Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : ENVIROSEAL

ENREGISTREMENT No : LMC493567

 

 

 

Le 26 juillet 2006, à la demande de Haliburton Energy Services, Inc, le registraire a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la « Loi ») à Enviroseal Technologies (Canada) Inc., la propriétaire inscrite de la marque de commerce ENVIROSEAL (la « marque »), numéro d’enregistrement no LMC493567. La marque ENVIROSEAL est enregistrée en liaison avec des « agents liants, émulsions et surfactants organiques et chimiques utilisés dans l’agrégation des déchets; et enduits d’émulsion organiques et chimiques utilisés pour les déchets d’obturation de surfaces ».

 

Aux termes de l’article 45, le propriétaire inscrit d’une marque de commerce doit indiquer si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacun des services et des marchandises que précise l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date à laquelle elle a ainsi été employée pour la dernière fois et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Si la preuve de cet emploi n’est pas faite, il faut alors déterminer si le défaut d’emploi de la marque par l’inscrivant était attribuable à des circonstances spéciales.

 

L’emploi d’une marque de commerce est défini à l’article 4 de la Loi, reproduit ci‑après :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

Il incombe à l’inscrivant de convaincre le registraire que la marque de commerce est employée [88766 Inc. v. George Weston Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 260, p. 266]. Étant donné l’objet et la portée de l’article 45 cependant, le critère auquel l’inscrivant doit satisfaire n’est pas sévère. Il doit simplement produire une preuve prima facie de l’emploi [Austin Nichols & Co. v. Cinnabon, Inc. (1998), 82 C.P.R. (3d) 513 (C.A.F.), p. 525].

 

En réponse à l’avis prévu à l’article 45, la propriétaire inscrite a produit l’affidavit de Cameron Kamula. Les ambiguïtés relevées dans la preuve de l’inscrivante doivent être interprétées à son encontre [Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Ltd. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194, p. 198 (C.F. 1re inst.); conf. par 53 C.P.R. (3d) 62 (C.A.F.)].

 

Chaque partie a déposé un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience.

 

M. Kamula est le président de l’inscrivante. Il a fourni, sous la cote « M », la copie d’extraits d’un rapport rédigé par un universitaire dans lequel les marchandises ENVIROSEAL sont décrites. Sous la cote « A », il a produit un dépliant de vente de quatre pages qui, selon lui, a été employé par l’inscrivante tout au long de la période de trois ans pertinente (soit, du 26 juillet 2003 au 26 juillet 2006). L’inscrivante ne prétend pas que l’une ou l’autre de ces pièces établit l’emploi de la marque ENVIROSEAL au sens de l’article 4 de la Loi, elle dit plutôt, apparemment, que ces pièces donnent des explications plus détaillées quant à la nature des marchandises ENVIROSEAL.

 

M. Kamula affirme : [traduction] « Au cours de la période pertinente, l’inscrivante a vendu des produits portant la marque à Distribution JRV Inc. de Sept-Îles (Québec). » Cette affirmation serait appuyée par trois sortes de pièces :

  1. Des bons de commande – Pièces « B » et « D » : il s’agit de deux commandes provenant de Distribution JRV Inc., adressées à la propriétaire inscrite, pour le ENVIROSEAL 100% ORGANIC BINDER (LIANT 100 % ORGANIQUE ENVIROSEAL), datées du 27/05/04 et du 07/06/04 respectivement. Les deux commandes précisent que les marchandises doivent être facturées à Distribution JRV Inc., mais envoyées à une tierce partie. Les formulaires de commande utilisés sont ceux de Distribution JRV Inc. et non de la propriétaire inscrite.
  2. Des factures – Pièces « C » et « E » : il s’agit de factures dressées par l’inscrivante à l’intention de Distribution JRV Inc. pour les marchandises commandées dans les bonds de commande susmentionnés. Les marchandises sont décrites dans chaque facture comme étant des LITRES OF ENVIROSEAL (LITRES DU PRODUIT ENVIROSEAL). Sur la première facture, la date de la facture et la date de l’envoi sont les mêmes, à savoir le 2 juin 2004, tandis que la deuxième facture, datée du 7 juin 2004, indique comme date d’envoi le 8 juin 2004.
  3. Un talon de chèque – La pièce « F » est une photocopie du paiement reçu de Distribution JRV Inc. en contrepartie des deux envois.

