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Dossier : 2012-1640(EI)

ENTRE :

JACQUELINE THÉRIAULT,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 janvier 2013

à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jérôme Carrier  

Avocat de l'intimé :

Me Simon Vincent

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103 de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision rendue par le ministre du Revenu national est annulée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de novembre 2013.

 

 

« B.Paris »

Juge Paris


 

 

 

 

Référence : 2013CCI374

Date : 20131127

Dossier : 2012-1640(EI)

ENTRE :

JACQUELINE THÉRIAULT,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]             Mme Thériault interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle l’emploi exercé par Raymond Bernier du 3 juin 2010 au 10 juin 2011 à l’érablière que possédait et qu’exploitait Mme Thériault n’était pas un emploi assurable en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

 

[2]             Le ministre a décidé que l’emploi exercé par M. Bernier était un emploi exclu en vertu de l’alinéa 5(2)i) de la Loi, qui stipule que l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance n’est pas un emploi assurable. Il n’est pas contesté que Mme Thériault et M. Bernier avaient un lien de dépendance entre eux, puisque M. Bernier est l’époux de Mme Thériault.  

 

[3]             L’alinéa 5(2)i) se lit comme suit :

 

 (2) N’est pas un emploi assurable :

 

[...]

 

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

[4]             En appliquant l’alinéa 5(2)i), le ministre doit toutefois tenir compte de l’exception prévue à l’alinéa 5(3)b) de la Loi, selon lequel, le ministre est convaincu qu’un tel emploi aurait existé avec des conditions de travail similaires entre des parties sans lien de dépendance, l’emploi est alors assurable.

 

[5]             L’alinéa 5(3)b) de la Loi  se lit comme suit :

 

5(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

[...]

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[6]             En l’espèce, le ministre a décidé, après avoir examiné les circonstances de l’emploi exercé par M. Bernier, qu’il n’était pas raisonnable de conclure que Mme Thériault et M. Bernier auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[7]             Le rôle dévolu à la Cour canadienne de l’impôt face à une décision discrétionnaire du ministre en vertu de l’alinéa 5(3)b) de la Loi a fait l’objet de plusieurs décisions, notamment de la part de la Cour d’appel fédérale. Les commentaires du juge Létourneau dans l’arrêt le Livreur Plus Inc. c Canada[1] définissent bien le rôle de notre Cour dans des instances relatives à l’assurance-emploi :

 

12.  Tel que déjà mentionné, le ministre suppose, au soutien de sa décision, l’existence d’un certain nombre de faits recueillis par voie d’enquête auprès des travailleurs et de l’entreprise qu’on estime être l’employeur. Ces faits sont présumés avérés. Il incombe à celui qui s’oppose à la décision du ministre de les réfuter.

 

13.  Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt, saisi d’un appel de la décision du ministre, consiste à vérifier l’existence et l’exactitude de ces faits ainsi que l’appréciation que le ministre ou ses officiers en ont fait et, au terme de cet exercice, à décider, sous l’éclairage nouveau, si la décision du ministre paraît toujours raisonnable : Légaré c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.F. no 878; Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.F. no 310; Massignani c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 C.A.F. 172; Bélanger c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 C.A.F. 455. De fait, certains faits matériels invoqués par le ministre peuvent être réfutés ou leur appréciation peut ne pas résister à l’examen judiciaire de sorte que, à cause de leur importance, le caractère, en apparence, raisonnable de la décision du ministre s’en trouve anéanti ou sérieusement miné.

 

14.   Dans l’exercice de ce rôle, le juge doit accorder une certaine déférence au ministre en ce qui a trait à l’appréciation initiale de ce dernier et il ne peut pas, purement et simplement, en l’absence de faits nouveaux ou d’une preuve que les faits connus ont été mal perçus ou appréciés, substituer sa propre opinion à celle du ministre : Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), supra, paragraphe 15.

