Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 179

Date de la décision : 2016-11-16

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Les Promotions Atlantique Inc. / Atlantic Promotions Inc.

 

Opposante

et

 

Warimex Waren-Import Export Handels GmbH

Requérante



 

 

1,634,992 pour la marque de commerce ROCKSTAR

 

Demande

[1]               Les Promotions Atlantique Inc. / Atlantic Promotions Inc. (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce ROCKSTAR (la Marque) qui fait l'objet de la demande d'enregistrement no 1,634,992.

[2]               La demande est fondée sur l'emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Batterie de cuisine, poêles à frire, woks, casseroles, ensembles de casseroles, couvercles de casserole.

[3]               L'Opposante a produit une déclaration d'opposition en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), dans laquelle elle soulève des motifs d'opposition fondés sur les articles 2 (absence de caractère distinctif); 12(1)d) (non-enregistrabilité); 16(3)a) (absence de droit à l'enregistrement); et 30 (non-conformité) de la Loi. La principale question à trancher est celle de savoir s'il existe une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce THE ROCK de l'Opposante, antérieurement employée et enregistrée au Canada en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Batterie de cuisine, nommément marmites, casseroles, poêles à frire, poêlons, grilloirs, rôtissoires, faitouts, poêles et ustensiles de cuisson au four, nommément moules à gâteau, à tarte et à pain.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, l'opposition est accueillie.

Le dossier

[5]               La Requérante a produit sa demande d'enregistrement le 12 juillet 2013 et revendiquait initialement la date de priorité conventionnelle du 25 juin 2013 sur la base de la demande d'enregistrement australienne no 1564642. La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 24 septembre 2014.

[6]               L'Opposante s'est opposée à la demande par la voie d'une déclaration d'opposition produite au bureau du registraire le 21 novembre 2014. Le 6 janvier 2015, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d'opposition formulés dans la déclaration d'opposition.

[7]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit une copie certifiée de l'enregistrement no LMC862,635 de sa marque de commerce THE ROCK. Elle a également produit un affidavit de son directeur général, Gilles Gosselin, souscrit le 4 mai 2015 (l'affidavit Gosselin), ainsi qu'un affidavit de Guylaine Bergeron, une parajuriste au sein du cabinet qui représente l'Opposante, souscrit le 30 avril 2015 (l'affidavit Bergeron).

[8]               À l'appui de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de Kenneth Ma, un avocat au sein du cabinet qui représente la Requérante, souscrit le 26 août 2015 (l'affidavit Ma). La Requérante a également apporté une modification volontaire à sa demande, c'est-à-dire la suppression de la revendication de priorité fondée sur la demande australienne susmentionnée, laquelle modification a été acceptée par le registraire le 6 août 2015.

[9]               La déclaration d'opposition a subséquemment été modifiée par l'Opposante avec la permission du registraire, accordée le 11 septembre 2015. La contre-déclaration a également été modifiée par la Requérante avec la permission du registraire, accordée le 6 octobre 2015.

[10]           Aucune des parties n'a produit de plaidoyer écrit. Seule l'Opposante a sollicité la tenue d'une audience et présenté des observations lors de ladite audience.

[11]           En début d'audience, l'Opposante a concédé qu'il y avait lieu de rejeter tous les motifs d'opposition fondés sur la non-conformité de la demande à l'article 30 de la Loi, puisque l'Opposante ne s'était pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l'égard de ces motifs. En conséquence, je ne m'attarderai pas davantage à ces motifs.

[12]           L'Opposante a également fait observer que l'affidavit Bergeron, qui vise à produire une copie certifiée de l'enregistrement de marque de commerce communautaire no 011896131 accordé par l'Office d'harmonisation dans le marché intérieur, n'était plus utile à sa cause compte tenu des modifications apportées à la demande de la Requérante et à la déclaration d'opposition de l'Opposante. En conséquence, je ne m'attarderai pas davantage à cette partie de la preuve de l'Opposante.

Analyse

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[13]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité

[14]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l'article 12(1)d) de la Loi en ce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée THE ROCK de l'Opposante mentionnée ci-dessus.

[15]           J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que cet enregistrement est en règle à la date d'aujourd'hui, laquelle est la date pertinente pour l'appréciation d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[16]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et cette marque de commerce déposée de l'Opposante.

Le test en matière de confusion

[17]           L'article 6(2) de la Loi prévoit que :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[18]           Ainsi, cet article ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d'une source proviennent d'une autre source.

