon font partie du dossier.

[28]           Avant de passer les trois affidavits en revue, je dois noter que ceux‑ci ainsi que les pièces O‑1 à O‑17 sont présentés dans un cahier boudiné à onglets. Les affidavits se retrouvent sous les onglets 1 à 3 et les pièces sous les onglets 4 à 20. Les pièces n’ont pas été assermentées. La Requérante soumet que les pièces ne sont pas admissibles en preuve et demande leur rejet.

[29]           À l’audience, l’Opposante s’est objectée à la requête de la Requérante. De plus, elle a demandé la permission de produire un second affidavit de David Capon, souscrit le 18 juin 2015, incluant ses pièces O-1 à O-17, comme preuve supplémentaire sous l’article 44(1) du Règlement. La Requérante s’est objectée à l’octroi de la permission demandée.

[30]           Ayant indiqué aux parties que je statuerais sur leurs demandes respectives dans ma décision, j’ai demandé que leurs représentations orales tiennent compte des possibilités que les pièces O‑1 à O‑17 soient admises et que la permission de produire le second affidavit de David Capon soit accordée.

[31]           Ceci étant dit, je conclus que les pièces O‑1 à O‑17 au soutien des affidavits produits sous l’article 41 du Règlement ne sont pas admissibles à titre de preuve et que la permission de produire le second affidavit de M. Capon doit être refusée à l’Opposante.

[32]          Avant toute chose, je ferai une observation préliminaire sur un point qui ressort des affidavits produits par l’Opposante et que je n’ai constaté qu’après l’audience. J’aborderai par la suite les raisons pour lesquelles je conclus au rejet des pièces O‑1 à O-17 et au refus de la permission demandée par l’Opposante. Je terminerai par une revue des affidavits produits par l’Opposante en vertu de l’article 41 du Règlement.

V.1     Observation préliminaire

[33]           J’ai constaté que l’intitulé de chacun des affidavits produits sous l’article 41 du Règlement et celui de l’affidavit proposé comme preuve supplémentaire identifient l’Opposante sous Les Entreprises Foxmind Canada inc. plutôt que Les Entreprises Foxmind Canada Ltée, tel que dans la déclaration d’opposition. Aussi, M. Capon s’identifie, tant dans son affidavit du 28 novembre 2012 que dans son affidavit proposé du 18 juin 2015, comme président de Les Entreprises Foxmind Canada inc.

[34]           Il est possible que les différences dans l’identification de l’Opposante soient le résultat d’une erreur d’écriture. Quoiqu’il en soit, parce que cela n’a pas d’incidence sur l’issue de la procédure d’opposition, je présume que les noms « Les Entreprises Foxmind Canada inc. » et « Les Entreprises Foxmind Canada Ltée » réfèrent à une seule et même entité.

V.2     Pièces O‑1 à O‑17 au soutien des trois affidavits de l’Opposante

[35]           Bien que long, j’estime utile de reproduire les extraits suivants du plaidoyer écrit de la Requérante pour rendre compte de ses représentations :

105.    […] force est de constater que ces pièces non assermentées ont été produites globalement pour chacun des trois affidavits de l’opposante sous la cote « O », potentiellement pour « opposition ».

106.    […] cette production globale ou collective de pièces destinées à servir trois affidavits indistinctement n’est pas conforme aux exigences de la règle 80(3) des Règles des Cour fédérales qui prévoit que : « Lorsqu’un affidavit fait mention d’une pièce, la désignation précise de celle-ci est inscrite sur la pièce même ou sur un certificat joint à celle-ci, suivie de la signature de la personne qui reçoit le serment. »

- Règle 80(3) des Règles des Cours fédérales (1998)

107.    De plus, les affiants de l’opposante font parfois référence aux mêmes pièces dans leur affidavit respectif, pièces qui ne sont pas produites individuellement au soutien de chacun des affidavits mais collectivement dans le cahier boudiné de l’opposante.

108.    De surcroît, plusieurs pièces produites dans le cahier boudiné de l’opposante comportent des inscriptions manuscrites indiquant notamment des dates (présumément d’impression), le titre de pages web, l’adresse de pages web et aucune corrélation ou référence à ces inscriptions manuscrites n’est effectuée dans les affidavits produits par l’opposante.

- Voir notamment les pièces O‑3 en liasse (onglet 6), O‑8 (onglet 11), O‑9 (onglet 12), O‑10 (onglet 13)

109.    Au demeurant, la pièce O‑6 (onglet 9), soit un exemplaire du jeu de Cape & D’Épée (un élément de preuve matériel), n’est pas admissible en preuve car en plus de ne pas avoir été assermentée, celle-ci n’a pas été produite conformément à la Loi, c’est-à-dire en produisant la boîte de jeu à [l’OPIC] et en incluant une photo de ladite boîte sous l’onglet 6 (sic).

110.    [Les] pièces O‑7 (onglet 10) et O‑13 (onglet 16), [sont d’une part] inadmissibles en raison de leur non-assermentation et de leur production non-conforme aux exigences de la Loi […].

111.    Ainsi, l’opposante est libre de choisir la manière dont elle administre sa preuve mais elle doit par ailleurs subir les conséquences du non-respect des normes minimales et élémentaires d’administration de la preuve par affidavit devant la Commission des oppositions des marques de commerce. La requérante reconnaît le principe général voulant que des lacunes purement techniques ne doivent pas empêcher une partie de faire sa preuve mais soumet respectueusement qu’en l’espèce, les manquements de l’opposante ne peuvent être assimilés à de simples lacunes techniques considérant leur impact direct sur la provenance et la fiabilité des pièces ainsi que le fait de savoir si effectivement chacun des affiants a réellement produit lesdites pièces.

112.    Par conséquent, les pièces produites collectivement au soutien des affidavits de David Capon, Marie‑Ève Lupien et Guillaume Bilodeau ne répondent pas à la norme minimale et élémentaire en matière d’administration de la preuve et doivent être rejetées par la Commission. [voir par analogie Perley-Robertson Panet Hill & McDougall v. Early Morning Productions Inc. (1998) 87 C.P.R. (3d) 347, p. 349.

