Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2010 COMC 192

Date de la décision : 2010-11-15

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Playboy Enterprises International Inc. à l'encontre de la demande no 1219213 pour la marque de commerce PLAY BODY au nom de Rick Worobec

[1]               Le 4 juin 2004, Rick Worobeck (le Requérant) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce PLAY BODY (la Marque). La demande est fondée sur l'emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et services suivants : vêtements, nommément sous-vêtements, maillots de bain; articles chaussants, nommément souliers.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans l'édition du Journal des marques de commerce du 15 décembre 2004. Le 14 février 2005, Playboy Enterprises International Inc. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles 38(2)a)/30e), 38(2)b)/12(1)d), 38(2)c)/ 16(3) et les articles 38(2)d)/ 2 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 [la Loi].

[3]               Le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration le 8 mars 2005.

[4]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Judy Kawal. Le Requérant a produit trois affidavits de Rick Worobec, datés du 15 mai 2006, du 16 juin 2006 et du 19 juin 2006. Aucun des auteurs d’affidavit n’a été contre-interrogé.

[5]               Seul le plaidoyer écrit de l’Opposante a été versé au dossier, et les deux parties ont participé à l’audience.

Fardeau de preuve

[6]               C’est au Requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l'Opposante doit s'acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués au soutien de chaque motif d'opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

Les dates pertinentes

[7]               Les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition sont les suivantes :

         alinéa 38(2)a)/alinéa 30e) - la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

         alinéa 38(2)b)/alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         alinéa 38(2)c)/ paragraphe 16(3) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)];

         alinéa 38(2)d)/absence de caractère distinctif - la date de production de l'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)];

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e)

[8]               L’Opposante a retiré ce motif d’opposition de son plaidoyer écrit. Je ne le considérerai donc pas.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[9]               Le motif d'opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) concerne la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce déposées de l'Opposante énumérées ci-dessous.

 

Marque de commerce

No d’enregistrement

Marchandises et services

PLAYBOY

LMC307887

Sous-vêtements, slips, maillots de bain,…

PLAYBOY

LMC267515

[traduction] Articles chaussants, nommément souliers pour hommes, femmes et enfants…

PLAYBOY

LMC140596

[traduction] Vêtements…

PLAYBOY

LMC290136

[traduction] Imperméables et manteau de pluie pour hommes et femmes…

PLAYBOY

LMC297190

[traduction] Jeans pour hommes et femmes, hauts tissés, hauts tricotés et sweatshirts pour homme

PLAYBOY

LMC546605

Gilets et nœuds papillon, ceintures de smoking et mouchoirs de poche

PLAYBOY & Dessin

LMC260719

[traduction] Articles chaussants, nommément souliers, bottes et pantoufles pour hommes, femmes et enfants.

 

[10]           Comme j’estime que les trois premières marques déposées PLAYBOY (c’est à dire LMC307887, LMC267515 et LMC140596) sont les plus pertinentes en l’espèce concernant la question de la probabilité de confusion, mon raisonnement portera donc sur ces marques de commerce et je les désignerai collectivement par la marque PLAYBOY lorsque nécessaire.

Le test en matière de confusion

[11]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, dont celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas forcément le même.

[12]           La Cour suprême du Canada a traité de la procédure à suivre pour évaluer toutes les circonstances de l'espèce qu'il convient d'examiner pour décider si deux marques de commerce créent de la confusion dans les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. C.P.R. (4th) 321, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 [Veuve Cliquot]. C’est en gardant à l’esprit ces principes généraux que j’analyserai maintenant les circonstances de l’espèce.

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[13]           Dans Playboy Enterprises Inc. c. Tattilo Editrice s.p.a. (1987), 14 C.P.R. (3d) 250 (C.O.M.C.) [Tattilo], l’ancien président Partington a fait le commentaire suivant concernant le caractère distinctif de la marque PLAYBOY de l’Opposante : [traduction] « En ce qui concerne le caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause, la marque de commerce PLAYBOY de l’Opposante employée en liaison avec des magazines est quelque peu suggestive du fait que le contenu des magazines de l’Opposante s’adresse aux jeunes hommes qui sont, ou qui voudraient être, des "playboys" ». Bien qu’en l’espèce l’Opposante ne se soit pas appuyée sur sa marque PLAYBOY enregistrée en liaison avec des magazines, j’estime que ces commentaires s’appliquent malgré tout aux marchandises enregistrées sur lesquelles l’Opposante s’est appuyée en l’espèce. Par exemple, j’estime que la marque PLAYBOY employée en liaison avec des sous‑vêtements donne à penser que les sous-vêtements sont destinés à des jeunes hommes qui voudraient être des « playboys ».