 

M. Kamula a produit également la preuve d’une vente de marchandises ENVIROSEAL à Benetech Inc., une entreprise située aux États‑Unis. La pièce « G », une copie de la facture que l’inscrivante a remise à Benetech Inc., est datée du 7 mai 2004, et indique que le client ira cueillir le produit ENVIROSEAL F.O.B. à Oshawa. On peut y lire deux dates d’envoi, soit le 05/10/04 et le 05/12/04. Le talon de chèque se rapportant au paiement de cette facture a été produit sous la cote « H ».

 

En outre, M. Kamula nous a informés que l’inscrivante a octroyé une licence à une entreprise de Toronto, McAsphalt Industries Limited, aux fins de la fabrication de produits d’émulsion de poix de résine liquide et de l’emploi du produit ENVIROSEAL en liaison avec ces produits. Des extraits du contrat de licence ont été produits sous la cote « I ». Le contrat de licence devait être en vigueur pendant la période initiale du 1er octobre 2003 au 31 décembre 2004, mais il pouvait être prolongé pour une période supplémentaire de cinq ans. Une facture délivrée par l’inscrivante le 5 juillet 2005 a été produite sous la cote « J ». Elle est adressée à McAsphalt Industries Limited et renvoie à des [traduction] « redevances conformément au contrat de licence en date du 1er octobre 2003 pour la période prenant fin le 30 juin 2005, payables le 15 juillet 2005. Le nombre total de litres de concentré pour la période est de 117 277, à 0,025 $ le litre ».

 

La partie requérante a fait valoir que la preuve établissant le contrat de licence ne permet pas d’affirmer qu’il y a eu des ventes autorisées de l’une ou l’autre des marchandises visées par l’enregistrement. Force m’est de reconnaître que cette preuve n’indique pas clairement que les redevances ont été payées relativement aux ventes de marchandises portant la marque de commerce. Le contrat de licence accorde le droit d’employer certains processus, etc. [traduction] « pour emploi dans la fabrication de produits d’émulsion de poix de résine liquide, y compris notamment le produit appelé Enviroseal ». (Je souligne.) Naturellement, les dispositions relatives aux redevances n’ont pas été fournies, et la description de l’objet des redevances réclamées dans la facture du 5 juillet 2005 est trop vague pour conclure que celles‑ci se rapportent à la vente sur le marché de l’une ou l’autre des marchandises enregistrées en liaison avec la marque de l’inscrivante. (Évidemment, la simple production par le titulaire de la licence de marchandises portant la marque ne satisferait pas aux exigences du paragraphe 4(1); il faudrait qu’il y ait vente de telles marchandises.)

 

La partie requérante a fait valoir également que la preuve produite par l’inscrivante est peu fiable. Ainsi, souligne‑t‑elle, M. Kamula a attesté aux paragraphes 10 et 14 de son affidavit que l’inscrivante a [traduction] « vendu des produits portant la marque », alors qu’aucune preuve de produits portant la marque n’a été produite; au contraire, l’inscrivante avance dans son plaidoyer écrit que l’on ne peut étiqueter des marchandises en vrac comme les siennes. Cependant, je ne crois pas que cette contradiction porte en elle‑même un coup fatal à la preuve de l’inscrivante. Un enregistrement ne peut être maintenu en vertu de l’article 45 sur le fondement de simples déclarations de la nature de celles qui sont contenues aux paragraphes 10 et 14; le registraire examine la preuve dans tous les cas pour voir si celle‑ci établit l’existence d’un emploi. Si la preuve fait état d’un emploi autre que celui dont l’existence est alléguée dans une simple déclaration, je me garderai personnellement d’écarter cette preuve au seul motif qu’elle ne correspond pas au contenu d’une simple déclaration.

 

Compte tenu du témoignage de M. Kamula dans son ensemble (et particulièrement de la partie de son témoignage qui se rapporte aux ventes effectuées à Distribution JRV Inc.), j’admets que les produits de l’inscrivante ont été vendus au Canada dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente. Il n’est cependant pas satisfait à l’article 45 pour autant. Deux questions importantes demeurent en effet. Premièrement, la marque était‑elle liée aux marchandises comme le requiert l’article 4? Dans l’affirmative, a‑t‑on fait la preuve d’un emploi en liaison avec chacune des marchandises visées par l’enregistrement?

