Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2010 COMC 97

Date de la décision: 2010-06-16

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Davide Campari-Milano S.p.A. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,189,122 pour la marque de commerce CAMPARI au nom de Mastronardi Produce Ltd.

 

Le dossier

[1]       Le 2 septembre 2003, Mastronardi Produce Ltd. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce CAMPARI fondée sur l’emploi de la marque depuis aussi tôt que novembre 1995 en liaison avec des :

                                                           tomates.

[2]       La demande a été annoncée aux fins de la procédure d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 14 avril 2004 et a fait l’objet d’une opposition de la part de Davide Campari-Milano S.p.A. le 3 novembre 2004. Le registraire des marques de commerce a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 16 novembre 2004, ainsi que l’exige le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie dans l’ensemble les allégations formulées dans la déclaration d’opposition.

[3]       La preuve de l’opposante est composée : i) de l’affidavit de Stefano Saccardi; ii) de copies certifiées conformes des enregistrements des marques de commerce de l’opposante (les marques CAMPARI), dont les détails figurent dans le tableau qui suit :

 

Marque de commerce/

numéro d’enregistrement

Marchandises - Date de premier emploi au Canada

CAMPARI

 

LMC 236,195

liqueurs en général, vermouth, apéritifs à base de vin, digestifs amers, vins digestifs, liqueurs digestives, eaux gazeuses, sirops et préparations pour boissons, apéritifs et boissons amères - (premier emploi non mentionné; demande fondée sur l’enregistrement en Italie)

BITTER CAMPARI

 

UCA41915

liqueurs spiritueuses - 1862

 

 

 

 

UCA41914

liqueurs spiritueuses - 1862

 

 

LMC 562,709

amers alcoolisés - 14 mai 2002

 

 

iii) de copies certifiées conformes de documents concernant une procédure d’opposition entre Westgro Sales Inc. (requérante dans cette affaire) et Davide Campari Milano, opposante dans la présente instance; ces documents consistent en la demande no 1,124,164 pour l’enregistrement de la marque CAMPARI à l’égard de tomates et de pépins de tomates, en la déclaration d’opposition et la contre-déclaration ainsi qu’en l’affidavit souscrit par David Gingrich et produit pour le compte de la requérante Westgro.

 

[4]       La preuve de la requérante, produite en vertu du paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195, comprend les affidavits de Paul Mastronardi et de Charlie Tannous et la déclaration solennelle de Chris Lang. Les parties n’ont procédé à aucun contre-interrogatoire sur les témoignages écrits. Toutes deux ont présenté un plaidoyer écrit et étaient représentées à l’audience qui a eu lieu le 18 mai 2010. 

 

Déclaration d’opposition

[5]       Selon le premier motif d’opposition, fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, la marque CAMPARI visée par la demande n’a pas été employée depuis la date revendiquée dans la demande en liaison avec les marchandises qui y sont décrites.

[6]      Selon le deuxième motif, fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi, la marque CAMPARI visée par la demande n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les marques CAMPARI susmentionnées de l’opposante.

[7]       Comme troisième motif, l’opposante allègue, en se fondant sur l’alinéa 16(1)a), que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque CAMPARI visée par la demande, parce qu’à la date de premier emploi revendiquée dans la demande, la marque de la requérante créait de la confusion avec les marques CAMPARI de l’opposante antérieurement employées au Canada et en de nombreux autres pays en liaison avec des boissons alcoolisées, liqueurs spiritueuses et apéritifs. À cet égard, l’opposante fait valoir que ses marques CAMPARI sont des « marques célèbres ».   

[8]       Enfin, l’opposante allègue qu’aux termes de l’article 2 de la Loi, la marque visée par la demande n’est pas distinctive des marchandises de la requérante, compte tenu : i) de l’emploi que fait l’opposante de ses marques CAMPARI; ii) de l’emploi que fait Westgro Sales Inc. de la marque CAMPARI en liaison avec des tomates depuis octobre 1996. Toutefois, à l’audience, l’opposante a retiré l’allégation d’absence de caractère distinctif fondé sur l’argument exposé au sous-alinéa ii), ci-dessus.

