Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 190

Date de la décision : 2015-10-27

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Juice Productions Inc.

Opposante

et

 

Oriole Media Corp.

Requérante

 

 

 



1,525,820 pour la marque de commerce JUICE MOBILE & Dessin

 

Demande d'enregistrement

Introduction

[1]               Juice Productions Inc. (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce :

JUICE MOBILE & DESIGN (la Marque)

[2]               La demande a été produite le 2 mai 2011 par Oriole Media Corp. (la Requérante) sur la base de l'emploi projeté au Canada en liaison avec :

[Traduction]
Services de publicité mobile offerts aux entreprises de publicité, aux chefs de marque et aux entreprises de marque, nommément a) envoi de publicités pour des tiers sur des appareils mobiles, des tablettes électroniques et des appareils de jeux de poche ainsi que distribution de publicités pour des tiers par des canaux de contenu mobile; b) collecte et analyse de données métriques sur la publicité mobile pour des tiers, offre de rapports de données métriques sur la publicité mobile à des tiers; c) conception de publicités mobiles pour des tiers, y compris création de textes, de contenu audio, vidéo et visuel pour utilisation dans des publicités mobiles et sur des pages de renvoi mobiles (les Services).

[3]               L’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); les motifs d'opposition plaidés sont fondés sur les articles suivants : 30a) et e), 16(1)a), c) et 2 (caractère distinctif). Les principales questions à trancher dans la présente opposition sont celles de savoir si la demande satisfait à toutes les exigences énoncées à l'article 30 et s'il existe une probabilité de confusion entre la Marque employée en liaison avec les Services et la marque de commerce JUICE de l'Opposante et son nom commercial Juice Productions Inc.

[4]               Pour les raisons exposées ci-après, je repousse la demande.

Le dossier

[5]               La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 29 août 2012. L’Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 17 octobre 2012. Le 10 décembre 2012, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d’opposition plaidés par l'Opposante.

[6]               Comme preuve, l'Opposante a produit les affidavits d'Andrew Buck, assermenté le 9 avril 2013, et de Shantelle Garrick, assermentée le 8 avril 2013.

[7]               Comme preuve, la Requérante a produit les affidavits de Tamara Shomody, assermentée le 31 juillet 2013, de Lavinia McElwee, assermentée le 1er août 2013, et de David Wong, assermentée le 8 août 2013. M. Wong a été contre-interrogé et la transcription a été versée au dossier.

[8]               Comme preuve en réponse, l'Opposante a produit un deuxième affidavit de M. Buck, assermenté le 28 avril 2014.

[9]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit; aucune audience n'a été tenue.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[10]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, tel qu'il est allégué dans la déclaration d'opposition. Cela signifie que s'il impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. L'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition ne sera pris en considération que s'il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al 2002 CAF 291, 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

Remarques préliminaires

[11]           Je tiens à souligner que, aux fins de ma décision, j'ai pris connaissance de l'ensemble de la preuve au dossier. Même si ma décision est fondée sur les parties pertinentes de la preuve produite par les parties, je ferai mention des pièces produites par l'Opposante malgré le fait que la plupart d'entre elles ne peuvent pas être prises en considération, étant donné les dates pertinentes qui sont associées aux motifs d'opposition plaidés.

[12]           Je tiens également à souligner que la Requérante a soulevé une objection contre le contenu de l'affidavit Buck produit comme preuve en réponse, au motif qu'il ne constituait pas une preuve en réponse régulière. Je me pencherai sur cette question lorsque je passerai en revue le contenu de l'affidavit.

Les dates pertinentes

[13]           Les motifs d'opposition soulevés par l'Opposante doivent être évalués en fonction des dates pertinentes suivantes :

         article 30 de la Loi : la date de production de la demande (2 mai 2011) [voir Delectable Publications Ltd c Famous Events Ltd (1989), 24 CPR (3d) 274 (COMC) pour l'article 30a) et John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) pour l'article 30e)];

         articles 16(3)a) et c) : la date de production de la demande (2 mai 2011) [voir l'article 16(3) de la Loi];

         caractère distinctif : il est généralement admis que le caractère distinctif doit être évalué à la date de production de la déclaration d'opposition (17 octobre 2012) [voir Andres Wines Ltd and E & J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126, à 130 (CAF) et Metro-Goldwyn-Meyer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF 1re inst.)].

La preuve de l'Opposante

            L'affidavit Garrick

[14]           Mme Garrick travaille pour l'agent de l'Opposante à titre de secrétaire depuis avril 2008. Elle affirme que, dans le cadre des fonctions de secrétaire qu'elle exerce au sein du cabinet de l'agent de l'Opposante, elle est appelée à consulter diverses bases de données en ligne et à effectuer des recherches en ligne au moyen de divers moteurs de recherche.

[15]           Le 5 avril 2013, Mme Garrick a consulté ce qui semble être le site Web de la Requérante, à l'adresse www.juicemobile.org, et a produit, comme pièce A, des captures d'écran de diverses pages Web. Elle a également consulté, le même jour, le site Web de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), et elle a produit, respectivement comme pièces B et C de son affidavit, des extraits du Manuel des produits et des services en ligne concernant les termes « delivery » [envoi] et « electronic » [électronique] compris dans les « Services ».

            L'affidavit Buck

[16]            M. Buck est le président de l'Opposante; il occupe ce poste depuis juin 2004. Il affirme que l'Opposante exploite une entreprise de création, de rédaction et de production de matériel de marketing pour des tiers. Les services qu'offre l'Opposante en liaison avec sa marque de commerce JUICE et son nom commercial Juice Productions Inc. peuvent être résumés comme suit :

[Traduction]
création, rédaction et production de matériel de marketing pour des tiers pour utilisation dans les domaines du divertissement, du cinéma, de la télévision et de la musique; services de conception graphique; services de conception graphique en mouvement et d'animation; services de conception d'applications à interface Web; services de gestion de contenu numérique; services de distribution numérique de contenu pour le cinéma, la musique et la télévision; exploitation d'installations de post-production pour le cinéma, la musique et la télévision; services de création pour disques numériques polyvalents (DVD) et disques vidéos numériques haute définition (disques Blu-ray).

