Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 91

Date de la décision : 2010-06-30

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Deeth Williams Wall LLP visant l’enregistrement no LMC587391 de la marque de commerce TIGER GOLF au nom de Garry Wutzke

[1]               Le 30 janvier 2008, à la demande de Deeth Williams Wall LLP (la partie requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Garry Wutzke (l’inscrivant), propriétaire inscrit de la marque de commerce susmentionnée.

[2]               La marque de commerce TIGER GOLF (la Marque) est enregistrée pour un emploi en liaison avec les marchandises et les services suivants :

Marchandises : Chapeaux, nommément chapeaux de golf, vestes pour dames et parkas de mer, chaussures de golf, gants de golf, chaussures de course, vestes et vestes imperméabilisées pour hommes, balles de golf, eau minérale gazéifiée et non gazéifiée, jus et barbotines non gazéifiés, jus de fruits et cristaux à boissons.

Services : Tournois de golf pour des tiers, émission de cartes de crédit.

 

[3]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit indique si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente au cours de laquelle l’emploi à un moment quelconque doit être établi s’étend du 30 janvier 2005 au 30 janvier 2008 (la période pertinente).

[4]               L’inscrivant doit démontrer l’emploi la marque de commerce en liaison avec chacune des marchandises et de chacun des services énumérés dans l’état déclaratif des marchandises et des services. Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne suffisent pas à démontrer l’emploi dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)]. Bien que le critère de la preuve requise pour établir l’emploi dans une instance fondée sur l’article soit très peu exigeant [Woods Canada Ltd. c. Lang Michener (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.) à la p. 480], et même s’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], il faut néanmoins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises et les services que spécifie l’enregistrement.

[5]               L’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des marchandises et des services est défini comme suit à l’article 4 de la Loi :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

En l’espèce, les paragraphes 4(1) et 4(2) s’appliquent.

[6]               En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivant a déposé son propre affidavit, souscrit le 19 août 2008, ainsi que les pièces A à P. Les deux parties ont présenté des observations écrites et ont été représentées lors de audience tenue en l’espèce.

[7]               M. Wutzke est un homme d’affaires de l’Alberta. Il déclare qu’il a vendu des marchandises portant la Marque au Crossroads Market à Calgary, en Alberta, durant la période pertinente. Sous la cote A, il a fourni 19 reçus (qu’il a lui‑même signés), datés du 15 janvier 2006 au 2 décembre 2007, faisant état de vente de marchandises désignées comme étant des chapeaux, des vestes, des balles de golf, des gilets, des gants de golf et de l’eau embouteillée. Il affirme que chacun des produits mentionnés sur les reçus portaient la Marque. Je remarque que les mots « Crossroad [sic] Market » et « Crossroads » sont écrits à la main dans le haut de chaque reçu, que la Marque figure dans le corps du reçu à coté de la description de chaque produit et que la mention « pd cash » (payé comptant) est écrite sur certains de ces reçus. Sur le reçu daté du 2 décembre 2007, pour les marchandises qui consistent en des « gants de golf », figure la note manuscrite « COD July » (contre remboursement, juillet), ce qui indique (étant donné que juillet 2008 est postérieur à la période pertinente) qu’il n’y a pas eu de paiement ni de transfert de marchandises durant la période pertinente.

[8]               M. Wutzke ajoute qu’il a aussi vendu des marchandises portant la Marque à différentes sociétés par actions et entreprises commerciales. Il joint, en tant que pièce B, une série de huit reçus datés du 15 décembre 2007 au 13 février 2008, lesquels, selon lui, témoignent de ces ventes. Chacun de ces reçus comprend le nom et l’adresse de l’acheteur, la Marque qui figure à côté de la description de chaque article, le prix et les taxes applicables, et les détails relatifs au paiement et à la livraison. Seulement cinq de ces reçus (relativement aux balles de golf, aux chapeaux de golf, aux gants de golf, à l’eau embouteillée et aux gilets) portent une date qui se situe durant la période pertinente. Cependant, les cinq reçus prévoient les modalités de paiement suivantes : [TRADUCTION] « paiement à la livraison » (contre remboursement); deux des reçus (datés du 11 janvier 2008 et du 21 janvier 2008) ne précisent aucune date de livraison, et trois d’entre eux (datés du 15 décembre 2007, du 8 janvier 2008 et du 29 janvier 2008) prévoient une date de livraison postérieure à la période pertinente. Comme il semble qu’aucun paiement n’a été fait au moment où les marchandises ont été commandées, je conclus que ces « reçus » constituent davantage des bons de commande. Je remarque que rien dans l’affidavit, dont la date est postérieure de six mois et demi à la période pertinente, n’indique que les marchandises commandées durant la période pertinente ont été livrées et payées. Par conséquent, ces « reçus » doivent être écartés, ainsi que les trois « reçus » portant une date postérieure à la période pertinente.

