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Dossier : 2007-4601(GST)G

 

ENTRE :

Douglas William McDavid,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 12 et 13 décembre 2013,

à Fredericton (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Kevin C. Toner

Avocat de l’intimée :

Me Marcel Prevost

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels sont accueillis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national, compte tenu du fait que l’appelant a droit aux crédits de taxe sur les intrants encore en litige, comme le montre la pièce A-14, exception faite des éléments suivants : les sommes déjà autorisées par la vérificatrice, qui apparaissent toujours dans la pièce A-14, la taxe de vente harmonisée sur les repas (à l’égard de laquelle on ne peut pas obtenir plus de 50 %) et une réduction pour la somme supplémentaire de 1 000 $, que Mme Ryan a ajoutée par erreur pour la première période de 2006.

 

          Des dépens conformes au tarif prévu par les Règles de la Cour canadienne de l’impôt sont adjugés à l’appelant. Je voudrais toutefois ajouter au montant prévu par le tarif tous les débours réclamés par Mme Carolyn Ryan au titre des déplacements qu’elle a effectués depuis l’Alberta jusqu’à Fredericton afin d’être présente à l’interrogatoire préalable, aux conférences de règlement et à l’audience.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’avril 2014.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 112

Date : 20040410

Dossier : 2007-4601(GST)G

 

ENTRE :

Douglas William McDavid,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Lamarre

 

 

Les cotisations et les périodes en cause

 

[1]             Il s’agit d’appels interjetés à l’égard de deux cotisations établies au titre de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »). La première cotisation, datée du 10 mai 2007, a trait à des redressements apportés à des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») demandés par l’appelant pour des dépenses (les réparations et l’entretien, le logement, le téléphone, les repas et le carburant) faites dans le contexte de son travail de camionneur pendant les périodes allant du 1er janvier 2005 au 30 juin 2006 et du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006 (à laquelle il a été fait référence sous l’appellation [traduction] « première période faisant l’objet de l’appel » dans la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la somme de 18 679,77 $ et autorisé la somme de 8 960,21 $ sur le montant total de 27 639,98 $ que l’appelant avait demandé à l’égard de cette première période (voir les paragraphes 9 et 11, l’annexe A de la réponse et la pièce A-1, onglet 3, à la page 17). La seconde cotisation, également datée du 10 mai 2007, a trait à des redressements apportés à des CTI demandés pour des dépenses relatives à l’achat d’un camion diesel GMC Sierra 2500 de l’année 2006 (le « Sierra »), à la location d’une remorque, à des réparations et de l’entretien, à des repas, au logement et à l’achat de carburant pendant la période allant du 1er juillet 2006 au 30 septembre 2006 (à laquelle il a été fait référence sous l’appellation [traduction] « seconde période faisant l’objet de l’appel » dans la réponse). Le montant total des CTI refusés à l’égard de la seconde période s’élève à 12 354,51 $ (voir les paragraphes 12 et 14 de la réponse et la pièce A-1, onglet 3, à la page 16).

 

 

Remarques préliminaires

 

[2]             Depuis qu’il a déposé son avis d’appel, l’appelant a déménagé en Alberta pour son travail, avec son épouse, Carolyn Ryan. Il n’a pas demandé à ce que l’audience se tienne ailleurs. Depuis le début, l’avocat inscrit au dossier de l’appelant est établi à Fredericton, au Nouveau‑Brunswick, où l’audience s’est tenue. L’appelant ne s’est pas rendu à Fredericton pour prendre part à l’audience. C’est Mme Carolyn Ryan qui a pris l’avion et qui est venue témoigner[1]. Elle a expliqué qu’elle était la personne qui s’occupait de la comptabilité de l’appelant, qui n’a apparemment pas fait de longues études et qui n’était pas en mesure de témoigner à l’égard des chiffres et des documents qui ont été présentés à la Cour. Mme Ryan a expliqué qu’elle avait toute la connaissance directe requise pour témoigner à l’égard des faits. Elle a produit des factures et d’autres pièces justificatives. Sa crédibilité n’a pas été mise en doute, et, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, j’accepte son témoignage et je considère qu’il est suffisant pour établir les faits de l’espèce.

 

[3]             Mme Ryan a établi un tableau de ventilation des revenus et des dépenses pour 2005 et 2006 (voir la pièce A-14). Elle a expliqué qu’elle avait classé toutes les dépenses encore en litige par catégories (carburant, entretien, repas, location du camion, téléphone cellulaire et dépenses diverses). Au cours de l’audience, on a convenu du fait que toutes les sommes relatives à la location du camion qui apparaissaient dans le tableau de ventilation et que la vérificatrice n’avait pas encore autorisées devaient être acceptées.

 

[4]             En outre, on a souligné que, si la Cour est d’avis que les frais de repas sont déductibles, les sommes ainsi autorisées ne devraient pas excéder 50 % des sommes en cause, conformément à l’article 236 de la Loi.

 

[5]             Pour finir, l’appelant a par erreur ajouté une somme supplémentaire de 1 000 $ dans le calcul de la taxe sur la valeur harmonisée (la « TVH »)  à l’égard du carburant acheté pour la période qui a pris fin le 31 mars 2006, somme qui sera déduite du montant total de la TVH déclarée pour cette période (voir la pièce A‑14, les dépenses pour 2006, et le volume 2 de la transcription, aux pages 34, 35 et 54).

 

 

Les faits

 

[6]             Il n’est pas contesté que l’appelant travaillait comme camionneur pour Quality Carriers Inc. (« QCI »), inscrite aux fins de la Loi, qui a son siège social à Oakville, en Ontario. Dans le contexte des tâches qu’il effectuait pour QCI, l’appelant conduisait un camion aux États‑Unis ainsi que dans diverses provinces canadiennes.

 

[7]             L’appelant possédait et conduisait son propre camion et travaillait en tant qu’entrepreneur indépendant. Quand il effectuait des tâches pour le compte de QCI, l’appelante se servait d’une carte de carburant (la « carte T-Chek »), que QCI lui avait fournie pour acheter son carburant, des pièces détachées et d’autres articles pour son camion.

