Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2013 COMC 127

Date de la décision : 2013-07-25
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Arbor Memorial Services Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1338668 pour la marque de commerce ARBOR au nom de NewPage Wisconsin System Inc.

[1]               Le 9 mars 2007, le Requérant, NewPage Wisconsin System Inc. (sous son nom antérieur, Stora Enso North America Corporation), a déposé une demande en vue d’enregistrer la marque de commerce ARBOR (la Marque). La demande est fondée sur une double base, soit l’emploi projeté au Canada et l’usage en cours aux États-Unis sous le numéro d’enregistrement américain no 3683488 en liaison avec les marchandises suivantes, dans la version modifiée (les Marchandises) :

Papier de qualité pour la publication de magazines; papier d’impression couché; papier d’impression, nommément papier comprimé et papier à catalogue; papier fin, nommément papier d’imprimerie; tous les produits susmentionnés sont destinés à l’industrie de l’impression commerciale et ne peuvent pas faire l’objet de vente directe aux salons funéraires et aux crématoriums.

[2]               La demande, qui revendique également le 20 septembre 2006 comme date de priorité, a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 16 février 2011.

[3]               Le 18 juillet 2011, Arbor Memorial Services Inc. (l’Opposant) a déposé une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition invoqués peuvent être résumés de la manière suivante :

         Conformément aux alinéas 38(2)a) et 30e) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T-13) (la Loi), le Requérant a utilisé la Marque en liaison avec les Marchandises avant la date de production de la demande et a omis de déclarer cet usage dans sa demande; la demande est donc à première vue invalide.

         Aux termes des alinéas 38(2)a) et 30i) de la Loi, à la date de production de la demande, le Requérant aurait dû être pleinement conscient des droits existants de l’Opposant à l’égard de sa marque de commerce et de son nom commercial ARBOR. Si le Requérant avait effectué une recherche avant de produire sa demande d’enregistrement, il aurait été au courant des éléments d’enregistrement ARBOR antérieurement utilisés au Canada. Si aucune recherche sur les droits antérieurs n’a été entreprise à la date de production, le Requérant ne peut pas avoir fait à juste titre la déclaration relative au droit à l’enregistrement, sans savoir si des conflits avec les droits de tierces parties pouvaient survenir. Dans le cas où la déclaration a été faite sans égard aux droits conflictuels connus de tierces parties ou sans connaître l’existence des droits possiblement litigieux, alors le Requérant a enfreint le sens réel de l’alinéa 30i).

         Conformément aux alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec les marques de l’Opposant suivantes, toutes deux enregistrées en liaison avec des « services de pompes funèbres et de salon funéraire, services d’incinération, services de cimetière » :

o   ARBOR MEMORIAL SERVICES, no d’enregistrement LMC553551;

o   ARBORCARE, no d’enregistrement LMC552535.

         Aux termes des alinéas 38(2)c), 16(3)a) et 16(3)c) de la Loi, le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque étant donné qu’à la date de production de la demande et à toutes les dates pertinentes, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce ARBOR de l’Opposant et les noms commerciaux pour les services Arbor, Arbor Memorial et Arbor Memorial Services Inc, lesquels ont été antérieurement utilisés au Canada pour la prestation de services de pompes funèbres et de services de salons funéraires et pour la distribution de marchandises connexes, notamment les publications imprimées, les brochures commerciales, les dépliants, les affiches fixes et les albums.

         Aux termes de l’alinéa 38(2)d) et 2 de la Loi, la Marque ne permet pas de distinguer le Requérant pour toutes les raisons susmentionnées et elle ne peut pas servir de marque de commerce pour distinguer les Marchandises des marchandises et des services de l’Opposant, de même qu’elle n’a pas été adaptée pour ce faire.

[4]               Le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration niant les allégations de l’Opposant et en exigeant la preuve.

[5]               Pour étayer son opposition, l’Opposant a déposé les affidavits de Gary Carmichael, vice-président des Affaires gouvernementales et corporatives et responsable de la confidentialité de l’Opposant, de David Lipson, un détective privé dont les services ont été retenus par l’agent de l’Opposant, et de Joanne Berent, une bibliothécaire de référence au service de l’Opposant. Aucun des déposants n’a participé à un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit. Le Requérant n’a produit aucun élément de preuve.

