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Dossier : 2012-2181(GST)G

ENTRE :

GARAGE GILLES ROY (2007) INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 14 février 2014, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Bobby Doyon

Avocat de l'intimée :

Me Danny Galarneau

 

JUGEMENT

        L’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation datée du 19 mai 2010 établie par l’Agence du Revenu du Québec en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes se terminant le 31 juillet 2009 et le 31 octobre 2009, est accueilli sans frais et la nouvelle cotisation est déférée au ministre pour un nouvel examen et nouvelle cotisation afin d'exclure les montants de la taxe sur les produits et services attribuables aux réparations des véhicules sous garantie, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

        La partie de la nouvelle cotisation qui se rapporte à la période du 1er au 31 juillet 2008 n'est pas en litige car elle a fait l'objet d'un rajustement au stade de l'opposition et a été diminuée d'un montant de 2 849,06 $ pour tenir compte des services de réparation urgents rendus à des non-résidents.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de septembre 2014.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2014 CCI 269

Date : 20140925

Dossier : 2012-2181(GST)G

ENTRE :

GARAGE GILLES ROY (2007) INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             Il s'agit ici d'un appel à l'encontre d'une nouvelle cotisation datée du 19 mai 2010 établie au nom de l'appelante par l'Agence du Revenu du Québec (« l'ARQ »), en tant que mandataire du ministre du Revenu national, en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la« LTA ») pour les périodes de déclaration du 1er au 31 juillet 2008, du 1er au 31 juillet 2009 et du 1er au 31 octobre 2009.

[2]             Par la nouvelle cotisation du 19 mai 2010, une somme totale de 16 412,07 $ était réclamée, laquelle somme se détaillait comme suit :

a)  pour la période du 1er au 31 juillet 2008, une cotisation révisée accordant un crédit total de 3 304,17 $, soit 3 189,83 $ en taxe nette et 114,34 $ en intérêts sur remboursement;

b)  pour la période du 1er au 31 juillet 2009, une cotisation révisée totale de 18 026,63 $, soit 17 509,59 $ en taxe nette et 517,04 $ en intérêts sur des arriérés;

c)  pour la période du 1er au 31 octobre 2009, une cotisation révisée de 1 689,61 $, soit 1 650,73 $ en taxe nette et 38,88 $ en intérêts sur arriérés.

[3]             La partie de la nouvelle cotisation qui se rapporte à la période de déclaration du 1er au 31 juillet 2008 n'est pas en litige car elle a fait l'objet d'un rajustement suite aux motifs invoqués au stade de l'opposition et a été diminuée d'un montant de 2 849,06 $ pour tenir compte des services de réparation urgents rendus à des non-résidents.

[4]             En cotisant l'appelante, l'ARQ s'est fondée sur les conclusions et les hypothèses de fait suivantes, telles qu'énoncées au paragraphe 41 de la Réponse à l'avis d'appel :

a)   Garage Gilles Roy Inc. est une personne morale constituée en vertu de la Partie 1A de la Loi sur les compagnies (L.R.Q., ch. C-38);

b)   L'appelante est, pendant la période visée, un inscrit aux fins de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (ci-après « LTA »);

c)   L'appelante œuvre dans le domaine de la réparation de véhicules lourds;

d)   Au cours de la vérification des livres et registres de l'appelante, l'intimée a constaté des écarts importants entre les taxes (TPS-TVQ) déclarées et les taxes remises;

e)   À la lumière des faits disponibles au moment de la vérification et remis par les représentants de l'appelante, l'appelante remet la taxe exigible au moment du paiement de ces sommes par les fabricants plutôt qu'au moment de sa réclamation;

f)   Or, l'appelante devait remettre les taxes et les comptabiliser au moment où elle émet sa facture;

g)   De plus, l'appelante effectue des travaux sur des véhicules appartenant à des non-résidents comme étant des réparations d'urgence, ce qui constitue des services détaxés;

h)   Or, selon les données reçues, ces travaux ne peuvent se définir comme étant de nature urgente, donc demeurent taxables;

i)    De façon plus précise, les opérations de l'appelante se déroulent comme suit:

      (i)      Un propriétaire de camion demande à l'appelante d'effectuer les réparations sur son véhicule;

      (ii)     Un employé de l'appelante l'évalue et détermine si la réparation sera couverte par la garantie du fabricant;

      (iii)    Les services sont exécutés par l'appelante;