 

[8]             La preuve a également révélé que, quand il ne se trouvait pas en déplacement pour le compte de QCI, l’appelant effectuait certains travaux comme entrepreneur en excavation/en aménagement paysager et s’efforçait de fournir un « super » service de livraison. Quand la somme de travail donné par QCI a décliné, il a alors décidé de fournir des services de mécanicien mobile.

 

 


Les questions en litige

 

[9]             En l’espèce, il y a principalement deux catégories de demandes de CTI. Le premier ensemble de demandes comprend les sommes que l’appelant a déclarées pour des dépenses effectuées dans le contexte de son entreprise commerciale, dépenses qui sont de nature personnelle selon l’intimée.

 

[10]        Le second ensemble de sommes déclarées comprend les sommes que l’appelant a dépensées dans le contexte de son travail de camionneur. Ces dépenses incluent des sommes déclarées au titre d’un radiotéléphone ainsi que pour du carburant et d’autres articles que l’appelant a achetés avec la carte T‑Chek fournie par QCI. En ce qui concerne la déclaration de ces sommes, le seul argument que l’intimée a avancé dans sa réponse consiste à dire que la déclaration de ces dépenses a été refusée à juste titre parce que l’appelant n’avait pas suffisamment de documents à l’appui. L’intimée a affirmé que les factures présentaient des lacunes, en ce sens qu’elles ne satisfaisaient pas aux exigences du paragraphe 169(4) de la Loi et de l’article 3 du Règlement sur les documents nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH) (le « Règlement »). Les dispositions pertinentes ont été reproduites en annexe des présents motifs.

 

 

La première question en litige : l’appelant a-t-il engagé les dépenses en cause à des fins professionnelles?

 

[11]        L’appelant a demandé des CTI relativement à son travail de camionneur, d’entrepreneur en excavation/en aménagement paysager et de mécanicien.

 

1)  Camionneur pour QCI

 

[12]        En dehors des CTI qu’il a demandés pour le carburant et les articles et pièces détachées afférents au camion, achetés par carte T‑Chek, l’appelant a également demandé des CTI au titre d’un radiotéléphone, qu’il avait payé avec la carte de crédit de Carolyn Ryan. Il a également demandé des CTI pour ses frais de repas et de logement, qu’il avait déboursés pendant qu’il conduisait pour le compte de QCI.

 

[13]        En outre, quand son camion tombait en panne sur la route ou qu’il avait besoin de pièces détachées, il dépensait de l’argent pour acheter du carburant pour sa camionnette ainsi que des billets d’avion, biens à l’égard desquels il a également demandé des CTI.

 

[14]        Lors de l’audience, la vérificatrice a concédé le fait que certaines des dépenses effectuées pour QCI qui ont été refusées avaient bien été faites à des fins professionnelles (ces dépenses comprenaient de l’équipement en cas de pluie, d’autres pièces d’équipement de protection ainsi que des frais de logement). La vérificatrice a également déclaré qu’elle autorisait la déduction des dépenses de carburant et des autres dépenses que l’appelant avait effectuées lorsque c’était possible, et qu’elle refusait simplement les dépenses qui avaient été payées par carte T‑Chek en raison d’une insuffisance de pièces justificatives (voir la transcription, volume 2, à la page 19). De même, l’avocat de l’intimée a accepté le fait que le radiotéléphone avait été utilisé à des fins professionnelles, mais il a déclaré que le problème venait du fait que ce n’était pas le nom de l’appelant qui apparaissait sur les factures (voir la transcription, volume 2, à la page 104).

 

2)  Les travaux d’excavation/d’aménagement paysager et les services de mécanicien mobile

 

[15]        L’appelant a acheté un camion GMC Sierra robuste et il a loué une remorque pour remplir son contrat de services d’excavation/d’aménagement paysager. Il a également acheté de l’équipement, du carburant et un système d’alarme dont il se servait à des fins professionnelles. Le système d’alarme a été installé dans le garage du frère de Mme Ryan aux frais de l’appelant, parce que c’est là que celui‑ci garait son camion Sierra et sa remorque et qu’il entreposait ses outils. Cela s’expliquait par le fait que ce garage (mesurant 30' x 60') était suffisamment grand pour abriter tout cet équipement.

 

[16]        Mme Ryan a expliqué que le GMC Sierra avait été acheté pour permettre à l’appelant de tirer la remorque dans laquelle il transportait ses outils lourds et son équipement. Il se servait de son autre camionnette pour se déplacer à des fins personnelles.

 

[17]        Dans son témoignage, Mme Ryan a déclaré qu’elle avait produit un registre des déplacements du GMC Sierra à la demande de la vérificatrice. Elle a déclaré qu’elle n’en avait pas tenu avant cela, parce qu’il lui semblait qu’il n’était pas nécessaire de tenir un registre dans le cas où le véhicule n’était utilisé qu’à des fins professionnelles. Pour créer le registre, elle a travaillé à partir des reçus et des factures de l’appelant, calculant les distances parcourues à destination de chaque endroit en se servant de MapQuest (voir la pièce A-1, onglet 1, aux pages 14 et 15). La vérificatrice avait des doutes à l’égard de cas dans lesquels il semblait que l’appelant se trouvait à un endroit alors que le camion roulait en un lieu différent. Mme Ryan a déclaré que cela s’expliquait par le fait que le camion de transport de l’appelant était tombé en panne à une occasion. Il était rentré en avion et avait chargé des pièces détachées dans la remorque. L’appelant avait ensuite repris l’avion pour se rendre là où il avait laissé le camion de transport et avait demandé à son frère de lui apporter les pièces détachées avec le Sierra.

