ENTRE :
LOUISEVILLE AUTOMOBILE LIMITÉE,
et
Appel entendu le 11 mars 2010, à Montréal (Québec).
Devant : L'honorable juge Gaston Jorré
Comparutions :
Avocat de l'appelante : |
Me Serge Fournier |
|
|
Avocate de l'intimée : |
Me Kim Marcil |
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JUGEMENT
L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l’avis est daté du 21 septembre 2007 pour la période du 1er octobre au 31 octobre 2003, est rejeté, avec frais, selon les motifs du jugement rendus sur le banc.
Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2010.
COUR CANADIENNE DE L'IMPÔT
OBJET : LOI SUR LA TAXE D’ACCISE
Référence : 2010 CCI 505
2008-2199(GST)G
ENTRE : LOUISEVILLE AUTOMOBILE LIMITÉE,
appelante
-et-
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée
Tenue devant l’honorable GASTON JORRÉ, Cour canadienne de l’impôt, locaux du Service administratif des tribunaux judiciaires, Montréal (Québec), le 11 mars 2010.
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MOTIFS DU JUGEMENT
COMPARUTIONS :
Me SERGE FOURNIER
pour l’appelante.
Me KIM MARCIL
pour l'intimée.
Greffier/technicien : Claude Lefebvre
RIOPEL, GAGNON, LAROSE & ASSOCIÉS
215, rue Saint-Jacques, bureau 1020
Montréal (Québec)
H2Y 1M6
GST-5443 JEAN LAROSE, s.o.
MOTIFS DU JUGEMENT
[Transcription révisée des motifs du jugement rendus oralement
le 11 mars 2010, à Montréal (Québec)].
[1] MONSIEUR LE JUGE : Je vais rendre mon jugement dans Louiseville Automobile limitée c. La Reine.
[2] L’appelante appelle de la cotisation du 21 septembre 2007 pour la période du 1er octobre 2003 au 31 octobre 2003 dans laquelle l’intimée a refusé un crédit de taxe sur les intrants de 16 100 $ relatif à un véhicule récréatif motorisé de marque Freightliner Revolution 2003 que je vais par la suite appeler l’autocaravane.
[3] Le 21 octobre 2003, l’appelante a acquis l’autocaravane pour 230 000 $ plus les taxes. Le véhicule avait déjà parcouru 13 750 km et le vendeur l’avait acheté neuf six mois plus tôt.
[4] L’appelante existe depuis plus de 50 ans. Normand Lessard était, pendant la période en question, président, administrateur unique et salarié de l’appelante. Il est administrateur depuis plus de 40 ans.
[5] Le 30 octobre 2003, l’appelante a loué l’autocaravane à M. Lessard pour une période de 10 ans pour un loyer de 1 000 $ par mois plus taxes.
[6] Selon le bail, la valeur résiduelle est de 110 000 $ et l’article 7 du bail prévoit qu’à la fin du bail, M. Lessard pourra acheter l’autocaravane pour un montant de 110 000 $.
[7] En conséquence, au cours du bail, l’appelante recevrait potentiellement 120 mois X 1 000 $ ou 120 000 $, et si M. Lessard exerçait son droit d’achat à la fin du bail (110 000 $), ceci ferait un total de 230 000 $, exactement le prix payé à l’achat par l’appelante.
[8] L’appelante est un concessionnaire d’automobiles Pontiac Buick GMC qui vend environ 500 véhicules par an. À l’époque où l’autocaravane a été achetée, l’appelante ne vendait pas des véhicules de ce genre.
[9] M. Lessard a témoigné qu’il voulait acheter une autocaravane et qu’il voulait l’utiliser personnellement et pour affaires. L’appelante l’a achetée entre autres pour faire de l’argent.
[10] Pour se faire une idée de ce que devrait être le prix de location, il a téléphoné à des concessionnaires d’autocaravanes pour savoir l’amortissement.
[11] La compagnie avait suffisamment d’argent à la banque qui générait un rendement très bas, et il serait profitable d’acheter l’autocaravane. Selon M. Lessard, le prix de 1 000 $ par mois comprenait 800 $ pour l’amortissement et 200 $ de profit.
[12] Vu les termes de l’accord et la valeur résiduelle, je ne vois pas comment il peut y avoir de profit dans le montant de 1 000 $ puisque si la location avait duré pendant tout le terme du contrat et que M. Lessard avait exercé son option, la compagnie aurait reçu exactement ce qu’elle a payé au départ, mais elle aurait reçu sur une période de 10 ans ce qu’elle a payé à l’achat.