[17]                           M. Buck affirme, plus précisément, que l'Opposante fournit des longs métrages et du contenu télévisuel à des plateformes en ligne pour le compte du titulaire des droits sur le contenu. Le titulaire des droits sur le contenu envoie à l'Opposante une copie de son contenu, par exemple, un long métrage, une émission de télévision, une vidéo de musique ou un contenu similaire, et l'Opposante le numérise, l'encode et le convertit au format requis pour la plateforme de distribution concernée, qu'il s'agisse de iTunes, Netflix, la vidéo à la carte (VOD) de Rogers, etc.

[18]           M. Buck affirme solennellement que :

         L'Opposante reçoit habituellement du contenu préparé, tel que des bandes-annonces de films, dont elle assure ensuite le montage de façon à obtenir une durée précise pour la diffusion. Une fois que le montage est terminé et qu'il a été approuvé par son client, les bandes ou les fichiers finaux sont envoyés au diffuseur;

         L'Opposante écrit également des scénarios, enregistre des voix hors-champ et assure la conception sonore finale.

(tous les services décrits aux paragraphes 16 à 18 seront ci-après appelés les Services JUICE).

[19]           M. Buck allègue que la marque de commerce JUICE figure sur toutes les ententes de non-divulgation, tous les contrats, les claquettes employées en liaison avec les services de montage commerciaux de l'Opposante, toute la correspondance que l'Opposante envoie à ses clients, tous ses courriels et toutes ses factures. À l'appui de cette allégation, il a produit, comme pièces A-1 à A-5, des copies de ces documents.

[20]            Je souligne que les pièces A1, A2 et A5 sont postérieures à la dernière des dates pertinentes (17 octobre 2012) et, de ce fait, ne peuvent être prises en considération. Quant aux factures produites comme pièce A4, elles comportent la mention « Juice Productions ».

[21]           M. Buck affirme que l'Opposante a commencé à vendre, commercialiser et exécuter ses Services JUICE au Canada au moins aussitôt que le 29 juin 2004 et continue de vendre, commercialiser et exécuter ses Services JUICE en liaison avec la marque de commerce JUICE. Il affirme en outre que l'Opposante fait des affaires dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Il énumère certains des clients de l'Opposante, qui comprennent la CBC, Alliance Films, Google, MTV, NetFlix, l'ONF, Sony Music, Warner Brothers et Universal Music, pour n'en nommer que quelques-uns.

[22]           M. Buck affirme solennellement que l'Opposante est l'un des principaux fournisseurs, dans le monde, de services d'encodage pour iTunes et de distribution sur iTunes pour le cinéma, la musique et la télévision. À l'appui de cette allégation, il a produit, comme pièce B, des imprimés de listes d'entreprises assurant l'encodage de films, de musique et de contenu télévisuel pour iTunes approuvées par Apple; « Juice » est mentionnée sous l'en-tête [Traduction] « Amérique du Nord ». Or, les dates associées à ces imprimés (9 janvier et 13 février 2013) sont postérieures à la dernière des dates pertinentes (17 octobre 2012). Pour cette raison, il ne sera pas tenu compte de ces imprimés aux fins de la présente décision.

[23]           M. Buck indique que, du 1er juillet 2004 au 13 février 2013, les revenus annuels de l'Opposante liés à ses Services JUICE ont varié de plus de 750 000 $ à plus de 2 millions de dollars.

[24]           M. Buck a produit, comme pièce C, des échantillons de papier à correspondance officielle et d'articles de papeterie utilisés par l'Opposante qui arborent la marque de commerce JUICE et la mention « Juice Productions ». Il affirme que ce papier à correspondance officielle et ces articles de papeterie sont représentatifs de la façon dont l'Opposante emploie son nom commercial et sa marque de commerce au Canada en liaison avec ses Services JUICE depuis le 29 juin 2004.

[25]           M. Bucks affirme également que l'Opposante exploite, à l'adresse www.juiceproductionsinc.com, un site Web qui est en fonction depuis le 10 août 2004. Il affirme que ce site Web est accessible à tous les Canadiens qui disposent d'un accès Internet et qu'il reçoit environ 1 000 appels de fichier par mois. Comme pièce D, il a produit des imprimés de certaines des pages de ce site Web dans lesquelles figure la marque de commerce JUICE.

[26]           Les pages produites contiennent la mention suivante : © JUICE 2012. Par conséquent, ces documents ne sont pas pertinents aux fins de l'appréciation des motifs d'opposition qui ont la date de production de la demande (2 mai 2011) comme date pertinente. Quant au motif d'opposition fondé sur le caractère distinctif, auquel est associée la date pertinente du 29 août 2012, il n'apparaît pas clairement que ces pages faisaient partie du site Web de l'Opposante avant cette date pertinente. M. Buck n'affirme pas que ces pages sont représentatives des pages Web qui composaient le site Web de l'Opposante avant une ou plusieurs des dates pertinentes. Par conséquent, elles ne seront pas non plus prises en considération.

[27]           M. Buck affirme en outre que l'Opposante a dépensé plus de 115 000 $ en publicité et a fourni une ventilation annuelle pour la période allant du 1er juillet 2004 à février 2013. Il allègue que l'Opposante a récemment participé à divers événements commandités par les médias tels que le Festival international du film de Toronto (TIFF) et le Festival international du documentaire canadien (HotDocs). À l'appui de cette allégation, il a joint, comme pièce E, une brochure annonçant le Festival international du film de Toronto de 2011, ainsi que des copies de pages pertinentes du guide de la programmation des HotDocs de 2012 sur lesquelles figure la marque de commerce JUICE.