[9]               M. Wutzke déclare qu’en septembre 2003, il a conclu un contrat avec Calsport Inc. pour créer un dessin incorporant la Marque qui serait appliqué sur chaque article de marchandise qu’il vendrait en liaison avec la Marque. Joint en annexe M se trouve une copie d’une note de service de Calsport Inc., datée du 29 septembre 2003, illustrant un dessin incorporant la Marque, qui a été accepté par M. Wutzke le 30 septembre 2003. Je remarque que le dessin montre les mots « Tiger Golf » en caractères stylisés.

[10]           M. Wutzke ajoute qu’il a commandé différentes marchandises portant la Marque qui doivent être fabriquées par Calsport Inc., et comme pièce C, il fournit des copies de factures, de relevés, de notes de service et de bordereaux de marchandises produits par Calsport Inc. qui correspondent à ces opérations. Il indique que chacune des marchandises énumérées dans ces documents portait la Marque.

[11]           Les factures indiquent que des vestes, des gilets, des balles de golf, des casquettes et chapeaux de golf, des chemisiers et des broderies de vêtement ont été commandés par l’inscrivant auprès de Calsport Inc. en 2003 et en 2005. La facture n° 4320, datée du 10 octobre 2003, fait état de commandes pour achat de dix casquettes de baseball et de dix « broderies de vêtement (devant) – logo en relief », ainsi que de quatre douzaines de balles de golf avec impression. La facture mentionne également des commandes pour achat de vestes, d’un gilet ainsi que d’une broderie pour un gilet. La facture n° 4408, datée du 17 novembre 2003, porte sur six chapeaux, six broderies de casquette avec logo en relief « Tiger ». La facture n° 4390, datée du 15 octobre 2003, porte sur une commande de huit chapeaux et de huit broderies de vêtement (devant) en relief « Tiger Golf ».

[12]           La pièce C comprend également un bordereau de marchandises et la facture correspondante datée du 1er mars 2005, qui indique le nom de l’inscrivant sous les mentions « facturé à » et « livré à » et fait état de la vente d’articles, y compris 12 casquettes et 12  « broderies de vêtement en relief Tiger », ainsi que des gilets, un chemisier, et autres broderies. Le bordereau comprend également un devis et une note de service datés du 5 mai 2005, où il est question, entre autres, du prix des chapeaux et du logo en relief Tiger. La dernière facture est datée du 29 avril 2008 et comprend des commandes pour 132 chapeaux, 132 « broderies de vêtement (Tiger Golf) », des balles de golf, des gants de golf, six gilets et six « broderies de vêtement (Tiger Golf) ».

[13]           Les paragraphes 11 à 13 décrivent comment M. Wutzke a tenté d’octroyer la licence pour l’emploi de la Marque. Les pièces D à G sont des copies de la correspondance échangée entre M. Wutzke et des parties qu’il décrit comme étant des licenciés éventuels de la Marque. Je remarque que le courriel du 26 avril 2005, adressé par M. Wutzke à Tom Sampson, un représentant de Forzani, mentionne en particulier : [TRADUCTION] « J’ai (M. Wutzke) fabriqué certains chapeaux et gilets avec le logo Tiger Golf et j’aimerais vous en envoyer quelques-uns pour que vous les examiniez » (pièce E).

[14]           Aux paragraphes 14 à 17, M. Wutzke déclare qu’il a fait don d’[TRADUCTION] « articles TIGER GOLF » à deux organismes de bienfaisance. Les pièces H à K sont des lettres de la Frank Lindsay Golf Foundation (24 janvier 2006) et du YMCA Calgary (24 mai 2005 et 3 avril 2006) qui renvoient à des dons faits par M. Wutzke. Je remarque qu’aucune de ces lettres ne précise quels articles ont été remis à titre de dons.