 

[8]             Ainsi, comme l’a résumé la juge Campbell dans la décision Porter c Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.)[2] : « [...] le rôle de la Cour consiste à vérifier l’existence et l’exactitude des faits sur lesquels le ministre se fonde, à examiner tous les faits mis en preuve devant elle, notamment tout nouveau fait, et à décider ensuite si la décision du ministre paraît toujours « raisonnable » à la lumière des conclusions de fait tirées par la Cour. Elle doit accorder une certaine déférence au ministre dans le cadre de cet exercice[3]. »

 

[9]             La seule question en litige consiste, donc, à déterminer si, à la lumière de l’ensemble des faits, la décision du ministre rendue en vertu de l’alinéa 5(3)b) paraît raisonnable.

 

[10]        Les faits sur lesquels le ministre s’est fondé pour rendre sa décision sont exposés au paragraphe 6 de la réponse à l’avis d’appel modifiée, et se lisent comme suit :

a.       depuis 1978[4], l’appelante est l’unique propriétaire d’une érablière qu’elle exploite; (admis)

b.      l’érablière compte 2000 entailles et une terre à bois; (admis)

 

c.       l’appelante achetait l’eau d’érable du lot voisin qui comptait 3000 entailles ce qui actualisait à 5000 entailles la production d’eau d’érable à bouillir; (admis)

 

d.      l’appelante vend en gros à La Citadelle qui est son principal client; (admis)

 

e.       l’érablière est une entreprise saisonnière dont le travail d’érable commence vers février pour finir vers mai suivi du nettoyage et de la coupe de bois; (nié)

 

f.       jusqu’à il y a 2 ans, l’appelante s’occupait seule de la transformation de l’eau d’érable en produit d’érable et son mari, [M. Bernier], s’occupait de la coupe de bois servant à alimenter les feux pour faire bouillir l’eau d’érable; (nié)

 

g.      jusqu’à il y a 2 ans, [M. Bernier] n’était pas rémunéré lorsqu’il s’occupait de la coupe de bois pour l’appelante qu’il faisait les soirs et fins de semaine puisqu’il travaillait ailleurs comme mécanicien; (admis)

 

h.      depuis 2010, comme l’appelante s’occupait de l’enfant de sa fille, [M. Bernier] s’occupait de tout le travail de l’érablière incluant la coupe de bois; (admis)

 

i.        les fonctions de [M. Bernier] étaient de faire l’entaillage, la collection des tubes, le pompage des machines et l’entreposage de l’eau, la réparation (sic) de l’eau d’érable par le bouillage et l’évaporation, le filtrage du sirop et la mise en baril, bref, [M. Bernier] fait tout le travail lié à l’érablière et lorsque les barils sont entreposés, il commence le nettoyage des tubes suivi par la coupe du bois pour l’année suivante; (admis)

 

j.        [M. Bernier] n’avait pas d’horaire fixe à respecter puisque ses heures de travail étaient tributaires de la température et de la coulée des érables; (nié)

k.      les heures travaillées par [M. Bernier] n’étaient pas comptabilisées; (nié)

 

l.        [M. Bernier] avait de l’expérience dans le travail de l’érablière; (admis)

 

m.    le travail de [M. Bernier] n’était pas supervisé et il n’avait pas à faire des comptes rendu à l’appelante car le travail effectué était constatable; (nié)

 

n.      l’appelante et [M. Bernier] ont déterminé ensemble le taux horaire de ce dernier à 10$; (nié)

 

o.      [supprimé]

 

p.      la rémunération de [M. Bernier] était basée sur 50 heures de travail par semaine aussi bien lorsqu’il s’occupait des travaux directement reliés à l’érablière que lorsqu’il faisait la coupe de bois; (nié)

 

q.      [M. Bernier] recevait une rémunération brute de 500 $ par semaine peu importe les heures réellement travaillées; (nié)

 

r.        il est arrivé, de l’aveu même de [M. Bernier], que son salaire ait été retardé; (nié)

 

s.       l’examen des chèques de paie démontre que [M. Bernier] recevait ses chèques soit en retard, soit en bloc et souvent en séquence; (nié)

 

t.        [M. Bernier] ne bénéficiait d’aucun avantage social ni de paies de vacances ni de 4% lors des mises à pied; (admis)

 

u.      [M. Bernier] a exécuté ses fonctions pour une période de 21 semaines en 2010 contre 7 semaines en 2011. (nié)

 

[11]        L’appelante concède qu’il y a un lien de dépendance au sens de l’alinéa 5(2)i) de la Loi, mais elle prétend que l’exception à l’alinéa 5(3)b) rend l’emploi de M. Bernier assurable.

