Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                                                                Référence: 2013 COMC 45

Date de la décision: 2013-03-20

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Constellation Brands Québec, Inc. et Constellation Brands Canada, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,434,577 pour la marque de commerce JULIA CELLIER & Dessin au nom de Julia Wine Inc.

[1]               Le 15 avril 2009, Julia Wine Inc. (la Requérante) a produit une demande pour l'enregistrement de la marque de commerce JULIA CELLIER & Dessin (la Marque), telle qu’illustrée ci-dessous, en liaison avec des « vins » et fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 13 octobre 2008. 

[2]               La demande a été annoncée pour fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 17 mars 2010.

[3]               Le 12 avril 2010, Vincor (Québec) Inc. et Vincor International Inc. ont produit une déclaration d'opposition conjointe.

[4]               À ce moment-ci, je note que les opposantes ont demandé le 24 juillet 2012 d’amender le dossier de la présente procédure pour refléter leur changement de nom respectif, soit de Vincor (Québec) Inc. à Constellation Brands Québec, Inc. et de Vincor International Inc. à Constellation Brands Canada, Inc. Par lettre officielle du 29 août 2012, le registraire a confirmé l’inscription de Constellation Brands Québec, Inc. à titre d’opposante. Suite à mon examen du dossier, il m’apparait évident que l’inscription de Constellation Brands Canada, Inc. a été omis à tort de la lettre officielle. En conséquence, je confirme que le dossier a été amendé pour refléter le nom de Constellation Brands Canada, Inc. comme opposante. Sauf indication contraire, je référerai collectivement à Constellation Brands Québec, Inc., autrefois Vincor (Québec) Inc., et Constellation Brands Canada, Inc., autrefois Vincor International Inc., en tant qu’Opposante.

[5]               Dans les paragraphes introductifs de la déclaration d’opposition, l’Opposante allègue notamment la propriété d’une famille de marques de commerce comprenant les termes « cellar », « cellars » et « cellier » déposées et employées au Canada par l’Opposante ou par ses prédécesseurs en titre en liaison avec des vins (collectivement les marques CELLIER), à savoir :

Marque de commerce

Enregistrement numéro

VASEAUX CELLARS

LMC285,567

CELLIER DES CHATELAINS

LMC286,471

CELLAR SELECTION

TMA290,787

BRIGHTS CELLAR

TMA292,585

CELLIER DU MANOIR

TMA299,331

CELLIER DU MONDE

TMA303,988

ABBEY CELLAR

TMA307,213

OLIVER CELLAR & Dessin

TMA502,125

LE CELLIER À VIN & DESSIN

 

TMA522,863

[6]               En tenant compte des paragraphes introductifs de la déclaration d’opposition, les motifs d’opposition soulevés en vertu de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) peuvent se résumer ainsi qu’il suit :

         la demande ne satisfait pas aux exigences des articles 30(b) et 30(i) de la Loi;

         la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi parce qu’elle prête à confusion avec les marques de commerces déposées suivantes : (i) les marques CELLIER de l’Opposante; et (ii) la marque JULIA’S (noLMC655,291) de Jackson Family Farms, LLC;

         la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)(a) de la Loi parce qu’à la date de premier emploi revendiquée dans la demande la Marque prêtait à confusion avec les marques suivantes : (i) les marques CELLIER antérieurement employées au Canada par l’Opposante en liaison avec des vins; et (ii) la marque de commerce JULIA’S de Jackson Family Farms, LLC déposée sur la base de son emploi au Canada depuis au moins aussitôt que le 25 février 2004 en liaison avec du vin;

         la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)(c) de la Loi parce qu’à la date de premier emploi revendiquée dans la demande la Marque prêtait à confusion avec le nom commercial CELLIERS DU MONDE INC. antérieurement employé au Canada par Celliers du Monde Inc., le prédécesseur en titre de Constellation Brands Québec, Inc.; et

         la Marque n’est pas distinctive en vertu de l’article 2 de la Loi parce qu’elle n’est pas apte à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises de l’Opposante en raison de l’emploi et de la publicité au Canada des marques CELLIER de l’Opposante.

