Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

BW v2 Logo

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 165

Date de la décision : 2015-09-24

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Koi Design LLC

Partie requérante

et

 

9155406 Canada Inc.

Propriétaire inscrite

 

 

 



 

LMC713,262 pour la marque de commerce BLACK KOI

 

Enregistrement

[1]               Le 5 juin 2013, à la demande de Koi Design LLC (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Twin Heart Clothing Inc./Vêtements Twin Heart Inc. (la Propriétaire), qui était alors la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC713,262 de la marque de commerce BLACK KOI (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée en liaison avec les produits suivants [Traduction] : Pantalons, pantalons sport, jeans, shorts, chemises, tee-shirts, chandails, vestes, blazers pour femmes, hommes et enfants ainsi que robes, chemisiers et jupes pour femmes et fillettes

[3]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 5 juin 2010 au 5 juin 2013.

[4]               La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, au moment du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que l'article 45 de la Loi a pour objet et portée d'offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort » et qu'à ce titre, le niveau de preuve auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire pour établir l'emploi est peu élevé [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270].

[6]               En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Clifford Isenberg, président de la Propriétaire, souscrit le 29 août 2013, à Montréal. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; la tenue d'une audience n'a pas été sollicitée. Après la production des représentations écrites, une cession de l'enregistrement de la Propriétaire à 9155406 Canada Inc. a été portée au registre par le registraire. Cette cession n'est pas en cause dans la présente procédure.

La preuve de la Propriétaire

[7]               Dans son affidavit, M. Isenberg atteste que la Propriétaire se spécialise dans [Traduction] « l'importation, la fabrication, la promotion, la mise en vente, la vente et la distribution au Canada et aux États-Unis d'articles et d'accessoires vestimentaires pour femmes et fillettes ». Plus particulièrement, il atteste que, depuis 2008, la Propriétaire offre en vente au Canada des pantalons, des chemisiers, des vestes, des jupes et des chandails pour femmes en liaison avec la Marque.

[8]               À l'appui, il a joint à son affidavit, 16 factures représentatives faisant état de ventes à Winners Apparel Ltd. Les factures portent toutes une date comprise dans la période pertinente. Ainsi que l'atteste M. Isenberg, les factures font état de la vente et de l'expédition de grandes quantités de pantalons, de chemisiers, de vestes, de jupes et de chandails pour femmes de styles variés à un établissement Winners de Toronto.

[9]               En ce qui concerne la façon dont la Marque était affichée, M. Isenberg atteste qu'au moment de la vente et de la livraison des vêtements, une étiquette ou une étiquette volante était fixée ou jointe à chaque article. Un exemple d'une telle étiquette est joint comme pièce 2 à son affidavit; un exemple d'étiquette volante est joint comme pièce 3. Les représentations de la marque de commerce qui figurent respectivement sur chacune des étiquettes produites comme pièces sont les suivantes :

                              

[10]           Je souligne qu'aucune preuve n'a été produite relativement aux autres produits spécifiés dans l'enregistrement, c'est-à-dire les produits autres que les pantalons, chandails, vestes, chemisiers et jupes pour femmes.

Analyse

[11]           Dans ses représentations écrites, la Propriétaire concède qu'elle n'employait pas la Marque en liaison avec [Traduction] « des vêtements pour hommes, enfants et fillettes, ou des pantalons sport, des jeans, des shorts, des chemises, des tee-shirts ou des robes pour femmes ». Le défaut d'emploi en liaison avec des « blazers » n'est pas expressément admis dans les représentations écrites, mais il semble s'agir d'une omission involontaire de la part de la Propriétaire. Dans tous cas, comme je l'ai indiqué ci-dessus, il n'est nulle part fait mention des « blazers » dans la preuve produite. Puisque je ne dispose d'aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi, l'enregistrement sera modifié en conséquence.

[12]           En ce qui a trait aux produits à l'égard desquels M. Isenberg allègue l'emploi de la Marque, la Partie requérante formule trois observations. Elle souligne, en premier lieu, que les factures n'arborent la Marque d'aucune façon. En deuxième lieu, elle affirme que la preuve n'établit pas clairement l'emploi d'une quelconque marque de commerce par la Propriétaire. En troisième lieu, elle soutient que la marque de commerce qui était véritablement affichée n'était pas la Marque telle qu'elle est enregistrée.