 

Preuve de l’opposante

Stefano Saccardi

[9]       M. Saccardi atteste qu’il est le directeur général de la société opposante. Cette dernière est la société mère du Groupe Campari, le plus grand producteur et distributeur de spiritueux de marque en Italie. Les produits du Groupe Campari comptent quatre des cent marques de spiritueux en tête de l’industrie à l’échelle internationale, soit CAMPARI, CAMPARISODA, SKYY Vodka et CYNAR. Le produit CAMPARI de l’opposante est un apéritif de couleur rouge vif, à teneur moyenne en alcool, obtenu par l’infusion d’herbes au centaure, de plantes aromatiques et de fruits dans l’alcool et l’eau. Le produit CAMPARI de l’opposante est l’ingrédient principal de divers cocktails connus à l’échelle internationale. Les produits CAMPARI de l’opposante sont distribués internationalement, notamment au Canada. Ces produits sont offerts à la vente dans tous les grands magasins de vins et spiritueux, c’est-à dire par l’intermédiaire des diverses régies des alcools provinciales, partout au Canada. Au cours de la période de neuf ans débutant en 1995 et se terminant en 2003, les ventes de produits CAMPARI, à l’échelle mondiale se sont élevées à environ 1,25 milliard $US. Au Canada, les ventes pour la période de 1998 à 2004 inclusivement ont atteint environ 3 millions $US. Durant la période quinquennale s’étendant de 1993 à 1997, le volume de produits CAMPARI exportés au Canada a atteint en moyenne 68 000 litres par année, puis a augmenté à quelque 89 000 litres par année au cours de la période de sept ans s’étendant de 1998 à 2004. De 1996 à 2004 inclusivement, l’opposante a consacré environ 1 million $US à la publicité et à la promotion des produits CAMPARI au Canada, dans des journaux et magazines, à la télévision et au moyen de présentoirs dans des points de vente et d’événements commandités comme des salons d’alimentation et des vins. Les pièces documentaires jointes à l’affidavit de M.Saccardi confirment que la marque CAMPARI est apposée bien en vue sur l’emballage des produits (les bouteilles) ainsi que dans la publicité et les articles de promotion. À cet égard, je considère que l’emploi de toute marque déposée de l’opposante constitue un emploi de la marque CAMPARI en soi : voir Nightingale Interloc c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535, à la page 538 (C.O.M.C.), sous le titre Principe 1.

 

class=WordSection2>

Copies certifiées conformes du dossier no 1,124,164

[10]     Comme il a été mentionné, l’opposante a versé en preuve des documents concernant une procédure d’opposition antérieure entre elle-même et Westgro Sales Inc. Un de ces documents est une copie de l’affidavit de David Gingrich, qui atteste qu’il est le directeur général de Westgro. Je n’ai tenu aucun compte de l’affidavit de M. Gingrich, car son témoignage dans la procédure antérieure n’a aucune valeur probante dans le dossier qui nous occupe : voir, par exemple, Les Brasseries Molson, une société de personnes c. John Labatt Limitée (1995), 66 C.P.R. (3rd) 218, à la page 222, alinéa c (C.O.M.C.).

 

Preuve de la requérante

Paul Mastronardi

[11]     M. Mastronardi atteste qu’il est le vice-président directeur de la société requérante. Celle-ci a été constituée en 1955 pour l’exploitation d’une entreprise de légumes de culture hydroponique. En date de l’affidavit souscrit par M. Mastronardi, le 27 novembre 2007, la requérante était un fournisseur majeur de tomates, concombres, poivrons, tomates sur grappe et produits de salsa sur les marchés canadien et américain. La requérante a quatre groupes distincts en activité, lesquels, respectivement, cultivent, achètent, vendent et transportent ses produits. Elle possède plus de 180 acres de terre, desquels 103 sont occupés par un complexe de serres, ce qui fait de la requérante la société de commercialisation de produits de serres la plus importante en Amérique du Nord.