[15]           M. Wutzke explique également au paragraphe 18 qu’il a évalué les coûts de différents modes de livraison des [TRADUCTION] « articles TIGER GOLF » et il fournit la documentation qui s’y rattache à la pièce L.

[16]           M. Wutzke explique de plus, au paragraphe 20, qu’il a développé différentes idées de mise en marché pour promouvoir la vente des produits et services « Tiger Golf ». Comme pièce N, il fournit un échantillon des cartes à jouer qu’il se propose, affirme-t-il, d’inclure dans un jeu de société qui incorporerait la Marque. Je remarque que ni les cartes à jouer, ni le jeu de société ne figurent dans l’état déclaratif des marchandises de l’enregistrement en cause.

[17]           Aux paragraphes 21 à 27, M. Wutzke explique que ses projets d’exploiter commercialement la Marque ont été reportés de façon importante en raison des retards dans l’enregistrement de ses deux autres marques de commerce « TIGER DOGS » et « TIGER IRONS ». Aux pièces O et P, il fournit des copies de l’enregistrement et des demandes pour ces marques.

[18]           Le reste de l’affidavit traite de la conviction de M. Wutzke selon laquelle ETW Corporation agit de mauvaise foi en intentant la présente procédure prévue à l’article 45 car celle-ci regrette d’être arrivée à une entente avec M. Wutzke et d’avoir retiré son opposition à la demande d’enregistrement de la Marque, ainsi que sa demande pour la marque de commerce TIGER WOODS. Cependant, cette preuve est non pertinente et sera écartée, car la procédure fondée sur l’article 45 a pour objet d’éliminer du registre le « bois mort », non pas de régler les différends inter partes. En outre, je remarque qu’ETW Corporation n’est même pas une partie à la présente procédure.

[19]           La partie requérante prétend que la preuve ne décrit pas la pratique normale du commerce de l’inscrivant, qu’aucun échantillon du produit ou de l’emballage n’a été fourni afin de montrer la Marque apposée sur ces marchandises, qu’il n’y a aucune indication dans l’affidavit que les reçus accompagnaient les marchandises, et que la preuve démontre qu’il n’y a eu qu’une quantité minime de ventes durant la période pertinente. La partie requérante fait valoir de plus que les vaines tentatives de l’inscrivant d’octroyer la licence d’emploi de la Marque, de même que ses efforts pour évaluer les coûts de livraison et pour développer des dessins et des idées de mise en marché, ne constituent pas un emploi de la Marque, et que l’absence d’emploi est due à la décision délibérée et volontaire de l’inscrivant.

[20]           À l’audience, l’inscrivant a concédé que la preuve n’établissait pas l’emploi des services liés à l’organisation de « tournois de golf pour des tiers » et à « l’émission de cartes de crédit » et que l’inscription de ces services devrait être radiée de l’enregistrement. L’inscription de ces services sera donc radiée de l’enregistrement.

[21]           En ce qui concerne les marchandises, l’inscrivant reconnaît que l’emploi de la Marque n’a pas été établi à l’égard de chaque marchandise, mais soutient qu’un emploi « représentatif » a été démontré, s’appuyant sur la décision Saks & Co. c. Registraire des Marques de commerce (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.). L’inscrivant fait valoir de plus que, sous réserve de la quantité minime de ventes dont la preuve a été établie, il n’est pas tenu de faire la preuve d’un certain degré d’activité commerciale ou d’un emploi continu au Canada afin d’établir l’emploi [Coscelebre, Inc. c. Registraire des Marques de commerce (1991), 35 C.P.R. (3d) 74 (C.F. 1re inst.)]. Il cite la décision Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (no 2) (1987), 17 C.P.R. (3d) 237 (C.A.F.), selon laquelle une seule vente dans la pratique normale du commerce est suffisante pour établir l’emploi. L’inscrivant fait également valoir que l’ensemble de la preuve et les déclarations de M. Wutzke suffisent pour me permettre d’arriver à la conclusion que la Marque a été employée sur toutes les marchandises.

