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Dossier : 2012-2499(EI)

ENTRE :

MARIE-ANDRÉE MALLETTE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

Appel entendu le 21 mars 2014, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable Rommel G. Masse, juge suppléant


Comparutions :

 

Représentantes de l'appelante :

Catherine Jobin, stagiaire en droit Catherine Boilard, stagiaire en droit

Avocate de l'intimé :

Me Sara Jahanbakhsh

 

JUGEMENT

        L’appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Kingston, Ontario, ce 22e jour de juillet 2014.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 


Référence : 2014 CCI 234

Date : 20140722

Dossier : 2012-2499(EI)

ENTRE :

MARIE-ANDRÉE MALLETTE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

[1]             Est‑ce qu’une personne qui siège au sein d’un comité consultatif exerce une fonction ou une charge incluse comme emploi assurable au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23?

[2]             En l’espèce, il s’agit d’un appel à l’encontre d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») en date du 23 mai 2012, en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, modifiée (la « Loi »), concernant l’assurabilité de l’emploi pour la période du 1er janvier 2010 au 7 février 2011 (la « période »).

[3]             L’appelante en appelle de cette décision.

Contexte factuel

[4]             Les faits saillants ne sont pas contestés. Le payeur est le Gouvernement du Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor (le « Secrétariat »). L’appelante est avocate depuis 1986 qui travaille à son propre compte. Elle exploite un bureau d’avocat sous la raison sociale « Marie‑Andrée Mallette, Avocate‑Lawyer ». Le bureau est situé à Châteauguay, province de Québec. L’appelante se spécialise dans le droit commercial et corporatif, les transactions internationales, le droit immobilier, le droit agricole et le litige civil.

[5]             Le Secrétariat, aux termes de l’article 16.21 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11, (la « LGFP ») a nommé l’appelante à titre de membre du Comité de vérification du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (le « Comité ») à compter du 10 avril 2008. Le rôle du Comité consiste à « présenter à l’administrateur général des recommandations et des conseils indépendants et objectifs sur l’exhaustivité, la qualité et les résultats de l’assurance menée sur la pertinence et le fonctionnement des processus et cadres de gestion du risque, de contrôle et de gouvernance du ministère (y compris les systèmes de reddition de comptes et de vérification) » (voir pièce A‑1, onglet 5). Le Comité est une ressource stratégique pour l’administrateur général. À la demande de l’administrateur général, le Comité peut fournir des conseils et des recommandations et la production de rapports sur les priorités, les préoccupations, et les risques du ministère dans le but de renforcer la gestion responsable des fonds publics et la reddition des comptes. L’administrateur général peut utiliser cette information pour gérer les risques et améliorer le rendement du ministère. Les membres du Comité sont recrutés en dehors de l’administration publique fédérale. Le Comité n’a aucun pouvoir décisionnel. Le rôle du Comité est strictement consultatif. Le Comité peut faire des recommandations et rendre des avis juridiques sur les risques à identifier dans des rapports de vérification interne du Sous‑ministre. Ces recommandations ne lient aucunement le Sous‑ministre. Les membres du Comité ne représentent personne et ils n’ont pas de compte à rendre à personne.

[6]             L’appelante n’était pas régie par la convention collective des employés de l’État et elle n’était pas une employée. Durant la période, l’appelante continuait à exercer la profession d’avocate. L’appelante et le Secrétariat considéraient comme non assurable la nomination de l’appelante à titre de membre du Comité.

[7]             Les membres du Comité sont nommés par moyen du Décret par le Conseil du Trésor sur recommandation du président du Conseil du Trésor. Les personnes nommées occupent leur charge à titre amovible, mais le mandat est de quatre ans, renouvelable seulement une fois. La nomination peut être révoquée en tout temps sans préavis ni indemnité additionnelle. Les personnes nommées par le Conseil du Trésor sont réputées être des fonctionnaires de l’État aux fins de la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation. Le taux d’honoraire pour les membres du comité de vérification est établi à 1 500 $ du jour ou 200 $ par heure. Les frais de voyage et autres dépenses sont remboursés. Les personnes nommées doivent assister aux réunions du comité de vérification qui ont habituellement lieu dans la région de la Capitale nationale au moins quatre fois par année comme le décide le président du Conseil du Trésor. Les personnes nommées doivent assister à d’autres réunions ou téléconférences au besoin. Les personnes nommées doivent préparer des présentations par écrit, des rapports et des analyses, participer aux présentations, aux séances d’information et aux évaluations et assumer d’autres fonctions connexes, au besoin.

