Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : HUIT et Dessin

NUMÉRO D’ENREGISTREMENT : LMC201169

 

[1]               Le 14 février 2007, à la demande de Sim & McBurney, le registraire a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), à Huit Diffusion, une société anonyme (la Propriétaire), relativement à l’enregistrement no LMC201169 pour la marque de commerce HUIT et Dessin (la Marque). La Marque, qui est reproduite ci‑dessous, est enregistrée en liaison avec les marchandises suivantes : [traduction] « lingerie et corsets pour hommes, femmes et enfants; sous‑vêtements; soutiens‑gorge, pantalons, vestes en tissu naturel et synthétique; chemises, chemisettes, blouses; bas, collants, bas‑culottes et chaussettes; maillots de bain et costumes de bain pour hommes, femmes et enfants ».

 

HUIT & DESIGN

 

[2]               Aux termes de l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit doit, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, indiquer si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce commence le 14 février 2004 et se termine le 14 février 2007. L’article 4 de la Loi définit ce qui constitue l’emploi d’une marque de commerce.

 

[3]               En réponse à l’avis donné par le registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Bruno Roberty, ainsi que les pièces BR‑1 à BR‑3. Seule la partie requérante a produit des observations écrites. Les deux parties étaient représentées à l’audience.

 

[4]               Il est bien établi que l’objet de l’article 45 de la Loi est d’assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». De simples allégations d’emploi sont insuffisantes pour établir l’emploi [voir Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Ltd. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194 (C.F. 1re inst.); conf. par 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)]. Le destinataire de l’avis visé à l’article 45 de la Loi doit produire des éléments de preuve démontrant comment il a employé la marque afin que le registraire puisse déterminer si la marque a été employée au sens de l’article 4 de la Loi. Une preuve surabondante n’est toutefois pas nécessaire lorsque l’emploi peut être prouvé de manière simple et directe [voir Union Electric Supply Co. c. Registrar of Trade Marks (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)]. Par ailleurs, il est bien établi que les ambiguïtés concernant la preuve doivent être interprétées à l’encontre des intérêts du propriétaire inscrit [voir Aerosol Fillers Inc., précitée].

 

[5]               M. Roberty est le directeur général de la Propriétaire depuis le 1er septembre 2000. Il affirme que les principales activités de la Propriétaire sont la conception, la fabrication, la vente et la distribution de vêtements pour femmes, notamment de la lingerie et des maillots de bain. Au paragraphe 2 de son affidavit, il déclare qu’il est au courant de la commercialisation au Canada des marchandises spécifiées dans l’enregistrement de la Marque ou de « toute autre version actualisée de la Marque substantiellement similaire ». Je dois signaler que M. Roberty emploie l’expression « les Marchandises » dans son affidavit pour désigner collectivement les marchandises spécifiées dans l’enregistrement.

 

[6]               M. Roberty déclare aux paragraphes 3 et 4 :

 

3.   Je souscris le présent affidavit afin de démontrer qu’entre le 14 février 2004 et le 14 février 2007 (ci-après désignée comme « la Période pertinente »), dans le cours normal des affaires, Huit Diffusion employait la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises.

 

4.      À titre illustratif de la manière dont la Marque est apposée sur, ou de toute autre manière liée à, certains des produits constituant les Marchandises vendus par Huit Diffusion au Canada dans le cours normal des affaires durant la Période pertinente, je produis en liasse comme élément BR-1 […] un échantillonnage d’étiquettes.

(Non souligné dans l’original.)

 

[7]               Le paragraphe 3 constitue une simple allégation d’emploi qui reprend le libellé de l’article 45 de la Loi.

 

[8]               Considérant le paragraphe 4 de l’affidavit dans son ensemble, je conclus que les étiquettes sont produites à titre d’échantillons représentatifs démontrant l’emploi de la Marque au cours de la période pertinente, mais uniquement en liaison avec certaines des marchandises spécifiées dans l’enregistrement. À mon avis, le terme « vendus » étaie mon interprétation puisqu’il s’accorde avec « certains […] produits ». Si M. Roberty avait voulu parler des Marchandises, il aurait écrit « vendues ». Si mon interprétation est erronée, alors la déclaration est ambiguë et je peux l’interpréter à l’encontre des intérêts de la Propriétaire.