Factures

[13]           S'agissant de la première question, comme l'a souligné la Propriétaire, il n'est pas nécessaire que les factures arborent la marque de commerce en cause. En l'espèce, les factures corroborent l'affirmation de M. Isenberg concernant le transfert des produits pendant la période pertinente. En outre, la déclaration de M. Isenberg selon laquelle les étiquettes et étiquettes volantes produites comme pièces étaient fixées ou jointes à ces produits doit être prise à la lettre, car il convient, dans le cadre d'une procédure en vertu de l'article 45, d'accorder une crédibilité substantielle aux déclarations contenues dans un affidavit [voir Ogilvy Renault c Compania Roca-Radiadores SA, 2008 CarswellNat 776 (COMC)].

Emploi par la Propriétaire

[14]           En ce qui a trait à la deuxième question, la Partie requérante soutient que rien n'indique que les produits vestimentaires vendus à Winners ont été fabriqués par la Propriétaire ou par une entité sous son contrôle. La Partie requérante émet l'hypothèse que les produits aient pu être fabriqués par une entité juridique distincte, auquel cas la Propriétaire n'aurait exercé [Traduction] « aucun contrôle sur les caractéristiques ou la qualité du produit apparemment vendu à Winners ». Elle soumet également que cette [Traduction] « ambiguïté apparente aurait pu été atténuée par la production d'exemples des vêtements qui ont véritablement été vendus ». Partant, la Partie requérante soutient que puisque [Traduction] « il n'y a aucune preuve quant à l'identité du fabricant et aucun exemple des produits véritablement vendus », l'enregistrement devrait être radié dans sa globalité.

[15]           Bien que la Partie requérante invoque l'article 50 de la Loi en soulevant la question de savoir si la Propriétaire exerçait [Traduction] « un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des produits », il n'est pas question d'un emploi sous licence en l'espèce. Comme l'a fait observer la Propriétaire dans ses représentations écrites, la question de savoir si la Propriétaire a elle-même fabriqué les produits n'est pas pertinente en l'espèce. Il n'est nul besoin de savoir si la Propriétaire a ordonné que les étiquettes et étiquettes volantes soient fixées aux produits ou si elle a elle-même fixé les étiquettes et étiquettes volantes aux produits. Le fait qu'il existe une ambiguïté à cet égard n'a pas d'incidence sur la question de savoir si la marque de commerce en cause a été employée par sa propriétaire inscrite. En l'espèce, les produits ont, dans les faits, été vendus par la Propriétaire et arboraient, au moment de leur transfert, une variante de la marque de commerce en cause. Par conséquent, pour les besoins de la présente procédure, tout emploi de la Marque est considéré comme étant le fait de la Propriétaire elle-même.

[16]           En réalité, lorsqu'elle soulève la question de savoir qui a fabriqué les vêtements « BLACK KOI », la Partie requérante met en doute le droit de la Propriétaire à l'enregistrement. Or, la procédure prévue à l'article 45 n'est pas un moyen supplémentaire de s'opposer à une marque de commerce en dehors de la procédure inter partes habituelle [United Grain Growers c Lang Michener (2001), 12 CPR (4th) 89 (CAF)]. Comme l'a souligné la Cour d'appel fédérale dans Ridout & Maybee LLP c Omega SA (2005), 43 CPR (4th) 18 (CAF), la validité de l'enregistrement n'est pas en cause dans une procédure en vertu de l'article 45. Les questions relatives à la propriété sont plus adéquatement traitées par la Cour fédérale sur présentation d'une demande en vertu de l'article 57. Ainsi, la nature de la relation qui existe entre la Propriétaire et le véritable fabricant des produits spécifiés dans l'enregistrement – s'il s'agit effectivement d'une entité distincte – est une question qui dépasse la portée de la présente procédure.