[28]           Là encore, en ce qui concerne la brochure du TIFF, il n'y a aucune indication selon laquelle elle aurait été distribuée avant la date de production de la demande. Elle ne sera donc pas considérée comme pertinente en ce qui concerne les motifs d'opposition fondés sur les articles 30 et 16(3). Quant aux HotDocs, le guide de programmation concerne un événement qui s'est tenu du 26 avril au 6 mai 2012. Il n'y a aucune indication dans l'affidavit de M. Buck selon laquelle il aurait été distribué avant le 2 mai 2011. Il ne sera pas pris en considération pour déterminer si la demande satisfait aux exigences de l'article 30 et si la Requérante a droit à l'enregistrement de la Marque.

[29]           Enfin, comme pièce F, M. Buck a produit une copie de l'inscription qu'on retrouve sur le site Canada411.ca des Pages jaunes pour Juice Productions. Elle comporte la mention © 2012. Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, cette pièce ne sera considérée comme une preuve pertinente pour aucun des motifs d'opposition plaidés.

[30]           Je n'ai pas tenu compte des allégations que fait M. Buck aux paragraphes 10 et 22 de son affidavit. Au paragraphe 10, il allègue que le public cible a assimilé et associé la marque de commerce JUICE à l'Opposante et, au paragraphe 22, il allègue que la Requérante tente de profiter de l'achalandage de l'Opposante. L'allégation formulée au paragraphe 10 concerne le caractère distinctif de la marque de commerce de l'Opposante, lequel est une question dont je dois juger en fonction de la preuve au dossier. M. Buck n'a pas établi qu'il est un expert en droit des marques de commerce et, par conséquent, je n'accorde aucun poids à cette affirmation. Quant au paragraphe 22, il n'appuie aucun des motifs d'opposition plaidés.

La preuve de la Requérante

            L'affidavit Shomody

[31]           Mme Shomody travaille comme technicienne juridique au sein du cabinet de l'agent de la Requérante. Elle affirme que, le 25 juillet 2013, elle a mandaté Lesley Rybchynski de Accu-Search Inc., un fournisseur de recherches de dénominations sociales NUANS et de services d'enregistrement d'entreprises, d'effectuer une recherche préliminaire pancanadienne dans le but de repérer toutes sociétés dont la dénomination sociale commence par « Juice » ou comprend ce terme; elle a produit les résultats de sa recherche comme pièce A.

[32]           Mme Shomody a, par la suite, effectué 15 recherches différentes dans Google afin de déterminer si certaines des entités repérées dans le cadre de la recherche préliminaire emploient leurs dénominations sociales, leurs noms commerciaux et/ou leurs marques de commerce sur le marché. Les résultats de ces recherches ont été produits comme pièces B1 à B15 inclusivement.

[33]           Je tiens à souligner que ces recherches ont été effectuées postérieurement à toutes les dates pertinentes.

            L'affidavit McElwee

[34]           Mme McElwee travaille pour le cabinet de l'agent de la Requérante à titre de technicienne juridique en marques de commerce. Entre le 22 et 31 juillet 2013, elle a effectué diverses recherches dans la Base de données sur les marques de commerce de l'OPIC. Je reviendrai plus loin sur les parties pertinentes de ces recherches. Elles ont toutes été effectuées postérieurement à toutes les dates pertinentes.

            L'affidavit Wong

[35]           M. Wong est le directeur des finances de la Requérante; il occupe ce poste depuis le 20 août 2012. Il affirme que la Requérante a été fondée en 2010 et qu'elle travaille avec les agences de publicité et les marques pour les aider à forger des liens avec leurs consommateurs par l'intermédiaire d'appareils mobiles en fournissant des services mobiles de marketing, de publicité, de plateformes publicitaires, d'analytique et de technologie créative.

[36]           M. Wong affirme que la Requérante fournit ses services à plus de 100 marques dans l'ensemble du Canada. Comme pièce A, il a produit une liste partielle des clients de la Requérante à qui cette dernière fournit des services. Cette liste comprend Air Canada, BMO, Bell Canada, CBC, Postes Canada, Fox Home Movies, Cogeco, Global, IBM, Cossette et Mediacom, pour n'en nommer que quelques-uns. Il explique que la Requérante aide ces marques et agences à concevoir, à exécuter et à mesurer des solutions marketing compatibles avec tous les appareils connectés, tels que les téléphones intelligents, les ordinateurs et les tablettes.

[37]           Au paragraphe 8 de son affidavit, M. Wong fournit les renseignements suivants au sujet des Services :

[Traduction]
8. Les services de la Requérante comprennent la création de bases de données mobiles, un service de messages courts (une forme de messagerie texte), des bons de réduction et des billets mobiles, la recherche d'emplacements, Click2Call (une forme de communication basée sur le Web) et des sondages. La Requérante assure également pour ses clients la construction et la programmation de toutes les unités publicitaires et pages de renvoi, et leur fournit des services de diffusion de publicités mobiles, d'hébergement APR et HTML mobile et d'analytique mobile multiplateformes. De plus, la Requérante fournit à ses clients un accès à son groupe de services professionnels pour le protocole d'application sans fil et la création de publicités mobiles, y compris : des sites Web mobiles complets, des pages de renvoi à marque unique ou multimarques, du contenu créatif simple et animatif (sic), des unités extensibles enrichies, et des adresses URL personnalisées et d'intégration sociale. Enfin, la Requérante héberge, transcode, diffuse et mesure tout le contenu créatif pour le compte de ses clients.

[38]           M. Wong allègue que la Requérante offre les Services en liaison avec la Marque depuis au moins le 5 mai 2011. Comme pièce C, il a produit une des premières factures émises relativement à la prestation des Services en liaison avec la Marque, laquelle est datée du 5 mai 2011. Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, cette partie de la preuve n'est pas pertinente en ce qui concerne les motifs d'opposition fondés sur les articles 30 et 16.

