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Dossier : 2010-1473(IT)G

ENTRE :

CHARLES ROSS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Témoignages entendus les 15 et 16 octobre 2012, à Toronto (Ontario).

Plaidoiries entendues le 28 janvier 2013, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

 

Me Eric Fournie

Me Oleg M. Roslak

 

Avocate de l’intimée :

Me Justine Malone

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Conformément aux motifs de jugement communs prononcés dans la présente affaire et dans les dossiers de Susanne E. Greenhalgh et de John W. Martiniuk, l’appel interjeté par Charles Ross de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2001 est accueilli, compte tenu du fait que le ministre du Revenu national (le « ministre ») n’a pas établi, par la prépondérance des preuves, que l’appelant avait fait une présentation erronée des faits lors de la communication, sous le régime de la Loi, de renseignements relatifs à l’année d’imposition visée par la nouvelle cotisation.

 

La nouvelle cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

Les dépens sont accordés à l’appelant.

 

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 23e jour d’octobre 2013.

 

 

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour de mars 2014

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


 

 

 

Dossier : 2010-1474(IT)G

ENTRE :

SUSANNE E. GREENHALGH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Témoignages entendus les 15 et 16 octobre 2012, à Toronto (Ontario).

Plaidoiries entendues le 28 janvier 2013, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Eric Fournie

Me Oleg M. Roslak

 

Avocate de l’intimée :

Me Justine Malone

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs de jugement communs prononcés dans la présente affaire et dans les dossiers de Charles Ross et de John W. Martiniuk, l’appel interjeté par Susanne E. Greenhalgh de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2000 est accueilli, compte tenu du fait que le ministre du Revenu national (le « ministre ») n’a pas établi, par la prépondérance des preuves, que l’appelante avait fait une présentation erronée des faits lors de la communication, sous le régime de la Loi, de renseignements relatifs à l’année d’imposition visée par la nouvelle cotisation.

 

La nouvelle cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

Les dépens sont accordés à l’appelante.

 

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 23e jour d’octobre 2013.

 

 

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 Ce 10e jour de mars 2014

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


 

 

 

Dossier : 2010-1475(IT)G

 

ENTRE :

JOHN W. MARTINIUK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Témoignages entendus les 15 et 16 octobre 2012, à Toronto (Ontario).

Plaidoiries entendues le 28 janvier 2013, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Eric Fournie

Me Oleg M. Roslak

 

Avocate de l’intimée :

Me Justine Malone

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs de jugement communs prononcés dans la présente affaire et dans les dossiers de Charles Ross et de Susanne E. Greenhalgh, l’appel interjeté par John W. Martiniuk de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2000 est accueilli, compte tenu du fait que le ministre du Revenu national (le « ministre ») n’a pas établi, par la prépondérance des preuves, que l’appelant avait fait une présentation erronée des faits lors de la communication, sous le régime de la Loi, de renseignements relatifs à l’année d’imposition visée par la nouvelle cotisation.

 

La nouvelle cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

Les dépens sont accordés à l’appelant.

 

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 23e jour d’octobre 2013.

 

 

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour de mars 2014

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


 

 

Référence : 2013 CCI 333

Date : 20131023

Dossier : 2010-1473(IT)G

ENTRE :

CHARLES ROSS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2010-1474(IT)G

ET ENTRE :

SUSANNE E. GREENHALGH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2010-1475(IT)G

ET ENTRE :

JOHN W. MARTINIUK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE JUGEMENT COMMUNS

Le juge Bocock

 

I.                   Introduction et exposé conjoint partiel des faits

 

          a)      Faits et procédures

 

[1]             Dans chaque appel dont il est question ici, l’appelant a pris sa retraite de la fonction publique au terme d’une carrière de quelque trente ans. Au moment de partir à la retraite, chacun d’eux cotisait soit au Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (le « RREMO »), soit au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (le « Régime des enseignants »). Après avoir reçu l’avis de professionnels en matière de retraite, de gestion du fonds de pension et d’opérations commerciales, chaque appelant a constitué une société à responsabilité limitée dont il était personnellement propriétaire. Pour chaque personne, les prestations de retraite rachetées ont été transférées à leur société respective en vertu de l’article 147.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Dans chaque cas, l’appelant était le seul participant au régime et avait également droit à la distribution de l’excédent du régime conformément à l’opinion actuarielle voulue. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a fini par retirer l’agrément du régime de chaque appelant. Selon lui, les fonds de retraite non assujettis à l’impôt étaient redevenus rétroactivement des revenus au cours de l’année de la création de chaque régime sous l’effet conjugué des paragraphes 56(1) et 56(2) de la Loi et de l’article 8502 de son règlement d’application. Chaque appelant a alors fait l’objet d’une nouvelle cotisation, afin que soit inclus ce revenu à ceux de l’année d’imposition correspondant à celle de l’agrément de chaque régime de pension personnel. Bien que ce fait ne soit pas pertinent en l’espèce, signalons que chaque appelant a présenté une demande parallèle de contrôle judiciaire afin de contester la décision du ministre portant retrait de l’agrément du régime. Ces demandes ont toutes été rejetées.