Variation

[17]           La véritable question en l'espèce est celle de savoir si la marque de commerce qui figure sur les étiquettes et les étiquettes volantes qui sont reproduites ci-dessus constitue un affichage de la Marque telle qu'elle est enregistrée. Il est bien établi que lorsque la marque qui est employée diffère de la marque qui est enregistrée, la question à se poser est celle de savoir si la marque a été employée d’une manière telle qu’elle a conservé son identité et est demeurée reconnaissable malgré les différences entre la forme sous laquelle elle est enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)]. Pour trancher cette question, il faut se demander, et il s'agit là d'une question de fait, si les « caractéristiques dominantes » de la marque de commerce ont été préservées [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[18]           La Partie requérante soutient que le changement [Traduction] « de BLACK KOI pour BLACKOI n'est clairement pas une modification mineure, mais bien un changement important dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées », à tel point que [Traduction] « les consommateurs ne considéreraient pas qu'il s'agit de la même marque ».

[19]           À l'appui, elle cite Convenience Food Industries (Private) Ltd c Clic International Inc, 2011 CF 1338, 97 CPR (4th) 420 et Diamant Elinor Inc c 88766 Canada, 2010 CF 1184, 90 CPR (4th) 428. Or, ces affaires portaient toutes deux sur des enregistrements de marques figuratives dont les éléments distinctifs avaient été retranchés des marques de commerce qui étaient employées. Dans Convenience Food, l'enregistrement en cause comprenait un dessin de palmier qui était considéré comme aussi dominant que la partie nominale de la marque de commerce déposée; dans Diamant Elinor, la marque de commerce déposée prenait la forme d'une signature particulière tandis que la marque de commerce qui était employée était écrite en caractères ordinaires et accompagnée d'un dessin de panthère distinctif. Ces affaires sont donc différentes et ni l'une ni l'autre ne s'appliquent directement à la présente affaire.

[20]           Je soulignerai d'abord qu'en l'espèce, lorsqu'on y regarde de plus près, on constate que, sur les étiquettes et étiquettes volantes, la lettre K est, en fait, « doublée » : le premier K est partiellement superposé au deuxième K. Ce doublage est, peut-être, trop subtil pour permettre d'affirmer que la Marque est affichée telle qu'elle est enregistrée. En effet, le registraire a déjà jugé qu'une modification de cet ordre peut être fatale si la marque nominale n'est plus reconnaissable [voir LG Electronics c Valgear Inc, 2013 COMC 256, 113 CPR (4th) 430 pour la marque de commerce LG GEAR]. Dans cette affaire, ce que la propriétaire de la marque décrivait comme un « double G » dans son logo stylisé correspondait, en réalité, davantage à une bordure autour de la lettre G qu'à une deuxième lettre G complète. De ce fait, le registraire a conclu que le public, à la première impression, percevrait la marque de commerce comme « LGear ».

[21]           Dans tous les cas, chaque affaire doit être jugée en fonction des faits qui lui sont propres. En l'espèce, je souligne que la marque de commerce qui est affichée en liaison avec les produits n'est pas simplement BLACKOI, comme l'affirme la Partie requérante. Le mot KOI est séparé des lettres BLAC au moyen d'un arrière-plan foncé, aussi bien sur les étiquettes que sur les étiquettes volantes. Comme l'a souligné la Propriétaire, les modifications apportées ne changent pas la prononciation ou l'idée suggérée. Même si, à la première impression, le public ne voyait pas le « double » K, il reste que le caractère gras de la lettre K renforce la capacité à percevoir deux mots et donne l'impression que l'étiquette devrait se lire comme « BLACK KOI ». Tout au plus, la lettre K du mot BLACK est-elle absente de la marque de commerce qui est affichée. À mon sens, il s'agit d'une variation mineure par rapport à la Marque telle qu'elle est enregistrée.

[22]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les produits [Traduction] « pantalons, ... chandails, vestes, ... chemisiers et jupes pour femmes » au cours de la période pertinente, au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Décision

[23]           En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l'article 45, l’enregistrement sera modifié afin de radier les produits [Traduction] : « Pantalons, pantalons sport, jeans, shorts, chemises, tee-shirts, ..., blazers pour hommes et enfants ainsi que robes pour femmes et fillettes ».

[24]           L’état déclaratif des produits modifié sera rédigé comme suit [Traduction] : « Pantalons, chandails, vestes, chemisiers et jupes pour femmes ».

______________________________

Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

Date de l’audience : Aucune audience tenue

 

Agents au dossier

 

Kaufman Laramée                                                                   Pour la Propriétaire inscrite

 

Smart & Biggar                                                                        Pour la Partie requérante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.