[39]           M. Wong affirme solennellement que la Requérante exploite un site Web depuis au moins novembre 2010 et que ce site Web a été modifié en février 2013. Il a produit des extraits du site Web de la Requérante comme pièces D1 (laquelle est datée d'août 2011) et D2 (juillet 2013). Il est évident que la pièce 2 est postérieure à toutes les dates pertinentes et que la pièce D1 serait pertinente uniquement par rapport à la question du caractère distinctif de la Marque ou l'absence d'un tel caractère.

[40]           M. Wong affirme que la Requérante a fait la promotion de ses Services en liaison avec la Marque par divers moyens, y compris des magazines, des sites Web, des campagnes de promotion en ligne, des campagnes de marketing mobile, Google Adwords, des commandites d'événements organisés par des clients, la présentation d'allocutions, des expositions commerciales ainsi que des médias sociaux, dont Linkedln et Twitter, des communiqués de presse, dont plusieurs diffusée sur le fil de presse (Market Wired), des brochures et des primes. Il a produit, comme pièces F1 à F3, des exemples de publicités parues dans des magazines; et, comme pièces G1 à G6 (lesquelles sont toutes postérieures au 2 mai 2011), des exemples de propositions adressées à des clients potentiels. La pièce F2 (qui est datée de septembre 2012) et les pièces G1 à G6 sont pertinentes uniquement en ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur le caractère distinctif, étant donné les dates associées à ces documents.

[41]           M. Wong fournit les dépenses de publicité et de promotion que la Requérante a engagées annuellement en liaison avec la Marque à partir de juillet 2011. Les sommes totalisent plus de 190 000 $.

[42]           Pour démontrer que les Services ont été fournis au Canada, M.Wong a produit des factures comme pièces H1 et H2. Elles sont pertinentes uniquement en ce qui concerne le caractère distinctif de la Marque, car les dates d'émission qui figurent sur chacune d'elles sont postérieures à la date de production de la demande. Il allègue que les ventes totales des Services fournis par la Requérante en liaison avec la Marque, de juillet 2011 à juin 2013, se sont élevées à plus de 5 millions de dollars.

[43]           M. Wong affirme que la Marque figure également bien en vue dans les communications et les publicités électroniques que la Requérante adresse à des clients canadiens. Il explique qu'aux fins de la présentation, de l'exécution et de l'annonce des Services, les employés de la Requérante envoient périodiquement des communications promotionnelles et d'affaires par courriel à des clients existants et potentiels au Canada. Depuis au moins le milieu de 2011, toutes les communications envoyées par courriel à des clients canadiens ont arboré la Marque au-dessus de la ligne de signature (là où figure le nom de l'employé). Comme pièce I, il a produit des exemples de ces courriels. Là encore, ces courriels sont pertinents uniquement en ce qui concerne le motif fondé sur le caractère distinctif.

[44]           M. Wong poursuit en affirmant que la Requérante publie fréquemment sur son site Web des communiqués de presse se rapportant aux Services dans lesquels figure la Marque. Il explique que les communiqués de presse peuvent être consultés dans la rubrique « News » [nouvelles] du site Web de la Requérante. Ils traitent des campagnes de marketing et de partenariat actuelles de la Requérante ainsi que des prix et des autres marques de reconnaissance de l'industrie que la Requérante a reçus. Il a produit des exemples de ces communiqués de presse comme pièces J1 à J9. Compte tenu des dates qui figurent sur ces communiqués de presse, seules les pièces J1 à J3 sont pertinentes, et uniquement en ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur le caractère distinctif.

[45]           M. Wong affirme solennellement qu'il a été fait mention de la Marque en liaison avec les Services dans diverses publications canadiennes et il a produit des exemples de ces articles comme pièces K1 à K11. Aucun des articles produits n'est pertinent, car tous ont été publiés après le 17 octobre 2012.

[46]           Enfin, M. Wong affirme qu'il n'a connaissance d'aucun cas de confusion entre les Services et les services de l'Opposante ou de toute autre entité, et qu'aucun cas n'a été porté à sa connaissance par des membres du personnel de la Requérante ou par ses clients.

[47]           Je considère que les déclarations suivantes que M. Wong a faites pendant son contre-interrogatoire en constituent les parties les plus pertinentes :

         « mobile advertising » [publicité mobile] s'entend de publicités qui s'affichent à l'écran d'un téléphone mobile ou d'une tablette;

         Les annonceurs fournissent le contenu à la Requérante. La Requérante reconfigure la publicité afin qu'elle puisse être affichée à l'écran d'un appareil mobile;

         Certaines publicités comporteraient des éléments d'animation pour un film devant prendre l'affiche sous peu, par exemple;

         Certains propriétaires de marques s'adressent directement à la Requérante, mais la plupart des mandats que reçoit la Requérante proviennent d'agences;

         « Collection and analysis of mobile advertising metrics » [collecte et analyse de données métriques sur la publicité mobile pour des tiers] s'entend de la mesure du nombre de personnes qui ont cliqué sur une publicité;

         La facture produite comme pièce C et datée du 5 mai 2011 était la première facture à arborer la Marque. Avant cette date, la Requérante employait une marque figurative différente;

         Entre novembre 2010 et août 2011, le site Web de la Requérante avait une apparence différente de celle des pages produites comme pièce D1;

         Il y a une différence entre les entreprises médiatiques, comme les journaux et les sociétés de télévision, et les entreprises de publicité.