[36]           Je note que les représentations de la Requérante concernant la « production non-conforme aux exigences de la Loi » des pièces O‑6, O‑7 et O‑13 (onglets 9, 10 et 16) résultent du fait que la mention « Cet élément matériel est disponible pour consultation aux bureaux des procureurs de l’opposante » apparaît sous chaque onglet au lieu de la boîte de jeu identifiée.

[37]           Selon ma compréhension de ses représentations orales, l’Opposante est d’avis que les lacunes soulevées par la Requérante ne sont que des points techniques. En dernier ressort, l’Opposante soumet que l’inadmissibilité des pièces ne doit pas résulter dans l’inadmissibilité des affidavits eux-mêmes puisqu’ils sont assermentés. La position subsidiaire de l’Opposante n’est pas contestée par la Requérante.

[38]           Je reconnais que le registraire a déjà mentionné que, bien que souhaitable, la conformité de la preuve aux Règles des Cour fédérales n’est pas une obligation [voir Tension 10 Inc c Tension Clothing Inc, 2004 CanLII 71738, 45 CPR (4th) 136]. Par contre, dans le cas présent, je souscris fondamentalement aux représentations de la Requérante. Ainsi, je suis d’accord avec la Requérante que les lacunes des pièces ne sont pas de simples lacunes techniques. Ceci dit, hormis les pièces, je suis d’accord avec l’Opposante que les affidavits eux-mêmes sont admissibles.

[39]           En conséquence, les trois affidavits font partie de la preuve au dossier mais pas les pièces qui y sont mentionnées. Puisque les pièces ne sont pas admises à titre de preuve, les affidavits ne contiennent que de simples affirmations qui ne sont pas corroborées par de la preuve documentaire.

[40]           J’ajoute être d’avis qu’exclure les pièces de la preuve au dossier n’a pas d’incidence sur l’issue de la procédure pour les raisons sommaires qui suivent :

(i)       la boîte de jeu (ou une photographie) n’a pas été produite comme pièce O‑6 (onglet 9). Ainsi, la facture produite comme pièce O‑15 (onglet 18) pour prouver l’achat de ce jeu n’est d’aucune utilité;

(ii)     outre qu’aucune boîte de jeu (ou photographie) n’a été produite comme pièce O‑13 (onglet 16), cette pièce potentielle ainsi que les pièces O‑1, O‑2, O‑11 et O‑14 (onglets 4, 5, 14 et 17) concernent la marque de l’Opposante et ses produits. La pièce O-12 (onglet 15) concerne divers logos qui seraient employés dans l’industrie du jeu. Aucune de ces pièces n’est pertinente au motif d’opposition en l’espèce.

(iii)   outre qu’aucune boîte de jeu (ou photographie) n’a été produite comme pièce O‑7 (onglet 10), cette pièce potentielle ainsi que la pièce O‑16 (onglet 19) concernent les jeux scientifiques. Ces produits ne sont plus dans l’état déclaratif de la demande présentement au dossier;  

(iv)   en raison des principes de droit applicables en l’espèce et de l’ensemble la preuve de la Requérante, j’estime que les pièces O‑3 à O‑5 et O‑8 à O‑10 (onglets 6 à 8 et 11 à 13) qui visent à appuyer des affirmations concernant l’emploi de la Marque ne sont pas utiles à la cause de l’Opposante; et

(v)     aucun des témoins ne réfère à la pièce O‑17 (onglet 20).

V.3     Demande de permission de produire le second affidavit de David Capon

[41]           Avant toute chose, je note que l’affidavit proposé contient des affirmations référant à des boîtes de jeu qui seraient annexées comme pièces O‑6, O‑7 et O‑13. Cependant, dans chaque cas, la mention « Cet élément matériel est disponible pour consultation aux bureaux des procureurs de l’opposante » apparaît comme pièce au lieu de la boîte de jeu identifiée. L’Opposante m’a remis à l’audience des photographies de la boîte du jeu De Cape & d’Épée, boîte que M. Capon affirme produire sous la pièce O‑6 de l’affidavit. Or, même si j’avais accepté la permission de produire l’affidavit, je n’aurais pas accepté que les photographies que l’Opposante m’a remises à l’audience soient admises comme pièce O‑6. L’alternative était de joindre ces photographies à l’affidavit ou de les produire par voie d’un affidavit distinct, avec la permission du registraire.

[42]          L’article 44(1) du Règlement a un caractère discrétionnaire, autorisant le registraire à accorder la permission de produire une preuve supplémentaire aux conditions qu’il juge indiquées. L’énoncé de pratique intitulé Énoncé de pratique concernant la procédure d’opposition en matière de marque de commerce prévoit que la permission de produire une preuve supplémentaire ne sera accordée que si le registraire est convaincu qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, y compris : 1) l’étape où en est rendue la procédure d'opposition; 2) la raison pour laquelle la preuve n’a pas été produite plus tôt; 3) l’importance de la preuve; et 4) le tort qui sera causé à l’autre partie.

[43]           Selon ma compréhension des représentations orales de l’Opposante, elle prétend que la Requérante ne subirait aucun tort puisque l’affidavit de M. Capon souscrit le 18 juin 2015, incluant ses pièces O‑1 et O‑17 dûment assermentées, est essentiellement identique à son affidavit produit sous l’article 41 du Règlement. L’Opposante demande la permission de produire cet affidavit pour rectifier les « lacunes techniques » des pièces au soutien du premier affidavit de M. Capon. Comme suite à ma discussion précédente, il va maintenant de soi que je ne souscris pas à la position de l’Opposante sur la nature des lacunes en question.

[44]           Selon ma compréhension des représentations orales de la Requérante, elle ne conteste pas que les affirmations contenues dans le second affidavit de M. Capon sont essentiellement les mêmes que celles contenues dans son premier affidavit. Par contre, la Requérante soumet que l’affidavit proposé aurait pu être produit plus tôt puisque ses représentations sur les pièces O‑1 à O‑17 avaient été formulées dans son plaidoyer écrit.