[22]           Subsidiairement, l’inscrivant soutient qu’un ensemble de facteurs (c.‑à‑d., de mauvaises conditions de marché combinées à la difficulté pour l’inscrivant de trouver un licencié ou un fabricant, et les retards à enregistrer les marques associées) a créé des circonstances spéciales indépendantes de sa volonté, ce qui justifie le défaut d’emploi en vertu de l’article 45.

Pratique normale du commerce

[23]           En ce qui concerne la question des ventes dans la pratique normale du commerce, une interprétation objective de l’intégralité de l’affidavit m’amène à conclure que l’inscrivant exploitait une entreprise de vente d’articles de golf à des sociétés et qu’il a effectué certaines ventes directes au Crossroads Market durant la période pertinente, comme en témoignent les reçus fournis comme pièce A. Ces reçus indiquent qu’il y a eu vente de chapeaux, de vestes, de balles de golf, de gilets et d’eau embouteillée « Tiger Golf » à des clients au Canada durant la période pertinente. Bien que ces ventes soient relativement peu nombreuses, comme l’a souligné l’inscrivant, dans le contexte de la présente procédure, la preuve d’une seule vente peut très bien suffire pour établir l’emploi d’une marque de commerce (Philip Morris, précitée). En l’espèce, les reçus montrent des ventes de produits à différents acheteurs et que ces ventes s’étalent sur plusieurs mois durant la période pertinente. L’affidavit indique également que l’inscrivant a acheté ces marchandises (chapeaux, vestes, balles de golf et gilets), avec les impressions et les broderies s’y rapportant, auprès de Calsport Inc. (pièce C) à des fins de revente.

[24]           Je n’ai aucune raison de conclure que les ventes établies à la pièce A ont été fabriquées ou conçues délibérément pour protéger l’enregistrement de la Marque, les reçus indiquant que les ventes ont eu lieu dès le 15 janvier 2006, bien avant que l’avis ne soit délivré. Par conséquent, j’estime que, bien que la preuve établisse que des ventes minimes ont eu lieu, eu égard à l'ensemble de la preuve, il n’y a pas lieu de conclure que ces ventes n’étaient pas des ventes faites de bonne foi dans la pratique normale du commerce de l’inscrivant.

Liaison de la Marque au sens du paragraphe 4(1) de la Loi

[25]           En ce qui a trait à la liaison de la Marque avec les marchandises au moment du transfert, compte tenu de la déclaration solennelle de M. Wutzke selon laquelle chacune des marchandises mentionnées sur les factures produites par Calsport Inc. (pièce C) portait la Marque, la preuve établissant que Calsport Inc. brodait et imprimait la Marque (comme le démontre la note de service jointe comme pièce M) sur les marchandises, et la déclaration de M. Wutzke voulant que toutes les marchandises mentionnées sur les reçus composant la pièce A portaient la Marque, j’estime raisonnable de conclure que la Marque figurait sur les chapeaux, les vestes, les balles de golf et les gilets vendus (pièce A).

[26]           Quoi qu’il en soit, comme il est fait mention de la Marque dans le corps de chaque reçu composant la pièce A, à côté de chacun des produits, j’estime que les acheteurs des chapeaux, vestes, balles de golf, gilets et eau embouteillée énumérés sur ces reçus ont reçu l’avis de liaison de la Marque avec les marchandises. Se fondant sur la décision Riches, McKenzie & Herbert c. Pepper King Ltd. (2000), 8 C.P.R. (4th) 471 (C.F. 1re inst.), la partie requérante fait valoir que ces reçus ne peuvent servir à prouver qu’un avis de liaison entre la Marque et les marchandises a été donné aux clients, car il n’est pas clairement établi que les reçus accompagnaient les marchandises au moment de leur transfert aux clients. Cependant, la présente affaire se distingue nettement de la décision Pepper King, du fait que, contrairement à celle‑ci, en l’espèce les reçus indiquent que les ventes étaient faites « au comptant ». Par conséquent, je suis disposée à conclure que, lorsque le client a reçu les marchandises contre de l’argent comptant, on lui aurait fourni le reçu. Par conséquent, je suis convaincue que les reçus, dans le corps desquels la Marque figure clairement à côté de la mention du produit, accompagnaient les marchandises et constituaient un avis de liaison entre la Marque et les marchandises donné conformément au paragraphe 4(1) de la Loi.