[19]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Comme l'a indiqué le juge Denault dans Pernod Ricard c Molson Breweries (1992), 44 CPR (3d) 359 (CF 1re inst) à la p 369 [Traduction] :

Les marques de commerce devraient être examinées du point de vue du consommateur moyen qui a un souvenir non pas précis mais général de la marque précédente. En conséquence, les marques ne devraient pas être disséquées ni soumises à une analyse microscopique en vue d'évaluer leurs ressemblances et leurs différences. Elles devraient plutôt être envisagées globalement et évaluées en fonction de leur effet sur le consommateur moyen en général.

[20]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour un examen plus approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

Caractère distinctif inhérent

[21]           Les marques de commerce en cause possèdent toutes deux un certain caractère distinctif inhérent. Cependant, ni l'une ni l'autre n'est particulièrement forte compte tenu de la connotation plutôt laudative du mot du dictionnaire « rock » [roc, rocher, roche] qui, dans le contexte des produits des parties, suggère l'idée d'une batterie de cuisine aussi solide que la pierre (ou le roc).

[22]           En outre, vu la signification que les dictionnaires donnent au mot « rockstar » (ou « rock star ») [vedette du rock], la Marque suggère en quelque sorte que les produits visés par la demande de la Requérante sont renommés ou font l'objet d'un culte dans leur catégorie [voir, entre autres, la définition du mot « rockstar » [vedette du rock] tirée du site Web Dictionary.com jointe comme pièce A à l'affidavit Ma]. En ce qui concerne le pouvoir que j'ai d'admettre d'office des définitions du dictionnaire, voir Tradall SA c Devil's Martini Inc (2011), 2011 COMC 65, 92 CPR (4th) 408 (COMC).

[23]           L'affidavit Ma vise également à démontrer que l'expression « The Rock » est le surnom donné à la province canadienne de Terre-Neuve [voir la définition du mot « rock » [roc, rocher, roche] tirée du Canadian Oxford Dictionary jointe comme pièce B, et l'imprimé tiré du site Web Wikipédia concernant une entrée intitulée « Newfoundland (island) » [Terre-Neuve (l'île de)] jointe comme pièce C]. Cependant, je conviens avec l'Opposante que, pour le consommateur ordinaire de la batterie de cuisine de l'Opposante, la première définition de la marque de commerce THE ROCK n'est pas celle d'un nom ou d'un emplacement géographique. La définition prédominante est plutôt celle d'une batterie de cuisine solide comme le roc [voir Atlantic Promotions Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst); et Mc Imports Inc c AFOD Ltd, 2016 CAF 60 pour un examen des principes généraux qui s'appliquent aux marques de commerce qui peuvent être constituées de noms géographiques et avoir d'autres significations].

[24]           À cet égard, je souligne que la pièce 8 de l'affidavit Gosselin, qui est constituée d'extraits de deux magazines canadiens, dont des articles faisant référence à la batterie de cuisine de l'Opposante sous la marque de commerce THE ROCK, appuie cette conclusion. Le premier article, qui a pour titre « C’est du solide! », indique que la batterie de cuisine de l'Opposante a été baptisée « The Rock » parce que « …son revêtement intérieur rappelle la texture de la roche. Il en possède aussi la solidité et la résistance… ». Le second article indique que la batterie de cuisine de l'Opposante « …porte bien son nom. Dotée d’une base très épaisse, … [cette batterie de cuisine] est 40 % plus résistante aux abrasions et aux égratignures […] de plus, elle possède la texture d’une roche ».

Caractère distinctif acquis

[25]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l'emploi.

[26]           La demande pour la Marque est fondée sur l'emploi projeté et il n'y a aucune preuve que la Marque a été employée au Canada au sens de l'article 4 de la Loi ou qu'elle est devenue connue au Canada dans une quelconque mesure.

[27]           En revanche, l'affidavit Gosselin démontre que la marque de commerce THE ROCK de l'Opposante a été employée au Canada par l'Opposante et qu'elle est devenue connue dans une mesure significative, ainsi qu'il appert de mon examen des points saillants de cet affidavit, ci-dessous.

[28]           Je dois préciser que je n'accorde aucun poids aux déclarations du déposant qui constituent des opinions personnelles quant à la probabilité de confusion entre les marques des parties. La probabilité de confusion est une question de fait et de droit qui doit être tranchée par le registraire en fonction de la preuve qui est au dossier dans la présente procédure.