[13] En novembre 2003, M. Lessard est allé en Floride pendant trois semaines avec l’autocaravane. À la fin des trois semaines, il a laissé l’autocaravane entreposée en Floride où il est retourné pendant trois semaines en mars 2004. À la fin de ce voyage de mars 2004, il est revenu avec l’autocaravane qui a ensuite été stationnée dans la cour de l’appelante avec les autres véhicules à vendre.
[14] En octobre 2004, il a repris l’autocaravane et il est parti pour quatre jours à une réunion de General Motors à Toronto et tout de suite après la réunion, il est parti faire un voyage de cinq à six semaines dans l’Ouest américain.
[15] À la fin de ce voyage, l’autocaravane a été entreposée à Las Vegas jusqu’au mois d’avril 2005 lorsque M. Lessard est retourné à Las Vegas. Il a repris l’autocaravane et a fait un autre voyage de cinq à six semaines aux États-Unis et, à la fin du voyage, il a ramené l’autocaravane ici et elle a été stationnée dans la cour de l’appelante et mise en vente.
[16] M. Lessard dit qu’il s’est servi de l’autocaravane un peu en été pour affaires en allant à différents événements dans la région de l’appelante et aussi, dans un cas, en amenant un couple qui était de bons clients avec sa femme et lui à Ogunquit, au Maine.
[17] L’appelante a déposé en preuve des factures datées du 16 juin 2005 et du 7 juillet 2005 pour des annonces qu’elle a faites pour la vente de l’autocaravane.
[18] Le 2 août 2006, l’appelante a vendu l’autocaravane à M. A. Roberge pour 190 000 $ plus taxes. Au moment de ladite vente, l’odomètre indiquait 46 220 km.
[19] Christine Landry, vérificatrice à l’Agence du revenu du Canada, a témoigné, entre autres, qu’au cours de la vérification on n’a jamais remis en doute que c’était l’autocaravane du président. L’intimée a également déposé la pièce I-1 qui est un contrat d’assurance pour l’autocaravane et, au bas de la première page, il est écrit :
Il est entendu et convenu que tous les biens se rapportant à des activités professionnelles ne sont pas couverts par ce contrat d’assurance.
[20] L’intimée a également déposé la pièce I-3 qui démontre le calcul de la juste valeur marchande fait par l’intimée et Mme Landry a expliqué comment l’intimée a déterminé la valeur résiduelle utilisée et le taux d’intérêt utilisé.
[21] L’intimée a conclu que la juste valeur marchande était de 1 463,63 $ par mois. Pour des raisons qui deviendront évidentes, je ne crois pas qu’il soit nécessaire que j’examine en détail le témoignage de Mme Landry quant aux sources du taux d’intérêt et de la valeur résiduelle.
Analyse
[22] L’intimée prétend que l’alinéa 170(1)b) de la Loi sur la taxe d’accise s’applique parce que l’autocaravane a été acquise exclusivement pour la consommation ou l’utilisation personnelle de M. Lessard et que l’exclusion au sous‑alinéa 170(1)b)(i) ne s’applique pas parce que la location n’était pas à la juste valeur marchande.
[23] L’appelante, de son côté, prétend que l’alinéa 170(1)b) ne s’applique pas parce que, d’une part, l’autocaravane n’a pas été acquise exclusivement pour l’utilisation personnelle de M. Lessard et que, d’autre part, la location s’est faite à la juste valeur marchande.
[24] L’autocaravane fut-elle acquise exclusivement pour l’utilisation de M. Lessard? Le mot exclusivement est défini au paragraphe 123(1) comme la totalité ou presque. Il est bien connu que la pratique de l’Agence du revenu du Canada est d’interpréter cela comme 90 % ou plus, bien que la jurisprudence a parfois considéré aussi peu qu’environ 80 % comme la totalité ou presque.
[25] Dans ce cas, l’appelante ne prétend pas que les quelques fois où M. Lessard a utilisé l’autocaravane pour affaires dans la région ou en allant à Ogunquit sont suffisantes pour que l’utilisation personnelle de l’autocaravane soit inférieure à la totalité ou presque. Vu la preuve, je suis d’accord. L’appelante dit plutôt que l’autocaravane n’était pas acquise exclusivement pour l’utilisation de M. Lessard parce que l’appelante avait l’intention de faire de l’argent avec l’autocaravane, notamment en la revendant.