[27]           Je me pencherai maintenant sur la question de savoir quelles marchandises plus exactement peuvent être considérées comme ayant été vendues durant la période pertinente et si ces marchandises sont celles précisées dans l’enregistrement en cause.

Gants de golf

[28]            En ce qui concerne les marchandises « gants de golf », la seule preuve défendable établissant la vente de ces marchandises est fournie par le reçu daté du 2 décembre 2007, qui indique que le paiement et le transfert de ces marchandises devaient avoir lieu après la période pertinente. De même, les reçus fournis à titre de pièce B, lesquels, selon ce que l’inscrivant soutient, montrent des ventes à différentes sociétés et entreprises commerciales, ne peuvent pas être considérés comme une preuve de ventes durant la période pertinente. Le déposant n’a fourni aucune déclaration ni aucune preuve confirmant que ces opérations commerciales, toutes payables à une date future de livraison selon les reçus, ont été en réalité complétées. Bien que certaines sources acceptent à titre de preuve d’emploi les opérations de ventes qui ont débuté durant la période pertinente mais qui n’ont été complétées que par la suite [voir Fetherstonhaugh & Co. c. ConAgra Inc. (2002), 23 C.P.R. (4th) 49 (C.F. 1re inst.)], en l’espèce, le déposant n’a fourni aucune déclaration ni aucune autre preuve confirmant que ces opérations (toutes payables à une date future de livraison) ont été en réalité complétées. Par conséquent, je ne peux pas conclure que ces ventes ont été en réalité complétées, et encore moins que le transfert de la propriété ou de la possession des marchandises indiquées sur ces reçus a eu lieu durant la période pertinente, comme l’exige le paragraphe 4(1). Ainsi, comme il n’y a aucune preuve de ventes durant la période pertinente, je ne suis pas en mesure de conclure qu’il y a eu vente de « gants de golf » durant la période pertinente.

[29]           Je remarque que la partie requérante a également soulevé la question de savoir si la Marque serait perçue comme une marque de commerce. Bien que j’estime qu’il ne s’agit pas d’une question sur laquelle le registraire peut se prononcer en vertu de l’article 45, je dirais que, eu égard à l’ensemble de la preuve, il est fort probable que la Marque, telle qu’elle figure sur les factures, serait perçue comme une marque de commerce par l’acheteur.

Vestes et eau embouteillée

[30]           Dans la présente affaire, l’enregistrement vise des « vestes pour dames et parkas de mer » et des « vestes et vestes imperméabilisées pour hommes ». L’inscrivant a démontré l’emploi des « vestes ». Bien que le terme « vestes » soit un terme qui pourrait viser des « vestes pour dames », des « vestes pour hommes » et des « vestes imperméabilisées », on ne sait pas, en raison de la spécificité des marchandises visées par l’enregistrement, si les vestes mentionnées sur les reçus de la pièce A étaient des vestes pour hommes, des vestes pour dames, des vestes imperméabilisées pour hommes ou des parkas de mer pour dames. Par conséquent, étant donné qu’aucune preuve d’emploi en liaison avec les marchandises que spécifie l’enregistrement n’a été fournie, je suis d’avis qu’en l’espèce l’ambiguïté devrait jouer contre l’inscrivant [Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Ltd. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194 (C.F. 1re inst.), à la p. 198; confirmée par (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)]. De plus, selon un principe bien établi, lorsque l’inscrivant choisit de préciser les différences entre des marchandises d’une même catégorie, on peut en déduire qu’une marchandise est quelque peu différente de l’autre et, par conséquent, l’emploi doit être établi à l’égard de chaque marchandise [John Labatt Ltd. c. Rainier Brewing Co. (1984), 80 C.P.R. (2d) 228 (C.A.F.)]. Par conséquent, comme l’emploi quant aux vestes pour hommes et aux vestes imperméabilisées, et aux vestes pour dames et aux parkas de mer, n’a pas été démontré, l’inscription de ces marchandises sera radiée de l’enregistrement. Suivant le même raisonnement, comme la preuve de l’inscrivant n’établit l’emploi qu’à l’égard de l’eau embouteillée et que l’enregistrement précise les marchandises « eau minérale gazéifiée et non gazéifiée », en l’absence de tout autre renseignement sur la nature de l’« eau embouteillée », l’inscription de ces marchandises doit être radiée.