 

[18]        La vérificatrice avait aussi l’impression que l’appelant s’était servi du GMC Sierra pour se rendre à Toronto à des fins personnelles. Mme Ryan a déclaré que, en fait, il s’était servi du Sierra pour emporter la remorque dans laquelle se trouvaient la machine à souder et les outils à Toronto, pour faire le travail qu’il devait y effectuer.

 

[19]        L’appelant a demandé des CTI à l’égard des frais de carburant, de repas, de logement et d’entretien qu’il a payés dans le contexte de son travail consistant à fournir des services de mécanicien mobile. On lui a refusé ces CTI en partant du principe qu’il ne se servait pas de son propre camion et qu’il ne fournissait pas ses propres outils pour effectuer ce travail. Mme Ryan affirmé, documents à l’appui, que l’appelant se servait de son propre camion, de sa remorque et de ses propres outils. Je n’ai aucune raison de ne pas la croire.

 

3)  Les frais publicitaires

 

[20]        Pour finir, l’appelant a demandé des CTI pour l’achat d’une motocyclette de moto‑cross. Mme Ryan a expliqué que l’appelant commanditait un coureur de moto‑cross (le fils de Mme Ryan) et que l’achat de la motocyclette était un achat publicitaire. Le nom de l’entreprise de l’appelant était affiché sur la motocyclette, et quand son coureur franchissait la ligne d’arrivée, son entreprise était mentionnée comme faisant partie des commanditaires.

 

[21]        La vérificatrice a refusé les CTI à l’égard de ces frais publicitaires, parce qu’elle n’a vu aucun lien entre les frais d’une part et le revenu gagné par l’appelant en tant que camionneur pour QCI d’autre part. Aux yeux de l’intimée, les frais relatifs à la motocyclette étaient de nature personnelle, et il n’y avait aucun de moyen de savoir si l’appelant avait obtenu du travail en conséquence de cette publicité.

 

[22]        Mme Ryan a expliqué comment cette activité de commandite s’était traduite en publicité pour l’entreprise de l’appelant, et elle a produit des photographies de la moto sur laquelle apparaissait le logo de l’entreprise (voir la pièce A‑11). Elle a déclaré que son fils était un très bon coureur, qui gagnait des courses, et qu’il était suffisamment bon pour participer à des courses nationales, dont une avait lieu en Ontario. Elle a ajouté que, grâce à cette publicité, l’appelant avait obtenu un gros contrat avec Maritimes & Northeast Pipeline.

 

[23]        L’appelant a également demandé des CTI pour la location d’une maison mobile (voir la pièce A‑13), dont il s’était servi pour se loger et faire de la publicité lors de l’évènement national de moto-cross TransCan qui s’était tenu en Ontario. Mme Ryan a expliqué que l’appelant était resté sur place pendant toute la durée de l’évènement et qu’il avait exposé des affiches afin de faire de la publicité pour son entreprise.

 

 

Conclusion relative à la première question en litige

 

[24]        Selon moi, Mme Ryan a démontré que toutes les sommes demandées se justifiaient par des raisons professionnelles. L’intimée n’a pas fait grand effort pour contredire le témoignage de Mme Ryan ou la preuve documentaire, si ce n’est qu’elle a laissé entendre que ce témoignage était un témoignage indirect ou qu’il s’agissait de conjectures. Je crois que l’appelant a établi une preuve prima facie et que cela suffit à réfuter les hypothèses formulées par le ministre (voir House c. Canada, 2011 CAF 234, 2011 DTC 5142, au paragraphe 61).

 

 

La seconde question en litige : L’appelant disposait‑il de suffisamment de pièces justificatives pour satisfaire aux exigences du paragraphe 169(4) de la Loi et de l’article 3 du Règlement?

 

[25]        Je comprends que l’intimée avance son argument à l’égard de seulement deux ensembles de dépenses : les factures mensuelles pour le radiotéléphone et les achats effectués par carte T-Chek.

 

[26]        Le paragraphe 169(4) exige de tous les inscrits aux fins de la TPS qui demandent des CTI qu’ils disposent de pièces justificatives. Le Règlement énonce les exigences auxquelles il faut satisfaire à cet égard. La quantité de renseignements à fournir dépend du montant de l’acquisition sous‑jacente.

 

[27]        Les renseignements exigés n’ont pas à être produits sous forme de facture ni à se présenter sous la forme d’un document unique. En fait, la définition de « pièce justificative » est une définition tout à la fois large et inclusive. Elle est énoncée à l’article 2 du Règlement.

 

1) Les factures relatives au radiotéléphone

 

[28]        Les CTI relatifs au radiotéléphone ont été refusés au seul motif que les factures avaient été établies au nom de Mme Ryan, et non à celui de l’appelant. Lors de la vérification, Mme Ryan a produit des reçus de carte de crédit et des factures de Telus qui faisaient état de la TPS payée et des autres renseignements requis. Les relevés des communications téléphoniques ont aussi montré que l’appelant se servait de cet appareil dans les différents endroits où il se rendait, dans le contexte de son travail de chauffeur (voir la transcription, volume 1, à la page 175).

 

[29]        Mme Ryan a affirmé qu’elle avait acheté le téléphone pour l’appelant. Elle a ainsi clairement agi en tant que mandataire de l’appelant, comme elle l’a fait à de nombreux autres égards, à savoir en tenant ses livres de comptes, en produisant des factures à l’intention des clients, en payant ses factures si nécessaire, et en l’aidant à conduire ses affaires.

 

[30]        Je suis par conséquent d’avis que Mme Ryan a agi à titre de mandataire ou de représentante autorisée de l’appelant, et que, dans ces conditions, le fait que son nom apparaisse sur les factures ne prive pas l’appelant de son droit de recevoir des CTI à l’égard de ces factures (voir le sous‑alinéa 3c)(ii) du Règlement).