[6]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit; il n’y a pas eu d’audience orale.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[7]               Le Requérant a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposant de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re instance), à 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

[8]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition soulevés sont les suivantes :

         Alinéa 38(2)a) et article 30 — la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d), de 469 à 475 (COMC) et Tower Conference Management Co c. Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 C.P.R. (3d), de 428 à 432 (COMC)].

         Alinéas 38(2)b) et 12(1)d) — la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), 413 (C.A.F.)];

         Alinéa 38(2)c) et paragraphe 16(3) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)];

         Alinéa 38(2)d) et article 2 — la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Motifs d’opposition aux termes de l’article 30

Non-conformité à l’alinéa 30b) de la Loi

[9]               En ce qui a trait à la non-conformité à l’alinéa 30b) de la Loi, il est plutôt facile pour l’Opposant de s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe, étant donné que les faits entourant le premier emploi par le Requérant relèvent précisément du savoir du Requérant [voir Tune Masters c. Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1996), 10 C.P.R. (3d) 84 (COMC), 89].

[10]           Comme il est indiqué dans le résumé des motifs d’opposition plus haut, l’assertion de l’Opposant à l’égard de la non-conformité aux alinéas 38(2)a) et 30b) de la Loi s’articule autour de l’affirmation que le Requérant a utilisé la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises avant la date de production de la demande et a omis de déclarer cet emploi dans sa demande. L’Opposant affirme que la demande est donc à première vue invalide et qu’elle doit être repoussée [Frisco-Findus SA c. Diners Delight Foods Ltd (1989), 26 C.P.R. (3d), 556 à 557-8 (COMC), et Rebel Slacks Co c. Couture Dom Rebel SENC, 2012 (COMC), 106, paragr. 14]. Je souligne que ce motif d’opposition ne vise que l’usage projeté revendiqué dans la demande pour la Marque.

[11]           Pour appuyer son affirmation, l’Opposant a déposé l’affidavit de David Lipson, un détective privé à l’emploi de Mitchell Partners Investigation Services et dont les services ont été retenus par l’agent de l’Opposant.

[12]           Dans son affidavit, M. Lipson mentionne que le 30 janvier 2012, il a fait deux appels téléphoniques, le premier au siège social du Requérant, situé à Miamisburg en Ohio, et le second à Unisource Canada Inc. (Unisource), un fournisseur de papier d’impression au Canada. En ce qui a trait au premier appel, il explique qu’il a discuté avec un spécialiste des produits, Dane Zimmerman, qui travaille au Service à la clientèle du Requérant. Il affirme que M. Zimmerman lui a confirmé que les produits de papier de marque ARBOR du Requérant étaient en vente au Canada en 2006, par le biais de son distributeur canadien, Unisource. M. Lipson poursuit en disant qu’il a alors téléphoné à Unisource et a discuté avec Tyler Pearson, gestionnaire de comptes à Unisource. Il souligne que M. Pearson a confirmé qu’Unisource vendait la marque de papier ARBOR du Requérant au Canada en 2006.

[13]           Le Requérant allègue que cette preuve n’est qu’une rumeur et qu’elle ne répond pas aux critères de nécessité et de fiabilité [PS Partsource Inc c. Canadian Tire Corp (2001), 11 C.P.R. (4th) 386 (C.A.F.); Labatt Brewing Co c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. Plus précisément, le Requérant affirme que les renseignements transmis par M. Lipson par des tiers ne sont pas fiables, puisqu’il n’y a aucune description des tâches des interlocuteurs en question et que ces personnes avec qui M. Lispon a parlé pourraient avoir été induites en erreur ou pourraient ne pas connaître tous les faits [voir BlackIce by Design Inc c. Molson Canada 2005, 2010 (COMC) 211]. Étant donné que la véracité de ces renseignements ne peut pas être vérifiée, le Requérant affirme que la preuve est une rumeur sur laquelle on ne peut pas se fier et que, conséquemment, on ne devrait pas y accorder de poids [selon The Law of Evidence in Canada, 2e éd. Sopinka, Lederman, Bryant (Toronto: Butterworths, 1999), page 175].