Dispositions législatives

[8]             Les dispositions législatives de la Loi sont les suivantes :

5.   (1)  Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

[…]

d)   un emploi prévu par règlement pris en vertu des paragraphes (4) et (5);

[…]

(4)   La Commission peut, avec l’agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements en vue d’inclure dans les emplois assurables :

[…]

g)   l’occupation d’une fonction ou charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada.

[9]             Les dispositions pertinentes du Règlement sont les suivantes :

6.   Sont inclus dans les emplois assurables, s’ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants :

f)    l’emploi exercé par une personne qui est titulaire d’une fonction ou d’une charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes :

(i)   elle détient cette fonction ou cette charge auprès ou pour le compte d’un ministère ou de tout autre secteur de l’administration publique fédérale visé aux annexes I, II, III, IV, ou V de la Loi sur la gestion des finances publiques,

[10]        Le Régime définit ce qui est une fonction ou une charge :

2(1)      Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

« fonction » ou « charge » et « fonctionnaire » Le poste qu’occupe un particulier, lui donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable. Sont visés par la présente définition une charge judiciaire, la charge de ministre, de lieutenant‑gouverneur, de membre de Sénat ou de la Chambre des communes, de membre d’une assemblée législative ou d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu par vote populaire ou est élu ou nommé à titre de représentant, y compris le poste d’administrateur de personne morale; « fonctionnaire » s’entend d’une personne détenant une telle fonction ou charge.

[11]        Les dispositions pertinentes de la LGFP, sont les suivantes :

16.1     L’administrateur général ou le premier dirigeant veille à la prise des mesures propres à assurer l’accomplissement, au sein du ministère, de la vérification interne répondant aux besoins de celui-ci.

16.2     Sous réserve des instructions que peut donner le Conseil du Trésor en vertu de l’alinéa 7(1) e.2) et sauf disposition contraire de celles-ci, il incombe à l’administrateur général ou au premier dirigeant de chaque ministère de constituer un comité de vérification.

16.21 (1)          Le Conseil du Trésor peut, sur recommandation du président du Conseil du Trésor, nommer à titre de membre de tout comité de vérification constitué au titre de l’article 16.2, toute personne qui n’occupe pas de poste au sein de l’administration publique fédérale et qui possède les qualités exigées par ses instructions.

(2)        Le membre du comité de vérification ainsi nommé occupe son poste à titre amovible pour un mandat d’au plus quatre ans renouvelable une seule fois.

(3)        Il a droit à la rémunération et aux indemnités fixées par le Conseil du Trésor.

[12]        Le Conseil du Trésor est énuméré à l’Annexe I de la LGFP.

Thèse des parties

[13]        L’appelante soutient qu’elle n’exerce pas une fonction ou une charge au sens de l’alinéa 5(4)g) de la Loi. Elle affirme que l’alinéa 6f) du Règlement sur l’assurance—emploi, DORS/96‑332 (le « Règlement »), qui renvoi à la définition de « fonction » ou « charge » du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑8 (le « Régime »), ne vise aucunement le mandat des membres du Comité. Ces derniers ne sont pas élus ou nommés à un poste d’autorité en matière de gouvernance, ni à un poste de la fonction publique, ni à un poste d’administration de personne morale, ni à un poste à titre représentatif. Les membres du Comité ne représentent personne et ils exercent seulement un rôle consultatif et n’exercent aucun pouvoir décisionnel, ni aucun pouvoir administratif. La liste des mandats énumérés au paragraphe 2(1) du Régime s’apparente plus à un poste de conseil d’administration. De plus, l’appelante soutient que son mandat n’est pas un emploi assurable puisque c’est un emploi occasionnel à d’autres fins que l’entreprise de l’employeur. Son mandat n’est pas l’activité principale de l’employeur. Donc, selon l’appelante, l’appel doit être accueilli.