 

2) Le carburant et les fournitures achetées par carte T-Chek

 

[31]        La Couronne a soutenu que l’appelant n’avait pas fourni de pièce justificative à l’égard des CTI qu’il demandait pour les achats effectués par carte T‑Chek. Selon l’intimée, les fiches de paie fournies à l’appelant par QCI ne sont pas des documents valides, parce qu’elles ne font pas état du numéro d’inscription du fournisseur, pas plus qu’elles ne précisent le montant de la TPS payée, mais font seulement état de la quantité, du prix et du coût total (voir la transcription, volume 2, à la page 98).

 

[32]        En outre, bien que cela n’ait pas été avancé dans la réponse, l’intimée a également adopté la position selon laquelle QCI faisait une nouvelle fourniture à l’appelant en carburant. La Couronne a fait valoir que, quand l’appelant effectuait des achats par carte T-Chek, c’était en fait QCI qui achetait le carburant et les autres biens, et que c’était QCI qui effectuait alors une nouvelle fourniture taxable à l’appelant en carburant ou en certains biens quand elle lui facturait ces achats en les déduisant de sa paie ou de son compte d’entiercement (voir la transcription, volume 2, aux pages 88 à 90). Je me pencherai sur ce second argument plus tard dans les présents motifs.

 

Des documents valides ont‑ils été fournis pour justifier les achats effectués par carte T-Chek?

 

[33]        J’examinerai maintenant le premier argument avancé par l’intimée, le seul qu’elle ait mis de l’avant dans sa réponse. Sur ce point, je ne suis pas d’accord avec l’intimée. Afin de s’acquitter des exigences documentaires, l’appelant a produit un exemple de reçu de carte T-Chek qui lui a été remis à une station‑service. Ce document fait état du numéro de son camion (53072), du nom du fournisseur et de son numéro d’inscription aux fins de la TPS, de la quantité de carburant achetée et de la somme sur laquelle la TPS avait été payée. Mme Ryan a déclaré que, à chaque fois que l’appelant se servait de sa carte T‑Chek pour payer son carburant à la borne d’une station-service, il recevait le même genre de reçu. L’appelant a également produit un tableau de ventilation (le tableau des achats de carburant effectués par carte T-Chek) des achats effectués par carte T‑Chek qui ont été déduits de ses fiches de paie. Le tableau des achats de carburant effectués par carte T-Chek faisait état du nom de l’appelant et du numéro du camion, du nom du fournisseur, de la date de l’achat, de la quantité de carburant achetée ainsi que du montant total payé d’après chaque reçu. Contrairement aux prétentions de l’intimée, dans le cas du reçu soumis à titre d’exemple, il semblerait que la somme apparaissant dans le tableau des achats de carburant effectués par carte T-Chek, somme qui a été déduite dans la fiche de paie de l’appelant, incluait la TPS. En fait, dans le tableau, la ventilation de ce reçu montre qu’on a payé 472 litres de carburant au prix de 1,0690 $ le litre, ce qui donne un total de 504,57 $. Le prix dont il est fait état sur le reçu indique qu’on a payé 472 litres de carburant au prix de 1,01472 $ par litre, ce qui donne un total de 478,95 $  plus 25,62 $ de TPS, soit un total de 504,57 $ (voir la pièce A-1, onglet 1, aux pages 3, 5 et 7). Un calcul rapide montre qu’il est possible de rapprocher les chiffres dont il est fait état dans le tableau des dépenses de carburant effectuées par carte T-Chek et le reçu, et que c’est en fait l’appelant qui a payé la TPS.

 

[34]        En outre, l’appelant a fourni une copie du contrat qui le lie à QCI, dans lequel on précise que l’appelant est responsable du paiement de tous ses frais d’exploitation, y compris du carburant et des taxes (voir la pièce A-7).

 

[35]        Dans la décision Kramer Ltd. v. Canada, 1994 CarswellNat 54, [1994] G.S.T.C. 47, la Cour a été confrontée à une situation similaire  à celle de l’espèce (on faisait valoir qu’il n’y avait pas suffisamment de documents à l’appui). On a jugé que le contribuable avait satisfait à l’exigence prévue par la loi, en ce sens qu’il serait facile de calculer le CTI à partir des renseignements fournis. La Cour a conclu que, vu qu’il était possible de [traduction] « faire le rapprochement », l’appelante s’était déchargée du fardeau qui lui incombait (au paragraphe 12).

 

[36]        Je conclus par conséquent que l’appelant a produit les documents à l’appui requis pour obtenir des CTI sur la TPS payée pour les achats effectués par carte T‑Chek.

 

QCI a‑t‑elle effectué de nouvelles fournitures à l’appelant pour les marchandises achetées par carte T-Chek?

 

[37]        En ce qui concerne cette question particulière, qui est le second argument que l’intimée a soulevé pour la première fois à l’audience, on a fait valoir que, de ces achats découlait une nouvelle fourniture à l’appelant par QCI. Cela signifierait que, à chaque fois que l’appelant se servait de la carte T-Chek fournie par QCI, c’était en fait QCI qui achetait le carburant pour son propre compte et le revendait ensuite à l’appelant. Si tel était le cas, pour pouvoir obtenir des CTI, l’appelant devrait prouver qu’il a payé la TPS à QCI. Ce n’est pas une position qui a été avancée dans la réponse, et l’intimée ne bénéficie pas de la présomption réfutable selon laquelle cette allégation est réputée vraie aux fins du présent appel.

 

[38]        Cela étant dit, dans les faits, l’intimée demande à la Cour d’examiner le contrat (voir la pièce A‑7) et d’en déduire que QCI faisait une nouvelle fourniture à l’appelant.