      (iv)    Après quelques procédures administratives, une réclamation est transmise au fabricant par voie électronique;

(v)         Cette réclamation respecte la charte établie par le fabricant quant aux réparations sous garantie;

(vi)       Cette facture réclame le paiement du temps du mécanicien ayant effectué le service et les pièces utilisées pour ladite réparation;

(vii)     Après analyse, le fabricant paie, en tout ou en partie, la facture;

j)        C'est donc au moment de ce paiement que l'appelante comptabilise ses taxes;

k)      Cependant, la taxe est percevable au moment de la facture, à savoir, au jour où l'appelante transmet par courrier électronique sa facture;

l)        Ainsi, la contrepartie du service de réparation rendue par l'appelante est réputée être due le premier en date du jour où l'appelante délivre cette réclamation et du jour où elle l'aurait délivré, n'eut été d'un retard injustifié.

Position de l'intimée

[5]             L'intimée soutient que l'appelante devait remettre la taxe au moment où cette dernière transmet, via courrier électronique, sa réclamation pour services rendus aux fabricants concernés. L'intimée considère que la production de la réclamation envoyée électroniquement peut être assimilée à la délivrance d'une facture. C'est à ce moment que la contrepartie du service de réparation est réputée être due par les fabricants et que la taxe doit être remise.

Position de l'appelante

[6]             L'appelante soutient que le moment où la taxe devait être perçue par l'appelante et être prise en compte dans le calcul de la taxe nette pour une période donnée est le moment où la taxe est payable par l'acquéreur de la fourniture taxable, soit le jour où la contrepartie de la fourniture taxable devient due dans ce cas-ci.

[7]             Comme dans ce cas-ci, l'appelante ne délivre aucune facture à qui que ce soit, la contrepartie d'une fourniture taxable ne devient due que le jour où l'acquéreur de la fourniture est tenu de payer le fournisseur conformément à une convention écrite.

[8]             Lorsque l'appelante soumet au fabricant une réclamation par voie électronique, l'appelante ne connaît pas à l'avance le montant que le fabricant approuvera car le montant de la réclamation peut varier selon les barèmes préétablis du fabricant et, dans certains cas, la réclamation peut être totalement refusée.

[9]             Lorsqu'une réclamation est soumise au fabricant, ce dernier a l'obligation de l'étudier, de l'approuver en totalité ou en partie ou de la refuser. L'obligation du fabricant d'acquitter la réclamation ne se matérialise que lorsqu'il a approuvé la réclamation.

[10]        Le montant de la taxe est établi uniquement lorsque la réclamation est approuvée et la taxe devient due sur la valeur de la réclamation qui a été acceptée.

[11]        Selon l'appelante, la taxe applicable sur la contrepartie de la réparation est réputée devenir due au moment où le fabricant a approuvé les réclamations transmises électroniquement par l'appelante. C'est donc à ce moment que la contrepartie d'une fourniture taxable devient payable et que la taxe devait être perçue par l'appelante pour être prise en compte dans le calcul de la taxe nette pour la période au cours de laquelle les réclamations soumises ont été approuvées par les fabricants.

[12]        L'appelante soutient également que la nouvelle cotisation datée du 19 mai 2010 est erronée parce que l'ARQ s'est basée sur les états financiers de l'appelante qui sont préparés en fonction du moment où les réparations sont effectuées et non pas en fonction du moment où les réclamations sont transmises aux fabricants ou en fonction du moment où les réclamations sont approuvées par les fabricants.

Dispositions législatives applicables

[13]        Les dispositions de la LTA qui sont applicables au présent litige comprennent les articles 123, 152, 165, 168, 221, 225, 228, 238, 299 et l'article 6.1 de la partie V de l'annexe VI.

[14]        Les termes "acquéreur" et "facture" sont définis à l'article 123 de la façon suivante :

« acquéreur »

a)   Personne qui est tenue, aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

b)   personne qui est tenue, autrement qu'aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

c)   si nulle contrepartie n'est payable pour une fourniture :

      (i)      personne à qui un bien, fourni par vente, est livré ou à la disposition de qui le bien est mis,

      (ii)     personne à qui la possession ou l'utilisation d'un bien, fourni autrement que par vente, est transférée ou à la disposition de qui le bien est mis,

      (iii)    personne à qui un service est rendu.

Par ailleurs, la mention d'une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l'acquéreur de la fourniture.