[14]        L’intimée soutient que l’appelante, en sa qualité de membre du Comité, occupait un poste lui donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable, au sens de la définition de « fonction » ou « charge » étayée au paragraphe 2(1) du Régime. L’intimée soutient de plus que cette fonction ou charge était exercée auprès d’un ministère mentionné à l’annexe I de la LGFP, en l’occurrence le Conseil du Trésor. L’intimée a donc correctement décidé que l’appelante exerçait une fonction ou une charge incluse comme emploi assurable, conformément aux alinéas 5(1)d) et 5(4)g) de la Loi puisque les conditions du sous-alinéa 6f)i) du Règlement ont toutes été remplies. L’intimée soutient donc que l’appel doit être rejeté.

Analyse

[15]        Il est incontestable qu’il n’y a pas de lien de subordination entre l’appelante et le Secrétariat. L’appelante et le Secrétariat n’étaient pas liés par un contrat de travail au sens de la common law ni au sens du droit civil. L’appelante n’est pas une employée du Secrétariat.

[16]        La question centrale à déterminer est à savoir si l’appelante occupait une fonction ou une charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime. Si elle occupait une fonction ou une charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime, elle occupait un emploi ouvrant droit à pension en vertu du Régime.

[17]        Dans l’arrêt Vachon (Succession de) c. R., 2009 CAF 375, [2009] A.C.F. no 1630 (QL), 2010 D.T.C. 5032, le juge Noël de la Cour d’appel fédérale a eu à discuter de la signification du mot « charge » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « LIR »). Le libellé du paragraphe 248(1) de la LIR est très semblable à celui que l’on retrouve au paragraphe 2(1) du Régime. Le juge Noël nous explique au paragraphe 36 que les critères juridiques qui sous‑tendent l’existence d’une « charge » sont de deux ordres :

[36]      Les critères juridiques qui sous-tendent l’existence d’une charge et qui sont pertinents selon les faits ici en cause sont de deux ordres : d’une part, les personnes visées doivent occuper une « […] charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif […] » et d’autre part, le poste en question doit donner droit à un traitement ou à une rémunération fixe ou vérifiable ou déterminée ou constatable.

[Non souligné dans l’original.]

[18]        Dans l’affaire Ontario c. Canada (Ministre du Revenu National – M.N.R.), 2011 CAF 314, [2011] A.C.F. no 1616 (QL), 427 N.R. 357, le ministre avait déterminé que deux membres du Comité sur les nominations à la magistrature de l’Ontario, établi par le gouvernement de l’Ontario conformément à la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C.43, occupaient un emploi ouvrant droit à pension en vertu du Régime. L’Ontario a eu gain de cause devant la Cour canadienne d’impôt et le ministre a interjeté appel à la Cour d’appel fédérale. Le Comité a pour mandat de recruter, d’interviewer et de recommander au procureur général les candidats qu’il estime aptes à exercer la charge de juge de la Cour de justice de l’Ontario. Il examine les demandes relatives à ces nominations, il vérifie les références, procède à des entrevues et transmet au procureur général une liste des candidats classés par ordre de mérite. Les nominations doivent être faites à partir de cette liste. Le Comité est indépendant du ministère du Procureur général et du gouvernement provincial. Les tâches du Comité étaient strictement consultatives et non administratives. Ils recevaient un tarif journalier fixé par décret. Les deux membres du Comité n’étaient pas des employés de l’Ontario; ils étaient plutôt titulaires d’une charge. La question dont était saisie la Cour était de savoir si un droit à une rémunération fondée sur une somme convenue pour chaque jour de service est un droit à une rémunération « déterminée ou constatable ». La Cour d’appel fédérale, sous la plume de la juge Sharlow, a décidé qu’un droit à une rémunération selon un taux quotidien établi à l’avance est suffisamment « déterminée ou constatable » pour satisfaire aux critères règlementaires. La Cour a donc accueilli l’appel du ministre. La Cour d’appel fédérale en arrive encore à la même conclusion dans l’arrêt Real Estate Council of Alberta c. Canada (Ministre du Revenu), 2012 CAF 121, [2012] A.C.F. no 680 (QL), 434 N.R. 32.