 

La partie requérante a renvoyé à une série de décisions dans lesquelles les tribunaux ont déterminé que l’affichage d’une marque de commerce dans une facture constitue un emploi de la marque au sens du paragraphe 4(1). De manière générale, la jurisprudence a exigé qu’il y ait une preuve que les factures étaient jointes aux marchandises pour que ces factures établissent qu’il y a liaison au sens du paragraphe 4(1). En l’espèce, il semble qu’aucune des factures n’ait été jointe aux marchandises.

 

La propriétaire inscrite m’a rappelé qu’elle a pour seule tâche de faire la preuve prima facie d’un emploi. En outre, a‑t‑elle fait valoir, il va de soi que les acheteurs de ses marchandises ont fait le lien entre la marque et les marchandises à toutes les époques pertinentes, puisque que Distribution JRV Inc. a commandé le produit en renvoyant à la marque et a reçu une facture, qu’elle a subséquemment acquittée, dont le corps renvoyait à la marque. Elle soutient également qu’il serait inapproprié d’exiger que la marque soit liée aux marchandises de cette nature au moment du transfert étant donné que les marchandises sont des liquides en vrac qui sont habituellement chargés dans des camions loués. Sans aborder la question de savoir si le mode de livraison a été soulevé dans la preuve plutôt que par la voie d’un plaidoyer, il me semble que ce mode de livraison n’empêche pas l’existence d’un lien physique entre la marque et les marchandises au moment de la livraison, p. ex., dans la papeterie qui est jointe à la marchandise livrée. En fait, une décision de la Cour fédérale a porté sur la question de l’emploi d’une marque en liaison avec des marchandises en vrac : Central Soya of Canada Ltd. c. 88766 Canada Inc. (1993), 51 C.P.R. (3d) 509 (C.F. 1re inst.).

 

Je comprends l’inscrivante lorsqu’elle fait valoir que Distribution JRV Inc., l’acheteur, savait que la marque était liée aux marchandises qu’elle a achetées au cours de la période pertinente de trois ans, puisqu’elle a commandé les marchandises en renvoyant à la marque puis acquitté la facture, dans laquelle les marchandises étaient décrites par renvoi à la marque. Je comprends également les arguments de l’inscrivante, compte tenu de l’objectif historique de l’article 45, qui consiste à se défaire du bois mort. Néanmoins, je suis limitée par la définition de l’emploi à l’article 4 de la Loi. Aux termes du paragraphe 4(1), pour qu’il y ait emploi de la marque, celle‑ci doit être liée d’une manière quelconque aux marchandises lors du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises. Lorsqu’il s’agit d’un mot servant de marque, cette liaison doit être représentée visuellement [Playboy Enterprises Inc. c. Germain (1987), 16 C.P.R. (2d) 517 (C.F. 1re inst.)]. Comment donc puis‑je faire cadrer la preuve dont j’ai été saisie avec les exigences du paragraphe 4(1)? Je ne puis le faire. Il se peut que, dans leur esprit, les acheteurs aient lié la marque aux marchandises au moment du transfert, mais cette possibilité semble être trop intangible pour satisfaire aux exigences du paragraphe 4(1).

 

L’inscrivante m’a attiré mon attention sur Cassels, Brock & Blackwell c. Abex Corp. (2001), 16 C.P.R. (4th) 562, une décision du registraire qui porte sur l’article 45. L’inscrivante a invoqué cette décision au soutien de sa prétention qu’une marque ne doit pas nécessairement figurer sur une marchandise pour satisfaire aux exigences de l’article 4 dans le cadre d’une procédure prévue à l’article 45, et je suis d’accord avec sa prétention. Toutefois, l’inscrivante se fonde également sur les commentaires que l’agent d’audience principal a formulés au paragraphe 14 —[traduction] « Je tiens à faire remarquer qu’il n’y a aucune preuve établissant que les marchandises sont commandées par renvoi à la marque de commerce… » — pour affirmer que ceux‑ci indiquent que le fait de commander des marchandises par renvoi à une marque de commerce peut permettre d’établir l’emploi de cette marque de commerce. À mon sens, l’inscrivante exagère légèrement lorsqu’elle se fonde sur cette déclaration pour appuyer ses prétentions. J’admettrai cependant qu’il peut exister des cas où la preuve d’une commande de marchandises par renvoi à une marque de commerce pourrait être reconnue comme faisant état d’un emploi au sens de l’article 4, sous réserve notamment du moment de la commande par rapport à l’achat des marchandises; cependant, la preuve produite en l’espèce ne fait pas état de tels cas.  

