Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 209

Date de la décision : 01-11-2012

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Canada Bread Company Limited à la demande no 1 433 286 produite par Sorbee International LLC en vue de l’enregistrement de la marque de commerce SWEET OBSESSION.

Le dossier

[1]               Le 2 avril 2009, SI Acquisition LLC, qui a subséquemment changé sa dénomination sociale pour Sorbee International LLC (la Requérante), a produit une demande (no 1 433 286) en vue de faire enregistrer la marque de commerce SWEET OBSESSION (la Marque) sur la base d’un emploi projeté en liaison avec des tablettes de chocolat (les Marchandises). La Requérante revendique la date de priorité de production du 3 novembre 2008; elle s’appuie à cet égard sur la demande no 77/606 270 qu’elle a déposée à cette date aux États-Unis d’Amérique.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 13 janvier 2010.

[3]               Le 12 avril 2010, Canada Bread Company Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition, que le registraire a transmise à la Requérante le 29 avril 2010.

[4]               La Requérante a contesté l’ensemble des motifs d’opposition dans une contre-déclaration produite le 15 juin 2010.

[5]               L’Opposante a produit en preuve les affidavits de Jean-Pierre Galardo, Natasha Gangai, Boris Panov et Estelle M. Barette; la Réquérante a choisi de ne déposer aucune preuve.

[6]               Seule l’Opposante a présenté des observations écrites et était présente à l’audience.

La déclaration d’opposition

[7]               Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante sont les suivants :

1. la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), car la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, ou elle-même et par l’entremise d’un licencié, la Marque au Canada;

2. la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, car la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises compte tenu de l’existence des marques de commerce de l’Opposante décrites ci-après;

3. la Marque n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante SWEET MOMENT (certificat d’enregistrement no TMA651 460) et OBSESSION (certificat d’enregistrement TMA573 900) (collectivement appelées les marques de commerce de l’Opposante);

4. la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque aux termes de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, car, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante, lesquelles avaient déjà été employées au Canada par l’Opposante;

5. suivant l’alinéa 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, car elle ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les Marchandises de la Requérante des marchandises de l’Opposante compte tenu de l’emploi et de la promotion antérieurs et continus des marques de commerce de l’Opposante par l’Opposante.

 

Le fardeau de preuve dans une procédure d’opposition à une marque de commerce

[8]               La partie requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa demande d’enregistrement est conforme aux dispositions de la Loi. Il incombe toutefois à la partie opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition soulevés. Une fois que la partie opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la partie requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne sont pas de nature à faire obstacle à l’enregistrement de la marque visée par la demande [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c. Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.) et Wrangler Apparel Corp c. The Timberland Company [2005] C.F. 722].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

[9]               L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve pour étayer le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e). Ce motif d’opposition est donc rejeté en raison du défaut de l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial.

[10]           L’alinéa 30i) de la Loi exige simplement de la partie requérante qu’elle joigne à sa demande une déclaration portant qu’elle est convaincue d’avoir droit à l’enregistrement de la Marque. L’alinéa 30i) ne peut être invoqué que dans des cas bien précis, comme lorsqu’il est allégué que la partie requérante a commis une fraude [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. En l’espèce, la déclaration d’opposition ne contient aucune allégation de cette nature et le dossier aucun élément de preuve en ce sens.

[11]           Compte tenu de ces circonstances, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

Enregistrabilité de la Marque aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[12]           Mme Barette a affirmé être une parajuriste en marques de commerce à l’emploi du cabinet représentant l’Opposante. Elle a produit une copie certifiée des enregistrements suivants :

TMA651 460 qui correspond à la marque de commerce SWEET MOMENT, laquelle est employée en liaison avec des produits de boulangerie qui comprennent, entre autres, des gâteaux, des pâtisseries et des biscuits;

TMA573 900 qui correspond à la marque de commerce OBSESSION, laquelle est employée en liaison avec des petits gâteaux et des biscuits;

 

ainsi que de la demande d’enregistrement no 1 456 602 produite à l’égard de la marque de commerce CHEVALIER OBSESSION.