Chaussures de golf, chaussures de course, jus et barbotines non gazéifiés, jus de fruits et cristaux à boissons

[31]           Il est bien établi que l’inscrivant n’est pas tenu de produire une « surabondance d’éléments de preuve » afin de démontrer l’emploi de la marque dans le cadre de la procédure prévue par l’article 45. Cependant, le registraire doit disposer de certains éléments de preuve pour conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacune des marchandises que précise l’enregistrement [Aerosol Fillers, précitée; John Labatt Ltd., précitée]. Même s’il est vrai que ce qui est requis pour « démontrer » l’emploi peut varier d’un cas à l’autre, et que, dans certaines circonstances, il se peut qu’une preuve directe ou une preuve documentaire ne soit pas nécessaire à l’égard de chaque marchandise relevant de la même catégorie (Saks, précitée), en l’espèce, l’affidavit ne contient pas de déclaration claire d’emploi, au Canada et durant la période pertinente, des chaussures de golf, des chaussures de course, des jus et barbotines non gazéifiés et des jus de fruits et cristaux à boissons. L’affidavit ne révèle pas non plus de fondement factuel à partir duquel cet emploi peut être déduit. En effet, la preuve est totalement muette en ce qui concerne ces marchandises. Comme l’enregistrement comporte une liste relativement courte d’articles, j’estime qu’il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que le propriétaire inscrit fournisse une preuve d’emploi à l’égard de chacune des marchandises. C’est pourquoi, je conclus que la preuve est insuffisante pour démontrer l’emploi relativement aux « chaussures de golf », aux « chaussures de course », aux « jus et barbotines non gazéifiés » et aux « jus de fruits et cristaux à boissons ». L’inscription de ces marchandises sera donc radiée de l’enregistrement.

Dons

[32]           En ce qui a trait aux dons faits par l’inscrivant à des organismes de bienfaisance, je remarque que la preuve fournie ne précise pas quels articles ont été remis à titre de dons. Quoi qu’il en soit, en l’absence de preuve selon laquelle les dons d’articles TIGER GOLF par l’inscrivant à des organismes de bienfaisance faisaient partie d’une activité globale exercée à des fins lucratives et dans le but de créer un achalandage pour la Marque [Lin Trading Co. c. CBM Kabushiki Kaisha (1985), 5 C.P.R. (3d) 27 (C.O.M.C.), confirmée par (1987), 14 C.P.R. (3d) 32 (C.F. 1re inst.) et par (1988), 21 C.P.R. (3d) 417 (C.A.F.)], je ne peux conclure, eu égard à cette preuve, que les dons constituaient un emploi de la Marque dans la pratique normale du commerce.

[33]           Dans l’ensemble, j’estime que l’emploi de la Marque a été démontré en liaison avec les chapeaux de golf, les balles de golf et les gilets au Canada durant la période pertinente et que cet emploi a été effectué dans la pratique normale du commerce. Cependant, je note que les « gilets » ne sont pas visés par l’enregistrement; par conséquent, pour les besoins de la présente procédure, je conclus que la preuve d’emploi a été établie pour les marchandises suivantes : les chapeaux de golf et les balles de golf. L’inscription de ces marchandises sera donc maintenue.

[34]           Étant donné ma conclusion quant à l’emploi de la Marque pour les chapeaux de golf et les balles de golf, j’examinerai maintenant la question de savoir si la preuve permet de conclure à l’existence de circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi au Canada durant la période pertinente quant aux autres marchandises.