 

Le contrat d’entrepreneur indépendant

 

[39]        Le contrat prévoit que l’entrepreneur (l’appelant) doit recevoir un certain pourcentage du revenu brut rajusté que QCI tire du transport de ligne de marchandises effectué pour son compte, moins tous les frais payés par QCI pour le transport de ces marchandises (voir la clause 3 du contrat d’entrepreneur indépendant). Une définition plus précise de la rémunération versée  à l’entrepreneur apparaît à l’annexe A-1 du contrat. La clause 3 de l’annexe A-1 prévoit que certains éléments, y compris le carburant et les taxes sur le carburant, seront contre-passés et déduits de la rétribution de l’entrepreneur, ou des fonds entiercés de ce dernier au cas où cette rétribution ne suffirait pas à couvrir ces éléments. L’entrepreneur doit détenir une somme minimale de 3 000 $ en fonds entiercés afin de couvrir le montant des frais engagés par QCI, lesquels relèvent de la responsabilité de l’entrepreneur aux termes du contrat. Les fonds entiercés appartiennent à l’entrepreneur et portent intérêt (voir l’annexe C du contrat).

 

[40]        L’entrepreneur doit fournir, à ses propres frais, tout l’équipement nécessaire à ses activités, y compris les permis et les certificats d’immatriculation (afférents à l’impôt routier ou au passage des frontières étatiques et provinciales) ainsi que tout le carburant, les pneus et les pièces nécessaires. Il doit payer toutes les dépenses, y compris les taxes sur le carburant, découlant de l’utilisation de l’équipement. On reconnaît que certains de ces frais (y compris les taxes sur le carburant) seront dans un premier temps facturés à QCI, et ce, bien qu’ils relèvent de la responsabilité de l’entrepreneur. En pareil cas, l’entrepreneur rembourse ces frais à QCI (clauses 7a) et c) de l’annexe A-1; voir également la transcription, volume 1, à la page 124).

 

[41]        La clause 21 de l’annexe A-1 précise qu’il est loisible à l’entrepreneur d’acheter du carburant à sa seule discrétion et dans les relais routiers de son choix. Les clauses 24 et 25 portent sur les achats de carburant et les paiements afférents. Je reproduis ces articles ci‑dessous :

 

[traduction]

 

24. Achats de carburant

Aux fins du calcul et du paiement de toutes les taxes locales sur le carburant afférentes à l’équipement, le TRANSPORTEUR [QCI] délivrera à l’ENTREPRENEUR une carte de carburant dont ce dernier se servira pour tous les achats de carburant. Tous les frais de carburant et les taxes locales sur le carburant seront refacturés à l’ENTREPRENEUR, conformément aux termes du présent contrat. Dans le cas où l’ENTREPRENEUR ou ses chauffeurs n’utiliseraient pas la carte de carburant fournie par le TRANSPORTEUR, il reviendra à l’ENTREPRENEUR de donner au TRANSPORTEUR une description comptable précise de tous les frais de carburant payés ainsi que des kilomètres parcourus aux fins du calcul de la responsabilité relative au paiement des taxes locales sur le carburant, et l’ENTREPRENEUR fournira au TRANSPORTEUR tous ses reçus de carburant originaux.

 

Le TRANSPORTEUR n’est pas tenu de recalculer les paiements de taxe de carburant ou les crédits de l’ENTREPRENEUR si des reçus de carburant ne lui sont pas remis dans le délai de 30 jours prévu par le TRANSPORTEUR.

 

25. Contre‑passation […]

 

Au moment du paiement ou du règlement, le TRANSPORTEUR facturera à l’ENTREPRENEUR tous les frais que le TRANSPORTEUR a payés initialement et que l’ENTREPRENEUR est tenu de payer aux termes du présent contrat. Ces frais seront déduits du montant de l’indemnité versée à l’ENTREPRENEUR et incluront notamment les taxes sur le carburant et le kilométrage, le nettoyage de la citerne et l’élimination des produits, l’assurance contre les accidents du travail, les demandes d’indemnité pour perte de marchandise, les dommages matériels, les frais de permis et tous les autres frais prévus par le présent contrat. Le TRANSPORTEUR expliquera par écrit à l’ENTREPRENEUR le mode de calcul de la contre‑passation, et, si l’ENTREPRENEUR le demande, il mettra à la disposition de celui‑ci les documents nécessaires pour en établir la validité.

 

Analyse du contrat d’entrepreneur indépendant à la lumière de la jurisprudence

 

[42]        La Couronne a soutenu qu’on devait comprendre des stipulations du contrat que QCI pourrait voir sa responsabilité contractuelle engagée à l’égard de tous les paiements effectués par carte T‑Chek, et ce, bien que ce soit l’appelant qui est responsable de ces paiements en dernier lieu. Selon l’intimée, QCI était l’acquéreur de toutes les fournitures achetées par l’appelant par carte T-Chek.

 

[43]        Cet argument exige qu’on établisse l’identité de l’acquéreur des fournitures achetées par carte T-Chek. L’appelant est d’avis que c’est lui qui a acheté le carburant du fournisseur de carburant, et que, par conséquent, c’est lui qui en est l’acquéreur, et non QCI.  Tout au plus, QCI a joué le rôle de simple courroie de transmission.

 

[44]        Les parties ont renvoyé à quelques affaires présentant certaines similitudes avec l’affaire qui nous intéresse en l’espèce, ce sur quoi je vais maintenant me pencher.

 

[45]        Selon la loi, l’acquéreur est la personne qui est tenue, aux termes de la convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture (voir le paragraphe 123(1) de la Loi et la décision PDM Royalties Limited Partnership c. La Reine, 2013 CCI 270, 2013 CarswellNat 3090, au paragraphe 26). En outre, il convient de distinguer les remboursements et les contre‑passations des fonds qu’un mandant verse à son mandataire au titre de sommes que ce dernier a dépensées pour le compte du mandant (voir la décision Roberge Transport Inc. c. La Reine, 2010 CCI 155, 2010 CarswellNat 574, [2010] G.S.T.C. 43, au paragraphe 43).

 

[46]        Dans la décision Roberge Transport, l’entreprise de camionnage immatriculait elle-même tous les véhicules auprès du gouvernement provincial, et elle était par conséquent responsable du paiement de toutes les taxes afférentes aux ventes interterritoriales et des taxes sur le carburant. Elle fournissait alors des vignettes pour les camions ainsi que des copies des certificats d’immatriculation aux chauffeurs à contrat (les « chauffeurs »), qui remboursaient par la suite à Roberge Transport le montant des taxes susmentionnées. Dans ce cas, il était évident que c’était Roberge Transport, et non les camionneurs, qui était tenue de payer les taxes conformément aux dispositions de la loi provinciale, et que celle‑ci ne payait pas ces taxes à titre de mandataire.