La preuve en réponse de l'Opposante

            Le second affidavit Buck

[48]           L'affidavit en réponse de M. Buck vise à commenter certaines des réponses que M. Wong a fournies pendant son contre-interrogatoire. Pour l'essentiel, M. Buck fait référence à certaines des réponses que M.Wong a données lorsqu'on lui a demandé de fournir des détails sur certains des Services. M. Buck, après avoir paraphrasé les réponses données, allègue que l'Opposante fournit le même type de services que ceux dont il est question dans les réponses données par M. Wong, mais il ne fournit aucune preuve documentaire à l'appui de cette allégation.

[49]           Je suis d'accord avec la position de la Requérante en ce qui concerne la preuve en réponse de l'Opposante. M. Buck ne fournit ni dates ni documents justificatifs à l'appui de son allégation voulant que l'Opposante exerce des activités [Traduction] « identiques ». En fait, son affidavit est en grande partie rédigé au présent et ne fait mention d'aucune date. Pour cette raison, il est impossible de déterminer si les activités que M. Buck décrit dans son affidavit se sont déroulées avant une ou plusieurs des dates pertinentes mentionnées précédemment. Toute ambiguïté dans l'affidavit en réponse de M. Buck doit être interprétée à l'encontre de l'Opposante.

[50]           En outre, une part importante du contenu de l'affidavit en réponse de M. Buck concerne de la matière qui aurait pu, et qui aurait dû, être incluse dans la preuve de M. Buck au titre de l'article 41 du Règlement. En réalité, les réponses que M. Buck a commentées portaient sur les Services et les questions posées intégraient, dans leur formulation, la description des Services. Par exemple, la question 50 est l'une des questions complémentaires posées au sujet des [Traduction] « services de publicité mobile offerts aux entreprises de publicité, aux chefs de marque et aux entreprises de marque » (voir la question 40). Le fait que l'Opposante puisse exécuter le même type de services par l'intermédiaire de différents médias aurait dû être mentionné dans l'affidavit principal de M. Buck.

[51]           En somme, si l'Opposante souhaitait présenter davantage d'éléments de preuve pour corroborer le fait qu'elle offrait et/ou avait fourni des services semblables à ceux décrits dans la demande, elle aurait pu et aurait dû le faire dans le cadre de sa preuve au titre de l'article 41 du Règlement.

[52]           J'analyserai maintenant chacun des motifs d'opposition soulevés par l'Opposante en tenant compte uniquement des éléments de preuve que j'ai déterminés être pertinents pour chacun d'eux.

Motifs d'opposition fondés sur les articles a) et e) de la Loi

[53]           L'Opposante ne traite de ces motifs d'opposition nulle part dans son plaidoyer écrit. En l'absence d'arguments présentés à l'audience ou dans le plaidoyer écrit, il est difficile de déterminer le bien-fondé de ces motifs d'opposition.

[54]           En ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur l'article 30e) de la Loi, l'Opposante n'a pas produit le moindre élément de preuve à l'appui de ce motif. En réalité, M. Wong a établi, aussi bien dans son affidavit qu'en contre-interrogatoire, que la Requérante emploie la Marque en liaison avec les Services depuis au moins le 5 mai 2011.

[55]           Par conséquent, je rejette ce motif d'opposition.

[56]           En ce qui a trait au motif d'opposition fondé sur l'article 30a), l'Opposante a produit des extraits du Manuel des produits et des services concernant les termes « delivery » [envoi] et « electronic » [électronique] compris dans les « Services ». Toutefois, en l'absence d'une argumentation de la part de l'Opposante, je vois mal comment ces extraits pourraient appuyer la prétention de l'Opposante.

[57]           Pour ces raisons, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 30a) de la Loi.

Motif d'opposition fondé sur l'article 16(3)a) de la Loi

[58]           Pour s'acquitter du fardeau initial qui lui incombe à l'égard de ce motif d'opposition, l'Opposante doit prouver qu'elle a employé sa marque JUICE au Canada ou que cette dernière était devenue connue au Canada avant la date pertinente (2 mai 2011) et qu'elle n'avait pas abandonné cet emploi à la date d'annonce de la présente demande (29 août 2012) [voir l'article 16(5) de la Loi]. Malgré que la majorité des pièces produites par M. Buck soient postérieures à la date pertinente, il y a tout de même une certaine preuve de l'emploi de la marque de commerce JUICE de l'Opposante avant le 2 mai 2011. Je pense en premier lieu à la pièce suivante :

         papier à correspondance officielle et articles de papeterie produits comme pièce C.

[59]           Quant à la facture produite comme pièce A4, je considère que la mention de « Juice Productions » dans le coin supérieur gauche constitue un emploi de la marque JUICE de l'Opposante. Le mot « juice » est écrit en bien plus gros caractères que le mot « productions » et dans une police manuscrite différente [voir 88766 Canada Inc c Phillips, 2008 Carswell Nat 2206 (COMC)].

[60]           L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve initial. Par conséquent, la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n'est pas susceptible de causer de la confusion avec la marque de commerce JUICE de l'Opposante dans le contexte d'un emploi en liaison avec les Services.

[61]           Le test en matière de confusion est énoncé à l'article 6(2) de la Loi. Certaines des circonstances de l’espèce dont il convient de tenir compte aux fins de l’appréciation de la probabilité de confusion entre deux marques de commerce sont énumérées à l'article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Ces facteurs ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d'eux n’est pas nécessairement le même [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 96 CPR (4th) 361 (CSC)].

[62]           Le test énoncé à l'article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l'espèce, la question que soulève l'article 6(2) est celle de savoir si, à la vue des Services de la Requérante en liaison avec la Marque, un consommateur croirait que ces derniers proviennent de l'Opposante, ou sont parrainés ou approuvés par l'Opposante.

                                       Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[63]           Je ne considère pas qu'une marque possède un caractère distinctif inhérent considérablement plus fort que celui de l'autre marque. La marque de commerce de l'Opposante, malgré qu'elle soit formée d'un mot anglais d'usage courant, ne présente aucun lien avec les Services JUICE de l'Opposante. De même, le mot JUICE dans la Marque n'a aucun lien avec les Services de la Requérante. Bien que la Marque ait une partie graphique, elle comprend également le mot « mobile » qui est suggestif du type d'appareils visés par les Services, et j'estime que le slogan « putting brands in hands » fait simplement ressortir davantage « JUICE MOBILE ».