[13]           J’ai consulté le registre; les deux enregistrements susmentionnés sont en règle. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition. Seuls ces deux enregistrements sont mentionnés dans la déclaration d’opposition; par conséquent, seuls ces deux enregistrements peuvent servir de fondement à ce motif d’opposition. Il n’est fait aucune mention, dans la déclaration d’opposition, de la demande no 1 456 602 produite en vue de faire enregistrer la marque de commerce CHEVALIER OBSESSION.

[14]           La date pertinente qui s’applique à ce motif d’opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), p. 424].

[15]           Le test à appliquer pour déterminer s’il existe une probabilité de confusion entre deux marques de commerce est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Le paragraphe 6(5) de la Loi énumère quelques-unes des circonstances de l’espèce dont il convient de tenir compte, à savoir le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste de critères n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces critères n’est pas nécessairement le même [voir Clorox Co c. Sears Canada Inc (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 C.F. 1re inst.)]. Je me fonde également sur les observations formulées par le juge Binnie dans les arrêts de la Cour suprême du Canada Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 et Mattel Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 relativement à l’appréciation des critères énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi.

[16]           Pour les besoins de ce motif d’opposition, je bornerai mon analyse aux critères pertinents qui s’appliquent à la marque de commerce OBSESSION de l’Opposante, car j’estime que cette marque de commerce est celle qui se rapproche le plus de la Marque et qui, conséquemment, est la plus susceptible de permettre à l’Opposante d’obtenir gain de cause.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[17]           La marque de commerce OBSESSION de l’Opposante est formée d’un mot courant de langue anglaise qui laisse entendre que la consommation des produits de l’Opposante peut donner lieu à une obsession. La Marque ne possède pas de caractère distinctif inhérent. Elle est formée de deux mots courants de la langue anglaise : « sweet » [sucré] et « obsession » [obsession]. Le mot « sweet » est représentatif d’une caractéristique des Marchandises.

[18]           Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accru par l’emploi et la promotion de la marque. L’Opposante a produit des éléments de preuve qui confirment qu’elle a employé sa marque de commerce OBSESSION au Canada. Un résumé de cette partie de la preuve est présenté dans les paragraphes qui suivent.

[19]           M. Galardo se décrit comme la personne responsable des marques de commerce de l’Opposante. Il travaille pour l’Opposante et ses prédécesseurs en titre depuis 1991.

[20]           M. Galardo allègue que les marques de commerce aujourd’hui au nom de l’Opposante sont employées au Canada depuis au moins 1995; les prédécesseurs en titre de l’Opposante, qui comprennent N.V. Biscuits Delacre S.A., Boulangerie POM Limitée et Multi-Marques Inc., ayant été les premiers à en faire usage, l’Opposante ayant pris le relais par la suite. À partir de cette date, des produits portant les marques de commerce de l’Opposante, y compris des petits gâteaux au chocolat, ont été vendus par les prédécesseurs en titre de l’Opposante, puis par l’Opposante, dans le cadre de la pratique normale du commerce.

[21]           Afin d’illustrer l’emploi des marques de commerce de l’Opposante, M. Galardo a produit des exemples d’emballage portant la marque de commerce OBSESSION, qui sont utilisés pour la vente de mille-feuilles et de gâteaux, y compris de gâteaux au chocolat. D’après les chiffres qu’il a fournis, les ventes annuelles des produits commercialisés sous la marque de commerce OBSESSION au cours des années 2008, 2009 et 2010 (janvier à septembre) ont varié de plus de 1,7 million de dollars à près de 2,7 millions de dollars. M. Galardo a également fourni des renseignements sur le nombre d’unités vendues annuellement au cours de la même période. Il a affirmé que les produits de l’Opposante portant la marque de commerce OBSESSION de l’Opposante sont vendus dans des dépanneurs, des épiceries et des supermarchés, ainsi que dans des restaurants, des bars, des comptoirs de prêt-à-manger, des cafétérias, des hôpitaux, des garderies et des écoles. Les produits de l’Opposante portant la marque de commerce OBSESSSION sont annoncés dans dives médias partout au Canada, notamment à la radio, sur les réseaux de télévision nationaux et dans la presse écrite et électronique.

[22]           Au vu de la preuve produite par l’Opposante, je conclus que la marque de commerce OBSESSION de l’Opposante a acquis une certaine notoriété au Canada. En revanche, je ne dispose d’aucun élément de preuve établissant l’emploi de la Marque par la Requérante au Canada. Ce facteur joue donc en faveur de l’Opposante.