[…]

« facture »

Y sont assimilés les états de compte, les notes, les additions et les documents semblables, sans égard à leur forme ni à leurs caractéristiques, ainsi que les relevés ou reçus de caisse.

[…]

[15]        L'article 152 détermine à quel moment la contrepartie d'une fourniture taxable devient due :

152(1) Contrepartie due - Pour l'application de la présente partie, tout ou partie de la contrepartie d'une fourniture taxable est réputée devenir due le premier en date des jours suivants :

a)   le premier en date du jour où le fournisseur délivre, pour la première fois, une facture pour tout ou partie de la contrepartie et du jour apparaissant sur la facture;

b)   le jour où le fournisseur aurait délivré une facture pour tout ou partie de la contrepartie, n'eût été un retard injustifié;

c)   le jour où l'acquéreur est tenu de payer tout ou partie de la contrepartie au fournisseur conformément à une convention écrite.

[16]        Le taux de la taxe sur les produits et services est déterminé à l'article 165 :

165(1) Taux de la taxe sur les produits et services - Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 5 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

[…]

[17]        En règle générale, la taxe sur les produits et services est payable par l'acquéreur au premier des jours suivants a) le jour où la contrepartie de la fourniture taxable est payée ou b) le jour où cette contrepartie devient due. Cette règle générale est énoncée à l'article 168 :

168(1) Règle générale - La taxe prévue à la présente section est payable par l'acquéreur au premier en date du jour où la contrepartie de la fourniture taxable est payée et du jour où cette contrepartie devient due.

[…]

[18]        L'obligation de percevoir la taxe payable par l'acquéreur d'une fourniture taxable est imposée à la personne qui effectue la fourniture taxable. L'article 221 qui impose cette obligation se lit comme suit :

221(1) Perception - La personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, percevoir la taxe payable par l'acquéreur en vertu de la section II.

[…]

[19]        La taxe nette pour une période de déclaration est calculée de la façon prévue aux articles 225 et 228 :

225(1) Taxe nette - Sous réserve des autres dispositions de la présente sous-section, la taxe nette pour une période de déclaration donnée d'une personne correspond au montant, positif ou négatif, obtenu parla [sic] formule suivante :

A - B

où :

A représente le total des montants suivants :

      a)   les montants devenus percevables et les autres montants perçus par la personne au cours de la période donnée au titre de la taxe prévue à la section  II;

      b)   les montants à ajouter aux termes de la présente partie dans le calcul de la taxe nette de la personne pour la période donnée;

B le total des montants suivants :

      a)   l'ensemble des montants dont chacun représente un crédit de taxe sur les intrants pour la période donnée ou une période de déclaration antérieure de la personne, que celle-ci a demandé dans la déclaration produite en application de la présente section pour la période donnée;

      b)   l'ensemble des montants dont chacun représente un montant que la personne peut déduire en application de la présente partie dans le calcul de sa taxe nette pour la période donnée et qu'elle a indiqué dans la déclaration produite en application de la présente section pour cette période.

          […]

228(1) Calcul de la taxe nette – La personne tenue de produire une déclaration en application de la présente section doit y calculer sa taxe nette pour la période de déclaration qui y est visée, sauf si les paragraphes (2.1) ou (2.3) s'appliquent à la période de déclaration.

228(2) Versement – La personne est tenue de verser au receveur général le montant positif de sa taxe nette pour une période de déclaration dans le délai suivant, sauf [vraisemblablement « sauf si » — n.d.l.r.] les paragraphes (2.1) ou (2.3) s'appliquent à la période de déclaration :

a)   si elle est un particulier auquel le sous-alinéa 238(1)a)(ii) s'applique pour la période, au plus tard le 30 avril de l'année suivant la fin de la période;

b)   dans les autres cas, au plus tard le jour où la déclaration visant la période est à produire.

[20]        Le délai de production des déclarations de taxe au ministre par un inscrit est précisé du paragraphe 238(1):

238(1) Production par un inscrit - L'inscrit doit présenter une déclaration au ministre pour chacune de ses périodes de déclaration dans le délai suivant :

a)   si la période de déclaration correspond à l'exercice, ou y correspondrait en l'absence du paragraphe 251(1) :

      (i)      lorsque l'inscrit est une institution financière désignée visée à l'un des sous-alinéas 149(1)a)(i) à (x), dans les six mois suivant la fin de l'exercice,

      (ii)     lorsque le sous-alinéa (i) ne s'applique pas, que l'exercice correspond à une année civile et que l'inscrit est un particulier qui exploitait une entreprise au cours de l'année pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu et dont la date d'échéance de production pour l'année pour l'application de cette loi est le 15 juin de l'année suivante, au plus tard à cette date,

      (iii)    dans les autres cas, dans les trois mois suivant la fin de l'exercice;

            b)   sinon, dans un délai d'un mois suivant la fin de la période de déclaration.