[64]           Le caractère distinctif d'une marque de commerce peut être renforcé par l'emploi ou la promotion de la marque au Canada. La demande est fondée sur l'emploi projeté. À la date pertinente, il n'y avait aucun emploi de la Marque.

[65]           La preuve de l'Opposante décrite ci-dessus établit un certain emploi de la Marque à la date pertinente. Les revenus de l'Opposante liés aux Services Juice de l'Opposante se sont élevés, au total, à plus de 12 millions de dollars avant la date pertinente et cette dernière a dépensé plus de 90 000 $ en publicité au cours de cette même période. L'Opposante offrait et continue d'offrir ses Services JUICE à divers clients dans l'ensemble du Canada. Pour toutes ces raisons, je conclus que la Marque était connue au Canada.

[66]           Ce facteur favorise l'Opposante.

            La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[67]           La demande est fondée sur l'emploi projeté, tandis que l'Opposante emploie sa marque de commerce JUICE depuis juin 2004. Ce facteur favorise l'Opposante.

            Le genre des produits et des services, et leurs voies de commercialisation

[68]           Une part importante de l'argumentation des parties concerne ces facteurs. J'ai déjà décrit ci-dessus, dans mon résumé des affidavits produits par chacune des parties, les entreprises respectives des parties et la nature de leur commerce.

[69]           La Requérante fait valoir qu'elle fournit des services de publicité et de marketing mobiles à des entreprises. Elle indique également dans son plaidoyer écrit que la Requérante aide les entreprises et les agences de publicité à préparer et à diffuser des campagnes de publicité et de marketing destinées à s'afficher sur les écrans d'appareils mobiles tels que des téléphones et des tablettes, alors que l'Opposante fournirait des services de post-production, de voix hors-champ et de bande-annonce pour les industries du cinéma, de la télévision et de la musique.

[70]           Je suis d'avis qu'il s'agit d'une interprétation plutôt étroite du genre des Services JUICE de l'Opposante. Comme l'a affirmé M. Buck, l'Opposante exploite une entreprise dont les activités consistent, entre autres, à créer, à rédiger et à produire du matériel de marketing pour des tiers, tout comme la Requérante. Il y a donc un recoupement dans le genre des services des parties. Il existe cependant une différence au niveau des plateformes de distribution : les Services de la Requérante sont destinés aux appareils mobiles, tels que les téléphones et les tablettes, tandis que les plateformes de distribution de l'Opposante sont iTunes, Netflix, et la vidéo à la carte (VOD) de Rogers. En somme, j'estime que certains des services des parties sont du même genre, à savoir ceux qui consistent à fournir du matériel de marketing à des tiers.

[71]           En fait, pendant son contre-interrogatoire, M. Wong a admis que la Requérante a conçu des publicités prenant la forme de petites bannières annonçant des films et étant destinées à s'afficher à l'écran d'appareils mobiles dans un format statique ou animé (voir les réponses aux questions 56 et suivantes).

[72]           Il existe également un recoupement entre les clients des parties. On constate que les parties fournissent toutes deux leurs services à Alliance, la CBC, Sony Pictures et Universal Music, lorsqu'on compare la liste des clients de la Requérante jointe comme pièce D à l'affidavit de M. Wong avec les clients de l'Opposante qui sont énumérés au paragraphe 11 de l'affidavit de M. Buck. Il y a donc également un recoupement entre les voies de commercialisation des parties.

[73]           En somme, je considère que ces deux facteurs favorisent l'Opposante.

            Le degré de ressemblance

[74]           Comme l'a fait observer la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques en cause constitue le facteur le plus important.

[75]           La Marque est une marque mixte formée des éléments « JUICE » et « MOBILE » ainsi que du slogan « putting brands in hands », en caractères beaucoup plus petits. Elle comprend également un élément graphique. Ce dernier est constitué de trois petits cercles qui se recouvrent partiellement l'un l'autre. Je ne considère pas que cet élément graphique est une partie dominante de la Marque. Les principaux éléments de la Marque sont donc « JUICE » et « MOBILE ». Or, le dernier de ces éléments décrit le type d'appareils électroniques visés par les services de publicité de la Requérante, c'est-à-dire ses services de publicité pour appareils électroniques mobiles, tels que les téléphones et les tablettes.

[76]           Le fait demeure que la Requérante a intégré la totalité de la marque de commerce de l'Opposante dans la Marque et qu'elle l'a fait d'une façon qui fait en sorte que les éléments supplémentaires, tels que le slogan à la fin de la Marque, font davantage ressortir JUICE MOBILE.

[77]           Je conviens avec l'Opposante que l'idée que la Marque suggère, à un consommateur canadien qui n'a qu'une vague connaissance de la marque de commerce JUICE de l'Opposante, est que les Services de la Requérante offerts en liaison avec la Marque sont une ramification des services offerts par l'Opposante, en ce qu'ils ciblent un segment particulier, à savoir le segment « mobile ».

[78]           En somme, je considère que le degré de ressemblance entre les marques est considérable et, par conséquent, ce facteur favorise l'Opposante.

            Autres circonstances de l'espèce

                          L'état du registre et du marché

[79]           La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en tirer des conclusions quant à l'état du marché [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst.)]. Des conclusions à propos de l'état du marché peuvent seulement être tirées de la preuve de l'état du registre si un grand nombre d'enregistrements pertinents a été repéré [voir Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[80]           Bien que Mme McElwee ait effectué ses recherches après la date pertinente, les résultats pourraient tout de même être pertinents si les références pertinentes trouvées figuraient déjà au registre à la date pertinente.