 

b)      La procédure lors de l’audience

 

[2]             Les appels n’ont pas fait l’objet d’une audience commune, mais ils ont été entendus l’un à la suite de l’autre. Bien qu’ils ne portent pas sur les mêmes faits, ils ont en commun certains faits d’importance. Par ailleurs, les questions en litige étaient suffisamment semblables pour justifier les présents motifs de jugement communs. Ceci dit, lorsque cela est nécessaire, les faits particuliers à chacun des appelants sont relevés. Précisons qu’il n’existe par ailleurs aucune autre forme de lien entre ces appelants.

 

II.                Les trois appels sont similaires, mais non identiques

 

a)      Le fondement commun des nouvelles cotisations

 

[3]             Dans chaque cas, les nouvelles cotisations ont été établies après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation prévue par la loi. Dans chaque cas, le ministre a soutenu qu’il y avait eu présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire lors de la production de renseignements sous le régime de la Loi. Le ministre soutient que cela fait entrer les nouvelles cotisations dans le champ d’application du sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi et permet l’établissement de nouvelles cotisations au-delà de la période normalement prévue à cette fin.

 

[4]             Selon le ministre, chaque appelant – ou son conseiller – a fait, en produisant des renseignements se rapportant à l’agrément et à la vérification du régime, une présentation erronée de faits en ce qui concerne le principal objet du régime, le niveau de rémunération et son lien d’emploi avec l’administrateur de son régime (la société à responsabilité limitée).

 

[5]             Le ministre soutient qu’il existe un lien de causalité entre la présentation erronée des faits et l’agrément des régimes. Au départ, l’agrément des régimes ne permettait pas d’inclure l’actif transféré dans le revenu au moment du transfert ni durant la période d’agrément. Les déclarations inexactes étaient utiles à l’agrément du régime et permettaient à chaque appelant d’échapper à l’impôt qu’il aurait normalement dû payer. L’avocate de l’intimée a résumé la question ainsi : est-ce que chaque appelant [traduction] « a présenté de manière erronée à l’ARC les faits dont dépendait l’agrément des régimes et a donné des réponses inexactes, trompeuses ou fausses aux questions de l’ARC portant sur ces mêmes faits » (observations écrites de l’intimée, au paragraphe 2).

 

b)      Les distinctions de faits

 

[6]             Dans chaque affaire, les faits diffèrent quant aux présentations erronées alléguées (la « question des présentations erronées »). C’est pourquoi les faits se rapportant à la question des présentations erronées sont résumés séparément ci‑après.

 

(i)                L’appel de M. Ross

 

A.      Les faits convenus

 

[7]             M. Ross comptait 28 années de service en tant que policier lorsqu’il a pris sa retraite et transféré la valeur de rachat de son fonds de pension, soit 674 513,00 $, du RREMO à Jordan Financial Inc. (« JFI »). JFI était l’administratrice du nouveau régime de pension (le « régime de JFI »), agréé avec prise d’effet le 1er novembre 2000 (la « date d’agrément »), et dont M. Ross était l’unique participant. Le 9 mai 2008, l’agrément du régime de JFI a été retiré rétroactivement à la date d’agrément.

 

B.      Le témoignage au procès

 

[8]             Lorsqu’il a témoigné au procès au sujet de la question des présentations erronées, M. Ross s’est montré franc et crédible. Concrètement, il n’avait pas la moindre intention de cesser de travailler au moment de prendre sa retraite comme policier. Il souhaitait ardemment devenir conseiller en fonds communs de placement. Cette partie du témoignage est utile à la détermination de l’objet principal, de la situation d’emploi et de l’expectative de toucher un salaire dans le cadre d’une nouvelle entreprise.