[14]           En revanche, la Marque ne semble pas suggestive des marchandises. Elle semble donc posséder un caractère distinctif plus fort que celui de la marque de l’Opposante.

[15]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’usage. La preuve présentée par l’Opposante montre clairement que sa marque de commerce PLAYBOY est devenue très connue au Canada. À cet effet, le témoignage de Judy Kawal, directeur des services Entreprise et Gestion des contrats de Playboy Enterprises International, Inc., qui a souscrit l’affidavit de l’Opposante, peut être résumé de la manière suivante :

         Bien que sa principale activité soit la distribution d’un magazine mensuel pour hommes, au fil du temps l’Opposante s’est développée en trois filiales différentes : publication, divertissement (c’est-à-dire télévision, dvd et services en ligne) et octroi de licence. Entre les années 1998-2004, le revenu annuel net de l’Opposante généré par les filiales susmentionnées a dépassé 277 millions de dollars.

         L’ensemble de l’entreprise des produits licenciés de l’Opposante génère plus de 600 millions de dollars de revenu total en ventes au détail dans plus de 130 pays et territoires, incluant le Canada.

         L’Opposante a accordé environ 20 licences en liaison avec la marque de commerce PLAYBOY pour être employée en liaison avec une grande variété de produits et de services vendus au Canada, en vertu desquelles l’Opposante contrôle les caractéristiques ou la qualité des marchandises et des services en liaison avec lesquelles la marque de commerce PLAYBOY est employée. Des copies de catalogues affichant la marque de commerce de l’Opposante en liaison avec, entre autres, des vêtements, des sous‑vêtements et des articles chaussants sont jointes à titre de pièce F à l’affidavit de Mme Kawal.

         Au cours des deux années précédent la date de l’affidavit de Mme Kawal, les ventes au détail pour les vêtements et les marchandises similaires de marque PLAYBOY au Canada étaient d’au moins 2 000 000 de dollars canadiens.

         À la date de l’affidavit de Mme Kawal, il y avait au moins 200 magasins au Canada qui vendaient des marchandises sous licences affichant la marque de commerce PLAYBOY.

         Les licenciés canadiens de l’Opposante font également beaucoup de publicité pour les marchandises sous licences en liaison avec la marque de commerce PLAYBOY de plusieurs manières différentes, y compris dans des catalogues, des publicités, des magazines à grand tirage, des feuillets publicitaires, des brochures et des concours promotionnels qui sont tous distribués ou accessibles aux consommateurs canadiens.

         L’Opposante est propriétaire de 34 enregistrements canadiens pour la marque PLAYBOY, employée soit seule soit en combinaison avec d’autres mots, pour usage en liaison avec une grande variété de marchandises et de services.

[16]           En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, je suis convaincue, sur la base de la preuve produite, que la marque de commerce PLAYBOY est devenue connue au Canada en liaison avec les vêtements et les produits similaires de l’Opposante. Comme le Requérant n'a fait la preuve d'aucun emploi de sa marque projetée, ce facteur milite en faveur de l'Opposante.

Alinéa 6(5)b) - La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[17]           Sur la base des dates de premier emploi revendiquées dans ses enregistrements Nos LMC140597, LMC267515 et LMC307887, l’Opposante a commencé à employer sa marque PLAYBOY en liaison avec des vêtements le 4 juin 1965, avec des articles chaussants le 19 mars 1982 et avec des sous-vêtements et des maillots de bain le 1er novembre 1985. Je remarque, cependant, que l’affidavit atteste uniquement de l’emploi de la marque PLAYBOY de l’Opposante en liaison avec certaines de ces marchandises au Canada en 2004 et après. Comme le Requérant n'a fait la preuve d'aucun emploi de sa marque, ce facteur milite en faveur de l'Opposante.

Alinéas 6(5)c) et d) le genre de marchandises et la nature du commerce

[18]           S’agissant de l’examen des marchandises, des services et du commerce des parties, c’est l’état déclaratif des marchandises ou services joint à la demande d’enregistrement du Requérant, telle que modifiée, et l’enregistrement de l’Opposante qu’il faut prendre en considération pour déterminer s’il y a confusion au sens de l’alinéa 12(1)d) [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

[19]           Les marchandises énumérées dans la demande du Requérant sont les suivantes : vêtements, nommément sous-vêtements, maillots de bain; articles chaussants, nommément souliers. Les enregistrements Nos LMC307887, LMC267515 et LMC140596 de l’Opposante visent une variété de vêtements comprenant des sous‑vêtements, des maillots de bain et des articles chaussants. Conséquemment, les marchandises en litige sont au moins partiellement identiques.