[45]           Au premier abord, la preuve proposée semble revêtir une certaine importance puisque les pièces O‑1 à O‑17 produites sous l’article 41 du Règlement sont maintenant exclues de la preuve. Ceci dit, compte tenu de mon avis que l’exclusion de ces pièces n’a pas d’incidence sur l’issue de la procédure, je conclus que de refuser la permission demandée ne cause pas de tort à l’Opposante. Par contre, s’il devait plutôt s’avérer qu’une pièce quelconque jointe à l’affidavit proposé ait une incidence sur l’issue de la procédure, à mon avis octroyer la permission de produire le second affidavit de M. Capon sans que celui-ci ne soit contre-interrogé sur cet affidavit serait potentiellement préjudiciable pour la Requérante.

[46]           Finalement, il va sans dire que la permission a été demandée à une étape très avancée de la procédure et que l’Opposante aurait clairement pu produire la preuve proposée après la réception du plaidoyer écrit de la Requérante que le registraire lui a transmis le 24 juillet 2014, soit plus de 11 mois avant l’audience.

[47]           Compte tenu des circonstances de l’espèce, plus particulièrement du stade avancé de la procédure, du fait que l’Opposante n’a pas expliqué pourquoi la preuve n’avait pas été produite plus tôt et du préjudice potentiel pour la Requérante, j’estime qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’accueillir la demande de l’Opposante.

[48]           En conséquence, l’affidavit de M. Capon souscrit le 18 juin 2015, incluant ses pièces O‑1 et O‑17, ne fait pas partie de la preuve au dossier.

V.4     Affidavits produits sous l’article 41 du Règlement

[49]          Je vais passer en revue les affidavits de M. Capon, Mme Lupien et M. Bilodeau. Ce faisant, je référerai à des passages de leurs contre-interrogatoires respectifs dans la mesure où j’estime qu’ils sont pertinents au regard de la preuve et des représentations des parties, dont celles de la Requérante sur l’absence de crédibilité des témoins de l’Opposante. Il est à noter qu’à l’audience, l’Opposante a précisé laisser la question de la crédibilité de ses témoins à mon appréciation.

Affidavit de David Capon

[50]          M. Capon, est le président de l’Opposante. Il affirme que l’Opposante, qui a débuté ses activités en 2003, exploite une entreprise de confection et de commercialisation de jeux, et détient un enregistrement au Canada pour la « marque canadienne verbale Foxmind » [paragr. 1‑4].

[51]          L’affidavit de M. Capon est divisé en trois parties intitulées respectivement : 1) Le changement du logo de Foxmind; 2) Le changement du logo de Filosofia; et 3) Les jeux scientifiques de Filosofia.

[52]          La preuve présentée dans la première partie n’est pas pertinente au regard du motif d’opposition parce que cette preuve concerne le logo de l’Opposante alors que le motif d’opposition concerne l’emploi de la Marque de la Requérante. Également, puisque les termes « jeux scientifiques » ne se retrouvent plus dans l’état déclaratif des produits et services de la demande d’enregistrement au dossier, la preuve présentée dans la troisième partie est sans intérêt pratique. En bout de ligne, seule la preuve présentée dans la deuxième partie est pertinente au regard du motif d’opposition.

[53]           M. Capon affirme que la « marque emblématique » de la Requérante est celle illustrée au paragraphe 16 de son affidavit. Je note que la marque en question correspond à la Marque, hormis la couleur du carré décrite par M. Capon comme étant rouge. À cet égard, M. Capon affirme que la marque emblématique « est reconnaissable grâce à sa couleur de remplissage rouge, la table et le terme filosofia en couleur blanche et parce qu’elle est en relief 3D sur les boîtes de jeux» [paragr. 17].

[54]           Je reprends essentiellement ci-après les affirmations de M. Capon concernant le « changement du logo de Filosofia » [paragr. 19‑25] :

           en dehors des boîtes de jeu et avant avril 2011, la marque employée par Filosofia était uniquement la table et le terme filosofia avec la couleur blanche;

           à sa connaissance, le premier emploi du logo carré sur le site Internet de Filosofia remonte à la fin d’avril 2011;

           vers la fin du mois d’avril 2011, il a constaté que Filosofia avait commencé à employer son logo carré indifféremment et alternativement avec la couleur rouge ou la couleur orange pour la publicité;

           en mai 2011, il a remarqué que le logo se retrouvait également sur les signatures courriels des employés de Filosofia. Jusqu’en avril 2011, ces signatures ne comprenaient pas de carré orange ou rouge, mais uniquement la table et le terme filosofia de couleur blanche sur « un fond de couleur variés » (sic); et

           au meilleur de sa connaissance, et à compter du mois d’avril 2011, Filosofia a modifié son site Web pour y faire apparaitre un logo analogue à la Marque en utilisant la couleur rouge et non la couleur orange. Auparavant, Filosofia employait sur son site Web un logo consistant en une table de jeu avec le terme filosofia sans aucun carré rouge ou orange.

[55]           Selon l’affirmation de M. Capon, à la date de son affidavit, le logo employé par Filosofia sur ses boîtes de jeux, autres que scientifiques, avait toujours été, et continuait d’être, la marque emblématique [paragr. 26].

[56]           En contre-interrogatoire, M. Capon a reconnu qu’en raison des résultats d’impression de boîtes de jeu, il est relativement fréquent dans l’industrie ludique qu’un logo subisse de légères variations de couleurs qui ne peuvent être contrôlées par l’éditeur du jeu [page 50, Q204-Q207]. M. Capon a confirmé n’avoir jamais observé de changements radicaux (« No radical changes ») du logo employé sur les boîtes de jeu de la Requérante [page 51, Q212].

[57]           J’estime qu’il n’est pas nécessaire de discuter des parties du contre-interrogatoire qui, selon la Requérante, démontrent non seulement le caractère contradictoire et ambivalent de la position de M. Capon quant à la couleur employée pour la Marque, mais que M. Capon ajuste son témoignage afin de tenter de renforcer la cause de l’Opposante en fonction qu’il s’agisse du dossier de la présente procédure ou de celui devant la Cour supérieure du Québec. En effet, en l’absence de preuve documentaire, je suis d’avis que très peu de force probante peut de toute façon être accordée aux simples affirmations retrouvées dans l’affidavit de M. Capon.

[58]           Finalement, je ne me prononcerai pas d’une façon ou d’une autre sur les représentations de la Requérante selon lesquelles divers éléments au dossier démontrent que M. Capon a « délibérément omis » de répondre avec transparence aux questions entourant l’embauche par l’Opposante de Guillaume Bilodeau, un ancien employé Filosofia. Il suffit de dire que les questions entourant l’embauche de M. Bilodeau n’ont ultimement pas d’incidence sur la présente procédure d’opposition.