 

[12]        L’appelante avance qu’elle a pris la décision d’engager un employé parce qu’elle devait désormais s’occuper des enfants de sa fille, qui habite à Lac‑Beauport. Puisque M. Bernier avait perdu son emploi précédent et qu’il avait de l’expérience dans le domaine de l’acériculture, l’appelante l’a engagé. L’appelante a dit que, si M. Bernier n’avait pas été disponible pour effectuer le travail, elle aurait dû engager un autre employé. L’appelante est d’avis que la conclusion du ministre selon laquelle l’emploi de M. Bernier est non assurable constitue un exercice erroné en faits et en droit de son pouvoir discrétionnaire.

 

[13]        L’appelante prétend que M. Bernier jouit d’une rémunération et de conditions de travail conformes à celles du milieu acéricole et que le taux de rémunération est raisonnable pour le travail saisonnier du monde acéricole.

 

[14]        En particulier, l’appelante prétend que bien qu’aucune comptabilisation exacte n’était faite des heures de travail de M. Bernier, elle exerçait un contrôle sur les heures de travail en discutant au téléphone chaque soir avec M. Bernier et en revenant à l’érablière chaque fin de semaine. Selon l’appelante, le travail accompli est observable et elle est en mesure d’évaluer les heures de travail réelles de M. Bernier, puisqu’elle a elle-même accompli les mêmes tâches pendant plusieurs années.

 

[15]        L’appelante prétend que la coulée d’eau d’érable est très variable, ce qui explique que l’horaire de M. Bernier fluctue d’une semaine à l’autre. Ainsi, les 50 heures de travail par semaine représentent une moyenne et si M. Bernier travaillait moins une semaine, il reprenait les heures manquantes au cours de la semaine suivante.

 

[16]        L’intimé prétend qu’il est difficile d’accepter que les heures de travail qui manquent étaient effectivement reprises les semaines suivantes, à moins qu’une comptabilisation efficace des heures de travail ne soit effectuée, que les heures de travail pour chaque semaine n’étaient pas enregistrées par Mme Thériault et par M. Bernier, et que des parties non liées, agissant dans leurs propres intérêts, auraient insisté sur une comptabilisation hebdomadaire exacte.

 

[17]        Je ne suis pas d’accord avec l’intimé. Bien que Mme Thériault n’ait pas tenu un registre des heures de travail de M. Bernier, j’accepte qu’elle était bien placée pour savoir si le travail était fait ou non et, en ce sens, elle exerçait un contrôle sur le travail effectué par M. Bernier. Il me semble aussi que le fait que M. Bernier était payé pour une semaine de 50 heures de travail, soit 500 $, même si ses heures pouvaient varier d’une semaine à l’autre, n’est pas parce qu’il y avait un lien de dépendance entre eux. J’accepte le témoignage non contredit de M. Bernier et de Mme Thériault voulant que M. Bernier travaillait en moyenne 50 heures par semaine, ce qui rend la rétribution versée raisonnable.  Il s’agit d’une situation en partie semblable quant aux heures de travail et à la rémunération à celle dans l’arrêt Théberge c Canada[5], où le demandeur travaillait de 40 à 80 heures par semaine pour un salaire fixe et ses heures n’étaient pas comptabilisées. La Cour d’appel fédérale a décidé que ces facteurs ne permettaient pas de conclure à un lien de dépendance, puisque le salaire du demandeur était fixé en fonction d’une moyenne de soixante heures de travail par semaine.