 

[47]        Je conviens avec l’appelant du fait que la situation est différente en l’espèce. Le contrat prévoit expressément que l’entrepreneur doit fournir à ses frais tout l’équipement prêt à l’emploi qui lui permettra de prendre la route, y compris les permis, les plaques d’immatriculation et les certificats d’immatriculation requis, et qu’il doit fournir tout le carburant, les pneus et les pièces nécessaires à l’utilisation de l’équipement. L’entrepreneur est également tenu de payer tous les frais incidents, y compris les taxes. Je considère que c’était l’appelant qui était responsable, aux termes du contrat, du paiement de tous les achats effectués par carte T‑Chek, de la même manière qu’il aurait été responsable du paiement de tout achat de carburant effectué avec n’importe quelle autre carte.

 

[48]        Je conclus également qu’il convient de distinguer la présente situation de celle qui prévalait dans la décision Maritime-Ontario Freight Lines Limited c. La Reine, 2009 CCI 474, [2009] G.S.T.C. 130, affaire dont les faits présentaient certaines similitudes avec les faits de l’espèce. Dans Maritime-Ontario, on a conclu que, pour ce qui était du traitement de la TPS, le facteur déterminant était l’intention des parties. Maritime-Ontario donnait des cartes de crédit à ses entrepreneurs pour leurs achats de carburant. Elle déduisait tous les achats de carburant effectués par chaque camionneur des sommes qu’elle payait à ces derniers en échange de leurs services de camionnage. Toutefois, les similitudes avec les faits de l’espèce s’arrêtent là. Ainsi, Maritime‑Ontario demandait des CTI pour la TPS qu’elle payait sur les achats de carburant et ne déduisait pas la TPS de la paie des camionneurs. En l’espèce, il n’existe aucune preuve du fait que QCI demandait des CTI au titre de la TPS payée sur les achats effectués par carte T-Chek, et les documents donnent à entendre que QCI déduisait la TPS de la paie de l’appelant. En outre, les camionneurs dont il était question dans la décision Maritime-Ontario ne recevaient pas de reçu de carte de crédit normalisé faisant état de la somme payée pour le carburant, du montant de la TPS et du numéro d’inscription à la TPS du fournisseur. Le reçu ne faisait état que de la quantité de carburant acheté. En l’espèce, le reçu délivré à l’appelant faisait état de tous ces renseignements. Dans la décision Maritime-Ontario, la Cour a conclu que le contrat dans son ensemble cadrait avec l’intention selon laquelle le carburant payé par Maritime‑Ontario était acheté pour le compte de cette dernière. La Cour est parvenue à cette conclusion parce que, entre autres choses, les relevés des versements que Maritime‑Ontario fournissait aux entrepreneurs montraient sans équivoque que les entrepreneurs ne payaient pas la TPS (aux paragraphes 44 et 50). En l’espèce, j’ai conclu que l’appelant avait démontré qu’il payait la TPS.

 

[49]        Dans l’arrêt Vanex Truck Service Ltd. c. La Reine, 2001 CAF 159, [2001] G.S.T.C. 70, la Cour d’appel fédérale devait aussi établir si une entreprise de camionnage effectuait une nouvelle fourniture de carburant aux chauffeurs. Vanex s’arrangeait pour obtenir des cartes de crédit de sociétés de carburant, vu qu’elle pouvait ainsi obtenir de meilleurs prix en raison des volumes achetés. Quand Vanex payait les tractionnaires, elle déduisait des sommes au titre du carburant que ces derniers avaient acheté avec ses cartes de crédit. Vanex demandait des CTI pour l’huile et le carburant achetés, et la Cour a conclu que, ce faisant, Vanex reconnaissait qu’elle n’avait pas acheté ces biens à titre de mandataire, mais en son propre nom, et qu’elle avait effectué une nouvelle fourniture de ces biens aux tractionnaires, à qui elle les avait facturés (au paragraphe 20).

 

[50]        En l’espèce, le contrat contient des clauses relatives à la contre‑passation, lesquelles portent sur les taxes afférentes au carburant et sur les autres frais que QCI pourrait engager pour le compte de l’appelant (voir la pièce A-7, annexe A-1, clauses 3 et 7c)). L’avocat de l’intimée a fait valoir que ces clauses du contrat étaient une preuve du fait que QCI revendait le carburant à l’appelant.

 

[51]        Premièrement, il n’est pas du tout clair que ces clauses du contrat concernent la TPS. Il se peut très bien qu’elles aient trait aux taxes sur le carburant qui font l’objet d’une entente de partage fiscal interterritoriale, laquelle prévoit que, dans le contexte du transport routier commercial, les taxes afférentes au carburant sont calculées en fonction du kilométrage parcouru dans une province ou un état en particulier (la taxe interterritoriale sur le carburant, comme il en a été question dans la décision Roberge Transport, précitée). Ce point n’a pas été soulevé à l’audience.

 

[52]        Deuxièmement, dans l’arrêt Vanex, précité, la société de transport avait conclu des contrats d’approvisionnement en carburant avec Shell et Petro-Canada. En l’espèce, il ne semble pas que QCI ait conclu une entente particulière avec un fournisseur de carburant en particulier. Le contrat conclu entre QCI et T-Chek n’a pas été produit. Nous ne savons tout simplement pas si la carte T-Chek fonctionnait de la même manière que les cartes de crédit fournies aux chauffeurs dans le contexte de l’arrêt Vanex. Aux dires de Mme Ryan, la carte T-Chek était plutôt censée fonctionner comme une carte de débit, ce que le compte d’entiercement permettait (voir la transcription, volume 1, à la page 27). En fait, une clause du contrat précise que l’appelant doit disposer d’un compte d’entiercement pour régler les frais de carburant ainsi que les autres frais qu’il doit prendre à sa charge (voir la pièce A-7, annexe C, clause 3).