Affidavit de Marie-Ève Lupien

[59]          Mme Lupien a travaillé au sein de l’Opposante des mois de septembre 2010 à août 2012. Dès son entrée en fonction chez l’Opposante, David Capon lui a confié « la tâche de moderniser l’image, le logo et la marque de l’entreprise » [paragr. 1 et 4].

[60]          La preuve présentée dans la première des deux parties de l’affidavit concerne le changement du logo de l’Opposante et n’est donc pas pertinente au regard du motif d’opposition.

[61]          La preuve présentée dans la seconde partie de l’affidavit concerne le « changement du logo de Filosofia ».

[62]          À l’instar de la preuve présentée par M. Capon, la preuve relativement aux jeux scientifiques de la Requérante est sans intérêt pratique [paragr. 26‑27]. Pour ce qui est des autres affirmations de Mme Lupien, hormis celle selon laquelle Guillaume Bilodeau l’a informée le 20 avril 2011 que Filosifia « avait décidé de changer la couleur rouge de son logo emblématique pour une couleur orange identique à celle du nouveau logo de Foxmind », ses affirmations sont analogues à celles de M. Capon discutées précédemment [paragraphes 53 à 55 de ma décision]. En contre-interrogatoire, Mme Lupien a confirmé n’avoir jamais observé de changements du logo employé sur les boîtes de jeu de la Requérante [pages 82‑83, Q366].

[63]           J’estime qu’il n’est pas nécessaire de discuter des représentations de la Requérante selon lesquelles le témoignage de Mme Lupien est purement intéressé, peu objectif et dénué de crédibilité. En effet, en l’absence de preuve documentaire, je suis d’avis que très peu de force probante peut de toute façon être accordée aux simples affirmations de Mme Lupien [paragraphes 18, 19, 21‑25, 28 et 29]. De plus, puisque Guillaume Bilodeau est un témoin de l’Opposante, la force probante de l’affirmation de Mme Lupien concernant l’information qu’il lui a communiquée est sans incidence en l’espèce.

[64]           Finalement, pour les mêmes raisons que dans le cas du contre-interrogatoire de M. Capon, je ne me prononcerai pas sur les représentations de la Requérante selon lesquelles divers éléments au dossier démontrent que Mme Lupien n’a pas témoigné avec transparence sur les circonstances entourant le départ de M. Bilodeau de chez Filosofia et son embauche par l’Opposante.

Affidavit de Guillaume Bilodeau

[65]           M. Bilodeau affirme qu’il a travaillé au sein de Filosofia à titre de chargé de projet en relation avec la France du 21 février 2011 au 15 juin 2011 [paragr. 1]. Il connait la marque FILOSOFIA depuis huit ans [paragr. 3].

[66]           À l’instar des deux autres témoins de l’Opposante, M. Bilodeau reproduit dans son affidavit la « marque emblématique » de la Requérante [paragr. 3 de l’affidavit]. Il affirme qu’au meilleur de sa connaissance, cette marque est la seule employée sur les boîtes de jeu commercialisés par la Requérante [paragr. 5].

[67]           Selon les affirmations de M. Bilodeau, la marque emblématique de Filosofia « est reconnaissable grâce à sa couleur rouge vin et parce qu’elle est en relief 3D sur les boîtes de jeux » [paragr. 4 de l’affidavit]. La couleur rouge vin « peut-être plus ou moins claire ou foncée d’une boîte de jeu à une autre en raison de la production mais la charte graphique de la marque emblématique de Filosofia fixait bien la couleur rouge comme seule couleur à être utilisée, du moins jusqu’au printemps 2011 » [paragr. 6].

[68]           Selon ses affirmations, M. Bilodeau a été témoin d’un changement au niveau de la marque emblématique en avril 2011 [paragr. 7‑15]. En résumé, M. Bilodeau affirme que :

           le 20 avril 2011, il a entendu M. Tremblay, dirigeant de Filosofia, demander au graphiste de l’entreprise « de changer la couleur du rouge vin de la marque emblématique pour une couleur orange ». Par la suite, il également vu le graphiste présenter plusieurs esquisses du nouveau logo à M. Tremblay qui « lui a répondu en ces termes : ‘Orangie-le’ »;

           le ou vers le 20 avril, il a vu M. Tremblay et le graphiste effectuer des tests de couleurs pour le « futur nouveau logo » de Filosofia en le comparant au nouveau logo de l’Opposante, dont il avait connaissance depuis la mi-mars 2011. Selon les dires de M. Bilodeau, cette comparaison visait à rendre la couleur du logo de Filosofia identique à celle du logo de l’Opposante; il a vu des « imprimés » présentant les deux logos en question pour « tester les couleurs du futur nouveau logo de Filosofia à la satisfaction de Monsieur Tremblay »;

           le ou vers le 20 avril, il a été informé, comme tous les autres employés, de cesser d’employer les signatures courriels, lesquelles étaient alors diverses avec différentes couleurs et ne comprenaient pas de logo carré orange ou rouge;

           le ou vers le 23 avril, les employés ont reçu la directive d’employer uniquement de nouvelles signatures courriels uniformisées et comprenant toutes le « nouveau logo carré‑orangé »; et

           il a eu connaissance que Filosofia avait commencé à employer le nouveau logo carré-orangé dans ses communications et la publicité le ou vers le 23 avril, date à laquelle il a également remarqué l’emploi de ce logo sur le site Internet, sur le Web, pour les annonces et sur les bandeaux publicitaires.

[69]           Selon les dernières affirmations de M. Bilodeau [paragr. 16-18]:

           avant avril 2011, Filosofia n’employait pas le carré-orangé sur l’Internet et pour sa publicité mais uniquement la table et le terme Filosofia;

           à la date de son affidavit, Filosofia employait toujours « son logo emblématique rouge en relief 3D » sur ses boîtes de jeux; et

           dans les jours précédents la signature de son affidavit, il a observé dans des magasins que le logo des jeux de Filosofia était toujours la marque emblématique.