Circonstances spéciales

[35]           Trois critères doivent être pris en considération pour déterminer si des circonstances spéciales justifient le défaut d’emploi. Dans Bereskin & Parr c. Bartlett (2008), 70 C.P.R. (4th) 469 (C.O.M.C.), l’agente d’audience Barnett a résumé cette démarche dans les termes suivants :

La question de savoir s’il y a présence ou non de circonstances spéciales qui justifient l’absence d’emploi nécessite la prise en considération de trois critères. Le premier est la durée au cours de laquelle la marque n’a pas été utilisée. Le second est de savoir si les motifs d’absence d’emploi étaient attribuables à des circonstances indépendantes de la volonté de l’inscrivant. Le troisième est de savoir si ce dernier a l’intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque dans un bref délai : Canada (Registraire des Marques de commerce) c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.). Les « circonstances spéciales » du deuxième critère, à savoir si l’absence d’emploi était attribuable à des circonstances indépendantes de la volonté de l’inscrivant, signifie des « circonstances de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles » (John Labatt Ltd. c. The Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 C.P.R. (2d) 115 (C.F. 1re inst.)).

 

La Cour d’appel fédérale, dans son récent arrêt Scott Paper Limited c. Smart & Biggar et Le procureur général du Canada, 2008 CAF 129, a quelque peu clarifié l’interprétation du critère des circonstances spéciales faite dans l’arrêt Harris Knitting, précité. En se basant sur la grille d’analyse d’Harris Knitting Mills, la cour a conclu que l’examen approprié, lorsqu’il s’agit évaluer s’il y a présence ou non de circonstances spéciales qui justifieraient l’absence d’emploi de la marque, doit porter sur la raison de l’absence d’emploi, et qu’aucun autre facteur ne doit être pris en considération. Selon cette analyse, il doit être satisfait au deuxième critère du test d’Harris Knitting Mills pour pouvoir conclure que l’absence d’emploi de la marque est justifiée par une ou des circonstances spéciales. Selon mon analyse, cette conclusion ne signifie pas que les deux autres critères ne sont pas des facteurs pertinents : toutefois, ces deux critères ne pourraient, à eux seuls, constituer des circonstances spéciales. Dans tous les cas, l'intention de reprendre l'emploi doit être étayée par la preuve (Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.); NTD Apparel Inc. c. Ryan (2003), 27 C.P.R. (4th) 73 (C.F. 1re inst.)).

[36]           Dans les circonstances de l’espèce, je ne suis pas convaincue que l’inscrivait ait fourni suffisamment d’éléments pour étayer son allégation selon laquelle il y a présence de circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi.

[37]           En ce qui a trait à l’importante question de savoir si les raisons du défaut d’emploi s’expliquent par des circonstances indépendantes de la volonté de l’inscrivant, ce dernier semble prétendre que la conjoncture du marché combinée à son incapacité de trouver un licencié et un fabricant, ainsi que les retards dans l’enregistrement de ses autres marques, ont nui à sa capacité d’employer la marque. Cependant, je ne suis pas persuadée que les circonstances survenues au cours de cette période étaient indépendantes de la volonté de l’inscrivant. M. Wutzke ne fournit aucun détail concernant les difficultés qu’il a rencontrées pour trouver des licenciés ou les efforts qu’il a déployés pour contourner ces difficultés. On ignore donc si ces difficultés sont simplement des facteurs qui ont influencé la décision de l'inscrivant de ne pas employer la marque de commerce en cause ou qui étaient véritablement indépendants de sa volonté. De plus, puisqu’il a été établi que l’inscrivant a employé la marque de commerce à l’égard de certaines marchandises, il est difficile de voir comment ce facteur a pu avoir une incidence sur cet emploi à l’égard de certaines marchandises et non à l’égard des autres.

[38]           M. Wutzke soutient également dans son affidavit que [TRADUCTION] « en raison du long retard que j’ai dû subir avant de réussir à enregistrer la marque TIGER DOGS, lequel est attribuable aux déclarations d'opposition produites pour le compte de Asia Pacific Breweries Limited et de Executive Golf Products Inc., mes projets d’exploiter commercialement la marque TIGER GOLF ont grandement été retardés. En particulier, je ne voulais pas exploiter commercialement la marque TIGER DOGS en tant que seule marque de commerce déposée. Je voulais plutôt demander l’enregistrement des marques TIGER GOLF, TIGER DOGS et TIGER IRONS de façon simultanée, ou dans le délai le plus rapproché possible, de manière à obtenir ces enregistrements dans une très courte période, et à ainsi faire avancer mon projet d’exploiter commercialement l’emploi ou l’octroi de la licence de chacune de ces marques de commerce ». Il s’agit là d’une indication claire que la décision de l’inscrivant de ne pas employer la Marque au Canada pendant la période de quatre années et demie était une décision d’affaires délibérée de sa part, et non une circonstance indépendante de sa volonté.