 

[9]             M. Ross comptait entrer au service de Jordan Financial Inc. (« JFI »), laquelle offrirait ses services à une maison de courtage en fonds communs de placement des environs. Il se trouve que M. Ross devait proposer à des policiers et pompiers proches du départ à la retraite des produits financiers apparentés au sien. Il a élaboré un plan d’affaires, en a fait la promotion des structures et est finalement devenu conseiller inscrit en fonds communs de placement. Il a transféré 754 513,00 $, soit la valeur de rachat de ses prestations de retraite, du RREMO au régime de JFI. Malheureusement, à l’instar de bon nombre de nouvelles entreprises, son projet n’a pas réussi.

 

[10]        Aux fins de la question du principal objet, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a demandé à M. Ross de donner une estimation du montant prévu de son revenu annuel ainsi qu’une exposition de ses liens avec JFI et de la nature de l’entreprise.

 

[11]        Dans une lettre datée du 28 décembre 2000, il était expliqué que JFI conclurait diverses ententes commerciales en vue de générer des bénéfices qui serviraient à verser à M. Ross une rémunération annuelle prévue d’au moins 66 500,00 $ (ce qui correspond approximativement au salaire touché à sa dernière année en tant que policier). Étaient également signalées les difficultés inhérentes à la détermination des revenus projetés dont dépendrait le salaire versé, mais puisqu’il s’agissait d’une exigence de l’ARC, M. Ross s’est tout de même efforcé d’y répondre au moment d’établir le régime de JFI.

 

[12]        Par la suite, et à compter de 2001, l’ARC a commencé à exprimer certaines [traduction] « réserves concernant l’établissement de ce régime et les conséquences que cela pourrait avoir ». Environ deux années plus tard, l’ARC a fait parvenir un avis de vérification à M. Ross. Celui-ci, par l’intermédiaire de son conseiller, a confirmé qu’il touchait un salaire égal à celui de la rétribution reçue de son ancien employeur et a informé l’ARC qu’il avait dû prendre un congé sans solde. Au moment où ils ont été communiqués, ces faits étaient inexacts.

 

[13]        En 2004, M. Ross a produit une évaluation actuarielle effectuée en date du 1er janvier 2003; cette évaluation révélait que les gains annuels ouvrant droit à pension s’élevaient à 65 000,00 $. Il s’agissait là aussi d’une déclaration inexacte quant à 2003. De plus, M. Ross a déclaré ne pas avoir fait état de tous ses revenus dans ses déclarations de revenus T-1. Alors qu’il souhaitait toucher ce revenu en sa qualité d’employé de JFI, celui-ci lui était versé directement par le courtier de fonds communs de placement. M. Ross a déposé une déclaration de revenus modifiée pour corriger cette erreur. Le ministre ne soutient pas le contraire.

 

[14]        En novembre 2004, à l’issue de sa vérification, l’ARC a conclu à titre préliminaire (l’« opinion préliminaire de 2004 ») que la condition relative au « principal objet » n’avait pas été remplie, car le régime de JFI ne prévoyait pas le versement de prestations viagères aux [traduction] « employés pour les services qu’ils ont accomplis pour l’employeur ».

 

[15]        Dans son témoignage, M. Ross a déclaré avoir reçu, en 2001, un paiement supplémentaire de 80 000,00 $ provenant de l’excédent du régime de JFI, somme qu’il a ajoutée comme il se doit à ses revenus. C’est ce paiement qui a fini par provoquer l’irritation de l’ARC, comme on peut le constater à la lecture de l’opinion préliminaire de 2004, dans laquelle elle affirme que l’objet manifeste du régime était la mise à l’abri de l’impôt d’anciennes prestations de retraite dans le but de les soustraire aux règles relatives au transfert et de permettre un accès discrétionnaire aux fonds. M. Ross a déclaré que, bien qu’il ait touché un paiement supplémentaire, il avait appris l’existence d’un tel mécanisme au cours de la période de transfert. Concrètement, même si M. Ross avait voulu et prévu qu’un revenu d’emploi lui soit versé par JFI, il n’est pas tout à fait certain, d’après les éléments de preuve, qu’il a touché un revenu en cette qualité. L’intimée n’a produit aucun élément de contre-preuve contraire concernant l’évaluation des excédents du régime de JFI qui ont fait l’objet d’une répartition, ni de ceux des régimes en cause dans les autres appels.