[70]           M. Bilodeau a confirmé en contre-interrogatoire n’avoir jamais observé de changements du logo employé sur les boîtes de jeu de la Requérante [page 122, Q554]. Il a aussi confirmé n’avoir aucune formation en graphisme [page 9, Q15]. Dans le cadre de ses fonctions chez Filosofia, il n’était pas impliqué au niveau de la production, de la conception et de l’édition des jeux, ni n’était impliqué au niveau du développement de la marque de Filosofia et de son impression sur les jeux [pages 12‑13, Q31‑Q37].

[71]           Lorsque questionné sur ses affirmations quant aux tests de couleurs effectués par M. Tremblay et le graphiste, M. Bilodeau a reconnu la possibilité qu’ils soient survenus « dans le contexte d’une analyse du litige qui se dessinait entre Filosofia et l’Opposante » [page 120, Q548]. M. Bilodeau a aussi reconnu qu’il n’avait pas envisagé la possibilité que les changements de signatures courriels soient le résultat d’une volonté de Filosofia d’harmoniser les usages électroniques et marketing du logo à celui du logo sur les boîtes de jeu [pages 123-124, Q561‑Q562].

[72]           Pour terminer, je vais aborder la question de la crédibilité du témoignage de M. Bilodeau, mais de façon sommaire. En effet, puisque l’Opposante a choisi de ne pas faire de représentations sur cette question, je me contente d’indiquer être d’avis qu’il y a du mérite à la position de Requérante selon laquelle un volet du contre-interrogatoire de M. Bilodeau démontre que sa perception de la couleur du logo de Filosofia, et partant de la Marque, est particulièrement questionnable et douteuse [paragr. 157‑162 du plaidoyer écrit de la Requérante]. En conséquence, je ne suis pas disposée à accorder de force probante aux affirmations de M. Bilodeau, d’autant plus qu’il ressortira de ma revue de la preuve de la Requérante que ses témoins contredisent les affirmations de M. Bilodeau concernant les évènements survenus en avril 2011.

[73]           Je tiens à préciser que dans ma considération de la crédibilité du témoignage de M. Bilodeau, j’ai fait abstraction des prétentions de la Requérante que celui-ci « a menti » lors de son contre-interrogatoire « en omettant et en refusant d’expliquer ses agissements alors qu’il était à l’emploi » de Filosofia. Je réitère que les circonstances entourant son départ de chez Filosofia et son embauche par l’Opposante ne sont pas pertinentes en l’espèce.

VI       La preuve de la Requérante

[74]           La preuve de la Requérante consiste en des affidavits de Martin Tremblay, incluant ses pièces MT‑1 à MT‑20, et de Philippe Guérin, incluant ses pièces PG‑1 à PG‑6, tous deux souscrits le 6 décembre 2013.

[75]          Je vais passer en revue la preuve présentée par MM. Tremblay et Guérin, lesquels n’ont pas été contre‑interrogés.

Affidavit de Martin Tremblay, incluant ses pièces MT‑1 à MT‑20

[76]          M. Tremblay est vice–président et directeur général de Filosofia. Il est en charge de la gestion quotidienne de l’entreprise qui œuvre dans le domaine de l’édition, de la conceptualisation et du montage de jeux de société et autres jeux de même nature [paragr. 1et 3].

[77]          La pièce MT‑1 annexée à l’affidavit de M. Tremblay, soit une copie du Rapport CIDREQ du Registraire des entreprises du Québec, confirme son affirmation que Filosofia a été constituée sous la Loi canadienne sur les sociétés par actions [paragr. 4]. Selon le Rapport CIDREQ, Filosofia a été constituée le 17 janvier 2006.

[78]          M. Tremblay est un co-fondateur de Filosofia et de sa compagnie liée Filosofia Distribution Inc. (Filosofia Distribution) [paragr. 5]. Selon les affirmations de M. Tremblay, Filosofia Distribution est le distributeur de Filosofia au Canada et vend les produits et services de celle-ci aux consommateurs par l’entremise de son réseau de magasins ou directement lors d’évènements ludiques ouverts au public. Filosofia et Filosofia Distribution sont domiciliées à la même adresse, sont opérées par les mêmes dirigeants, ont les mêmes employés et œuvrent dans le même secteur. Filosofia contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la Marque par Filosofia Distribution [paragr. 6‑8].

[79]          M. Tremblay affirme que la Marque « a été utilisée avec constance et continuité conformément aux dates revendiquées dans la demande d’enregistrement sous réserve des variations usuelles de couleur dans l’industrie de l’imprimerie » [paragr. 10]. Il décrit la Marque comme consistant « essentiellement en un dessin ludique blanc centré arborant une roue avec des demi‑cercles, le tout sur le fond d’un carré orange, avec la mention ‘filosofia’ également en blanc au bas » [paragr. 11]. Il affirme que, contrairement aux prétentions des témoins de l’Opposante, la Marque ne comprend aucun élément tridimensionnel [paragr. 39].

[80]          Je résume ainsi qu’il suit les affirmations de M. Tremblay concernant l’emploi de la Marque en liaison avec les produits et services identifiés dans la demande d’enregistrement, incluant les pièces annexées à son affidavit à l’appui de ses affirmations :

           les services sont annoncés en liaison avec la Marque :

o  depuis au moins aussitôt que le mois de février 2007, sur le site Internet de Filosofia, à www.filosofiagames.com. Des pages du site Internet pour les années 2007 à 2013 provenant du site www.archive.org sont annexées à l’affidavit [paragr. 13, pièce MT‑4];

o  depuis l’année 2009, par le biais de feuillets promotionnels destinés aux acheteurs de magasins spécialisés. Des feuillets promotionnels sont annexés à l’affidavit [paragr. 14, pièce MT‑5]; et

o  depuis le début de l’année 2011, par le biais de fiches de jeux qui sont distribuées dans une centaine de magasins distributeurs de jeux de société; ces fiches sont consultées par les consommateurs dans les magasins. Le catalogue des fiches de jeux est annexé à l’affidavit [paragr. 17, pièce MT‑8].