 

[18]        L’appelante nie aussi qu’elle payait M. Bernier en retard ou lui remettait ses chèques en bloc. Elle dit lui avoir remis hebdomadairement ses chèques de paie, que celui-ci l’encaissait en bloc. Les témoignages de l’appelante et de M. Bernier sont que l’appelante ne l’a jamais payé en retard et qu’elle n’a jamais donné l’instruction à M. Bernier d’attendre avant d’encaisser les chèques. D’ailleurs, pendant la période en cause, le compte de banque de l’appelante contenait toujours des fonds suffisants au retrait de la paie de M. Bernier. M. Bernier a témoigné que l’appelante payait toutes les dépenses afférentes au chalet situé à l’érablière où il demeurait, de sorte qu’il n’avait qu’à payer sa nourriture. Ainsi, M. Bernier affirme qu’il n’avait tout simplement pas besoin de cet argent pour subvenir à ses besoins.

 

[19]        Lors de son témoignage, l’appelante a expliqué que la raison pour laquelle les chèques de paie portaient fréquemment des numéros consécutifs est simplement qu’elle n’avait eu à émettre aucun autre chèque entre ces chèques de paie.

 

[20]        À mon avis, le témoignage de Mme Thériault et de M. Bernier est suffisant pour me permettre de conclure que les chèques n’étaient pas préparés en bloc et qu’il n’y avait pas de retard dans les versements du salaire de M. Bernier. Les copies des états de compte produites par Mme Thériault démontrent clairement qu’elle disposait toujours des fonds nécessaires pour payer M. Bernier. Donc, elle n’aurait pas de raison de retarder ses chèques de paie.

 

[21]        L’intimé soutient que les périodes de travail de M. Bernier sont grandement influencées par l’existence d’un lien de dépendance entre l’appelante et M. Bernier. Alors que l’appelante prétend que c’est elle qui établit les périodes d’emploi de M. Bernier, le ministre est plutôt d’avis que les périodes de travail de M. Bernier sont déterminées par ce dernier, en fonction de l’épuisement de ses prestations d’assurance-emploi.

 

[22]        Pourtant, selon une analyse produite par l’intimé à la pièce I-1, onglet 3, lorsque M. Bernier a commencé à travailler pour l’appelante en février 2010, ses prestations d’assurance-emploi n’avaient pas été épuisées. De plus, de février à mai 2010, il a travaillé pendant 700 heures chez l’appelante, bien qu’il n’ait eu besoin que de 490 heures de travail pour avoir droit de nouveau à des prestations. De plus, il lui restait des prestations lorsqu’il a recommencé à travailler chez l’appelante en novembre 2010.  Finalement, l’appelante a aussi démontré que le ministre s’est trompé en présumant que M. Bernier n’a travaillé que 7 semaines en 2011 contre 21 semaines en 2010. Le total de 7 semaines en 2011 ne prend en considération que les semaines de travail pendant la période en litige, qui se termine le 10 juin 2011. Or, M. Bernier a recommencé à travailler le 1er novembre 2011. Ainsi, ce n’est pas 7 semaines de travail, mais bien 14, que M. Bernier a effectuées en 2011. Tous ces éléments me convainquent que les périodes de travail de M. Bernier correspondaient aux besoins de l’entreprise de Mme Thériault.

 

[23]        Mme Thériault a aussi réussi à démontrer que le taux horaire de M. Bernier était en gros conforme aux normes applicables. L’intimé n’a pas contesté que le taux horaire des travailleurs dans le secteur acéricole se situait entre 10 $ et 15 $ l’heure en 2010, mais prétend que M. Bernier n’a pas reçu d’indemnité de vacances de 4% de sa paie brute. M. Bernier et Mme Thériault ont tous les deux témoigné que son taux horaire de 10 $ comprenait l’indemnité de vacances et j’accepte ce témoignage.