[26] Je ne peux être d’accord avec cette approche pour les raisons suivantes. La preuve n’est pas compatible avec la conclusion selon laquelle l’autocaravane a été achetée pour revente à plus ou moins court terme. Premièrement, signer un bail de 10 ans n’est pas compatible avec une revente à court terme. Deuxièmement, je note que M. Lessard a témoigné qu’à l’origine c’est lui qui voulait s’acheter une autocaravane et que, par la suite, il a été décidé que la compagnie pourrait en profiter. Troisièmement, la première preuve d’intention de revente, autre que le témoignage de M. Lessard, est la facture de l’annonce de vente datée en juin 2005. Le fait que l’autocaravane fut entreposée en Floride pendant l’hiver de 2003 à 2004 et à Las Vegas pendant l’hiver de 2004 à 2005 est incompatible avec une revente à plus court terme.
[27] De plus, bien que cela porte un poids très limité parce que dans les affaires les choses ne vont pas toujours comme on veut, je note qu’en fait la compagnie a perdu de l’argent avec l’autocaravane : elle a été achetée pour 230 000 $; l’appelante a reçu 33 mois X 1 000 $ ou 33 000 $ de M. Lessard et 190 000 $ de M. Roberge, ce qui fait un total de 223 000 $, une perte de 7 000 $. Or, un montant de 230 000 $ investi dans, par exemple, des obligations d’épargne du Canada aurait rapporté plus.
Un montant de 1 000 $ par mois représente-t-il la juste valeur marchande?
[28] L’appelante a critiqué le calcul du ministre mais je ne crois pas que ce soit nécessaire pour moi d’analyser de façon approfondie ce calcul, sauf pour observer qu’en l’absence de données comparables directes — ni l’une ni l’autre des parties n’ont présenté des données de location comparables — je suis d’accord avec l’intimée qu’une évaluation d’un loyer à la juste valeur marchande doit non seulement tenir compte de la valeur résiduelle et, en conséquence, du montant à amortir pendant le bail, mais elle doit également tenir compte d’un taux d’intérêt qui permet de faire un profit en contrepartie du capital utilisé.
[29] Dans ce cas, si je considère tout simplement la valeur résiduelle fournie par l’appelante, le montant de 110 000 $ utilisé dans le bail, montant nettement plus important que celui utilisé par l’intimée, il est clair que selon le bail, tout ce que l’appelante doit recevoir au cours du bail est 120 000 $, soit l’amortissement prévu, et, de plus, il y a une attente de recevoir une valeur résiduelle de 110 000 $ (autocaravane). (Si jamais M. Lessard exerçait son option, cela serait exactement 110 000 $.)
[30] Vu que l’appelante a déboursé 230 000 $ et qu’au bout de 10 ans l’appelante s’attend à recevoir en tout 230 000 $, le montant de 1 000 $ ne contient pas un sou de profit, donc pas d’intérêt ou, vu d’une autre façon, on pourrait dire qu’il y a un taux d’intérêt de 0 %. Quel que soit le taux d’intérêt approprié, il doit forcément être plus de 0 %; une compagnie qui loue pour faire de l’argent inclut un élément de profit dans le prix.
[31] Quelle que soit la juste valeur marchande du loyer mensuel pour l’autocaravane, ce loyer doit nécessairement être plus de 1 000 $.
[32] En conséquence, il ne s’agit pas d’un loyer à la juste valeur marchande et l’appel sera rejeté avec frais.
Nº DU DOSSIER DE LA COUR : 2008-2199(GST)G
INTITULÉ DE LA CAUSE : LOUISEVILLE AUTOMOBILE LIMITÉE c. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 11 mars 2010
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : L'honorable juge Gaston Jorré
DATE DES MOTIFS DU JUGEMENT
RENDUS ORALEMENT : Le 11 mars 2010
DATE DU JUGEMENT : Le 19 mars 2010
DATE DE LA TRANSCRIPTION
RÉVISÉE DES MOTIFS DU JUGEMENT : Le 22 octobre 2010
COMPARUTIONS :
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Cabinet : BCF, S.E.N.C.R.L.
Montréal (Québec)
Pour l’intimée : Myles J. Kirvan
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)