           les services et produits sont aussi annoncés en liaison avec la Marque dans des catalogues distribués dans le cadre d’évènements annuels ludiques fréquentés par les consommateurs; dans le cadre de plusieurs activités d’information et d’animation dans des camps de jour et les écoles; et dans différents quotidiens et magazines. Les catalogues pour les années 2009 à 2013 de même que des extraits des magazines sont annexés à l’affidavit [paragr. 15‑16, pièces MT‑6 et MT‑7];

           la Marque a été employée en liaison avec des jeux de société et des jeux de plateaux avec constance et continuité depuis au moins aussitôt que le 15 mai 2007 [paragr. 20]. M. Tremblay annexe à son affidavit :

o  la première édition du jeu de société ou de plateau nommé Colons de Catane distribué entre le mois de mai 2007 et l’année 2011, avant la sortie de la deuxième édition en avril 2010; la deuxième édition du jeu, nommé Catane; une copie de la facture pour la première vente du jeu Colons de Catane le 5 janvier 2005; et des copies de factures en liasse concernant des ventes du jeu Colons de Catane ou de sa deuxième édition Catane [paragr. 21‑25, pièces MT‑9 à MT‑12]. Je note que les factures en liasse couvrent les années 2005 à 2013 et ont été émises par Filosofia Distribution, tout comme la facture du 5 janvier 2005; et

o  le jeu Les Pilliers de la Terre; une copie de la facture pour la première vente de ce jeu le 6 juin 2007; et des copies de factures en liasse concernant la vente de ce jeu [paragr. 26‑28, pièces MT‑13 à MT‑15]. Je note que les factures ont été émises par Filosofia Distribution, celles en liasse couvrant les années 2007 à 2013;

           la Marque a été employée en liaison avec des jeux de cartes avec constance et continuité depuis au moins aussitôt que le 22 février 2007 [paragr. 29]. M. Tremblay annexe à son affidavit : le jeu de cartes Colons de Catane – Jeu de Cartes pour 2 joueurs, une copie de la facture pour la première vente de ce jeu le 5 janvier 2005; et des copies de factures en liasse concernant la vente de ce jeu [paragr. 30‑32, pièces MT‑16 à MT‑18]. Je note encore une fois que les factures en liasse couvrent les années 2005 à 2013 et ont été émises par Filosofia Distribution, tout comme la facture du 5 janvier 2005; et

           au moment de la production de la demande, Filosofia avait l’intention d’employer la Marque en liaison avec des puzzles, jeux-livres, logiciels pour jeux éducatifs, jeux virtuels et figurines [paragr. 34].

[81]          M. Tremblay, qui a pris connaissance de la preuve de l’Opposante, affirme que la Marque n’a jamais été modifiée au mois d’avril 2011 ni à quelque autre moment, contrairement aux prétentions des témoins de l’Opposante [paragr. 35].

[82]          M. Tremblay explique par ailleurs que le fichier informatique contenant la Marque, et à partir duquel les épreuves de jeu sont imprimées, est inchangé depuis le 21 juin 2006 (Code CMJN portant le numéro C‑3 M‑84 J‑92 N‑12). Filosofia fournit aux imprimeurs les spécifications pour l’impression de la première commande de jeu avant l’impression. Certaines commandes de jeu peuvent néanmoins présenter certaines variations mineures en raison de facteurs qui ne relèvent pas de Filosofia, dont les types d’encre et d’appareils utilisés par les imprimeurs. Ces variations mineures, inhérentes au processus d’impression, n’altèrent en rien l’usage de la Marque [paragr. 36‑40].

[83]          M. Tremblay affirme que les évènements décrits aux paragraphes 6 à 10 de l’affidavit de M. Bilodeau n’ont jamais eu lieu et que sa perception des évènements relatés aux paragraphes 9 à 18 de son affidavit ne reflète pas la réalité [paragr. 45]. En résumé, selon les affirmations de M. Tremblay [paragr. 46‑51]:

           il n’a jamais demandé le 20 avril 2011, ni à aucun autre moment, que la Marque soit modifiée; encore moins demandé au graphiste de changer la couleur du logo;

           il est faux d’affirmer qu’il a demandé au graphiste de concevoir un « nouveau logo »; la Marque est la seule qui a été employée avec les produits et services de Filosofia;

           au mois d’avril 2011, comme suite au lancement de la nouvelle marque de commerce de l’Opposante, l’équipe de production s’est rencontrée pour discuter du fait que cette marque semblait calquée sur la Marque. Afin de faciliter la discussion, Philippe Guérin, designer graphiste de Filosofia, a préparé une image comparative des deux marques pour évaluer les similitudes et les facteurs de différenciation des deux marques de commerce. Contrairement aux prétentions de M. Bilodeau, les deux logos n’ont jamais été affichés; et

           comme suite à la production de la demande d’enregistrement, il a uniformisé les pratiques commerciales et de marketing de Filosofia en s’assurant que les signatures électroniques soient conformes à l’emploi constant et continu de la Marque sur les produits de Filosofia.

[84]          M. Tremblay conclut son affidavit en affirmant que Marie-Ève Lupien n’a jamais été à l’emploi de Filosofia; elle n’a pas de connaissance directe des processus internes de Filosofia ni de l’emploi constant et continu de la Marque [paragr. 55].

[85]           En raison de représentations de la Requérante, je termine ma revue de l’affidavit de M. Tremblay en revenant sur les factures du 5 janvier 2005, quoique sommairement puisque l’Opposante n’a pas fait de représentations en réponse à celles de la Requérante [pièces MT‑11 et MT‑17].

[86]           J’accepte que ces factures corroborent les affirmations de M. Tremblay concernant les premières ventes du jeu de société ou de plateau Colons de Catane et du jeu de cartes Colons de Catane – Jeu de Cartes pour 2 joueurs. Cependant, je ne suis pas prête à conclure que le premier emploi de la Marque en liaison avec ces jeux remonte de facto au 5 février 2005, tel que suggéré par la Requérante dans son plaidoyer écrit. À cet égard, il suffit de rappeler que selon le Rapport CIDREQ, Filosofia a été constituée le 17 janvier 2006 [pièce MT‑1]. Partant, j’estime raisonnable de conclure que si la Marque était effectivement employée le 5 février 2005, cet emploi, bien que possiblement celui de Filosofia Distribution, ne pouvait pas être celui de Filosofia.