[81]           Sur les 201 références jointes à l'affidavit de Mme McElwee, lesquelles comprennent un certain nombre de doubles, sept sont invoquées par la Requérante et énumérées au paragraphe 29 de son plaidoyer écrit. De ces sept références, seulement cinq figuraient au registre à titre d'enregistrement à la date pertinente. La demande 1,544,811 pour la marque de commerce JUICEBOX et la demande 1,564,376 pour JUICEBOX. MUSIC FOR KIDS ont été produites après la date pertinente et étaient fondées sur l'emploi projeté. Par conséquent, je ne considère pas qu'elles sont pertinentes.

[82]           En tout, il n'y a donc que cinq références au registre qui comprennent le mot JUICE à titre d'élément de marque de commerce en liaison avec ce qui a été considéré par la Requérante comme des services apparentés. Ce nombre n'est pas suffisant pour me permettre de conclure que le mot « juice » était abondamment employé à la date pertinente à titre d'élément de marque de commerce en liaison avec le type de services offerts par les parties.

[83]           Je tiens à ajouter que j'ai pris pleinement connaissance du contenu de l'affidavit de Mme Shomody. Cependant, les recherches de Mme Shomody dans divers sites Web ont été effectuées après la date pertinente. Il n'y a au dossier aucune preuve que les extraits produits sont identiques à ce qu'on trouvait sur ces sites Web avant la date pertinente. De plus, étant donné qu'il s'agit de sites Web de tiers, la production de ces extraits n'équivaut pas à une preuve de leur contenu.

[84]           Par conséquent, la preuve de l'état du registre et du marché n'aide en rien la cause de la Requérante.

                          Absence de cas de confusion

[85]           Dans son affidavit, M. Wong allègue qu'il n'est au courant, et qu'il n'a été mis au courant, d'aucun cas de confusion. La date pertinente qui s'applique à ce motif d'opposition est, là encore, la date de production de la demande. Il n'y avait aucun emploi de la Marque à cette date, ce qui explique l'absence de cas de confusion. Même si j'appréciais ce facteur à une date ultérieure, la Requérante ne devrait pas moins s'acquitter du fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a pas de probabilité de confusion avec la marque de commerce de l'Opposante. L'Opposante n'a pas le fardeau de prouver l'existence de cas de confusion. Étant donné que le critère applicable est celui de la probabilité de confusion, l'absence d'une preuve de cas de confusion n'est pas fatale pour l'Opposante.

            Conclusion

[86]           Au terme de cette analyse, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'emploi de la Marque en liaison avec les Services à la date pertinente n'était pas susceptible de causer de la confusion avec la marque de commerce JUICE de l'Opposante, lorsqu'employée en liaison avec les Services JUICE de l'Opposante. J'arrive à cette conclusion du fait qu'il existe une certaine ressemblance entre les marques en cause et qu'il y a un certain recoupement entre les services des parties et entre leurs voies de commercialisation. L'ajout de MOBILE et d'un slogan a pour effet de faire ressortir l'élément JUICE.

[87]           Par conséquent, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'article 16(3)a) de la Loi.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

[88]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif d'opposition, l'Opposante doit démontrer que sa marque de commerce JUICE était devenue suffisamment connue au Canada à la date du 7 octobre 2012, c'est-à-dire à la date de la production de la déclaration d’opposition (la date pertinente pour l'appréciation de ce motif d'opposition), pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF 1re inst.)].

[89]           Compte tenu de cette date pertinente ultérieure, certains des éléments de preuve produits par les deux parties dont je n'ai pas tenu compte dans mon analyse des précédents motifs d'opposition, doivent être pris en considération dans l'analyse du présent motif d’opposition. Cependant, pour les raisons exposées ci-après, ces éléments de preuve supplémentaires n'ont pas d'incidence sur la conclusion à laquelle je suis parvenu, aux terme de mon analyse des précédents motifs d'opposition, quant à la probabilité de confusion entre la Marque lorsqu'employée en liaison avec les Services et la marque de commerce JUICE de l'Opposante.

[90]           S'agissant du fardeau initial de l'Opposante, l'Opposante peut s'appuyer sur la preuve supplémentaire de l'emploi de Marque décrite ci-dessous :

         Brochure du Festival international du film de Toronto produite comme pièce E de l'affidavit de M. Buck;

         Ventes supplémentaires de plus de 1,5 million de dollars;

         Dépenses publicitaires supplémentaires de plus de 11 000 $.

[91]           À la lumière de la preuve mentionnée dans mon analyse du précédent motif d'opposition et des éléments de preuve décrits à la fin du paragraphe qui précède, je conclus que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce JUICE était devenue connue dans une certaine mesure au Canada à la date du 17 octobre 2012, de manière à faire perdre à la Marque son caractère distinctif. Par conséquent, le fardeau est renversé et il incombe à la Requérante de démontrer, en dépit de cette preuve, que la Marque distinguait ou était adaptée à distinguer les Services des Services JUICE de l'Opposante à la date pertinente.

[92]           Je procéderai maintenant à l'analyse des critères pertinents à la date pertinente, et décrirai uniquement les éléments de preuve supplémentaires pertinents qui doivent être pris en considération étant donné la date pertinente ultérieure qui s'applique. Ce qui a été pris en compte dans l'analyse du précédent motif d'opposition demeure pertinent à l'égard du présent motif d'opposition.

            Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[93]           L'analyse du caractère distinctif inhérent des marques demeure la même. Toutefois, pour ce motif d'opposition, je dois prendre en considération la preuve de l'emploi de la Marque qui est décrite ci-dessus, et contenue dans l'affidavit de M. Wong, dans la mesure où cet emploi est antérieur au 17 octobre 2012.