[14]           M. Lipson a également joint les résultats d’une recherche effectuée sur Google pour « NEWPAGE ARBOR 2006 ». La preuve A est une impression de la première page des résultats obtenus pour cette recherche. La preuve B comprend des impressions de deux articles trouvés durant la recherche; ces articles traitent de la disponibilité des produits de marque ARBOR de l’Opposant en 2006.

[15]           Le Requérant affirme que ces articles font référence à la société NewPage Corporation, et non pas à lui (NewPage Wisonsin System Inc.). Le Requérant estime par ailleurs que même s’il existait un lien entre NewPage Corportation et lui, l’Opposant n’a pas déposé de preuve l’étayant. Le Requérant affirme également que dans tous les cas, les articles soumis dans la preuve B font largement référence aux consommateurs américains. Bien que la preuve B fasse effectivement référence à la gamme de produits ARBOR en 2006, rien dans cette preuve n’appuie l’usage de la gamme de produits ARBOR au Canada en 2006.

[16]           L’Opposant explique que cette preuve est suffisante pour s’acquitter du fardeau de preuve initial pour ce motif d’opposition. En outre, l’Opposant allègue que puisque le Requérant a omis de déposer quelque preuve que ce soit, il ne peut en aucun cas remplir son fardeau de persuasion pour prouver la conformité à l’alinéa 30b); par conséquent, la demande doit être repoussée.

[17]           Bien qu’une grande partie de la preuve soumise par M. Lipson soit bel et bien une rumeur, j’accepte d’y accorder un certain poids pour les raisons suivantes. Tout d’abord, comme je le soulignais plus haut, les faits entourant le premier emploi du Requérant font ostensiblement partie du savoir du Requérant, un argument de poids quant à la nécessité de la preuve. En outre, je constate que les déclarations faites à M. Lipson proviennent d’un employé du Requérant et d’un employé du distributeur canadien du Requérant. Contrairement à la situation analysée dans BlackIce by Design (supra), ces employés sont précisément nommés et identifiés par le titre de leur emploi; ces deux renseignements impliquent des tâches qui demandent une connaissance des produits du Requérant. Également, les déclarations de ces deux personnes ne sont pas incohérentes l’une par rapport à l’autre. Finalement, je souligne que M. Lipson n’a pas participé à un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit, et que le Requérant n’a pas présenté de preuve contredisant ou réfutant celle de M. Lipson.

[18]           Étant donné qu’il n’y a pas eu de contre-interrogatoire et que la preuve du Requérant ne contredit pas les allégations, je suis prête à accorder une certaine valeur aux déclarations faites à M. Lipson à l’égard des ventes des produits de papier de marque ARBOR du Requérant au Canada, et j’estime que la preuve est suffisante pour jeter un doute sur la véracité de la revendication relative à l’usage projeté du Requérant. Ainsi, il importe peu si les articles de la preuve B font bien référence au Requérant ou à une autre entité.

[19]           Puisque l’Opposant s’est acquitté de son fardeau initial pour ce motif d’opposition, je dois maintenant évaluer si le Requérant a pour sa part prouvé, selon son fardeau de persuasion, qu’au moment de sa production, la demande était conforme à l’alinéa 30b) de la Loi. Le Requérant n’a pas déposé de preuve à cet effet; par conséquent, il ne s’est pas acquitté de son fardeau de persuasion. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi est donc retenu, ce qui rend invalide la revendication relative à l’usage projeté.

[20]           Avant que je ne poursuive avec l’analyse des autres motifs d’opposition, j’aimerais ajouter que l’Opposant n’a pas invoqué le fait que la demande ne se conforme pas aux dispositions de l’alinéa 30d) de la Loi; en conséquence, il n’a pas remis en doute la revendication du Requérant aux termes du paragraphe 16(2) basée sur l’emploi aux États-Unis d’Amérique sous le numéro d’enregistrement américain 3683488. Ainsi, la demande peut toujours être traitée comme revendication aux termes du paragraphe 16(2), en fonction des résultats obtenus pour les autres motifs d’opposition.

Non-conformité à l’alinéa 30i) de la Loi

[21]           Lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC), à 155]. Dans le présent cas, le Requérant a fourni la déclaration exigée et il ne s’agit pas de circonstances exceptionnelles; le motif d’opposition aux termes de l’alinéa 30i) est donc rejeté.

