Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 201

Date de la décision : 2015-11-10

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Barrette Legal Inc.

 

Partie requérante

et

 

Casella Wines Pty Limited

Propriétaire inscrite

 

 

 



 

LMC651,779 pour CASELLA

 

Enregistrement

 

[1]               Le 27 novembre 2013, à la demande de Barrette Legal Inc (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Casella Wines Pty limited (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC651,779 de la marque de commerce CASELLA (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des boissons alcoolisées, nommément des vins (les Produits).

[3]               L'avis exigeait que la Propriétaire fournisse une preuve démontrant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des Produits à un moment quelconque entre le 27 novembre 2010 et le 27 novembre 2013 (la Période pertinente). Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               La définition pertinente d'« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi, qui est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et des services décrits dans l'enregistrement au cours de la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270].

[6]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de Julian Raccanello. Seule la Propriétaire a produit des représentations écrites. Une audience a été tenue et les parties y étaient toutes deux présentes.

La preuve de la Propriétaire

[7]               M. Raccanello est directeur du soutien aux ventes internationales et du marché de l'Amérique du Sud pour la Propriétaire et il occupe ce poste depuis plus de 9 ans. Il déclare que la Propriétaire fabrique, exporte, distribue et vend des vins dans plus de cinquante pays, y compris le Canada.

[8]               M. Raccanello déclare que la Propriétaire est la propriétaire inscrite de la Marque, dont le certificat d'enregistrement porte le numéro LMC651,779, en liaison avec les Produits.

[9]               Quant à l'allégation d'emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Produits, je reproduis les paragraphes 6 et 7 de son affidavit :

[Traduction]
6. Pendant la période pertinente, la Propriétaire employait la [Marque] dans la pratique normale du commerce au Canada, en liaison avec les [Produits]. J'entends par « pratique normale du commerce » les ventes faites par la Propriétaire directement aux régies provinciales des alcools au Canada, comme la LCBO (Régie des alcools de l'Ontario), qui à leur tour vendent les [Produits] aux consommateurs canadiens dans leurs divers points de vente au Canada. Lorsque je parle de l'emploi de la [Marque], je fais référence à la [Marque] telle qu'elle figure sur les factures émises pour la vente des [Produits] à la LCBO.

7. À titre d'exemples pour illustrer l'emploi de la [Marque] au Canada pendant la Période pertinente, je joins aux présentes la Pièce JR-1 à l'appui de mon affidavit; il s'agit d'un ensemble de factures représentatives pour les [Produits] de la Propriétaire sur lesquels la [Marque] occupe une place importante. Les factures jointes aux présentes en pièce JR-1 à l'appui de mon affidavit accompagnaient les [Produits] vendus à la LCBO pendant la Période pertinente.

Analyse de la preuve

[10]           La seule question à trancher en l'espèce est celle de savoir si les factures produites en pièce JR-1 constituent une preuve adéquate d'emploi de la Marque en liaison avec les Produits pendant la Période pertinente.

[11]           Comme l'a mentionné la Partie requérante, la meilleure preuve d'emploi d'une marque de commerce en liaison avec des produits consiste en la production d'étiquettes arborant la marque et attachées aux produits au moment de leur transfert, ou la production d'échantillons d'emballages des produits arborant la marque. Dans le cas des vins, la meilleure preuve d'emploi d'une marque de commerce aurait été la production d'étiquettes ou de photos d'une véritable bouteille de vin arborant la marque. Malheureusement, nous ne disposons pas d'une telle preuve en l'espèce.

[12]           Cependant, cela ne s'avère pas rédhibitoire pour la Propriétaire. Selon l'article 4(1) de la Loi, il existe d'autres moyens de donner avis de liaison entre les produits et une marque de commerce. L'un de ces moyens, examiné dans la jurisprudence, est la présence de la marque de commerce sur des factures, dans certaines conditions. Par l'affidavit de M. Raccanello, la Propriétaire s'appuie exclusivement sur les factures jointes à son affidavit à titre de preuve d'emploi de la Marque.

[13]           Certains critères doivent être satisfaits pour que la présence d'une marque de commerce sur des factures constitue un emploi de cette marque de commerce en liaison avec des produits, par exemple :

         l'importance de la place qu'occupe la marque de commerce et la manière dont elle est affichée dans la partie supérieure de la facture;

         le fait que la facture accompagnait les produits au moment du transfert;

         le fait que l'acheteur comprend clairement que les produits énumérés sur la facture ont été vendus en liaison avec la marque qui figure sur la facture;

         l'absence de toute autre marque de commerce sur la facture;

[voir Hortilux Schreder BV c Isawaki Electric Co. Ltd 2011 CF 967].

[14]           Je ne considère pas que cette liste est exhaustive et que tous ces critères doivent être satisfaits. Ils servent, peut-être avec d'autres critères, de lignes directrices pour déterminer si, en réalité, il y a eu emploi d'une marque de commerce en liaison avec des produits au sens de l'article 4(1) de la Loi [voir Cameron IP c Haldex AB, 2015 CF 1000 (CanLII) au para 24].