[20]           En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, le Requérant fait valoir que la marque de l’Opposante est liée au divertissement pour adulte tandis que la Marque vise tous les consommateurs, à savoir les hommes, les femmes et les enfants. Cependant, il n’y a aucune restriction quand aux voies de commercialisation dans l’état déclaratif des marchandises des deux parties. Mme Kawal déclare que les vêtements PLAYBOY et les marchandises similaires sont vendues dans des commerce de détail, tels que Bootleggers, Sears et Spencers, ainsi que dans une douzaine de boutiques de mode canadiennes telles que Te Koop et Over the Rainbow. Compte tenu de la nature identique des marchandises des parties et de l’absence de restrictions quant aux voies de commercialisation dans l’état déclaratif des marchandises de chacune des parties, on peut penser que les voies de commercialisation des parties peuvent se recouper.

Alinéa 6(5)e) - Le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son ou dans les idées qu'elles suggèrent

[21]           Il est un principe reconnu que le premier élément d'une marque de commerce est le plus pertinent pour l’appréciation de la probabilité de confusion [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 188].

[22]           En l’espèce, l’apparence des marques est très semblable parce que les deux commencent avec les six mêmes lettres, c’est-à-dire PLAYBO, et se terminent avec la lettre « Y ». Cependant, les marques ne possèdent pas le même degré de ressemblance quant au son, car les derniers éléments de chaque marque (à savoir BOY et BODY) se prononcent différemment.

[23]           Concernant les idées suggérées, la marque de l’Opposante est un mot du dictionnaire qui traduit l’idée d’un homme aux mœurs légères. En revanche, la marque du Requérant communique l’idée d’une personne ou d’un corps qui aime jouer ou avoir du plaisir.

Les circonstances de l’espèce

[24]           À titre de circonstance additionnelle, le Requérant s’est appuyé sur l’état du registre et il a produit l’affidavit de Rick Worobec souscrit le 15 mai 2006. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que lorsqu’on peut se fonder sur elle pour tirer des conclusions sur l’état du marché : voir la décision quant à la procédure d’opposition dans Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 et la décision dans Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). La décision Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.) revêt également une certaine importance, car elle appuie l’idée voulant que les conclusions sur l’état du marché ne peuvent être tirées qu’à partir de la preuve de l’état du registre lorsqu’un grand nombre d’enregistrements pertinents existent.

[25]           Des copies des enregistrements ou des demandes de marques de commerce suivantes ont été jointes à l’affidavit de M. Worobec souscrit le 16 mai 2006 : LITTLE PLAYMATE, enregistrement no LMC243495 en liaison avec des récipients portatifs pour la glace, la nourriture et les boissons; PLAYBOY, enregistrement no LMC159285 en liaison avec des couvre-chefs pour homme; PLAYGIRL, enregistrement nLMC589600 employé en liaison avec des magazines et PLAYGIRL, enregistrement no1156508 employé en liaison avec différentes marchandises appartenant à la catégorie des vêtements pour femme. Une seule de ces quatre marques déposées qui comprenait le mot PLAY et avait été déposée en liaison avec des marchandises appartenant à la catégorie des vêtements (à savoir l’enregistrement nLMC159285). La présence d’une marque de commerce dans le registre n’est pas pertinente en ce qui a trait à la question de la confusion entre les marques de commerce des parties.

[26]           Dans ses affidavits souscrits les 16 et 19 juin 2006, M. Worobec a présenté des éléments de preuve concernant l’emploi de la marque PLAYGIRL sur le marché. Indépendamment de la question du ouï-dire, la preuve de M. Worobec démontre au mieux que les vêtements PLAYGIRL étaient en vente chez certains détaillants en Colombie‑Britannique et en Alberta en mars et/ou en juin 2006. Aucune preuve concernant l’étendue de ces ventes ou la période pendant laquelle ces produits étaient vendus n’a été fournie. La preuve de M. Worobec ne permet donc pas de démontrer que les marques comprenant le mot PLAY ont été adoptées communément au Canada en liaison avec des vêtements. Conséquemment, la preuve de M. Worobec n’étaye que très peu la thèse du Requérant.

[27]           Comme circonstance pertinente additionnelle, l’Opposante fait valoir qu’à titre de marque célèbre, la marque PLAYBOY devrait bénéficier d’une protection plus grande que les marques qui ne sont pas aussi célèbres. L’Opposante s’appuie sur les preuves suivantes de l’emploi de la marque PLAYBOY pour étayer son argument :

         La marque de commerce a été employée par l’Opposante pendant plus de 55 ans en liaison avec le magazine PLAYBOY et pendant plus de 49 ans en liaison avec des vêtements;

 

         Le magasine PLAYBOY est devenu le magazine pour hommes le plus vendu au monde et un des périodiques les plus vendus de l’histoire, avec près de 15 millions de lecteurs chaque mois dans le monde, dont 65 000 lecteurs chaque mois au Canada;

 

         Les DVD et les vidéos domestiques PLAYBOY sont vendus dans 200 pays et territoires, dont le Canada;

 

         Les revenus pour les ventes au détail de l’entreprise de l’Opposante sont de plus de 600 millions de dollars US et cette dernière génère des revenus nets de plus de 310 millions de dollars US par année;

 

         Des millions de dollars sont dépensés chaque année pour promouvoir la marque de commerce PLAYBOY dans plusieurs médias, incluant la télévision, des magazines, des imprimés, des panneaux-réclame, des courriels et l’Internet, y compris par les licenciés canadiens de l’Opposante.