[94]           La Requérante a produit une certaine preuve de l'emploi de la Marque, à savoir les éléments suivants :

         Pages du site Web de la Requérante produites comme pièce D1 de l'affidavit Wong qui datent d'août 2011;

         Annonce de la Marque publiée dans le numéro de septembre 2012 du Strategy Magazine produite comme pièce F2 de l'affidavit Wong;

         Propositions présentées à des clients potentiels produites par M. Wong comme pièces G1 à G6;

         Factures se rapportant aux Services produites comme pièces H1 et H2 de l'affidavit Wong;

         Communications électroniques (courriels) dans lesquelles figure la Marque produites comme pièce I de l'affidavit de M. Wong; et

         Communiqués de presse dans lesquels il est fait mention de la Marque produits comme pièces J1 à J3 de l'affidavit de M. Wong.

[95]           À la lumière de cette preuve, je conclus que la Marque était également employée au Canada pendant la période pertinente. Quant à la mesure dans laquelle elle était connue, il est difficile de savoir. La Requérante n'a pas fourni les revenus générés par les Services fournis en liaison avec la Marque pendant la période pertinente. M. Wong allègue des ventes de plus de 5 millions de dollars pour la période de juillet 2011 à juin 2013. Or, aucune ventilation par année n'est fournie; il est donc impossible de déterminer quelle proportion de ces ventes est antérieure à la date pertinente. Il en va de même pour les dépenses publicitaires.

[96]           Quant à l'emploi de la marque de commerce JUICE par l'Opposante, je peux ajouter plus de 1,5 million de dollars en ventes totales (période du 2 juillet 2011 au 2 juillet 2012, tel qu'il est mentionné au paragraphe 14 de l'affidavit de M. Buck) et une somme supplémentaire de 11 000 $ en dépenses publicitaires pendant cette même période (paragraphe 18 de l'affidavit de M. Buck).

[97]           Par conséquent, je conclus que la marque JUICE de l'Opposante était plus connue que la Marque à la date du 17 octobre 2012.

            La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[98]           La Requérante emploie la marque depuis le 5 mai 2011 tandis que l'Opposante emploie sa marque de commerce Juice depuis juin 2004. Ce facteur favorise l'Opposante.

            Le genre des produits et des services, et leurs voies de commercialisation

[99]           La preuve pertinente supplémentaire pour ce motif d'opposition, en particulier la preuve de l'emploi de la Marque par la Requérante décrite ci-dessus, appuie ma précédente conclusion selon laquelle il y a un recoupement entre les services des parties et leurs voies de commercialisation. Ce facteur favorise également l'Opposante.

            Le degré de ressemblance

[100]       La preuve pertinente supplémentaire pour ce motif d'opposition n'aurait aucune incidence sur l'analyse de ce facteur. Par conséquent, ce facteur favorise également l'Opposante.

            L'état du registre et du marché

[101]       Même si Mme McElwee et Mme Shomody ont effectué leurs recherches après la date pertinente, les références trouvées peuvent être pertinentes du moment qu'il existe une preuve que les références pertinentes figuraient déjà au registre à la date pertinente ou que les marques de commerce ou les noms commerciaux recherchés avaient déjà fait l'objet d'un certain emploi sur le marché à la date pertinente.

[102]       S'agissant de la preuve de l'état du registre, il est vrai que la demande 1,544,811 pour la marque de commerce JUICEBOX et la demande 1,564,376 pour JUICEBOX. MUSIC FOR KIDS ont été produites avant la date pertinente, mais elles étaient fondées sur un emploi projeté et n'avaient pas encore été approuvées par le registraire à la date pertinente. Par conséquent, je ne considère pas qu'elles sont pertinentes.

[103]       Quant aux recherches sur Internet de Mme Shomody, elles ont été effectuées le 25 juillet 2013, après la date pertinente. Il n'y a au dossier aucune preuve que les extraits produits sont représentatifs de ce qu'on pouvait voir sur ces sites Web à la date pertinente ou avant. En outre, comme je l'ai mentionné précédemment, étant donné qu'il s'agit de sites Web de tiers, la production de ces extraits n'équivaut pas à une preuve de leur contenu.

[104]       En somme, je conclus que la preuve de l'état du registre et du marché n'aide en rien la cause de la Requérante.

            Absence de cas de confusion

[105]       Je dois tenir compte du fait que les marques des parties ont coexisté pendant une période (5 mai 2011 au 17 octobre 2012). Comme je l'ai mentionné ci-dessus, M. Wong allègue qu'il n'est au courant, et qu'il n'a été mis au courant, d'aucun cas de confusion. Comme je l'ai expliqué précédemment, nous ne connaissons pas l'ampleur des ventes réalisées par la Requérante pendant cette courte période. Dans tous les cas, comme je l'ai indiqué plus haut, l'Opposante n'a pas le fardeau de prouver l'existence de cas de confusion. Le critère applicable demeure celui de la probabilité de confusion.

[106]       Dans tous les cas, j'estime que cette période de coexistence est trop courte pour que ce fait soit considéré comme un facteur pertinent à prendre en considération.

            Conclusion

[107]       Au terme de cette analyse, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque, lorsqu'employée en liaison avec les Services, distinguait ou était adaptée à distinguer les Services de ceux de tiers, y compris les Services JUICE de l'Opposante. J'arrive à cette conclusion pour des raisons analogues à celles exposées dans mon analyse du précédent motif d'opposition.

[108]       Par conséquent, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif de la Marque.

Motif d'opposition fondé sur l'article 16(3)c) de la Loi

[109]       L'Opposante ayant obtenu gain de cause relativement à deux motifs d'opposition distincts, il n'est pas nécessaire que je statue sur ce dernier motif d'opposition.

Décision

[110]       Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

_____________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

Aucune audience n'a été tenue.

 

Agents au dossier

 

Riches, McKenzie & Herbert LLP                                          Pour l'Opposante

 

Norton Rose Fulbright Canada LLP                                       Pour la Requérante

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