 

[9]               La marque de commerce suivante figure sur les six étiquettes produites sous la cote BR‑1 :

 

[10]           La partie requérante soutient que cette marque de commerce est très différente de la Marque. À son avis, les [traduction] « différences les plus importantes » concernent la forme du caractère numérique, la forme des lettres du mot « huit », le fond et la bordure. M’appuyant sur les principes énoncés dans Registrar of Trade-Marks c. Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull S.A. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.), et Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (C.A.F.), j’estime que les différences entre la marque de commerce qui a été enregistrée et la marque figurant sur les étiquettes sont mineures. Étant donné que je suis d’avis que la Marque est toujours reconnaissable et qu’elle n’a pas perdu son identité, je conclus que les différences sont tellement mineures que le public n’est aucunement trompé ou induit en erreur à cause d’elles. Par conséquent, je suis convaincue que l’emploi de la marque reproduite ci‑dessus constitue l’emploi de la Marque au sens du paragraphe 4(1) de la Loi.

 

[11]           M. Roberty déclare au paragraphe 5 :

 

5.   Je produis en liasse comme élément BR-2 […] un échantillonnage de factures, sur lesquelles la Marque est démontrée, à titre illustratif de la vente au Canada des produits constituant les Marchandises, en liaison avec la Marque, par Huit Diffusion au courant de la Période pertinente. Pour chacune des années 2004 à 2007, dans le même élément BR-2, je joins un tableau récapitulatif de ces factures indiquant, entre autres, une description des produits visés et les catalogues, dont il est question au paragraphe suivant, dans lesquels lesdits produits sont annoncés.

 

[12]           Le mot « huit » écrit de manière stylisée figure sur certaines des factures établies en 2006 et sur les factures établies en 2007, alors que la marque reproduite ci‑dessous figure dans le coin supérieur gauche des factures de 2004 et de 2005 et sur certaines des factures de 2006 :

 

[13]           Le caractère numérique étant la composante dominante de la Marque, je considère qu’il s’agit d’un élément essentiel. Aussi, je suis parfaitement d’accord avec la partie requérante lorsqu’elle dit que la marque de commerce comportant seulement le mot « huit » stylisé est considérablement différente de la Marque. J’estime cependant que, dans ce cas également, les différences entre la marque de commerce enregistrée et la marque reproduite ci‑dessus sont mineures. Toutefois, étant donné que la preuve n’indique pas que les factures portant la Marque étaient jointes aux marchandises lorsque celles‑ci étaient expédiées aux clients au Canada, je conviens avec la partie requérante qu’elles n’établissent pas l’emploi au sens du paragraphe 4(1) de la Loi [voir Riches, McKenzie & Herbert c. Pepper King Ltd. (2000), 8 C.P.R. (4th) 471 (C.F. 1re inst.)]. Cela étant dit, je souscris aux prétentions de la Propriétaire selon lesquelles les factures peuvent servir à corroborer les allégations de M. Roberty concernant les ventes de marchandises portant la Marque. En outre, bien que je reconnaisse qu’elles ne soient pas toutes datées de la période pertinente, les factures de 2004 et de 2007 établissent la continuité des ventes et corroborent ainsi les déclarations faites par M. Roberty relativement à l’emploi de la Marque.

 

[14]           M. Roberty déclare au paragraphe 6 :

 

À titre illustratif de la manière dont Huit Diffusion a fait la promotion et la publicité au Canada de certains des produits constituant les Marchandises vendus sous la Marque au Canada durant la Période pertinente, je produis en liasse comme élément BR-3 […] un échantillonnage de catalogues, pour les années 2004 à 2007, visant différentes collections d’articles de lingerie, de maillots de bains, d’articles de plage et d’articles vestimentaires commercialisés au Canada par Huit Diffusion au courant de la Période pertinente. Ces catalogues, sur lesquels apparaît la Marque, sont pour ma compagnie des outils de vente distribués non seulement à ses représentants français, mais également à ses agents ou importateurs à l’étranger, dont au Canada. Pour les années 2004 à 2006, lesdits catalogues ont aussi été distribués à plusieurs clients canadiens de Huit Diffusion, […].

(Non souligné dans l’original.)