[12]     En 1995, la requérante a obtenu des pépins expérimentaux pour la culture hydroponique de tomates, qu’elle a cultivées et vendues sous la marque de commerce CAMPARI. Les ventes de tomates CAMPARI au Canada se sont chiffrées en moyenne à environ 5,84 millions de dollars chaque année durant la période quinquennale de 2003 à 2007. Les ventes aux États-Unis ont atteint environ 40,4 millions de dollars pour la période de deux ans de 2003 et 2004, puis en moyenne 41,2 millions de dollars annuellement pour la période triennale de 2005 à 2007. Dans la période quinquennale se terminant en 2007, environ 70 millions d’emballages de tomates CAMPARI ont été vendus dans l’ensemble de l’Amérique du Nord, bien qu’il soit difficile de dire quelle proportion de ces ventes a été réalisée au Canada et quelle proportion représente des ventes réalisées ailleurs en Amérique du Nord. Les pièces documentaires jointes à l’affidavit de M. Mastronardi établissent que la marque visée par la demande est affichée bien en vue sur les brochures publicitaires présentant les produits et sur les étiquettes apposées sur l’emballage des produits. Elles révèlent en outre que la requérante commercialise ses produits de salsa sous la marque CAMPARI et qu’elle vend aussi des tomates et d’autres légumes sous la marque SUNSET. Les tomates CAMPARI sont annoncées dans les points de vente et au moyen de circulaires et de publicité placée dans des sites Web et sur des panneaux-réclames. Les dépenses de publicité ont totalisé 200 000 $ en 2003 et ont graduellement augmenté pour atteindre 450 000 $ en 2007, bien qu’il soit difficile de dire quelle proportion de cette publicité a été réalisée au Canada et quelle proportion représente la publicité faite ailleurs en Amérique du Nord. La requérante a formé le groupe de commercialisation de Campari, qui comprend la requérante et trois tierces parties, afin de mieux faire connaître les tomates CAMPARI aux consommateurs. Les tierces parties [traduction] « qui forment le groupe de commercialisation utilisent la marque de commerce CAMPARI au titre d’une licence accordée verbalement » par la requérante. Les clients de la requérante pour les tomates CAMPARI comprennent notamment A&P, Costco, Tannous Produce, Walmart et Sobey’s, quoiqu’il ne soit pas clairement établi que ces clients achètent le produit en vue de le revendre au Canada.

[13]     M. Mastronardi signale que l’affidavit susmentionné de M. Gingrich fait état d’une entente de distribution entre la présente requérante, Mastronardi Produce, et Westgro. M. Mastronardi affirme que l’entente de distribution est nulle et que Westgro n’a acquis aucun droit dans la marque de commerce CAMPARI de la requérante par suite de cette entente.

[14]     Malgré les déficiences et le manque de précision de l’affidavit de M. Mastronardi, je suis disposé à conclure, en l’absence de contre-interrogatoire, que tous les emplois de la marque CAMPARI par le groupe de commercialisation évoqué par M. Mastronardi, profitent à la requérante, ou, à tout le moins, n’altèrent en rien le caractère distinctif de la marque visée par la demande. 

[15]     L’opposante m’a fait remarquer que certains des documents compris dans la pièce B de l’affidavit de M. Mastronardi peuvent être interprétés comme une admission par la requérante du fait que « Campari » est le nom d’une variété de tomates indigène en Europe. Toutefois, l’examen de l’ensemble des pièces documentaires montre bien que la requérante emploie le mot CAMPARI à titre de marque de commerce pour désigner ses propres marchandises.

 

 

Charlie Tannous; Chris Lang

[16]     M. Tannous atteste qu’il est résident de Toronto et qu’il est le propriétaire de Tannous Produce. Il déclare que la requérante vend des tomates CAMPARI à son magasin au Canada depuis novembre 1995. M. Lang atteste qu’il est résident d’Etobicoke et qu’il travaille comme gestionnaire chez A&P. Il déclare que la requérante vend des tomates CAMPARI à A&P au Canada depuis novembre 1995.

 

Fardeau ultime et charge de présentation

[17]     C’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce ainsi que l’allègue l’opposante dans la déclaration d’opposition. L’imposition d’un fardeau ultime à la partie requérante signifie que s’il n’est pas possible de parvenir à une conclusion déterminée après examen de l’ensemble de la preuve, la question doit être tranchée à son encontre. Toutefois, conformément aux règles habituelles de la preuve, la partie opposante doit aussi s’acquitter d’un fardeau de présentation; elle doit prouver les faits exposés dans les allégations de la déclaration d’opposition : voir John Labatt Limitée c Les Compagnies Molson Limitée, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298. L’imposition d’un fardeau de preuve à l’opposante relativement à une question particulière signifie que pour que cette question soit examinée, l’opposante doit présenter une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien du motif d’opposition.