[7]               La Requérante a produit une contre-déclaration déniant tous les motifs d’opposition.


[8]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit des certificats d’authenticité des enregistrements allégués dans la déclaration d’opposition et un affidavit en date du 23 septembre 2010 de Natasha Gangai, une parajuriste à l’emploi de la firme Stikeman Elliott LLP alors l’agent de marques de commerce représentant l’Opposante.

[9]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit en date du 24 février 2011 d’Alain Mounir, président de la Requérante, et une déclaration en date du 23 février 2011 de Lisa Saltzman, directrice du département de recherche de marques de commerce de Groupe Onscope Inc.

[10]           Aucun contre-interrogatoire n’a été tenu.

[11]           Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit et était représentée à une audience.

Fardeau de preuve

[12]           Il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Dates pertinentes

[13]           Les dates pertinentes pour l’appréciation des circonstances relatives à chacun des motifs d’opposition en l’espèce sont les suivantes :

   article 38(2)(a) / article 30 : la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)];

   article 38(2)(b) / article 12(1)(d) : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

   article 38(2)(c) / articles 16(1)(a) et 16(1)(c) : la date de premier emploi alléguée dans la demande; et

   article 38(2)(d) / absence de caractère distinctif : la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF 1re inst)].

Analyse des motifs d’opposition

[14]           Je vais maintenant procéder à l’analyse des motifs d’opposition à la lumière de la preuve versée au dossier.

Motifs d’opposition rejetés sommairement

[15]           Pour les raisons discutées ci-après, je rejette les motifs d’opposition soulevés en vertu des articles 30(i), 16(1)(a) et 16(1)(c) de la Loi et de l’absence de caractère distinctif de la Marque.

[16]           L’article 30(i) de la Loi exige simplement qu’une requérante fournisse une déclaration portant qu’elle est convaincue qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans sa demande. La Requérante s’est strictement conformée aux exigences de cette disposition. J’ajouterai au surplus qu’il est établi par la jurisprudence qu’un motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30(i) de la Loi ne devrait être retenu que dans des cas précis, notamment lorsque la mauvaise foi de la requérante est alléguée et établie ou que des dispositions législatives précises font obstacle à l’enregistrement de la marque visée par la demande [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC); et Canada Post Corporation c Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[17]           L’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial afférent au motif d’opposition en vertu de l’article 16(1)(a) de la Loi et fondé sur l’emploi antérieur au Canada de ses marques CELLIER. Contrairement aux prétentions de l’Opposante, les certificats d’authenticité des enregistrements pour les marques CELLIER ne lui permettent pas de se décharger de son fardeau de démontrer que l’une ou l’autre de ces marques avait été employée antérieurement à la date pertinente et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande [voir article 16(5) de la Loi]. La simple existence d’un enregistrement établit tout au plus un emploi minime de la marque de commerce déposée [voir Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

[18]           Le motif d’opposition en vertu de l’article 16(1)(a) de la Loi et fondé sur la marque JULIA’S de Jackson Family Farms, LLC est invalide puisque la marque alléguée n’est pas la propriété de l’Opposante. L’article 17(1) de la Loi prévoit qu’aucune demande d’enregistrement d’une marque de commerce ne peut être refusée du fait qu’une personne autre que l’auteur de la demande d’enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieurement employé ou révélé une marque de commerce créant de la confusion, sauf à la demande de cette autre personne ou de son successeur en titre [voir Professional Pharmaceutical Corp c Laboratoires Ed Fromont SA (1996), 69 CPR (3d) 501 (COMC) pour une analyse de l’opération des articles 16 et 17(1) de la Loi].