Motifs d’opposition aux termes de l’alinéa 12(1)d)

[22]           On estime que l’Opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve en lien avec le motif d’opposition aux termes de l’alinéa 12(1)d) si l’enregistrement sur lequel il se base est en règle. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre pour confirmer l’existence des enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (COMC)]. J’ai fait appel à ce pouvoir discrétionnaire et je peux confirmer que les enregistrements de l’Opposant sur lesquels repose le présent motif d’opposition sont toujours existants. L’Opposant s’est donc acquitté de son fardeau de preuve.

[23]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[24]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. La liste des facteurs énumérés ci-haut n’est pas exhaustive, et il n’est pas nécessaire d’accorder à chacun d’entre eux la même valeur [voir, en général, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (CSC); et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 96 C.P.R. (4th) 361 (CSC)].

Alinéa 6(5)a) — Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[25]           La Marque est l’équivalent phonétique du mot anglais « arbour »; ce nom est défini dans le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition comme une alcôve ombragée dans un jardin, dont les côtés et le dessus sont formés par des arbres ou des plantes grimpantes, ou encore comme une charmille. La Marque ne comporte pas de sens particulier en liaison avec les Marchandises, et elle possède donc un certain caractère distinctif inhérent.

[26]           Les marques de l’Opposant sont formées du même élément, ARBOR, combiné à d’autres éléments descriptifs des services offerts par l’Opposant. Tout comme dans le cas de la Marque, étant donné la définition du mot anglais « arbour », citée plus haut, le terme ne semble pas avoir de sens particulier en lien avec les services de l’Opposant. Ainsi, les marques de l’Opposant possèdent également un certain caractère distinctif inhérent en raison de l’inclusion de ce mot fondamentalement distinctif, ARBOR. Toutefois, les autres mots sont descriptifs et, par conséquent, le caractère distinctif inhérent des marques de l’Opposant est quelque peu moins prononcé que celui de la Marque.

[27]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître au Canada par la promotion ou l’usage.

[28]           Je n’ai pas reçu de preuve relative à la promotion ou à l’usage de la marque de commerce ARBORCARE de l’Opposant. Bien qu’il soit vrai que l’enregistrement no LMC552535 de l’Opposant revendique un emploi au Canada depuis au moins janvier 1993, cela ne me permet de conclure qu’à un emploi minimal de cette marque [voir Entre Computer Centers, Inc c. Global Upholstery Co (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (COMC)]. L’emploi minimal n’étaye pas la conclusion que la marque de commerce ARBORCARE de l’Opposant était réputée dans une mesure importante.

[29]           M. Carmichael a fourni la preuve quant à l’emploi et à la promotion de la marque ARBOR MEMORIAL SERVICES de l’Opposant (LMC553551). Dans son affidavit, M. Carmichael énonce que l’Opposant œuvre dans l’industrie depuis plus de soixante ans. Il souligne que la marque ARBOR MEMORIAL de l’Opposant a été utilisée abondamment dans le cadre de la promotion et de l’offre des services et des marchandises de l’Opposant à ses clients et à ses partenaires d’affaires. Pour étayer ces affirmations, il fournit les chiffres des ventes annuelles pour les années 2005 à 2011 ainsi que les statistiques sur les parts de marché et des exemples d’utilisation de la marque ARBOR MEMORIAL SERVICES dans les documents promotionnels ou descriptifs des produits (preuves A, B, C et E). À partir de cette preuve, j’accepte le fait que la marque ARBOR MEMORIAL SERVICES était réputée dans une certaine mesure au Canada en liaison avec les services inscrits de l’Opposant. Ainsi, ce facteur favorise l’Opposant.

Alinéa 6(5)b) – Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[30]           Comme je l’ai mentionné plus tôt dans l’analyse pour le facteur de l’alinéa 6(5)a), je suis convaincue que l’Opposant a prouvé l’usage de sa marque ARBOR MEMORIAL SERVICES. En l’absence de preuve d’usage de la Marque, j’estime que la marque ARBOR MEMORIAL SERVICES de l’Opposant a été en usage pour une période plus longue que la Marque; ce facteur joue donc en faveur de l’Opposant.