[87]           J’ajouterais par contre que si j’avais conclu que la preuve de la Requérante démontre une date de premier emploi antérieure aux dates revendiquées dans la demande, j’aurais souscrit aux représentations orales la Requérante quant à l’absence de conséquence en l’espèce. Il suffit de dire que la décision du juge Cattanach dans l’affaire Marineland Inc c Marine Wonderland & Animal Park Ltd, (1974) 16 CPR (2d) 97, p 106 (CF 1re inst) consacre le principe qu’une requérante qui a employé sa marque de commerce avant la production de sa demande peut, par grand excès de prudence (« out of a super abundance of caution »), revendiquer une date postérieure à la date réelle de premier emploi. Par conséquent, on ne peut pas dire qu’une demande revendiquant une date postérieure à la date réelle de premier emploi n’est pas conforme à l’article 30b) de la Loi.

Affidavit de Philippe Guérin, incluant ses pièces PG‑1 à PG‑6

[88]          M. Guérin a obtenu un diplôme d’études collégiales en graphisme au Collège d’Ahuntsic en 2007. Il travaille à titre de désigner graphique chez Filosofia depuis le 27 novembre 2007. [paragr. 1‑2].

[89]          Selon ses affirmations, à titre de designer, M. Guérin s’occupe du design et du développement visuel et graphique des jeux et du contenu des jeux. Il s’occupe également de préparer tous les éléments matériels servant à la promotion des services et produits de Filosofia, soit les publicités, catalogues, fiches promotionnelles et fiches de produits [paragr. 5]. Depuis ses débuts chez Filosofia, il a une connaissance directe des processus d’impression, de commandes des travaux d’impression, d’approbation des commandes d’impression et d’élaboration des produits et services de Filosofia, notamment en ce qui concerne l’emploi de la Marque [paragr. 6].

[90]          Dans la première partie de son affidavit, M. Guérin présente de la preuve pour démontrer la constance et la continuité dans l’emploi de la Marque. En résumé, selon les affirmations de M. Guérin :

           il lui apparaît clair que la Marque arbore un carré de couleur orange et est celle apposée sur les jeux de Filosofia [paragr. 7];

           depuis son arrivée chez Filosofia, la Marque est apposée sur les produits de Filosofia et est exposée aux consommateurs dans les campagnes publicitaires et de marketing [paragr. 8]. M. Guérin annexe à son affidavit différentes bannières de jeux arborant la Marque et qui ont été utilisées dans le cadre de certaines foires ludiques durant les années 2008 et 2009 [paragr. 9‑11, pièces PG-2 et PG‑3];

           le fichier maître contenant la Marque est employé depuis au moins aussitôt que le 21 juin 2006 et n’a pas été modifié. À l’appui de cette affirmation, M. Guérin annexe à son affidavit la capture de l’écran de son ordinateur pour le fichier maître [paragr. 12, pièce PG‑4];

           dans le procédé d’impression, chaque couleur correspond à un équivalent dans le système de codification de couleurs généralement employé dans l’industrie. Ce système nommé « quadrichromie » ou CMJN (en anglais CMYK) est un procédé d’impression permettant de reproduire un large spectre de couleurs à partir de trois teintes de base, auxquelles on ajoute la couleur noire. Les quatre couleurs du procédé CMJN sont : cyan, magenta, jaune, noir [paragr. 19-20];

           les couleurs de la Marque, telle qu’employée en liaison avec les produits et services revendiqués dans la demande d’enregistrement, correspondent à la spécification CMJN « C‑3 M‑84 J‑92 N‑12 » [paragr. 21]. Cette spécification correspond à la couleur orange pour le carré de la Marque. La capture d’écran annexée à son affidavit sous la pièce PG‑5 illustre cette spécification [paragr. 22]; et

           dans le domaine de l’imprimerie, il est très difficile d’obtenir des résultats identiques à chaque impression lorsque le procédé CMJN est employé. Il y a parfois certaines variations mineures, dépendant notamment de la nature du papier d’impression, de la température des presses et des encres utilisées par les imprimeurs. Filosofia ne peut enrayer ni contrôler la variation dans les résultats d’impression suite à l’approbation auprès d’un imprimeur d’une épreuve de jeu [paragr. 25‑28].

[91]          La preuve présentée par M. Guérin dans la seconde partie de son affidavit concerne les affirmations retrouvées dans l’affidavit de M. Bilodeau, dont M. Guérin a pris connaissance. M. Guérin contredit les affirmations de M. Bilodeau, notamment en indiquant son désaccord avec l’affirmation de ce dernier selon laquelle la charte graphique de la Marque fixait le rouge comme seule couleur à être utilisée [paragr. 32].

[92]          En ce qui concerne les autres affirmations de M. Guérin, il suffit de dire que ce dernier corrobore le témoignage de M. Tremblay quant à la rencontre de l’équipe de production au mois d’avril 2011. M. Guérin annexe à son affidavit l’image comparative de la Marque et de la marque de commerce de l’Opposante qu’il avait préparée afin que l’équipe de production puisse être mieux à même d’évaluer les similitudes et les facteurs de différenciation entre les marques de commerce; non pour concevoir un nouveau logo de la Marque [paragr. 36]. Il affirme que M. Tremblay n’a jamais donné de directives quant à la conception d’un nouveau logo et n’est jamais intervenu le 20 avril 2011 ni à aucun autre moment afin d’ordonner que la Marque soit modifiée [paragr. 38-39].

VII     Analyse du motif d’opposition

[93]           La date pertinente pour l’appréciation du motif d’opposition selon lequel la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30b) de la Loi est la date de production de la demande d’enregistrement, c.-à-d. le 25 mars 2011.

[94]          Dans la mesure où une requérante a plus facilement accès aux faits, le fardeau initial de preuve qui incombe à une opposante relativement au motif d’opposition fondé sur la non‑conformité à l’article 30b) de la Loi est moins lourd [voir Tune Masters c Mr P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Une opposante peut s’appuyer sur la preuve de la requérante pour s’acquitter de ce fardeau, auquel cas l’opposante doit démontrer que la preuve de la requérante met en cause la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement [voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi& Company Ltd, 2014 FC 323, paragr. 30 à 38]. À cet égard, l’article 30b) de la Loi exige que la Marque ait été employée de façon continue depuis la date revendiquée [voir Labatt Brewing Co c Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst.)].