[19]        En l’espèce, l’appelante recevait un taux de rémunération journalier de 1 500 $ par jour ou de 200 $ par l’heure. Ce taux était connu d’avance. Donc, je suis d’accord avec l’intimée que les modalités de traitement ou rémunération établies et connues d’avance étaient « fixes ou constatables ». Alors, l’un des critères juridiques dont le juge Noël a fait référence dans Vachon, précité, a été respecté.

[20]        Dans l’Ontario, précité, et Real Estate Council of Alberta, précité, le premier critère de « … charge dont le titulaire est élu … ou nommé à titre représentatif » n’était pas contesté. La Cour d’appel fédérale s’occupait seulement du deuxième critère c’est‑à‑dire « donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable ».

[21]        Par contre, l’autre critère qualifie de façon importante la définition de « fonction » ou « charge ». Il est à souligner que la Cour d’appel dans l’Ontario, précité, et dans Real Estate Council of Alberta, précité, ne s’est pas prononcée sur la portée du libellé suivant que l’on retrouve à l’article 2 du Régime :

[…] Sont visés par la présente définition une charge judiciaire, la charge de ministre, de lieutenant‑gouverneur, de membre de Sénat ou de la Chambre des communes, de membre d’une assemblée législative ou d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu par vote populaire ou est élu ou nommé à titre de représentant, y compris le poste d’administrateur de personne morale;

[Non souligné dans l’original.]

[22]        Si je comprends bien, l’argument de l’appelante est basé sur ce deuxième critère. L’appelante fait valoir que les membres du Comité ne sont pas visés par la liste de personnes énumérées dans la définition des termes « charge » ou « fonction ». L’appelante affirme que la liste est précise lorsqu’elle inclut les personnes élues ou nommées à un poste d’autorité en matière de gouvernance ou à un poste de la fonction publique et que cette liste ne peut pas être considérée comme comprenant des personnes qui agissent simplement à titre consultatif comme le font les membres du Comité. Plus précisément, l’appelante soutient que les membres du Comité n’occupent pas un poste à titre de représentant. Elle réfère aux définitions de « représentant » que l’on retrouve dans divers dictionnaires à l’appui de cette prétention. Le Dictionnaire de Droit Québécois et Canadien, 4e édition, définit « représentant, (ante) » comme « Personne qui accomplit un acte au nom, à la place et pour le compte d’une autre personne, le représenté, en vertu d’un pouvoir qui lui a été conféré par la loi, par une décision du tribunal ou par une convention ». « Représentatif, (ive) » comme « Se dit d’un organe qui exprime l’opinion de l’ensemble de la population ou d’un groupe de personnes déterminé. Ex. Le Barreau est représentatif de ses membres ». Black’s Law Dictionary, Fifth Edition, un dictionnaire américain, définit « representative » comme « One who represents or stands in the place of another. One who represents others or another in a special capacity, as an agent, and term is interchangeable with “agent”. A person chosen by the people to represent their several interests in a legislative body; e.g. representative elected to serve in Congress from a state congressional district. “Representative” includes an agent, an officer of a corporation or association, and a trustee, executor or administrator of an estate, or any other person empowered to act for another. »

[23]        Malheureusement, cet argument ne peut pas donner gain de cause à l’appelante. À mon avis, il n’y a rien dans le libellé du paragraphe 2(1) du Régime qui porte à conclure que les membres des comités consultatifs sont exclus de la définition du mot « fonction » ou « charge ». Selon les règles normales d’interprétation, la définition donnée dans un texte de loi n’est pas exhaustive lorsqu’elle est suivie des mots « sont compris » : Zellers Inc. c. New Brunswick (Minister of Finance), [1998] 3 C.T.C. 55 (B.R.N.B.); Séguin c. R., [1996] A.C.I. no 1643 (QL), [1998] 1 C.T.C. 2453 (C.C.I).