            […]

[21]        La LTA prévoit à l'article 299 une présomption réfutable à l'effet qu'une cotisation est réputée valide et exécutoire:

299(3) Cotisation valide et exécutoire - Sous réserve d'une nouvelle cotisation et d'une annulation prononcée par suite d'une opposition ou d'un appel fait selon la présente partie, une cotisation est réputée valide et exécutoire.

[…]

299(4) Présomption de validité - Sous réserve d'une nouvelle cotisation et d'une annulation prononcée lors d'une opposition ou d'un appel fait selon la présente partie, une cotisation est réputée valide et exécutoire malgré les erreurs, vices de forme ou omissions dans la cotisation ou dans une procédure y afférent en vertu de la présente partie.

[22]        L'article 6.1 de la partie V de l'annexe VI permet à un fournisseur de ne pas facturer la taxe sur les réparations d'urgence effectuées au profit de personnes non-résidentes. L'article 6.1 se lit comme suit :

6.1 La fourniture effectuée au profit d'une personne non-résidente qui n'est pas inscrite aux termes de la sous-section d de la section V de la partie IX de la loi, d'un service de réparation d'urgence et, le cas échéant, d'un bien meuble corporel fourni avec ce service, relativement à du matériel roulant utilisé dans le cadre d'une entreprise de transport de passagers ou de biens.

Analyse

[23]        Le problème à résoudre dans ce dossier n'est pas de déterminer si la fourniture de service est taxable ou non mais plutôt de déterminer quand la taxe devient due et percevable par l'appelante; la « fourniture taxable » était la réparation sous garantie, le « fournisseur » était l'appelante et « l'acquéreur » était le fabricant. Aucune « facture » au sens usuel du terme n'est émise au fabricant, ni au bénéficiaire de la garantie, sauf si la réclamation transmise au fabricant est refusée en totalité ou en partie. Tout dépendant de la raison du refus, l'appelante peut être appelée à assumer la partie du coût de la réparation qui a été refusée si la cause du refus est attribuable à une erreur de la part du mécanicien. Si la cause du refus est attribuable à une usure anormale du camion par le bénéficiaire de la garantie, le coût de la réparation sera facturé au bénéficiaire de la garantie.

[24]        La LTA ne définit pas comme tel ce qu'est une facture mais il est précisé à l'article 123 que les états de compte, les notes, les additions et les documents semblables ainsi que les relevés ou reçus de caisse sont assimilés à des factures. Dans ce contexte, le terme « facture » a une très large portée.

[25]        L'Agence du Revenu du Canada (l'« ARC ») a publié le mémorandum TPS 300-6-3 daté du 20 mars 1991 qui explique ce que constitue une facture aux fins de déterminer le moment d'assujettissement de la fourniture à la taxe sur les produits et services (la « TPS »). Au paragraphe 6 de ce mémorandum, il est précisé qu'une facture est un document qui informe un acquéreur de l'obligation à payer ou qui fait état du paiement. Aux paragraphes 11 et suivants du même mémorandum, il est précisé qu'« une estimation qui ne comporte aucune obligation à payer n'est pas considérée comme une facture ». À titre d'exemple, l'ARC explique qu'en général, les bordereaux d'expédition et les connaissements ne sont pas considérés comme des factures aux fins de la TPS parce qu'ils n'obligent pas en soi, l'acquéreur à payer une contrepartie.

[26]        Des copies des réclamations produites par l'appelante qui ont été transmises aux fabricants et des copies des documents transmis par les fabricants en réponse aux réclamations présentées par l'appelante ont été déposées en preuve.