 

[53]        Troisièmement, dans l’arrêt Vanex, l’entreprise de camionnage avait demandé des CTI à l’égard du carburant acheté par les camionneurs avec les cartes de crédit qu’elle fournissait à ces derniers. Les mêmes frais de carburant avaient fait l’objet de deux demandes de CTI distinctes.

 

[54]        En l’espèce, bien que les factures et les dossiers de l’appelant aient été présentés en preuve à l’audience, cela n’a pas été le cas des dossiers correspondants de QCI. Il aurait été utile de disposer d’éléments de preuve relatifs au fonctionnement de la carte T-Chek du point de vue de QCI. Il n’y a aucune preuve du fait que QCI déclarait la TPS ou demandait des CTI à l’égard des frais de carburant ou des autres dépenses payées par carte T‑Chek.

 

[55]        Au contraire, on dispose d’une lettre (avec l’en-tête de Quality Carrier) provenant du siège social de QCI situé en Floride, dans laquelle il est précisé que QCI n’a pas demandé de remboursement de TPS pour les achats de carburant, et qu’il revenait à chaque camionneur de demander ces remboursements (voir la pièce A-1, onglet 1, à la page 2). L’avocat de l’intimée a souligné que la lettre faisait référence à Quality Distribution Inc., et non à QCI. Toutefois, l’intimée n’a produit aucun élément de preuve montrant que QCI avait elle-même demandé des remboursements de TPS pour les frais de carburant. La vérificatrice n’a pas non plus dit que Mme Bottorff, auteure de la lettre en question, l’avait informée que QCI avait demandé ces remboursements. Elle a déclaré que Mme Bottorff lui avait dit que QCI [traduction] « demandait des remboursements de TPS/TVH » lorsque c’était possible (voir la transcription, volume 2, à la page 16). Par ailleurs, Mme Ryan a parlé aux gérants de terminal de QCI à Montréal et à Oakville, qui l’ont tous deux renvoyée à Mme Bottorff. Tous trois lui ont dit que l’appelant, en sa qualité d’entrepreneur indépendant, devait personnellement demander des CTI pour ses frais de carburant, ajoutant que QCI ne les demanderait pas (voir la transcription, volume 1, aux pages 130 et 131). Si QCI avait demandé des CTI pour le carburant, on peut vraisemblablement penser que le ministre l’aurait su, vu qu’il disposait du numéro d’inscription de QCI et qu’il a communiqué avec cette dernière à ce sujet.

 

[56]        Quatrièmement, tel qu’il a été rédigé, le contrat lui-même définissait l’obligation de l’appelant de payer ses frais de carburant ou les autres achats réglés par carte T‑Chek à partir de ses fonds entiercés, ce qui constitue un indicateur solide du fait que c’était l’appelant qui assumait les risques économiques afférents aux achats de carburant. Ainsi, comme je l’ai déjà dit, si un client ne payait pas pour une livraison, le montant des frais de carburant payés pour cette livraison était déduit du compte d’entiercement de l’appelant.

 

[57]        On peut établir une autre distinction avec l’arrêt Vanex, à savoir que, dans cet arrêt, il ne semblait pas être question de compte d’entiercement. Je comprends que, dans les cas où le revenu du camionneur ne suffisait pas à payer la totalité de la somme, c’était à Vanex qu’il appartenait de payer les achats de carburant effectués avec ses cartes de crédit.

 

[58]        Selon moi, il n’existe pas de preuve prima facie du fait que QCI effectuait de nouvelles fournitures à l’appelant en carburant ou en quelque bien que ce soit acheté par carte T-Chek. Je conclus que la preuve tend à montrer que la situation de l’espèce est différente des situations observées dans l’arrêt Vanex et dans les décisions Maritime‑Ontario et Roberge Transport.

 

[59]        Je conclus par conséquent que l’argument de l’intimée ne tient pas.

 

 


Décision

 

[60]        Les appels sont accueillis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation, compte tenu du fait que l’appelant a droit aux crédits de taxe sur les intrants encore en litige, comme le montre la pièce A-14, exception faite des éléments suivants : les sommes déjà autorisées par la vérificatrice, qui apparaissent toujours dans la pièce A-14, la TVH payée sur les repas (à l’égard de laquelle on ne peut pas obtenir plus de 50 %) et une réduction pour la somme supplémentaire de 1 000 $, que Mme Ryan a ajoutée par erreur pour la première période de 2006.

 

 

Les dépens

 

[61]        L’appelant a demandé l’adjudication de dépens établis sur une base procureur‑client à partir de la date à laquelle il a fait une offre de règlement à l’intimée, le 14 juillet 2011. Aux termes de cette offre, l’appelant proposait que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») lui verse 50 % de la somme en litige à l’époque et lui remette les retenues en sa possession (24 859 $). L’intimée n’a pas accepté cette offre.

 

[62]        L’intimée s’est opposée à la demande de dépens établis sur une base procureur‑client faite par l’appelant, principalement parce que la majorité des sommes en litiges avaient trait aux CTI demandés pour les achats effectués par carte T‑Chek. L’avocat de l’intimée s’est fondé sur le paragraphe 17 de l’arrêt CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2012 CAF 3, [2012] G.S.T.C. 4, pour affirmer que la question des CTI relatifs au carburant acheté par carte T-Chek était une question de droit qu’il appartenait à la Cour de trancher, et que, compte tenu des faits et du droit, il n’était pas possible d’accepter l’offre de règlement présentée par l’appelant en l’espèce. Il en a découlé une question d’interprétation de la loi, et selon la réponse qui y serait apportée, la cotisation établie par le ministre en ce qui a trait aux reçus de carte T-Chek serait soit ratifiée dans sa totalité, soit annulée dans sa totalité.