[95]          À ce moment-ci, je dois rappeler la position de l’Opposante que la demande d’enregistrement pertinente en l’espèce devait être celle annoncée dans le Journal des marques de commerce. Cette position explique sans aucun doute pourquoi une partie des représentations de l’Opposante dans son plaidoyer écrit est consacrée à des produits retirés de la demande d’enregistrement présentement au dossier. Or, toutes ces représentations ont été réitérées par l’Opposante à l’audience, et ce même après lui avoir rappelé l’acceptabilité de la demande d’enregistrement modifiée produite le 26 mars 2014. En conséquence, il suffit de dire que les représentations de l’Opposante concernant les produits « jeux éducatifs », « jeux scientifiques » et « jeux de dés » sont sans intérêt pratique.

[96]          De plus, je rappelle que les produits et services identifiés dans la demande d’enregistrement à l’égard desquels le motif d’opposition doit être considéré sont :

Produits :

(1) Jeux de société, jeux de plateaux.

(2) Jeux de cartes.

 

Services :

(1) Conception, édition, vente en gros et au détail et vente en ligne et distribution de jeux de sociétés, jeux de cartes, jeux de plateaux.

 

Revendications :

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt que le 15 mai 2007 en liaison avec les produits (1).

Employée au Canada depuis au moins aussitôt que le 22 février 2007 en liaison avec les produits (2).

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt que février 2007 en liaison avec les services.

[97]           Comme suite à ma considération de la preuve de l’Opposante, je conclus qu’elle ne lui permet pas de rencontrer son fardeau de preuve initial sous le motif d’opposition alléguant que « les dates de premier usage indiquées par Filosofia dans sa demande sont fausses ».

[98]           À ce sujet, je rappelle que j’ai indiqué ne pas être disposée à accorder de force probante aux affirmations de M. Bilodeau, d’autant plus que son témoignage concernant les évènements survenus en avril 2011 est contredit par les témoins de la Requérante. J’ai également indiqué être d’avis que très peu de force probante peut être accordée aux simples affirmations de M. Capon et Mme Lupien.

[99]           De plus, comme suite à ma considération de la preuve de la Requérante, pour les raisons qui suivent, je conclus que l’Opposante ne peut s’appuyer sur celle-ci pour mettre en cause les dates de premier emploi revendiquées dans la demande d’enregistrement et ainsi se décharger de son fardeau de preuve. Dans le même ordre d’idées, j’ajouterais que s’il devait être conclu que les simples affirmations des témoins de l’Opposante lui permettaient de rencontrer son léger fardeau de preuve sous le motif d’opposition, il devrait être conclu que la preuve de la Requérante est amplement suffisante pour se décharger de son fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement satisfait les exigences de l’article 30b) de la Loi.

[100]       En effet, non seulement je n’ai aucune raison de remettre en cause les affirmations de M. Tremblay quant à l’emploi constant et continu de la Marque conformément aux dates revendiquées dans la demande d’enregistrement, mais ses affirmations sont étayées par de la preuve documentaire. À cet égard, je note qu’en plus des boîtes de jeux arborant la Marque annexées à son affidavit et des factures concernant les ventes des jeux en question durant la période pertinente, des jeux arborant la Marque sont illustrés par d’autres pièces annexées à l’affidavit de M. Tremblay. Pour ce qui est de la preuve documentaire concernant les services, il suffit de noter que la Marque apparaît sur des feuillets promotionnels destinés aux acheteurs de magasins spécialisés [pièce MT‑5 de l’affidavit de M. Tremblay] et sur les bannières utilisées dans le cadre de foires ludiques [pièces PG‑2 et PG‑3 à l’affidavit de M. Guérin].

[101]       En bout de ligne, je conclus que la preuve de la Requérante suffit amplement pour démontrer, au 25 mars 2011, son emploi continu de la Marque depuis les dates de premier emploi revendiquées dans la demande d’enregistrement en liaison avec les produits et services en cause.

[102]       D’ailleurs, lors de l’audience, l’Opposante a ultimement accepté que la preuve de la Requérante était suffisante pour supporter les dates de premier emploi revendiquées dans la demande d’enregistrement. Cependant, l’Opposante a vigoureusement défendu sa position que le carré dans la Marque telle qu’employée est de couleur rouge, et non de couleur orange. À cet égard, l’Opposante s’est appuyée sur la capture d’écran d’ordinateur annexée sous la pièce PG‑5 à l’affidavit de M. Guérin.

[103]       Avec respect pour l’Opposante, je n’ai aucune raison de remettre en cause les affirmations de M. Guérin que les couleurs de la Marque correspondent à la spécification CMJN « C‑3 N‑84 J‑92 N‑12 »; que cette spécification correspond à la couleur orange pour le carré de la Marque; et que la pièce PG‑5 à son affidavit illustre la spécification en question [paragr. 21‑22 de l’affidavit de M. Guérin]. Quoiqu’il en soit, non seulement je ne souscris pas à la prétention de l’Opposante quant à la couleur du carré de la Marque, mais je suis d’avis que la preuve de la Requérante établit que le carré de la Marque telle qu’employée est de couleur orange. Encore une fois, les affirmations claires et non équivoques de MM. Tremblay et Guérin quant à la couleur du carré sont étayées par la preuve documentaire de la Requérante.

[104]       Finalement, je reconnais que la preuve démontre de légères variations dans la couleur du carré de la Marque. Cependant, je conviens avec la Requérante que la couleur du carré demeure constamment dans des tons d’orange. Je conviens également avec la Requérante que les variations de tons d’orange ne sont clairement pas suffisantes pour conclure que la Marque telle qu’employée diffère substantiellement de la Marque qui fait l’objet de la demande [voir Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

[105]      En conséquence, je rejette le seul et unique motif d’opposition soulevé à l’encontre de la demande d’enregistrement.

VIII    Décision

[106]       En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application de l’article 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 


 

Date de l'audience: 2015-06-18

 

Comparutions

 

Quentin Leclercq                                                                                 Pour l’Opposante

 

Marc-André Nadon                                                                             Pour la Requérante

 

Agents au dossier

 

Alain P. Lecours                                                                                  Pour l’Opposante

(Lecours, Hébert Avocat Inc.)

 

Prévost Fortin Daoust                                                                          Pour la Requérante



 

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