[24]        Mon savant collègue juge Hershfield a considéré ce même argument dans l’affaire Société de gestion des déchets nucléaires c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2012 CCI 217, [2012] A.C.I. no 167 (QL). Le juge Hershfield a eu à décider si les membres du conseil consultatif de la Société de gestion des déchets nucléaires occupaient une charge ou une fonction. Comme en l’espèce, il s’agissait d’un comité consultatif et non administratif. Les membres du comité n’occupaient pas un poste d’autorité en matière de gouvernance ni un poste de la fonction publique. Le juge Hershfield a observé que la définition du mot « charge » ou « fonction » dans le paragraphe 2(1) du Régime débute par une définition générale qui est suivie par quelques exemples qui sont expressément énumérés. Le juge Hershfield, en admettant que la présomption d’absence de tautologie signifie que le législateur évite les mots dépourvus de sens, a conclu que la liste des postes expressément énumérés était simplement ajoutée « pour préciser qu’il faut inclure certaines personnes précises qui, à cause de leur fonction de service public ou de la façon plutôt unique dont elles ont obtenu leur poste, peuvent avoir été considérées comme n’étant pas visées par la définition initiale générale de la “charge” ou de la “fonction” » (voir les paragraphes 24 à 26).

[25]        Le juge Hershfield se réfère aux expressions « means » et « includes », lesquelles se trouvent dans la version anglaise du paragraphe 2(1) du Régime qui dispose :

2(1)      In this Act,

[…]

« office » means the position of an individual entitling him to a fixes or ascertainable stipend or remuneration and includes a judicial office, the office of a minister of the Crown, the office of a lieutenant governor, the office of a member of the Senate or House of Commons, a member of a legislative assembly or a member of a legislative or executive council and any other office the incumbent of which is elected by popular vote or is elected or appointed in a representative capacity, and also includes the position of a corporation director, and “officer” means a person holding such an office.

[Non souligné dans l’original.]

[26]        Le juge Hershfield s’exprime avec telles éloquence et concision dans ses motifs de jugement que je ne peux faire mieux que de répéter son dictum. Le juge Hershfield nous éclaire :

[21]      Néanmoins, il y a une chose qui me frappe : la définition de la « charge » ou de la « fonction » est peut‑être libellée en des termes qui sont loin d’être précis, mais elle ne nous invite pas à adopter l’interprétation préconisée par l’appelante.

[22]      La définition des termes « charge » et « fonction », dans la version anglaise, commence par le mot « means » (« signifie »). En général, si une définition commence par ce mot, ce qui est énuméré est exhaustif. D’autre part, si une définition commence par le mot « includes » (« inclut »), elle renferme simplement des exemples; une liste énumérative n’est pas exhaustive.

[23]      Le problème que pose la définition des termes « charge » et « fonction » dans ce cas‑ci est que les mots « means » et « includes » sont tous deux utilisés. La définition des termes « charge » ou « fonction » comporte deux éléments différents. Le premier a une portée étendue et générale, mais il est exhaustif pour ce qui est du critère d’inclusion : « Le poste qu’occupe un particulier, lui donnant droit à un traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable ». Selon cette définition, les membres du conseil consultatif occupent une « charge » ou une « fonction ». Cela pourrait, d’une façon générale du moins, mettre fin à la question de l’interprétation, mais nous sommes en présence d’un autre type de poste plus précis que le législateur semble avoir voulu viser, compte tenu de la règle expressio unius est exclusio alterius.

[24]      L’inclusion, dans la définition de la « charge » ou de la « fonction », de ce groupe plus précis, limité quant à ses membres à ceux qui sont expressément énumérés, semble redondante étant donné que les membres semblent faire partie du groupe plus général visé par la première partie de cette définition. Toutefois, la présomption à l’encontre de la tautologie exige que leur inclusion secondaire ne puisse pas être considérée comme redondante. Afin d’éliminer la redondance, le groupe plus précis, un groupe spécial de la fonction publique, doit, par suite de cette mention spéciale, être considéré comme étant effectivement distinct du groupe défini d’une façon générale et ramené dans ce qui est expressément inclus, et uniquement dans ce qui est expressément inclus, dans ce groupe spécial de la fonction publique. Par conséquent, le gouverneur général est exclu parce que ce poste n’est pas inclus dans la liste des « charges » ou « fonctions » faisant partie du groupe additionnel. On obtient ce résultat en appliquant la règle restrictive ejusdem generis à la liste, mais non au groupe plus général qui la précède.