L'affidavit Gosselin

[29]           M. Gosselin affirme que l'Opposante a été fondée en 1965 et qu'elle est la chef de file canadienne de la conception et de la commercialisation d'ustensiles et d'accessoires de cuisine.

[30]           M. Gosselin affirme qu'aujourd'hui, l'Opposante distribue au Canada plus de 1 000 produits de cuisine sous diverses marques de commerce, dont la marque de commerce THE ROCK. L'Opposante distribue également ces produits par l'intermédiaire de sa filiale en propriété exclusive, Atlantic International Import Inc. (Atlantic Import), et M. Gosselin atteste que l'Opposante contrôle les caractéristiques et la qualité des produits vendus par Atlantic Import sous la marque de commerce THE ROCK.

[31]           M. Gosselin atteste que l'Opposante emploie la marque de commerce THE ROCK au Canada depuis au moins aussi tôt que le 21 juin 2013 en liaison avec divers ustensiles de cuisine, dont des marmites, des casseroles, des poêles à frire, des poêlons et des grilloirs, et, fait notable, en liaison avec d'autres marques de commerce de l'Opposante, à savoir ses marques de commerce STARFRIT et HERITAGE.

[32]           M. Gosselin désigne collectivement les produits visés par l'enregistrement de la marque de commerce THE ROCK de l'Opposante comme étant les « Produits » et j'en ferai autant dans mon résumé de sa preuve.

[33]           M. Gosselin affirme que les Produits de l'Opposante liés à la marque de commerce THE ROCK sont vendus au Canada par l'intermédiaire de détaillants tels que Canadian Tire, Walmart, Costco, Sears, Jean Coutu, Rossy, Safeway et Bed Bath & Beyond.

[34]           M. Gosselin fournit les chiffres de vente concernant les ventes canadiennes des Produits sous la marque de commerce THE ROCK de juin 2013 à mars 2015, lesquelles totalisent plus de 26 millions dollars, d'après la ventilation suivante : 518 517 $ (de juin 2013 à août 2013); 11 389 274 $ (de septembre 2013 à août 2014); et 14 741 833 $ (de septembre 2014 à mars 2015).

[35]           M. Gosselin affirme que l'Opposante annonce les Produits et en fait la promotion sous la marque de commerce THE ROCK par divers moyens, y compris des supports publicitaires, des coupons et de la publicité collective.

[36]           M. Gosselin fournit les chiffres des dépenses publicitaires et promotionnelles engagées de 2013 à mars 2015, lesquelles totalisent près de 4 millions de dollars, d'après la ventilation suivante : 42 196 $ (de juin 2013 à août 2013); 2 074 402 $ (de septembre 2013 à août 2014); et 1 792 241 $ (de septembre 2014 à mars 2015).

[37]           M. Gosselin affirme que l'Opposante annonce également les Produits sous la marque de commerce THE ROCK sur son site Web www.starfrit.com, lequel est accessible aux Canadiens, depuis au moins juin 2013.

[38]           M. Gosselin affirme que l'Opposante a également annoncé les Produits sous la marque de commerce THE ROCK au moyen de campagnes publicitaires diffusées sur des chaînes de télévision francophones et anglophones au Canada. Il atteste que, pendant la période allant du 3 novembre au 21 décembre 2014, des diffusions de 30 secondes ont été vues plus de 116 millions de fois. Pendant la période allant du 4 novembre au 21 décembre 2013, des diffusions de 30 secondes ont été vues plus de 96 millions de fois. Il affirme en outre qu'à ce jour, plus de 21 000 internautes canadiens ont visionné sur YouTube, des publicités annonçant les Produits sous la marque de commerce THE ROCK.

[39]           Pour corroborer ses allégations d'emploi et de publicité de la marque de commerce THE ROCK au Canada, M. Gosselin joint les pièces suivantes à son affidavit :

-          la pièce GG-2, qu'il décrit comme un échantillon de factures représentatives faisant état de ventes des Produits de l'Opposante sous la marque de commerce THE ROCK. M. Gosselin atteste que les factures sont émises par Atlantic Import deux jours après la livraison des Produits;

-          la pièce GG-3, qu'il décrit comme un échantillon d'emballages de produit arborant la marque de commerce THE ROCK. M. Gosselin atteste que ces spécimens sont représentatifs de la façon dont la marque de commerce THE ROCK a été employée par l'Opposante depuis au moins aussi tôt que le 21 juin 2013;