[39]           Quant à la durée du défaut d’emploi, comme l’a souligné la décision Ridout & Maybee c. Sealy Canada Ltd./Ltée (1999), 87 C.P.R. (3d) 307 (C.F. 1re inst.), il est précisé au paragraphe 45(1) de la Loi que le propriétaire inscrit doit indiquer la date à laquelle la marque de commerce a été employée pour la dernière fois. Dans la présente affaire, l’inscrivant n’a pas fourni la date du dernier emploi de la marque de commerce. Or, cette omission n’est pas fatale; en règle générale, c’est la date d’enregistrement qui servira de date du dernier emploi ou, si la marque a fait l’objet d’une cession, c’est la date de la cession qui sera utilisée [GPS (U.K.) Ltd. c. Rainbow Jean Co. (1994), 58 C.P.R. (3d) 535 (C.M.O.C.). En l’espèce, la date qu’il convient d’accepter en tant que date du dernier emploi est la date d’enregistrement, soit le 19 août 2003. Par conséquent, la période de défaut d’emploi à partir de la date d’enregistrement jusqu’à la date de l’avis prévu à l’article 45 est de quatre ans et demi. À mon avis, il s’agit d’une période relativement longue pour des marchandises de fabrication courante et facilement disponibles comme des vêtements et des accessoires de golf.

[40]           Pour ce qui est du troisième critère, tel qu’il est mentionné dans la décision Lander Co. Canada Ltd. c. Alex E. Macrae & Co. (1993), 46 C.P.R. (3d) 417 (C.F. 1re inst.), à la page 421, l'intention de reprendre l'emploi dans un bref délai doit être « établie par des éléments factuels comme des bons de commande ou, à tout le moins, une date certaine de reprise ». Pour ce qui est des marchandises pour lesquelles aucun emploi n’a été établi, il n’y a aucune indication dans l’affidavit que l’emploi reprendra dans un bref délai. Bien qu’il semble que des « gants de golf » aient été commandés durant la période pertinente, il n’existe aucune preuve qu’ils ont été livrés. En tout état de cause, étant donné qu’il n’a pas été établi que le défaut d’emploi était indépendant de la volonté de l’inscrivant, l’intention de reprendre l’emploi en soi n’est pas un facteur déterminant pour conclure que des circonstances spéciales justifiaient le défaut d’emploi [voir Scott Paper Ltd. c. Smart & Biggar, 2008 CAF 129 (C.A.F.)]. Par conséquent, je conclus que la preuve de l’inscrivant ne permet pas d’établir l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.

[41]           En dernier lieu, en réponse à l’observation de la partie requérante selon laquelle aucun échantillon de produit ou d’emballage faisant voir la Marque apposée sur les produits n’avait été fourni, l’avocat de l’inscrivant a déclaré à l’audience qu’il avait en sa possession des photos dont ne disposait pas le registraire et a demandé qu’un second avis en vertu de l’article 45 de la Loi soit délivré. Or, compte tenu des propos tenus par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Spirits International N.V. c. Canada (Registraire des Marques de commerce) (2007), 60 C.P.R. (4th) 31, qui déconseille la pratique consistant à maintenir un enregistrement et à délivrer simultanément un second avis, un second avis ne sera pas délivré.

Décision

[42]           Compte tenu de ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement LMC587391 pour la marque de commerce TIGER GOLF sera maintenu à l’égard des « chapeaux, nommément chapeaux de golf » et des « balles de golf », et sera modifié afin de radier l’inscription des marchandises suivantes : « […] vestes pour dames et parkas de mer, chaussures de golf, gants de golf, chaussures de course, vestes et vestes imperméabilisées pour hommes, [...] eau minérale gazéifiée et non gazéifiée, jus et barbotines non gazéifiés, jus de fruits et cristaux à boissons », et des services suivants : « tournois de golf pour des tiers, émission de cartes de crédit », le tout conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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