 

[63]        Je conviens du fait qu’il y a des questions de droit à trancher en l’espèce. Toutefois, dans sa réponse, l’intimée n’a pas avancé son principal argument relatif aux questions de droit.

 

[64]        J’adjugerai par conséquent à l’appelant les dépens prévus par les Règles de la Cour. Je voudrais toutefois ajouter au montant prévu par le tarif tous les débours réclamés par Mme Carolyn Ryan au titre des déplacements qu’elle a effectués depuis l’Alberta jusqu’à Fredericton afin d’être présente à l’interrogatoire préalable, aux conférences de règlement et à l’audience.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’avril 2014.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


Annexe A

Loi sur la taxe d’accise

 

Section i

Définitions et interprétation

 

123. (1)   Définitions – les définitions qui suivent s’appliquent à l’article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

 

[…]

 

« acquéreur »

 

a) Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

b) personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

[…]

 

Par ailleurs, la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l’acquéreur de la fourniture.

 

 

 

Sous‑section b

Crédit de taxe sur les intrants

 

169. (1)  Règle générale [à l’égard des crédits de taxe sur les intrants] – Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

 

A × B

 

où :

 

A   représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

 

B   :

 

[…]

 

c)  dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

 

 

 

169(4)  Documents – L’inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

 

ail obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

 

bdans le cas où le crédit se rapporte à un bien ou un service qui lui est fourni dans des circonstances où il est tenu d’indiquer la taxe payable relativement à la fourniture dans une déclaration présentée au ministre aux termes de la présente partie, il indique la taxe dans une déclaration produite aux termes de la présente partie.

 

 

 

Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH)

 

Définitions

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

 

« Loi »

« Loi » La Loi sur la taxe d’accise.

 

[…]

 

« pièce justificative »

« pièce justificative » Document qui contient les renseignements exigés à l’article 3, notamment :

a) une facture,

b) un reçu,

c) un bordereau de carte de crédit,

d) une note de débit,

eun livre ou registre de comptabilité;

fune convention ou un contrat écrits;

gtout registre faisant partie d’un système de recherche documentaire informatisé ou électronique ou d’une banque de données;

htout autre document signé ou délivré en bonne et due forme par un inscrit pour une fourniture qu’il a effectuée et à l’égard de laquelle il y a une taxe payée ou payable.

 

[…]

 

Renseignements

 

 Les renseignements visés à l’alinéa 169(4)a) de la Loi, sont les suivants :

alorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de moins de 30 $ :

(i) le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire,

(ii) si une facture a été remise pour la ou les fournitures, la date de cette facture,

(iii) si aucune facture n’a été remise pour la ou les fournitures, la date à laquelle il y a un montant de taxe payée ou payable sur celles-ci,

(iv) le montant total payé ou payable pour la ou les fournitures;

blorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 30 $ ou plus et de moins de 150 $ :

(i) le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire et le numéro d’inscription attribué, conformément au paragraphe 241(1) de la Loi, au fournisseur ou à l’intermédiaire, selon le cas,

(ii) les renseignements visés aux sous-alinéas a)(ii) à (iv),

(iii) dans le cas où la taxe payée ou payable n’est pas comprise dans le montant payé ou payable pour la ou les fournitures :

(A) ou bien, la taxe payée ou payable pour toutes les fournitures ou pour chacune d’elles,

(B) ou bien, si une taxe de vente provinciale est payable pour chaque fourniture taxable qui n’est pas une fourniture détaxée, mais ne l’est pas pour une fourniture exonérée ou une fourniture détaxée,

(I) soit le total de la taxe payée ou payable selon la section II de la partie IX de la Loi et de la taxe de vente provinciale payée ou payable pour chaque fourniture taxable, ainsi qu’une déclaration portant que le total pour chaque fourniture taxable comprend la taxe payée ou payable selon cette section,

(II) soit le total de la taxe payée ou payable selon la section II de la partie IX de la Loi et de la taxe de vente provinciale payée ou payable pour toutes les fournitures taxables, ainsi qu’une déclaration portant que ce total comprend la taxe payée ou payable selon cette section,

(iv) dans le cas où la taxe payée ou payable est comprise dans le montant payé ou payable pour la ou les fournitures et que l’une ou plusieurs de celles-ci sont des fournitures taxables qui ne sont pas des fournitures détaxées :

(A) une déclaration portant que la taxe est comprise dans le montant payé ou payable pour chaque fourniture taxable,

(B) le total (appelé « taux de taxe total » au présent alinéa) des taux auxquels la taxe a été payée ou était payable relativement à chacune des fournitures taxables qui n’est pas une fourniture détaxée,

(C) le montant payé ou payable pour chacune de ces fournitures ou le montant total payé ou payable pour l’ensemble de ces fournitures auxquelles s’applique le même taux de taxe total,

(v) dans le cas où deux fournitures ou plus appartiennent à différentes catégories, une mention de la catégorie de chaque fourniture taxable qui n’est pas une fourniture détaxée;

clorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 150 $ ou plus :

(i) les renseignements visés aux alinéas a) et b),

(ii) soit le nom de l’acquéreur ou son nom commercial, soit le nom de son mandataire ou de son représentant autorisé,

(iii) les modalités de paiement,

(iv) une description suffisante pour identifier chaque fourniture.


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 112

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2007-4601(GST)G

 

INTITULÉ :                                      Douglas William McDavid c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Les 12 et 13 décembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 10 avril 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Kevin C. Toner

Avocat de l’intimée :

Me Marcel Prevost

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                Nom :                                Kevin C. Toner

 

                Cabinet :                           E.J. Mockler, Professional Corporation

                                                          Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Je comprends qu’elle a également pris l’avion pour se rendre de l’Alberta à Fredericton pour assister à l’interrogatoire préalable ainsi qu’à deux conférences de règlement qui se sont tenues dans le contexte de la présente affaire (voir la transcription, volume 2, à la page 108).

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