 

Alinéas 6(5)c) et d) – Genre de marchandises, services ou entreprises et nature du commerce

[31]           Les Marchandises consistent en des papiers de spécialité pour l’industrie de l’impression commerciale, alors que l’Opposant a enregistré ses marques de commerce en liaison avec les services de pompes funèbres et de salon funéraire, les services d’incinération et les services de cimetière. De toute évidence, les Marchandises sont fort différentes des services de l’Opposant, comme le sont les activités commerciales du Requérant et celles de l’Opposant.

[32]           L’Opposant affirme que dans le cadre de la promotion des services associés à ses marques, il distribue des brochures, des catalogues, des contrats, des livrets et des feuillets d’information, tous imprimés sur du papier d’impression pour publication et du papier fin. Selon l’Opposant, il y a un chevauchement évident entre ces produits et les Marchandises du Requérant. Je ne vois pas la pertinence de cette observation. Bien que les documents imprimés de l’Opposant, notamment sa documentation promotionnelle, ses contrats et feuillets d’information soient connexes aux services funéraires et aux services afférents, même si ces produits étaient considérés comme des marchandises, les enregistrements de l’Opposant ne les incluraient pas. C’est l’énoncé des marchandises du Requérant, tel que défini dans la demande, en comparaison aux services enregistrés de l’Opposant qui guideront ma décision à l’égard du présent facteur [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp (1997), 84 C.P.R. (3d) 89 (COMC)].

[33]           En outre, l’Opposant soutient que le langage exclusif de l’énoncé des marchandises du Requérant, c’est-à-dire « tous les produits susmentionnés sont destinés à l’industrie de l’impression commerciale et ne peuvent pas faire l’objet de vente directe aux salons funéraires et aux crématoriums », n’aide pas la cause du Requérant, car cela ne dissipe pas la confusion entre les marques des deux parties. L’Opposant souligne que les ventes indirectes aux salons funéraires et aux entreprises connexes sont toujours possibles, étant donné que le Requérant fait appel à des distributeurs tiers indépendants pour la vente de ses produits ARBOR au Canada. Toutefois, je suis d’accord avec le Requérant : même si une personne consommant les produits des deux parties était consciente de la situation, il est fort peu probable, étant donné la nature fortement disparate des marchandises et services offerts par les parties et de leurs activités respectives, que le consommateur conclurait que les Marchandises proviennent de l’Opposant ou que ce dernier les a approuvées.

[34]           Finalement, l’Opposant affirme qu’il y a également un risque de confusion puisque ses partenaires d’affaires et lui achètent d’imprimeurs commerciaux et d’autres fournisseurs, qu’ils ont établi des contrats avec ces tiers et que ces derniers peuvent également agir à titre de distributeurs pour les produits de papier du Requérant. Mes commentaires du paragraphe précédent portant sur la connaissance des produits des deux parties par le consommateur s’appliquent également à ces allégations.

[35]           En conséquence, je demeure convaincue que les Marchandises sont fondamentalement différentes des services de l’Opposant, tout comme le sont les activités commerciales du Requérant et de l’Opposant. Ainsi, ce facteur joue en faveur du Requérant.

Alinéa 6(5)e) – Degré de ressemblance dans la présentation ou le son, ou dans les idées suggérées

[36]           La Cour suprême du Canada a tranché que l’approche préférable pour comparer des marques est de commencer en déterminant s’il y a un aspect de la marque de commerce qui est particulièrement saisissant ou unique [voir Masterpiece, supra].

[37]           À cet égard, l’Opposant suggère que l’élément dominant et distinctif de ses marques de commerce déposées est le composant ARBOR. Puisque la Marque incorpore entièrement cet élément et ne consiste qu’en cet élément, l’Opposant affirme que ses marques déposées sont par conséquent très similaires à la Marque quant à la présentation et au son.

[38]           À la lumière du fait que les marques des parties comportent toutes deux cet élément saisissant et unique, je suis d’accord avec l’Opposant, les marques ont un fort degré de ressemblance.

Conclusion

[39]           Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation, le son ou les idées suggérées est le facteur dominant et les autres facteurs jouent un rôle secondaire pour l’évaluation des circonstances de l’espèce [voir Masterpiece, supra et Beverly Bedding & Upholstery Co c. Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, confirmant 60 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.)]. Toutefois, dans le présent cas, nonobstant toute ressemblance entre les marques dans leur présentation ou leur prononciation, j’estime que les différences entre les marchandises, les services et la nature des activités commerciales des parties sont importantes.