 

[15]           Considérant la déclaration faite au paragraphe 6 de l’affidavit dans son ensemble, je conclus à nouveau que les catalogues sont produits à titre de catalogues représentatifs qui ont été utilisés au cours de la période pertinente pour faire la promotion et la publicité de certaines des marchandises spécifiées dans l’enregistrement. La marque de commerce composée du mot « huit » stylisé figure abondamment et bien en évidence dans les catalogues. Je reconnais que la Marque, reproduite au paragraphe 9 ou au paragraphe 12 ci‑dessus, figure sur ce qui semble être l’endos des catalogues. Or, la présence de la Marque dans les catalogues ne constitue pas en soi un emploi en liaison avec des marchandises [voir Clairol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd (1968), 55 C.P.R. 176 (C. de l’É.)]. En outre, compte tenu des circonstances de l’espèce, je ne suis pas convaincue que la preuve me permet de conclure ou, en ce qui concerne cette question, de déduire qu’il s’agit d’un cas où la présence de la Marque dans les catalogues établit un lien entre la Marque et les marchandises au moment du transfert de propriété. D’abord, M. Roberty affirme clairement que les catalogues servaient à la promotion et à la publicité. Ensuite, outre le fait que la Marque ne figure pas tout à côté des marchandises dans les catalogues, M. Roberty ne dit pas que les catalogues pouvaient être utilisés pour commander les marchandises qu’ils renfermaient. Enfin, M. Roberty ne dit pas non plus que les catalogues étaient joints aux marchandises au moment du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises.

 

[16]           En fin de compte, je suis d’accord avec la partie requérante lorsqu’elle dit que les seules pièces jointes à l’affidavit de M. Roberty qui établissent l’emploi de la Marque par la Propriétaire au cours de la période pertinente, au sens du paragraphe 4(1) de la Loi, sont les étiquettes. Comme je considère que les étiquettes constituent des échantillons représentatifs de l’emploi de la Marque, je dois décider si cet emploi a été établi en liaison avec les marchandises spécifiées dans l’enregistrement.

 

[17]           À l’audience, l’avocat de la Propriétaire n’a présenté aucune observation relativement aux marchandises suivantes : [traduction] « lingerie et corsets pour hommes et enfants », [traduction] « corsets pour femmes », [traduction] « pantalons, vestes en tissu naturel et synthétique », [traduction] « chemises, chemisettes », [traduction] « bas, collants, bas‑culottes et chaussettes » et [traduction] « maillots de bain et costumes de bain pour hommes et enfants ». Il soutenait cependant que l’affidavit de M. Roberty établissait l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises spécifiées dans l’enregistrement suivantes : [traduction] « lingerie pour femmes », [traduction] « sous‑vêtements », [traduction] « soutiens-gorge », [traduction] « blouses » et [traduction] « maillots de bain et costumes de bain pour femmes ». Il a en fait consacré une grande partie de ses observations aux relevés sommaires accompagnant les factures afin de démontrer le lien entre les marchandises susmentionnées et celles mentionnées dans les factures ou figurant dans les catalogues. Je souligne qu’il est des plus regrettable que ce soit l’avocat qui ait dû établir le lien, alors que M. Roberty n’a pas explicitement, que ce soit intentionnellement ou non, précisé au paragraphe 4 de son affidavit quelles marchandises parmi celles portant la Marque qui sont spécifiées dans l’enregistrement et qui figuraient dans la pièce BR‑1 ont été vendues au Canada au cours de la période pertinente.

 

[18]           Il aurait été préférable que M. Roberty indique explicitement quelles marchandises portant la Marque et spécifiées dans l’enregistrement ont été vendues au Canada au cours de la période pertinente. Je suis toutefois convaincue que la pièce BR‑1 et les factures de 2006 me permettent de conclure que la Marque a été employée en liaison avec de la [traduction] « lingerie pour femmes », des [traduction] « sous‑vêtements » et des [traduction] « soutiens-gorge » au cours de la période pertinente.