 

[18]     L’opposante n’a présenté aucun élément de preuve au soutien du premier motif d’opposition, dans lequel elle allègue que la marque CAMPARI visée par la demande n’a pas été employée depuis le 30 novembre 1995 ainsi qu’il est revendiqué dans la demande. La preuve produite au nom de la requérante sur ce point aurait pu être plus précise et plus détaillée, mais en l’absence de tout contre-interrogatoire de MM. Mastronardi, Tannous et Lang, je conclus que la preuve offerte revêt un poids suffisant pour confirmer la date de premier emploi revendiquée. Le premier motif d’opposition est en conséquence rejeté.

 

 

 

Question principale

[19]     Les motifs d’opposition restants portent sur la question de savoir si la marque CAMPARI visée par la demande crée de la confusion avec la marque CAMPARI de l’opposante, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi, dont voici le libellé :

 

class=WordSection3>

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées [...] ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

class=WordSection4>

 

Ainsi, le paragraphe 6(2) ne traite pas de la confusion entre les marques elle-mêmes, mais bien de la confusion de biens ou services provenant d’une source avec des biens ou services provenant d’une autre source. Dans le cas qui nous occupe, la question que pose le paragraphe 6(2) est de savoir s’il l’on prendrait les tomates de la requérante pour des tomates provenant de l’opposante.

 

Dates pertinentes

 [20]   Les dates pertinentes pour l’examen de la question de la confusion sont les suivantes : i) la date de la décision, pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité; ii) la date de premier emploi revendiquée dans la demande (le 30 novembre 1995) quant au motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement; iii) la date de l’opposition (3 novembre 2004) quant au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif : pour une revue de la jurisprudence traitant des dates pertinentes dans les instances d’opposition, voir la décision American Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités/Canadian Association of Retired Persons (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, aux pages 206 à 209 (C.F. 1re inst.).

 

Facteurs prévus au paragraphe 6(5)

[21]     Il incombe à la requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y aurait pas probabilité raisonnable de confusion. Le test applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs dont il faut tenir compte, pour évaluer si deux marques de commerce créent de la confusion, sont énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents. Tous ne revêtent pas nécessairement un poids égal. Le poids qu’il convient d’attribuer à chaque facteur dépend des circonstances : voir Gainers Inc. C. Tammy L. Marchildon et Le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 

Examen des facteurs prévus au paragraphe 6(5)

[22]    La marque CAMPARI de l’opposante possède un caractère distinctif inhérent relativement élevé même si elle consiste en un patronyme italien. À cet égard, le consommateur canadien moyen de boissons alcoolisées réagira probablement au mot CAMPARI en pensant qu’il s’agit d’un mot inventé utilisé à titre de marque de commerce; voir, par exemple, Galanos c Registraire des marques de commerce (1982), 69 C.P.R. (2d) 144 (C.F. 1re inst.). De même, la marque CAMPARI visée par la demande possède un caractère distinctif inhérent relativement élevé, bien qu’à un degré moindre que la marque de l’opposante, peut-on soutenir, parce qu’il existe un lien entre le mot CAMPARI et les tomates (comme il a été mentionné plus tôt dans les remarques afférentes à la pièce B de l’affidavit de M. Mastronardi). Comme l’opposante n’a présenté aucune preuve pour établir que le consommateur canadien moyen sait que le nom Campari correspond à une variété de tomates, j’estime que le caractère distinctif inhérent des marques respectives des parties est à peu près équivalent. Naturellement, la marque visée par la demande n’avait acquis aucun caractère distinctif à la date pertinente la plus reculée, le 30 novembre 1995. D’un autre côté, il est difficile d’évaluer avec précision le degré de caractère distinctif qu’avait acquis la marque CAMPARI de l’opposante à l’époque pertinente la plus reculée, étant donné la nature générale et sommaire de la preuve de l’opposante quant aux ventes, à la publicité et à la promotion de ses produits au Canada. Chose certaine, la marque de l’Opposante avait acquis un certain caractère distinctif à la date pertinente la plus reculée. Par ailleurs, la preuve respective des parties en ce qui touche les ventes de leurs marchandises au Canada m’amène à conclure que la marque CAMPARI visée par la demande avait acquis un caractère distinctif plus marqué que celui de la marque CAMPARI de l’opposante à la date pertinente plus récente, en 2004, et a continué à accroître son caractère distinctif par la suite. La période pendant laquelle chaque marque a été en usage au Canada favorise l’opposante, mais dans une mesure restreinte, puisque l’opposante n’a pas précisé la mesure dans laquelle elle a employé sa marque avant 1993, alors que la requérante a commencé à employer sa marque vers la fin de 1995. Le genre de marchandises offertes par les parties est bien sûr très différent et, d’après la preuve au dossier, il semble bien que la nature des commerces des parties soit distincte elle aussi. À l’évidence, les marques en cause sont identiques à tous égards, c’est-à-dire dans la présentation, dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent.