[27]        D'une façon générale, les réclamations produites par l'appelante ressemblent à une facture d'un atelier de réparations. On y trouve des informations concernant a) le client: le nom, l'adresse, les numéros de téléphone, le numéro du client, etc.; b) le véhicule: l'année, le modèle, le numéro de série, la plaque d'immatriculation, le kilométrage, etc.; et c) les réparations: la date d'entrée du véhicule au garage, la date anticipée à laquelle les réparations seront terminées, le nom du mécanicien, son tarif horaire, la nature de la plainte, la description des travaux exécutés comprenant les fournitures, les pièces remplacées, et le temps pris par le mécanicien pour effectuer les réparations. Le coût total des travaux effectués y est indiqué en précisant les montants pour la main-d'œuvre et les pièces. La principale différence entre les réclamations de l'appelante et les factures pour les réparations des véhicules non couvertes par des garanties réside dans le fait que le montant des taxes n'apparaît pas sur les réclamations soumises pour les réparations des véhicules sous garantie.

[28]        Lorsqu'un fabricant reçoit une réclamation pour des réparations d'un véhicule couvert par une garantie, il a l'obligation de la vérifier afin de s'assurer qu'elle respecte les normes fixées par le fabricant quant à la couverture de la garantie et quant aux coûts des réparations effectuées. Le fabricant peut refuser la réclamation de l'appelante pour des raisons de non-conformité aux règles préétablies par ce dernier. Le fabricant peut exiger le retour des pièces remplacées pour inspection. Le fabricant peut refuser d'honorer la garantie si la réparation effectuée est hors de la période d'application de la garantie ou si la réparation résulte d'une usure anormale. Une fois l'évaluation de la réclamation complétée, le fabricant transmet à l'appelante par courrier électronique les résultats, soit l'acceptation totale ou partielle ou le refus de la réclamation. C'est à ce moment que le fabricant confirme le montant de la réclamation qui a été accepté et qu'il ajoute les taxes applicables. Le paiement d'une réclamation par le fabricant est normalement effectué dans les 2 à 3 semaines qui suivent le jour de l'acceptation de la réclamation. Le mode de paiement des fabricants consiste à octroyer à l'appelante des crédits sur les achats de pièces auprès des fabricants. Règle générale, les fabricants n'envoient pas de chèque, ni de traite bancaire à l'appelante afin d'effectuer le paiement des réclamations.

[29]        Selon les témoignages entendus à l'audience, chaque fabricant administre son propre programme de garantie et utilise son propre logiciel informatique. Une copie des conventions écrites liant l'appelante et les fabricants n'a été remise à l'intimée qu'une semaine avant l'audition de la cause alors que lors de la vérification et au stade de l'opposition, les représentants de l'appelante ont toujours prétendu ne pas avoir de copies de ces conventions. Ces conventions sont très détaillées et imposent de nombreuses conditions aux concessionnaires, qui comme l'appelante, appliquent les programmes de garantie des fabricants.

[30]        Selon madame Marie Fecteau, préposée aux garanties chez l'appelante depuis 16 ans, le nombre de réclamations mensuelles de garantie pendant la période en litige était de l'ordre de 100 à 125 réclamations. Selon son expérience, les réclamations partiellement refusées étaient de l'ordre de 20% à 25% des réclamations présentées tandis que les réclamations totalement refusées étaient de l'ordre de 5%. Les ajustements effectués par les fabricants concernent surtout la main-d'œuvre alors qu'il y a peu d'ajustements sur le prix des pièces. Autre donnée intéressante, selon madame Fecteau, le délai de traitement des réclamations par les fabricants était de l'ordre de 2 à 3 mois.

[31]        Selon monsieur Christian Gilbert, responsable du département des pièces et un des cinq actionnaires de l'appelante, les fabricants exigeaient de voir les pièces pour analyse dans environ 30% des cas. Ces demandes de pièces étaient généralement présentées dans les 30 jours de la date de soumission des réclamations.

[32]        L'ARQ a conclu que la date d'une réclamation devait servir de référence aux fins de la remise des taxes, à moins qu'il n'y ait un retard injustifié entre le moment où la réparation est effectuée et le moment où la réclamation est transmise au fabricant. Selon l'ARQ, la définition de « facture » est suffisamment large pour englober la réclamation produite par le mandataire à un fabricant. Par conséquent, la contrepartie des services de réparation rendus par l'appelante est réputée due le premier en date du jour où l'appelante a délivré la réclamation et du jour où l'appelante l'aurait délivré n'eût été d'un retard injustifié.

[33]        Suite à la détermination par l'ARQ que la date de référence aux fins de la remise des taxes était la date à laquelle les réclamations sont produites aux fabricants, l'ARQ a demandé aux représentants de l'appelante de fournir une liste des réclamations produites par l'appelante au cours de la période en litige. Les représentants de l'appelante ont répondu que leur système informatique ne permettait pas que soit générée une telle liste et n'ont fourni aucun document permettant à l'ARQ de déplacer, à la date de la réclamation, la taxe cotisée à chaque fois que la réclamation a été produite dans une période subséquente à celle de la facture interne tout en respectant le critère du délai raisonnable.