 

[19]           En ce qui concerne les [traduction] « blouses », l’avocat de la Propriétaire a attiré mon attention sur la « chemise » figurant dans le premier catalogue de 2007 et portant le numéro C710 dans le catalogue et sur la facture n106447 du 31 janvier 2007. L’avocat de la Propriétaire a reconnu que le mot « chemise » a été traduit par « shirt » dans le catalogue. Il faisait valoir cependant que, comme il n’y a pas de boutons à l’avant de la « chemise », il s’agit plutôt d’une blouse. L’avocat se fondait à cet égard sur la définition donnée au mot « blouse » dans les dictionnaires anglais. Compte tenu de ses prétentions, je conclus que les éléments de preuve sur lesquels il s’est appuyé ne visaient pas à démontrer l’emploi de la Marque en liaison avec les « chemises » spécifiées dans l’enregistrement. Dans ce cas également, il est des plus regrettable, voire même des plus inapproprié, que l’avocat de la Propriétaire ait dû faire valoir que la « chemise » figurant dans le catalogue est en fait une blouse. Il aurait certainement été assez facile pour M. Roberty de déclarer dans son affidavit que la « chemise » était une blouse s’il estimait que c’était le cas. Je conviens cependant que la « chemise » figurant dans le catalogue de 2007 pourrait être couramment appelée « blouse ». Par conséquent, je suis convaincue que la pièce BR‑1 et la facture no 106447 me permettent de conclure que la Marque a été employée en liaison avec des [traduction] « blouses ».

 

[20]           En ce qui concerne les [traduction] « maillots de bain et costumes de bain pour femmes », l’avocat de la Propriétaire a attiré mon attention sur deux types de maillots de bain illustrés dans le premier catalogue de 2007 et portant respectivement les numéros R10 et R501 dans le catalogue et sur la facture no 106446 du 31 janvier 2007. Le produit R10, qui, à mon avis, est essentiellement un maillot de bain une pièce, est appelé « nageur armatures » et le produit R501, qui, à mon avis, est essentiellement un maillot de bain deux pièces, est appelé « triangle coulissé ». Je signale que le Oxford Canadian Dictionary définit [traduction] « costume de bain » dans les termes suivants : [traduction] « sp. G.‑B. un maillot de bain ». Bien qu’il semble qu’au Canada un costume de bain soit plus souvent appelé maillot de bain, je souligne que le registraire n’a pas le pouvoir de redéfinir ou de modifier les marchandises dont l’emploi a été établi en l’espèce. Il est vrai que le paragraphe 45(4) de la Loi confère au registraire un pouvoir de modification, mais cette disposition doit être lue en combinaison avec le paragraphe 45(3), qui prévoit que l’enregistrement peut être modifié s’il apparaît que la Marque n’a pas été employée au Canada en liaison avec les marchandises spécifiées dans l’enregistrement [voir Carter‑Wallace Inc. c. Wampole Canada Inc. (2000), 8 C.P.R. (4th) 30 (C.F. 1re inst.)]. Par conséquent, je suis convaincue que la pièce BR‑1 et la facture no 106446 me permettent de conclure que la Marque a été employée en liaison avec des [traduction] « maillots de bain et costumes de bain pour femmes ».

 

[21]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que, lorsqu’on le considère dans son ensemble, l’affidavit de M. Roberty établit, de la manière exigée par la Loi, l’emploi de la Marque au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises suivantes : [traduction] « lingerie pour femmes », [traduction] « sous‑vêtements », [traduction] « soutiens‑gorge », [traduction] « blouses » et [traduction] « maillots de bain et costumes de bain pour femmes ». Par contre, je ne suis pas convaincue qu’il établit l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises suivantes : [traduction] « lingerie et corsets pour hommes et enfants », [traduction] « corsets pour femmes », [traduction] « pantalons, vestes en tissu naturel et synthétique », [traduction] « chemises, chemisettes », [traduction] « bas, collants, bas‑culottes et chaussettes » et [traduction] « maillots de bain et costumes de bain pour hommes et enfants ». Il n’établit pas non plus l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque. Par conséquent, ces marchandises seront radiées de l’enregistrement.

 

[22]           Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je conclus que l’enregistrement no LMC201169 devrait être maintenu uniquement en ce qui concerne les marchandises suivantes : [traduction] « lingerie pour femmes; sous‑vêtements; soutiens‑gorge; blouses; maillots de bain et costumes de bain pour femmes ».

 

[23]           L’enregistrement no LMC201169 sera modifié en conformité avec les dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi.

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 27 NOVEMBRE 2009.

 

 

 

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.