 

Dans l’affaire Cassels, il était question de l’affichage de la marque déposée sur une liste de prix. Le registraire a conclu que la manière dont la marque enregistrée figurait sur la liste de prix ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 4, ce qui a entraîné la radiation de l’enregistrement. Là n’est pas la partie de la décision qui m’intéresse cependant. C’est le passage suivant, tiré du paragraphe 15, qui a attiré mon attention : « Pour ce qui est du fait que les clients aient pu savoir, et puissent encore savoir que le code ABEX LONG LIFE 685FF, devenu depuis ABEX 685 FF, désigne les garnitures de frein LONG-LIFE, une telle connaissance ne constitue aucunement un emploi de la marque au sens du paragraphe 4(1) de la Loi, étant donné que, conformément aux principes posés dans l’affaire Playboy Enterprises Inc. c. Michel « Mike » Germain, 16 C.P.R. (2d) 517, une marque de commerce est quelque chose qui doit être vue, c’est-à-dire qui doit être visible au moment du transfert des marchandises dans la pratique normale du commerce. » Donc, l’affaire Cassels est quelque peu semblable à la présente espèce, puisque, dans cette affaire, le registraire a reconnu que les acheteurs pourraient établir un lien entre les marchandises achetées et la marque déposée; l’enregistrement a tout de même été radié au motif qu’il n’existait aucune liaison visible de la marque déposée avec les marchandises visées par l’enregistrement au moment du transfert des marchandises.

 

En bout de ligne, je crois, comme la partie requérante, que la preuve que l’inscrivante a produite n’est pas suffisante pour m’amener à ordonner le maintien de son enregistrement. Il lui aurait fallu produire un affidavit qui, pour être jugé satisfaisant, aurait dû contenir des déclarations plus claires sur le moyen par lequel l’inscrivante a lié la marque et ses marchandises au moment du transfert, ainsi que des pièces pour étayer ces déclarations.

 

Si l’inscrivante avait réussi à établir l’emploi de la marque au sens de l’article 4, il aurait été nécessaire de déterminer laquelle des marchandises visées par l’enregistrement avait été vendue en liaison avec la marque. Lorsqu’il est question d’une liste de marchandises visées par un enregistrement, la pratique consiste à considérer chaque marchandise figurant dans la liste comme étant d’une manière ou d’une autre distincte des autres [voir John Labatt Ltd. c. Rainier Brewing Co. (1984), 80 C.P.R. (2d) 228 (C.A.F.), pp. 236 et 237; Sim & McBurney c. Hugo Boss AG (1996), 67 C.P.R. (3d) 558, p. 562; Sharp Kabushiki Kaisha c. 88766 Canada Inc. (1997), 72 C.P.R. (3d) 195 (C.F. 1re inst.)]. Cela signifie que la vente d’un produit unique ne peut être invoquée à l’appui de plusieurs marchandises visées par un enregistrement. En l’espèce, l’on ne dispose d’aucune description précise des marchandises vendues. Compte tenu des renvois à [traduction] « une émulsion cent pour cent organique » (paragraphe 6; affidavit de M. Kamula) et à un « LIANT 100 % ORGANIQUE » (pièces « C » et « E »), je pourrais être tentée de dire des ventes qu’elles se rapportaient à des « agents liants, émulsions et surfactants organiques utilisés dans l’agrégation des déchets ». Toutefois, plutôt que de forcer le registraire à faire ses propres déductions sur la nature des marchandises précises qui ont été vendues, la preuve de l’inscrivante aurait dû inclure une déclaration claire indiquant précisément quelles marchandises visées par l’enregistrement avaient été vendues au cours de la période pertinente.

 

Pour les motifs qui précèdent, l’enregistrement no 493,567 sera radié, conformément aux dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 8 SEPTEMBRE 2008.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission d’opposition des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 

 

 

 

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