[25]      Il est également possible d’étayer cette interprétation grâce à l’examen de la règle noscitur a sociis ou règle d’interprétation dite des mots associés. Il y a quelque chose, quant à l’agencement de la liste énumérée, qui me semble avoir pour effet de restreindre la définition plus générale de la « charge » ou de la « fonction » à l’égard d’une catégorie particulière de personnes sans miner le caractère général de la définition plus générale à l’égard de personnes qui ne font pas partie de cette catégorie particulière.

[26]      Ce raisonnement semble tortueux, mais selon moi, ce groupe spécial de la fonction publique est simplement ajouté pour préciser qu’il faut inclure certaines personnes précises qui, à cause de leur fonction de service public ou de la façon plutôt unique dont elles ont obtenu leur poste, peuvent avoir été considérées comme n’étant pas visées par la définition initiale générale de la « charge » ou de la « fonction ». Cette conclusion est conforme au sens ordinaire attribué aux mots « means » et « includes » utilisés l’un à la suite de l’autre. De toute façon, l’effet est le même ‑ les membres du conseil consultatif occupent une « charge » ou une « fonction ».

[…]

[29]      Il importe également de mentionner que l’avocat de l’appelante m’a renvoyé à divers textes législatifs en tentant de me convaincre qu’une interprétation téléologique de la définition du terme « charge » ou « fonction », dans le Régime, m’oblige à conclure que les membres du conseil consultatif ne devaient pas être inclus en tant que personnes exerçant des fonctions donnant lieu à un emploi ouvrant droit à pension. Toutefois, l’argument est fondé sur le fait que les fonctions exercées par les membres du conseil consultatif n’étaient pas semblables à celles des personnes énumérées dans la définition des termes « charge » ou « fonction ». Les postes énumérés s’appliquaient à des personnes telles que des juges, des ministres et des administrateurs de personnes morales, qui possèdent tous un véritable pouvoir, c’est‑à‑dire que leur « charge » ou « fonction » indique que le « fonctionnaire » est une personne ayant autorité. Or, les membres du conseil consultatif ne possèdent pas de pouvoirs.

[30]      Avec égards, cet argument, même s’il est accompagné de savantes observations sur les difficultés que comportent des termes comme « means » et « includes » ne m’amène pas à tirer une conclusion en faveur de l’appelante.

[31]      Les membres du conseil consultatif ont des fonctions à exercer et ils sont rémunérés pour exercer ces fonctions. Je suis convaincu qu’en occupant le poste auquel ils étaient nommés, dans le cadre duquel ils avaient droit à une rémunération, ces membres occupaient une charge ou une fonction. Ils occupaient donc un emploi ouvrant droit à pension pendant les périodes pertinentes.

[…]

[38]      Par conséquent, pour ces motifs, l’appel est rejeté, sans qu’aucuns dépens soient adjugés.

[27]        À mon avis, l’analyse qu’a faite le juge Hershfield dans l’affaire Société de gestion des déchets nucléaires, précitée, est une réponse complète et déterminante aux arguments de l’appelante.

Conclusion

[28]        J’arrive à la conclusion que l’appelante, en sa qualité de membre du Comité, était titulaire d’une fonction ou une charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime, et donc elle exerçait un emploi assurable au sens du sous‑alinéa 6f)i) du Règlement, conformément aux alinéas 5(1)d) et 5(4)g) de la Loi.

[29]        Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

Signé à Kingston, Ontario, ce 22e jour de juillet 2014.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 234

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-2499(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

MARIE-ANDRÉE MALLETTE c. M.R.N.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 mars 2014

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable Rommel G. Masse,
juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :

Le 22 juillet 2014

COMPARUTIONS :

 

Représentantes de l'appelante :

Catherine Jobin, stagiaire en droit Catherine Boilard, stagiaire en droit

 

Avocate de l'intimé :

Me Sara Jahanbakhsh

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Noms :

Catherine Jobin, stagiaire en droit Catherine Boilard, stagiaire en droit

Cabinet :

Faculté de droit – Université Laval

Québec, Québec

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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