La période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage

[23]           Il appert de la preuve décrite précédemment que l’Opposante emploie sa marque de commerce OBSESSION depuis au moins 1995. En revanche, rien n’indique que la Requérante ait fait usage de la Marque. Ce facteur joue également en faveur de l’Opposante.

Le genre de marchandises, services ou entreprises, et la nature du commerce

[24]           Tel qu’il appert de l’enregistrement TMA573 900, la marque de commerce OBSESSION de l’Opposante est employée en liaison avec des petits gâteaux et des biscuits. Les Marchandises visées par la demande sont des tablettes de chocolat. Les marchandises des deux parties peuvent donc être décrites comme des grignotines. Afin de démontrer que les marchandises des parties se recoupent quant à leur nature, l’Opposante a produit l’affidavit de M. Panov. Ce dernier travaille pour le cabinet représentant l’Opposante à titre de technicien en audiovisuel. Le 14 octobre 2010, M. Panov s’est rendu au supermarché Maxi & Cie de Dorval, au Québec, et a photographié l’emplacement et l’étalage des tablettes de chocolat, des barres-collations et des gâteaux dans le magasin. Le 15 octobre 2010, il s’est rendu dans un supermarché Provigo de la région de Montréal, au Québec, où il a répété le même exercice. Les photos qu’il a jointes à son affidavit montrent que les tablettes de chocolat, les petits gâteaux et les biscuits sont disposés à proximité immédiate les uns des autres dans ces épiceries.

[25]           Ces facteurs jouent donc en faveur de l’Opposante.

Le degré de ressemblance

[26]           Dans l’arrêt Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al 2011 C.S.C. 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques. Les marques en cause doivent être envisagées dans leur ensemble; il faut éviter de les décortiquer et d’analyser en détail chacun de leurs éléments constitutifs. Le véritable test consiste à se demander si un consommateur n’ayant qu’un vague souvenir de la marque de commerce OBSESSION de l’Opposante pourrait croire, à la vue des Marchandises commercialisées sous la Marque, que ces Marchandises proviennent de l’Opposante.

[27]           Il existe un certain degré de ressemblance entre les marques en cause dans la présentation, dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent du fait de la présence du mot « obsession » dans chacune d’elles. L’ajout de l’adjectif « sweet » à la marque de commerce OBSESSION de l’Opposante ne réussit qu’à faire ressortir davantage le mot « obsession ». Il ne permet en rien de distinguer la Marque de la marque de commerce OBSESSION de l’Opposante.

[28]           Ce facteur joue également en faveur de l’Opposante.

Conclusion

[29]           Après analyse des facteurs pertinents, j’arrive à la conclusion que la Requérante ne s’est pas acquittée de son obligation de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créerait vraisemblablement pas de confusion avec la marque de commerce OBSESSION de l’Opposante si elle était employée en liaison avec les Marchandises. Tous les facteurs pertinents jouent en faveur de l’Opposante.

[30]           Le troisième motif d’opposition est accueilli.

Droit à l’enregistrement aux termes du paragraphe 16(3) de la Loi

[31]           Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante devait démontrer qu’à la date de priorité de production (le 3 novembre 2008) revendiquée dans la demande de la Requérante, elle avait déjà employé ou fait connaître sa marque de commerce OBSESSION au Canada et qu’elle n’avait pas abandonné l’emploi de cette marque à la date d’annonce de la demande [voir les paragraphes 16(3) et 16(5) de la Loi]. Au vu de la preuve de l’Opposante décrite précédemment, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial.

[32]           Je dois donc maintenant déterminer si, à la date du 3 novembre 2008, la Marque était susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce OBSESSION de l’Opposante. Les dates pertinentes liées respectivement à l’enregistrabilité de la Marque aux termes de l’alinéa 12(1)d) et au droit à l’enregistrement aux termes du paragraphe 16(3) ne sont certes pas les mêmes, mais, en l’espèce, effectuer une analyse des critères énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi en fonction d’une date antérieure produirait les mêmes résultats.

[33]           Conséquemment, le quatrième motif d’opposition est accueilli pour les mêmes raisons que celles énoncées relativement au motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité.

 

Décision

[34]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande no 1 433 286 en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire

 

 

 

 

 

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