[40]           Par conséquent, je crois que le Requérant s’est acquitté de son fardeau de nous persuader, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre les marques des parties. Conséquemment, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi est rejeté.

Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement – Paragraphe 16(3) de la Loi

[41]           Pour s’acquitter de son fardeau, l’Opposant doit prouver que sa marque de commerce ARBOR ainsi que ses noms commerciaux Arbor, Arbor Memorial et Arbor Memorial Services Inc. étaient utilisés avant la date de production de la demande et qu’ils n’avaient pas été abandonnés à la date de publication. Dans le présent cas, on considère que la date pertinente est la date de priorité revendiquée, soit le 20 septembre 2006.

[42]           En plus de la preuve de M. Carmichael portant sur l’emploi des marques de commerce déposées de l’Opposant et des objets promotionnels connexes comme les brochures, catalogues et feuillets d’information, etc., l’Opposant a déposé une preuve en lien avec l’usage des marques Arbor et Arbor Memorial et du nom commercial Arbor Memorial Services Inc en liaison avec ces services (preuve A à E), ainsi qu’une variété de produits et services afférents supplémentaires.

[43]           Dans son affidavit, M. Carmichael explique que ces produits et services supplémentaires incluent des albums personnalisés, des cartes et des affiches ainsi que des services d’impression personnalisée. Par contre, il n’a pas fourni d’échantillon. Il souligne qu’environ huit p. cent des ventes totales de l’Opposant en 2011 provenaient de la vente de marchandises, notamment des albums commémoratifs, affiches fixes, avis de décès et cartes de condoléances, etc., et que l’Opposant offre à ses clients des services d’impression sur du papier de qualité commerciale arborant la marque ARBOR. Il a également déposé un extrait du rapport d’exercice de l’Opposant pour 2011 (preuve D) dans lequel on décrit les activités de l’Opposant, notamment les services d’impression personnalisée.

[44]           Dans tous les cas, je constate qu’il n’y a pas de preuve relative à marchandises et services additionnels avant la date importante. En outre, en ce qui a trait aux produits promotionnels supplémentaires (brochures, catalogues, etc.), je crois que les consommateurs sont plus à même de percevoir ces produits comme faisant partie des activités publicitaires et promotionnelles de l’Opposant pour la vente de services funéraires et de services connexes plutôt que des produits mêmes de l’Opposant [Joseph E. Seagram & Sons Ltd c. Corby Distilleries Ltd (1978), 42 C.P.R. (2d) 264 (COMC)].

[45]           Mme Berent fournit la preuve sous forme d’articles de journaux (preuve A). L’Opposant affirme que, en tenant compte de la preuve de M. Carmichael, ces articles démontrent que ses marques étaient devenues réputées au Canada en liaison avec les produits et services ARBOR de l’Opposant. Toutefois, ces articles de journaux ne constituent pas de la publicité au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, et ils n’étayent pas non plus le fait que les marques de l’Opposant étaient devenues réputées au sens de l’article 5 de la Loi [Williams Companies Inc et al c. William Tel Ltd (2000), 4 C.P.R. (4th) 253 (COMC)].

[46]           Toutefois, en tenant compte de la preuve soumise par M. Carmichael, j’estime que les marques et les noms commerciaux de l’Opposant étaient en usage au Canada en liaison avec les services funéraires et autres services connexes à la date pertinente et qu’ils n’avaient pas été abandonnés à la date de publication. Par conséquent, l’Opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve à l’égard des services invoqués.

[47]           Je dois maintenant évaluer si le Requérant s’est acquitté pour sa part de son fardeau de persuasion. Plus précisément, il incombe au Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucun risque de confusion entre la Marque et les marques et noms commerciaux de l’Opposant. À cet égard, les conclusions tirées pour le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) peuvent également s’appliquer ici aussi. En bref, je considère que les différences entre la nature des marchandises, des services et des activités commerciales des parties sont importantes et, par conséquent, j’estime que le Requérant s’est acquitté de son fardeau de nous persuader, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre la marque du Requérant et les marques et noms commerciaux de l’Opposant. Conséquemment, le motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(3) de la Loi est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[48]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve pour le présent motif d’opposition, l’Opposant doit démontrer qu’à la date de production de sa déclaration d’opposition, c’est-à-dire le 18 juillet 2011, ses marques et noms commerciaux étaient suffisamment connus pour remettre en cause le caractère distinctif de la Marque [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc, supra; Motel 6, Inc c. No. 6 Motel Ltd (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 à 58 (C.F. 1re instance)].