 

[28]           Les tribunaux ont reconnu que la marque PLAYBOY de l’Opposante est largement connue – voir Playboy Enterprises c. Germain (1978), 39 C.P.R. (2d) 32 (C.F 1re inst.); Playboy Enterprises Inc. c. Astro Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. (1978), 46 C.P.R. (2d) 87 (C.O.M.C.). Dans ces affaires, toutefois, le fait que la marque de l’Opposante était mondialement connue ne pouvait pas être considéré comme un facteur important au point de rendre non pertinentes les différences entre les marchandises et les services (c’est-à-dire entre des magazines et des services de coiffure pour hommes et pour femmes et entre des magazines et des pneus de voitures). Le fait que la marque de l’Opposante était très connue, jumelé aux similarités entre les marchandises des parties, a cependant aidé l’Opposante dans l’affaire Tattilo, où la Cour a conclu qu’il y avait probabilité de confusion entre la marque PLAYMEN employée en liaison avec des magazines et la marque PLAYBOY, employée aussi avec des magazines.

[29]           L’Opposante s’appuie également sur une décision de la Commission d’appel américaine en matière de marques de commerce (CAAMC) concernant une opposition introduite par l’Opposante contre la demande correspondante du Requérant présentée aux États-Unis. Dans cette décision, la Commission a écrit ce qui suit aux pages 16 et 17 :

[traduction] Compte tenu de la notoriété de la marque PLAYBOY de l’Opposante, du type de marchandises et de la similarité entre les marques, nous concluons que l’emploi par le Requérant de la marque PLAY BODY, en liaison avec des  « vêtements, nommément sous-vêtements, maillots de bain; articles chaussants, nommément souliers » risque de créé de la confusion avec la marque PLAYBOY en liaison avec des vêtements, incluant de la lingerie, des caleçons, des maillots de bain et des articles chaussants.

Playboy Enterprises International, Inc. c. Rick Worobec (18 mars 2008 CAAMC (non publiée), opposition no 91165814, 18 mars 2008, aux p. 16-17).

[30]           Je tiens à faire remarquer que la valeur jurisprudentielle d’une décision rendue par un tribunal étranger est faible dans le cadre d’une opposition canadienne [voir Cantine Torresella S.r.L. c. Carbo (1987), 16 C.P.R. (3d) 137 (C.F. 1re inst.)]. Je fais également remarquer que les droits canadiens et américains sont différents et que la preuve présentée dans l’instance américaine aurait probablement été différente de celle présentée en l’espèce. Cependant, compte tenu du fait que la CAAMC a considéré un grand nombre de questions identiques aux questions en litige en l’espèce, je suis son raisonnement, dans une certaine mesure.

[31]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la marque de l’Opposante est grandement connue au Canada et que ce facteur constitue une circonstance pertinente en l’espèce.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[32]           Le test applicable est celui de la première impression que laisse dans l'esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de PLAY BODY sur les sous-vêtements, les maillots de bain ou les articles chaussants du Requérant, alors qu'il n'a qu'un vague souvenir des marques de commerce PLAYBOY de l'Opposante et qu'il ne s'arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [voir Veuve Clicquot].

[33]           Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, et particulièrement de la très grande notoriété de la marque PLAYBOY de l’Opposante, du fait que certaines des marchandises sont identiques et du grand degré de ressemblance entre les marques en raison de leur apparence, j’estime qu’un consommateur pourrait, à première vue, penser que les marchandises employées en liaison avec les marques de commerce PLAYBOY et PLAY BODY ont été fabriquées, vendues ou exécutées par la même personne.

[34]           Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) est accueilli.

Autres motifs d’opposition

[35]           Les autres motifs d'opposition reposent également sur l'examen de la question de la confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante. Les dates pertinentes pour évaluer la probabilité de confusion en ce qui concerne les motifs fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif sont, respectivement, la date de production de la demande du Requérant et la date de l’opposition. À mon avis, les différences entre les dates pertinentes n’ont pas une incidence importante sur la conclusion quant à la question de la confusion entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, la conclusion que j’ai tirée ci-dessus, selon laquelle il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce, s’applique à ces motifs d’opposition, lesquels sont également accueillis.

Décision

[36]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

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