[15]           Afin de bien comprendre les arguments des parties, je reproduis la partie supérieure de l'une des factures produites :

[16]           La Partie requérante soutient que la Marque n'est pas la seule marque de commerce qui apparaît sur les factures, mais plutôt CASELLA WINES et dessin de couronne. Je note que le mot générique « wines » (vins) est écrit en caractères beaucoup plus petits. En outre, le dessin de la couronne est beaucoup plus petit que le mot CASELLA. Je suis d'avis que l'emploi de CASELLA WINES et dessin de couronne constitue un emploi de la Marque [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l'informatique CII Honeywell Bull, SA, (1985) 4 CPR (3d) 523 (CAF)].

[17]           La Partie requérante fait valoir que la date de chaque facture produite ne correspond pas à la « despatch date » (date d'expédition) indiquée sur les factures. Par conséquent, selon la Partie requérante, ce qui apparaît sur les factures produites n'est pas compatible avec la déclaration de M. Raccanello portant que les factures accompagnaient les Produits vendus. Il n'y a aucune incompatibilité. La « despatch date » (date d'expédition) qui apparaît sur les factures est toujours subséquente à l'« invoice date » (date de la facture). Si c'était l'inverse, je serais porté à être d'accord avec la Partie requérante.

[18]           La Partie requérante allègue qu'il y a plus d'une marque de commerce énoncée sur les factures. La Propriétaire n'a pas contesté ce fait. On fait référence à la marque de commerce Yellow Tail dans la description des produits vendus. Par conséquent, selon la Partie requérante, l'une des conditions énumérées dans Hortilux n'a pas été satisfaite et donc, les factures produites ne peuvent pas constituer une preuve d'emploi de la Marque en liaison avec les Produits pendant la Période pertinente.

[19]           La Propriétaire répond qu'il est toujours possible que le propriétaire d'une marque de commerce emploie plus d'une marque de commerce sur des produits. Je ne crois pas que ce point soit contesté. En outre, selon la Propriétaire, il n'est pas nécessaire que tous les critères susmentionnés soient satisfaits.

[20]           Enfin, la Partie requérante s'appuie sur la décision qu'a rendue le registraire dans Moffat & Co c Conagra, Inc (1994), 52 CPR (3d) 564, où il a été établi que l'emploi d'une marque de commerce dans la partie supérieure d'une facture, sans référence à la marque de commerce dans le corps de la facture, peut constituer, au mieux, l'emploi d'une marque de commerce en liaison avec des services.

[21]           En l'espèce, non seulement CASELLA WINES et dessin de couronne apparaît dans le coin supérieur gauche des factures, mais il y a aussi une autre marque de commerce dans la description des produits, dans le corps des factures. Par conséquent, même si l'acheteur des Produits n'est pas l'utilisateur final (en l'espèce la LCBO) et qu'il s'agit d'une entité qui connaît ce type de produits, on fait tout de même référence à deux marques de commerce différentes. Je sais qu'il est possible que deux marques de commerce différentes puissent être présentes sur les étiquettes ou l'emballage de produits.

[22]           Cependant, j'établis une distinction entre une situation où deux marques de commerce sont apposées sur des étiquettes ou l'emballage de produits et le cas qui nous occupe. En l'espèce, il s'agit d'une marque de commerce (Yellow Tail) identifiant la marque de vin vendue par la Propriétaire à la LCBO. À la lecture des factures, on ne peut pas déterminer clairement si CASELLA WINES et dessin de couronne est une autre marque de commerce employée en liaison avec des vins, plutôt qu'une marque de commerce employée en liaison avec des services de vente de vins. En outre, M. Raccanello ne déclare pas que la Marque est employée comme marque maison pour les Produits de pair avec d'autres sous-marques de la Propriétaire. Toute ambiguïté dans la preuve produite par la Propriétaire doit être interprétée en sa défaveur [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184, (2010), 90 CPR (4th) 428], surtout parce que la Propriétaire aurait pu produire des étiquettes ou des images de bouteilles arborant la Marque.

[23]           Je conclus qu'il n'y a aucune preuve d'emploi de la Marque en liaison avec les Produits au Canada au cours de la Période pertinente.

[24]           Je note aussi qu'il n'y a aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque pendant la Période pertinente, au sens de l'article 45(3) de la Loi.

Décision

[25]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement LMC651,779 sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

Date de l’audience : 2015-10-22

 

Comparutions

 

Stella Syrianos                                                                         Pour la Propriétaire inscrite

 

Bruno Barette                                                                          Pour la Partie requérante

 

Agents au dossier

 

Robic                                                                                       Pour la Propriétaire inscrite

 

Barette Legal Inc.                                                                    Pour la Partie requérante

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