[19]           L’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial afférent au motif d’opposition en vertu de l’article 16(1)(c) de la Loi et fondé sur l’emploi antérieur du nom commercial CELLIERS DU MONDE INC. par le prédécesseur en titre de Constellation Brands Québec, Inc. Contrairement aux prétentions de l’Opposante, le relevé du site Web du registraire des entreprises du Québec concernant Constellation Brands Québec, Inc. [pièce A de l’affidavit de Mme Gangai] ne lui permet pas de se décharger de son fardeau de démontrer que le nom commercial allégué avait été employé par Constellation Brands Québec, Inc. ou son prédécesseur en titre antérieurement à la date pertinente et n’avait pas été abandonné à la date de l’annonce de la demande [voir article 16(5) de la Loi].

[20]           Finalement, l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial de démontrer que l’une ou l’autre des marques CELLIER était devenue suffisamment connue à la date pertinente pour nier le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Encore une fois, et contrairement aux prétentions de l’Opposante, la simple existence des enregistrements pour les marques CELLIER ne lui permet pas de se décharger de son fardeau de preuve afférent au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.

[21]           Je vais maintenant procéder à l’analyse des motifs d’opposition restants et fondés sur les articles 30(b) et 12(1)(d) de la Loi.

Non-conformité à l’article 30(b) de la Loi

[22]           Dans la mesure où une requérante a plus facilement accès aux faits, le fardeau initial de preuve qui incombe à une opposante relativement au motif d’opposition fondé sur la non‑conformité à l’article 30(b) de la Loi est moins lourd [voir Tune Masters c Mr P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Une opposante peut s'appuyer sur la preuve de la requérante pour s'acquitter de ce fardeau, mais elle doit démontrer que cette preuve est clairement incompatible avec l’allégation d’emploi de la marque qui fait l’objet de la demande [voir Ivy Lea Shirt Co c Muskoka Fine Watercraft & Supply Co (1999), 2 CPR (4th) 562 (COMC) aux pp 565-566; conf (2001), 11 CPR (4th) 489 (CF 1re inst)]. À cet égard, l’article 30(b) de la Loi exige que la marque visée par la demande ait été employée de façon continue dans le cours normal du commerce depuis la date revendiquée [voir Labatt Brewing Co c Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst) à la p 262].

[23]           Dans le cas présent, l’Opposante n’a présenté aucune preuve au soutien de son motif d’opposition. L’Opposante s’appuie plutôt sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve. Pour résumer la position de l’Opposante, qu’il suffise de dire qu’elle soumet dans son plaidoyer écrit que l’affidavit de M. Mounir ne démontre pas la vente de vin en liaison avec la Marque le ou avant le 13 octobre 2008 pour la raison qui suit:

29. The only evidence furnished by the Applicant regarding its use of the subject trade-mark in Canada is through invoices which do not list the Applicant’s name Julia Wine Inc.

               The Mounir Affidavit, paras 6 to 14, Exhibits AM-1, AM-3 and AM-5

[24]           Pour mieux comprendre les représentations de l’Opposante, je note premièrement que M. Mounir affirme au paragraphe 5 de son affidavit que la pratique normale du commerce de la Requérante à titre de négociante internationale en vins consiste notamment à acheter de grandes quantités de vin, puis à revendre ce vin dans des bouteilles arborant les marques de la Requérante, dont la Marque, à des distributeurs de boissons alcooliques.

[25]           Les factures jointes à l’affidavit de M. Mounir à titre de Pièces AM-1, AM-3 et AM-5 sont produites à l’appui de ses affirmations à l’effet que la Requérante a vendu des caisses de bouteilles de vin à un distributeur aux États-Unis les 13 octobre 2008 et 15 juin 2009 de même qu’à un distributeur au Chili le 20 décembre 2010. Selon les déclarations de M. Mounir, ces caisses furent exportées à partir d’un vignoble fournisseur de la Requérante situé dans la ville de Niagara-on-the-Lake, au Canada, endroit où les étiquettes ont été apposées sur les bouteilles. Je note qu’aux termes de l’article 4(3) de la Loi, une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

[26]           Compte tenu des représentations de l’Opposante, lors de l’audience je lui ai souligné qu’elle soumet à tort que les factures ne démontrent pas le nom de la Requérante. À cet effet, j’ai noté la mention suivante au coin inférieur gauche de chaque facture :

ÉTABLIR VOTRE PAIEMENT À L’ORDRE DE JULIA WINE INC.