-          la pièce GG-4, qu'il décrit comme divers extraits du site Web de l'Opposante www.starfrit.com, se rapportant à l'annonce des Produits sous la marque de commerce THE ROCK;

-          la pièce GG-5, qu'il décrit comme des extraits des sites Web de divers clients de l'Opposante, tels que Walmart, Costco, Canadian Tire et Bed Bath & Beyond, qui annoncent et vendent les Produits de l'Opposante sous la marque de commerce THE ROCK;

-          la pièce GG-6, qu'il décrit comme un échantillon représentatif des coupons distribués par l'Opposante à l'automne 2013, et pour lesquels l'Opposante a assumé des coûts de plus de 240 000 $;

-          la pièce GG-7, qu'il décrit comme un échantillon représentatif de circulaires des magasins de détail qui vendent les Produits sous la marque de commerce THE ROCK. M. Gosselin atteste que, à titre d'exemple, Canadian Tire et Walmart distribuent chacun environ 10 millions d'exemplaires de circulaires chaque semaine. Il atteste en outre que les Produits liés à la marque de commerce THE ROCK ont été annoncés par l'Opposante dans de telles circulaires à plus de 130 reprises depuis 2013; et

-          la pièce GG-8, qu'il décrit comme deux extraits de magazines canadiens, dont des articles qui font référence aux Produits sous la marque de commerce THE ROCK. M. Gosselin atteste que le premier article est paru dans le numéro de novembre 2013 du magazine Les idées de ma maison, qui est tiré à 68 000 exemplaires environ au Canada. Le second article est paru dans le numéro d'automne 2013 du magazine Le Guide Cuisine, qui est tiré à 50 000 exemplaires environ au Canada.

[40]           Après examen de ces pièces, je suis d'avis que la façon dont la marque de commerce THE ROCK a été employée et annoncée en liaison avec une batterie de cuisine réduit sensiblement l'importance de la notoriété que l'Opposante peut revendiquer à son égard. Bien que l'affidavit Gosselin établisse un emploi abondant de la marque de commerce THE ROCK en liaison avec la batterie de cuisine de l'Opposante au Canada depuis juin 2013, la marque est souvent affichée en liaison avec d'autres marques de commerce (à savoir STARFRIT et HERITAGE) qui occupent, elles aussi, une place importante sur l'emballage de la batterie de cuisine de l'Opposante. Par conséquent, la notoriété qui reviendrait exclusivement à la marque de commerce THE ROCK de l'Opposante s'en trouve sensiblement diminuée à l'égard de ses produits [voir Euro-Pharm International Canada Inc c Eurofarma Laboratórios Ltda 2015 COMC 91].

[41]           Néanmoins, je conviens avec l'Opposante qu'on peut raisonnablement conclure que la marque de commerce THE ROCK est devenue connue dans une mesure assez significative au Canada en liaison avec la batterie de cuisine de l'Opposante.

Conclusion quant au facteur énoncé à l'article 6(5)a)

[42]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que ce facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis, favorise l'Opposante.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[43]           Compte tenu de mes commentaires ci-dessus, ce facteur favorise également l'Opposante.

Le genre de produits, services ou entreprises, et la nature du commerce

[44]           Pour évaluer le genre des produits, services ou entreprises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits qui figure dans l'enregistrement invoqué par l'Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. L’examen de ces états déclaratifs doit cependant être effectué dans l’optique de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. Une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 1996 CanLII 3963 (CAF), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[45]           Les produits visés par la demande de la Requérante sont soit identiques, soit étroitement apparentés à ceux visés par l'enregistrement de l'Opposante. En l'absence d'une preuve contraire, il n'y a aucune raison de conclure que les produits des parties n'emprunteraient pas les mêmes voies de commercialisation et qu'ils ne seraient pas destinés aux mêmes types de clientèle.

[46]           Ces facteurs favorisent donc l'Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[47]           Comme l'a souligné la Cour suprême dans Masterpiece, supra, au paragraphe 49, [Traduction] « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d'avoir le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu [à l’article] 6(5) [de la Loi] [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l'analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire ».

[48]           En outre, comme je l'ai mentionné précédemment, il est bien établi dans la jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, [Traduction] « [m]ême s'il faut examiner les marques comme un tout (et non les disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible [de s'attarder à] des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 1998, CanLII 9052 (CAF), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au para 34]. Même si le premier mot ou la première partie d'une marque de commerce sont généralement les plus importants aux fins de la distinction, l'approche à privilégier consiste à se demander d'abord si la marque de commerce présente un aspect particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, supra, au para 64].