[49]           En outre, une attaque fondée sur l’absence de caractère distinctif ne se limite pas uniquement à l’exécution des services en soi ou à la vente de biens au Canada : elle peut également se fonder sur la preuve de la connaissance ou de la réputation des marques de commerce ou des noms commerciaux de l’Opposant, diffusées grâce au bouche-à-oreille, ou sur la preuve de la réputation et de la reconnaissance publique à l’aide d’articles de journaux ou de magazines, contrairement à la publicité [Motel 6, à 58-59].

[50]           Comme il est établi en plus en amples détails dans l’analyse portant sur les motifs fondés sur l’alinéa 12(1)d) et sur le paragraphe16(3), l’Opposant a fourni des preuves étayant la conclusion que sa marque de commerce et les noms commerciaux avaient gagné une réputation au Canada en association avec les services de pompes funèbres et de salons funéraires, les services d’incinération et les services de cimetière à la date pertinente. L’Opposant s’est donc acquitté de son fardeau de preuve. Je constate que les articles de journaux fournis par Mme Berent dans la preuve A de son affidavit soutiennent également cette conclusion. Même si les chiffres pour la circulation n’ont pas été fournis pour les publications, je peux prendre connaissance d’office de la circulation générale de grands quotidiens canadiens [voir Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd. – Les Brasseries Carling O’Keefe du Canada Ltée – Trading as Carling O’Keefe Breweries c. Anheuser Busch, Inc (1985), 4 C.P.R. (3d) 216 (COMC) et Ports International Ltd c. Amcan Charter Imports Ltd (1984), 4 C.P.R. (3d) 390 (COMC)]. En outre, je suis disposée à prendre connaissance d’office du fait que The Globe and Mail et The Toronto Star, par exemple, jouissent d’une circulation importante dans la région de Toronto [voir Northern Telecom Ltd c. Nortel Communications Inc (1987), 15 C.P.R. (3d) 540 (COMC) à 543].

[51]           Par ailleurs, comme nous l’avons mentionné auparavant, M. Carmichael confirme qu’environ huit p. cent des ventes totales de l’Opposant en 2011 étaient liées à la vente de marchandises, notamment d’albums personnalisés, d’affiches, de cartes de condoléances ou d’avis de décès, etc. Bien que cela ne soit pas pertinent au motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité en raison de la date pertinente pour ce motif, je suis prête à accepter le fait que l’Opposant a établi une certaine réputation à l’égard de ses marques et de ses noms commerciaux en liaison avec ces marchandises et les services d’impression à la date importance pour ce motif d’opposition également.

[52]           Je dois maintenant évaluer si le Requérant s’est acquitté pour sa part de son fardeau de persuasion. Plus précisément, il incombe au Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucun risque de confusion entre sa Marque et les marques et noms commerciaux de l’Opposant.

[53]            La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’importance et, conséquemment, mes conclusions sur les services en lien avec le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) et le paragraphe 16(3) de la Loi s’appliquent également ici. Plus spécifiquement, malgré l’inclusion des marchandises de l’Opposant (« albums commémoratifs, affiches fixes, avis de décès et cartes de condoléances, etc. ») et les services d’impression personnalisée connexes à ces produits dans le cadre du motif d’opposition fondé sur la date importante, les produits de l’Opposant sont tout de même dans l’industrie des services funéraires et des activités afférentes, il ne s’agit pas de produits intermédiaires destinés à l’industrie de l’impression commerciale, comme le sont les produits de papier de spécialité du Requérant. Par conséquent, je considère que le Requérant s’est acquitté de son fardeau de nous persuader, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre la marque du Requérant et les marques et noms commerciaux de l’Opposant visés par le présent litige. Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Règlement

[54]           Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi pour tous les motifs d’opposition à l’exception de celui fondé sur les alinéas 38(2)a) et 30b), et ce, uniquement à l’égard de la revendication d’usage projeté du Requérant. En conséquence, la revendication d’usage projeté du Requérant sera effacée de la demande visée.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Catherine Dussault, trad. A.

 

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