PLEASE MAKE YOUR PAYEMENT TO JULIA WINE INC.

[27]           De plus, M. Mournir a produit avec son affidavit des photographies de bouteilles de vin [Pièces AM-2, AM-4 et AM-6] arborant une étiquette identique à celle apposée sur les bouteilles envoyées aux distributeurs dans le cadre des ventes visées par les factures. L’Opposante soumet donc à tort que la preuve d’emploi de la Marque se limite à des factures.

[28]           En fin d’analyse, je conclus que la preuve de la Requérante n’est clairement pas incompatible avec l’allégation d’emploi de la Marque depuis le 13 octobre 2008. En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30(b) de la Loi parce que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve.


Enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi

[29]           J’ai exercé la discrétion du registraire pour confirmer que chaque enregistrement allégué par l’Opposante est en règle. Étant donné que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de confusion entre la Marque et l’une ou l’autre des marques déposées alléguées par l’Opposante.

[30]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[31]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent peut être accordé à chacune de ces circonstances selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR. (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse approfondie des principes généraux applicables au test en matière de confusion].

[32]           Je vais considérer le motif d’opposition en débutant par l’analyse de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques CELLIERS.


Probabilité de confusion entre la Marque et les marques CELLIERS

[33]           Je note d’entrée de jeu que contrairement aux prétentions de l’Opposante, la preuve versée au dossier ne lui permet pas de revendiquer l’existence d’une famille de marques comprenant les termes « cellar », « cellars » et « cellier » en liaison avec du vin. Outre le fait que les enregistrements des marques CELLIERS sont détenus en partie par Constellation Brands Québec, Inc. (nos LMC286,471, LMC299,331, LMC303,988 et LMC307,213) et en partie par Constellation Brands Canada, Inc. (nos LMC285,567, LMC290,787, LMC292,585, LMC502,125 et LMC522,863), l’Opposante n’a présenté aucune preuve d’emploi de chacune des marques CELLIERS composant la famille alléguée [voir MacDonald’s Corporation c Yogi Yogurt Ltd (1982), 66 CPR (2d) 101 (CF 1re inst)].

[34]           Comme la Cour suprême du Canada l’a répété dans l’arrêt Masterpiece, supra, le degré de ressemblance dans la présentation ou le son ou dans les idées suggérées est généralement le facteur le plus important dans l’appréciation de la confusion. Dans les motifs du jugement, M. le juge Rothstein a déclaré ce qui suit:

49.       [...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) […] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires […] En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

[35]           Le droit établit clairement que dans l’appréciation de la confusion, il ne convient pas de disséquer les marques de commerce en leurs éléments constitutifs. Les marques de commerce doivent plutôt être examinées comme un tout. En discutant de l’approche à adopter dans l’évaluation de la ressemblance entre des marques de commerce, M. le juge Rothstein a dit ceci au paragraphe 64 de Masterpiece: « Il est vrai que dans certains cas le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, mais j’estime qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celle‑ci est particulièrement frappant ou unique. »

[36]           L’Opposante soutient qu’il n’y a aucune différence entre la Marque et les marques CELLIERS dans la présentation, le son et dans les idées qu’elles suggèrent parce que le terme « cellier » est contenu dans la Marque. Je ne suis pas d’accord. Dans la mesure où le terme « cellier » décrit un lieu aménagé pour conserver du vin, j’estime qu’il ne peut être considéré comme un élément distinctif en l’espèce. La connotation descriptive qui se rattache au terme « cellier » est d’autant plus apparente dans la Marque puisque ce terme y est suivi de l’élément « No ». Compte tenu des autres éléments graphiques et nominaux qui composent la Marque, dont « Julia » et la rose des vents, j’estime qu’il y a d’importantes différences entre la Marque et chacune des marques CELLIERS dans le son, la présentation et les idées suggérées. J’ajouterai que l’Opposante semble vouloir revendiquer un monopole dans le terme « cellier » en liaison avec du vin, ce qui m’apparait déraisonnable en l’espèce.