 

[24]        L’intimé fait aussi valoir que M. Bernier a travaillé pour Mme Thériault sans rémunération avant la période en litige et après la saison des sucres en 2010. La preuve révèle que M. Bernier et son gendre s’occupaient bénévolement de la coupe d’à peu près 45 cordes de bois pour Mme Thériault pendant les années avant 2010. M. Bernier en aurait aussi coupé en moins grande quantité pendant l’été 2010. La question est de savoir si ce travail bénévole est pertinent en l’espèce.  Dans l’arrêt Théberge, la Cour d’appel fédérale a dit au paragraphe 19 :

 

Ce que fait un prestataire en dehors de la période pendant laquelle il exerce un emploi que le ministre reconnaît être un emploi assurable peut être pertinent aux fins, par exemple, de vérifier son état de chômage, de calculer le montant de ses prestations ou d'établir sa période de chômage. Aux fins, toutefois, de l'application de l'exclusion prévue à l'alinéa 3(2)c) de la Loi, ce que fait le prestataire en dehors de sa période d'emploi sera de peu de pertinence lorsqu'il n'est pas allégué, comme en l'espèce, que le salaire versé pendant la période d'emploi tenait compte du travail accompli en dehors de cette période, que le demandeur avait inclus dans les heures consacrées à son emploi assurable des heures de travail qu'il avait effectuées en dehors de la période ou encore que du travail accompli en dehors de sa période d'emploi avait été inclus dans le travail accompli pendant sa période d'emploi. Il me paraît aller de soi, ce que confirme la preuve, que dans le cas d'entreprises familiales consacrées à du travail saisonnier, le peu de travail qu'il reste à faire en dehors de la période active est généralement fait, sans rémunération, par les membres de la famille. Exclure un emploi saisonnier, dans une entreprise familiale agricole, au motif que la traite des vaches continue à l'année, c'est à toutes fins utiles priver d'assurance-chômage les membres de la famille qui se qualifient en travaillant pendant la période active et c'est ignorer les deux caractéristiques principales d'une telle entreprise, soit son caractère familial et son caractère saisonnier.

 

[25]        À mon avis, ces principes sont applicables en l’espèce parce que l’entreprise de Mme Thériault est une entreprise familiale saisonnière et que le travail fait sans rémunération par M. Bernier n’était ni continu ni considérable. Avant 2010, il a fait la coupe du bois pendant ses heures libres après son travail ailleurs et avec l’aide de son gendre. En ce qui concerne la période après mai 2010, il semble que la quantité de travail effectuée était très limitée, puisqu’il a fait la plupart de la coupe de bois en novembre et décembre cette année-là. Puisque l’intimé n’allègue pas que le salaire versé à M. Bernier pendant la période d’emploi tenait compte de ce travail en dehors de la période ou que le travail accompli ou les heures travaillées en dehors de cette période avaient été inclus de quelque façon que ce soit dans le travail pendant la période d’emploi, j’en conclus que le travail fait en dehors de sa période d’emploi n’est pas pertinent.

 

[26]        Pour tous ces motifs, après l’examen de toute la preuve, la conclusion du ministre en l’espèce ne me paraît pas raisonnable. Mme Thériault m’a convaincu qu’elle aurait conclu un contrat à peu près semblable avec une personne avec qui elle n’avait pas de lien de dépendance. L’appel est donc accueilli, et la décision du ministre est annulée au motif que, pendant la période en cause, M. Bernier a occupé un emploi assurable.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de novembre 2013.

 

 

 

« B.Paris »

Juge Paris

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013CCI374

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-1640(EI)

 

INTITULÉ :                                      JACQUELINE THÉRIAULT ET M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 27 novembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jérôme Carrier

Avocat de l'intimé :

Me Simon Vincent

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                           Me Jérôme Carrier

                                                          Lévis (Québec)    

 

       Pour l’intimé :                            William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] [2004] A.C.F. no 267, 2004 CAF 68.

[2] [2005] A.C.I. no 266, 2005 CCI 364.

[3] Ibid., au para. 13.

[4] Dans l’avis d’appel, il est indiqué 1978. Or, l’appelante a témoigné que l’exploitation de l’érablière a plutôt commencé en 1988.

[5]           [2002] A.C.F. no 464, 2002 CAF 123, aux paragraphes 8 et 10.

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