[23]     Les arguments de l’opposante pour contester la demande en l’espèce sont fondés sur deux postulats, le premier étant que [traduction] « la preuve établit que CAMPARI est le nom d’une variété de tomates; or, d’autres commerçants ont employé ce mot dans la pratique ordinaire de leur commerce pour désigner des tomates de cette variété », et le second étant que [traduction] « l’affidavit de M. Saccardi démontre que [...] les marques de commerce CAMPARI [de l’opposante] sont devenues non seulement bien connues, mais célèbres, partout dans le monde et notamment au Canada [...]; étant donné la réputation et la célébrité qu’a acquises la marque Campari [de l’opposante] au Canada, un consommateur ordinaire qui connaît les produits de Campari vendus et annoncés sous les marques de commerce CAMPARI est susceptible de ne pas savoir à quoi s’en tenir quant à l’origine des tomates vendues en liaison avec la marque CAMPARI » : voir les paragraphes 29, 30 et 38 du plaidoyer écrit de l’opposante.

[24]    À mon avis, le fait que Campari est une variété de tomates ne nuit pas véritablement à la requérante, puisque cette question n’a pas été soulevée par l’opposante dans la déclaration d’opposition. De plus, la preuve au dossier n’établit pas clairement si, ni dans quelle mesure, des tiers emploient le mot Campari soit comme marque de commerce, soit pour décrire une variété de tomates. Néanmoins, il ressort clairement de la preuve que la requérante emploie le mot CAMPARI de façon assez étendue à titre de marque de commerce pour désigner ses marchandises. 

[25]     Même si j’acceptais que la marque de commerce CAMPARI de l’opposante avait acquis une réputation appréciable au Canada à la date pertinente la plus reculée, soit le 30 novembre 2004, cette réputation serait limitée aux boissons alcoolisées. À cet égard, je considère que le terme « bien connue » se rapporte à une marque ayant acquis plus qu’une réputation appréciable, sans qu’on puisse pour autant la qualifier de « célèbre ». À mon avis, la preuve au dossier n’est pas suffisante pour établir que le nom commercial Campari ou la marque CAMPARI de l’opposante  étaient bien connus au Canada ou avaient acquis, à quelque date pertinente que ce soit, le degré de caractère distinctif inhérent requis pour transcender les différentes gammes de produits.

 

Circonstance particulière de l’espèce

[26]     Il convient en l’espèce de tenir compte d’une circonstance particulière, l’absence de preuve de confusion dans les faits. Évidemment, rien n’oblige l’opposante à faire la preuve d’incidents de confusion, et l’absence d’une telle preuve ne donne pas nécessairement lieu à une présomption défavorable à l’opposante. L’absence de preuve de confusion réelle n’est pas concluante quant à la question de la confusion. Néanmoins, l’absence de preuve d’incidents de confusion sur une période de temps significative, malgré l’existence d’un chevauchement dans les marchandises des parties et dans les voies de commercialisation de ces marchandises, peut permettre de tirer une conclusion négative quant à la probabilité de confusion : voir Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.); Mercedes-Benz A.G. c. Autostock Inc., 69 C.P.R. (3d) 518 (COMC). Dans le cas présent, la preuve indique qu’il y a eu emploi simultané substantiel des marques de commerce des parties partout au Canada depuis la fin de 1995; cependant, il n’y a pas chevauchement dans les voies de commercialisation des marchandises des parties. Néanmoins, l’absence de preuve quant à tout incident de confusion est un facteur qui, dans une mesure limitée, donne lieu à une inférence négative concernant la probabilité de confusion.

 

Décision

[27]     Considérant tous les facteurs analysés ci-dessus et compte tenu en particulier des différences entre les marchandises des parties, j’estime que la requérante a satisfait au fardeau de preuve ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’à aucun moment pertinent il n’existe une probabilité raisonnable de confusion entre la marque CAMPARI visée par la demande et l’une quelconque des marques CAMPARI de l’opposante.

 

[28]     Compte tenu de ce qui précède, l’opposition est rejetée. Cette décision est rendue conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

 

____________________________

 

class=WordSection5>

 

 

class=WordSection6>

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.