[37]           J’estime qu’il n’est pas nécessaire de me pencher sur la preuve de l’état du registre à l’égard de marques de commerce composées du mot « cellier » ou « cellar », présentée par Mme Saltzman, pour décider en faveur de la Requérante. En effet, je suis convaincue que les différences entre la Marque et chacune des marques CELLIERS, lorsque considérées dans leur ensemble, suffisent à les distinguer. En conséquence, je conclus que la Requérante s’est déchargée de son fardeau de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et les marques CELLIERS.

[38]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi à l’égard de chacun des enregistrements des marques CELLIERS de Constellation Brands Québec, Inc. (nos LMC286,471, LMC299,331, LMC303,988 et LMC307,213) et de Constellation Brands Canada, Inc. (nos LMC285,567, LMC290,787, LMC292,585, LMC502,125 et LMC522,863). En conséquence, je vais maintenant procéder à l’analyse de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque JULIA’S.

Probabilité de confusion entre la Marque et la marque JULIA’S

[39]           Je suis d’accord avec la Requérante que la marque JULIA’S bénéficie de peu de caractère distinctif inhérent puisqu’elle est principalement constituée du prénom Julia (voir par analogie le commentaire de M. le juge Binnie dans Mattel, Inc, supra, paragr. 3, à l’effet que le prénom Barbie, en fait le diminutif courant du prénom Barbara, n’a pas comme tel de caractère distinctif inhérent). J’ajoute que les représentations de l’Opposante lors de l’audience ne m’ont pas convaincue que la marque JULIA’S ne peut pas être perçue comme un prénom. De plus, bien qu’il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion et l’emploi, il n’y a aucune preuve permettant de conclure que la marque JULIA’S est devenue connue au Canada. Je rappelle que la simple existence de l’enregistrement no LMC655,291 établit tout au plus un emploi minime de la marque JULIA’S. En conséquence, contrairement aux représentations de l’Opposante, je conclus qu’elle n’est pas favorisée par les circonstances énoncées à l’article 6(5)(a) de la Loi.

[40]           L’enregistrement no LMC655,291 revendique l’emploi de la marque JULIA’S au Canada depuis aussitôt que le 25 février 2004 alors que la Requérante revendique l’emploi de la Marque depuis le 13 octobre 2008. Cependant, en l’absence de preuve démontrant l’emploi continu de la marque JULIA’S depuis la date revendiquée, j’estime que la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage n’est pas une circonstance significative en l’espèce.

[41]           Pour ce qui est du degré de ressemblance entre la Marque et la marque JULIA’S, j’estime que la Requérante soumet à juste titre que celui-ci n’est pas aussi significatif que le prétend l’Opposante. Puisque la Marque doit être considérée dans son ensemble, les autres éléments qui la composent, dont la rose des vents représentant les points cardinaux, ne peuvent être ignorés. Il est bien établi que lorsque des marques de commerce n’ont que peu ou pas de caractère distinctif inhérent de légères différences permettent de les distinguer [voir Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Dans le cas présent, j’estime que toute ressemblance entre les marques attribuable à la présence du prénom Julia ne peut l’emporter sur les différences visuelles et phonétiques entre les marques lorsque considérées dans leur ensemble.

[42]           Après avoir considéré les circonstances de l’espèce, incluant la faiblesse de la marque JULIA’S, je conclus que la Requérante s’est déchargée de son fardeau de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque JULIA’S.

[43]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi à l’égard de l’enregistrement noLMC655,291 pour la marque JULIA’S.

Décision

[44]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

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