[34]        Comme l'ARQ n'avait pas la liste des réclamations produites par l'appelante au cours de la période en litige et comme les informations fournies à l'ARQ étaient à l'effet qu'aucune convention écrite ne liait l'appelante aux fabricants, l'ARQ a établi la cotisation en se basant sur les documents internes comptabilisés aux comptes-clients qui précèdent généralement de quelques jours l'envoi des réclamations aux fabricants et qui sont utilisés aux fins de la préparation des états financiers de l'appelante.

[35]        La procédure à suivre lorsqu'un camion arrive au garage est la suivante : un mécanicien évalue la plainte du client et détermine, en fonction de l'âge du camion ou du moteur, si la réparation sera couverte par la garantie du fabricant; le mécanicien n'effectue aucune vérification auprès du fabricant pour s'assurer que la garantie sera applicable; le mécanicien procède à la réparation puis rédige un rapport qui est révisé par son supérieur; le dossier du client est par  la suite transféré à la préposée aux garanties qui prépare un document interne intitulé « warranty » qui constate le temps réel pris par le mécanicien pour effectuer la réparation de même que les pièces utilisées; ce document sert à la mise à jour de l'inventaire et est comptabilisé aux comptes-clients en date du jour apparaissant sur le document sous le descriptif « Date de facture »; le fabricant ne reçoit pas de copie de ce document et quelques jours plus tard, la réclamation est transmise au fabricant. Chaque fabricant publie une charte qui prévoit le temps alloué pour chaque réparation et le tarif à l'heure de même qu'une charte indiquant le coût des pièces pouvant être facturé, soit au coût majoré d'un certain pourcentage.

[36]        L'avocat de l'appelante a fait valoir devant cette Cour que la méthode utilisée par l'intimée pour établir la cotisation a conduit à l'établissement d'une cotisation imprécise, voire aléatoire et erronée. Le chiffre d'affaires apparaissant aux états financiers de l'appelante est un lien direct et est comptabilisé de façon concomitante avec les réparations effectuées. Rien dans la LTA, que ce soit à l'article 168 ou à l'article 152, ne saurait faire en sorte que la TPS devienne payable au moment où les réparations sont effectuées. Selon l'avocat de l'appelante, l'appelante a démoli les présomptions exactes utilisées par le ministre pour établir la cotisation et que, par conséquent, il y a un renversement du fardeau de la preuve et qu'il appartient au ministre de réfuter cette preuve.

[37]        Pour sa part, l'avocat de l'intimée invoque le fait que l'appelante a refusé de produire l'information demandée qui aurait permis de concilier les montants réellement réclamés aux fabricants avec les montants des réparations apparaissant aux états financiers.

[38]        Compte tenu de ce qui précède, je conclus que :

          a)  la cotisation est manifestement erronée puisque basée sur les comptes-clients apparaissant aux états financiers de l'appelante;

          b)  le système de soumission des réclamations ne constitue pas une « facture » au sens de la LTA parce que les fabricants n'ont alors aucune obligation de paiement;

          c)  le moment où la contrepartie de la fourniture taxable devient due est le moment où le fabricant approuve la réclamation qui correspond au moment où la créance naît et au moment où le fabricant est tenu de payer tout ou une partie de la contrepartie du fournisseur conformément à une conversation écrite, selon ce qui est spécifiquement prévu à l'alinéa 152(1)(c) de la LTA.

[39]        Pour ces motifs, l'appel est accueilli sans frais et la nouvelle cotisation est déférée au ministre pour un nouvel examen et nouvelle cotisation afin d'exclure dans le calcul de la taxe nette de l'appelante, pour les périodes se terminant le 31 juillet 2009 et le 31 octobre 2009, les montants de la taxe attribuable aux réparations des véhicules sous garantie.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de septembre 2014.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 269

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-2181(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Garage Gilles Roy (2007) Inc. c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 14 février 2013

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 25 septembre 2014

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Bobby Doyon

Avocate de l'intimée :

Me Danny Galarneau

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

Me Bobby Doyon

Cabinet :

Joli-cœur Lacasse, s.e.n.c.r.l.

Québec (Québec)

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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