[49]           Appliquant ces principes à la présente espèce, j'estime qu'il existe un degré de ressemblance considérable entre les marques des parties du fait de leur élément commun « ROCK » [roc, rocher, roche; ou rock]. Néanmoins, j'estime qu'elles sont plus différentes que semblables dans la présentation et dans le son, ainsi que dans les idées qu'elles suggèrent du fait de l'élément « STAR » [vedette, étoile], qui, à mon sens, est aussi dominant que l'élément « ROCK » [roc, rocher, roche; ou rock] dans la Marque de la Requérante.

Autres circonstances de l'espèce

État du registre

[50]           En plus des définitions mentionnées ci-dessus dans mon examen du facteur énoncé à l'article 6(5)a), l'affidavit Ma vise à présenter en preuve les détails des demandes ou enregistrements de marques de commerce suivants, qui figurent au registre canadien des marques de commerce :

-          la demande admise no 1,646,882 pour la marque de commerce StoneDine au nom de la Requérante, en liaison avec les produits [Traduction] « batterie de cuisine, poêles à frire, woks, […] » [voir la pièce D];

-          la demande admise no 1,618,169 pour la marque de commerce ROCKCROCK au nom de Columbia Insurance Company, en liaison avec le produit [Traduction] « batterie de cuisine » [voir la pièce E]; et

-          l'enregistrement no LMC881,644 (découlant de la demande no 1,618,170) pour la marque de commerce ROCKCROCK également au nom de Columbia Insurance Company, en liaison avec le produit [Traduction] : « batterie de cuisine » [voir la pièce F].

[51]           La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en tirer des conclusions quant à l'état du marché, et de telles conclusions quant à l'état du marché ne peuvent être tirées que si un nombre significatif d'enregistrements pertinents est repéré [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[52]           En l'espèce, seules une marque déposée et deux demandes admises seraient pertinentes, ce qui est loin d'être un nombre suffisant pour me permettre de tirer des conclusions quant à l'état du marché.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[53]           Comme je l'ai indiqué précédemment, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Le fait que le fardeau ultime incombe à la Requérante signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la Requérante.

[54]           Après examen de toutes les circonstances pertinentes, j'estime que, dans le meilleur des cas pour la Requérante, la prépondérance des probabilités est également partagée entre les deux parties.

[55]           En effet, compte tenu du fait que l'Opposante a employé sa marque de commerce THE ROCK de façon très abondante au cours des quelques dernières années, que la Requérante ne peut revendiquer aucune notoriété à l'égard de sa Marque, que les produits et les voies de commercialisation des parties sont identiques ou se recoupent, et qu'il existe un degré de ressemblance considérable entre les marques en cause (même si elles sont plus différentes que semblables), j'estime que la Requérante n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'une personne ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce THE ROCK de l'Opposante en liaison avec les Produits de l'Opposante ne conclurait pas, selon sa première impression et son souvenir imparfait, que les produits visés par la demande de la Requérante proviennent de la même source ou qu'ils sont autrement apparentés ou liés aux produits de l'Opposante.

[56]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

[57]           L'Opposante allègue que la Marque ne distingue pas les produits visés par la demande de la Requérante des produits de l'Opposante, et qu'elle n'est pas non plus adaptée à les distinguer étant donné l'emploi antérieur par l'Opposante au Canada de sa marque de commerce THE ROCK en liaison avec une batterie de cuisine.

[58]           Pour s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l'égard d'un motif fondé sur l'absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer qu'à la date de production de sa déclaration d'opposition (en l'espèce, le 21 novembre 2014), sa marque de commerce était devenue connue dans une mesure suffisante pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No. 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst)]. Ainsi qu'il appert de mon examen de l'affidavit Gosselin ci-dessus, l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve.

[59]           Le fait que la date pertinente qui s'applique ne soit pas la même n’a pas d’incidence substantielle sur mon analyse, ci-dessus, du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d).

[60]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est accueilli.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement

[61]           Comme j'ai déjà repoussé la demande d'enregistrement pour deux motifs, je n'examinerai pas ce dernier motif d'opposition.

 

Décision

[62]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

 

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2016-10-12

 

COMPARUTIONS

 

Laurent Carrière                                                                       POUR L’OPPOSANTE

 

Aucune comparution                                                               POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Robic                                                                                       POUR L'OPPOSANTE

 

Ridout & Maybee LLP                                                            POUR LA REQUÉRANTE

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