 

(ii)     L’appel de Mme Greenhalgh

 

A.      Les faits non-controversés

 

[16]        Mme Greenhalgh a été enseignante pendant une trentaine d’années avant de prendre sa retraite. Pendant sa carrière, elle a cotisé au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (le « Régime des enseignants »). Elle est également la seule participante au régime de retraite des présidents de la société 1346687 Ontario Inc. (le « régime de 1346687 »). Le 20 janvier 2000, 564 478,00 $ ont été transférés de la caisse de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario au régime de 1346687. Mme Greenhalgh n’a pas déclaré les sommes transférées. En revanche, dans sa déclaration de revenus pour l’année en question, elle a inclus dans ses revenus un paiement de 14 478,00 $ provenant de l’excédent du régime de 1346687.

 

B.      Le témoignage au procès

 

[17]        Avant de prendre sa retraite, Mme Greenhalgh avait envisagé de se lancer dans le commerce de vinaigres fabriqués de manière artisanale. Elle vit dans la péninsule du Niagara où il est facile de se procurer un ingrédient nécessaire et abondant, le raisin.

 

[18]        Donnant suite à des documents de promotion reçus, elle a rencontré des planificateurs financiers, qui l’ont informée de l’existence d’une structure qui lui permettrait de transférer ses prestations de retraite dans une société qu’elle aurait constituée, de développer sa nouvelle entreprise à titre d’employée de cette société et de s’approprier les profits sous forme de revenus et de cotisations majorées au régime de 1346687.

 

[19]        Le régime de 1346687 a été constitué; Mme Greenhalgh a quitté l’enseignement, transféré ses prestations de retraite, qu’elle a préalablement rachetées puis, en octobre 1999, elle a commencé une nouvelle vie dans le domaine de la fabrication de vinaigres. Dans sa demande d’agrément du régime de 1346687, elle a indiqué qu’elle comptait tirer de ce travail un revenu annuel de 65 000,00 $ grâce à sa détermination, à ses efforts et à une bonne stratégie. Au lieu de cela, elle n’a fait état, au final, que de trois mois de revenus, qu’elle a déclarés comme tels et sur lesquels elle a payé l’impôt. Comme pour la plupart des écritures du même genre, elle n’a pas été en mesure de dire si ces fonds avaient été constatés selon la méthode courante de la comptabilité de caisse ou selon la méthode de la comptabilité d’exercice.

 

[20]        Douze mois plus tard tout au plus, l’ARC a exigé la preuve d’un objet principal consistant à procurer des prestations de retraite, de l’existence d’une véritable relation employeur‑employé et de gains comparables escomptés. Mme Greenhalgh n’a pas reçu la lettre, mais ses conseillers y ont répondu en juin 2001. La réponse contenait des prévisions, mais également quelques énoncés de faits erronés. Les documents subséquents, présentés en 2003 et en 2004, contenaient eux aussi des renseignements inexacts concernant les gains annualisés ouvrant droit à pension, la situation d’emploi subséquente et les revenus d’emploi.

 

[21]        Quelque temps auparavant, soit au début de 2002, l’entreprise de Mme Greenhalgh a été confrontée à d’irrémédiables difficultés. Son mari, associé dans l’entreprise, a eu un accident cérébrovasculaire dont il ne s’est jamais véritablement remis et le couple s’est séparé. Malgré des tentatives de poursuivre ses activités, Mme Greenhalgh a finalement liquidé l’entreprise au début de 2004, après quoi elle a pris sa retraite et a commencé à retirer des prestations de retraite du régime de 1346687.

 

(iii)           L’appel de M. Martiniuk

 

A.      Les faits convenus

 

[22]        M. Martiniuk avait exercé pendant environ trente ans l’activité de policier lorsqu’il a pris sa retraite. Pendant toute sa carrière, il a participé au RREMO. Il était aussi participant au régime de pension des présidents de 1354339 Ontario Inc., exploitée sous la dénomination d’Excalibur (le « régime d’Excalibur »). Le 8 février 2000, M. Martiniuk a transféré 546 913,00 $ du RREMO au régime d’Excalibur. Il n’a pas déclaré la somme transférée dans ses revenus. Toutefois, au cours de 2000, M. Martiniuk a reçu du régime une série de paiements en répartition de l’excédent s’élevant au total à 38 881,80 $, somme qu’il a incluse dans sa déclaration de revenus pour l’année en question.

 

B.      Le témoignage au procès

 

[23]        En 1999, alors qu’il était sur le point de prendre sa retraite en tant que policier, M. Martiniuk a décidé de suivre une formation afin de devenir technicien juridique et d’assurer la défense des personnes accusées d’infractions au Code de la route. En août 1999, ses conseillers ont présenté une demande d’agrément du régime d’Excalibur. Comme dans le cas des deux autres régimes, M. Martiniuk a signalé que la nouvelle entité ne possédait aucun historique de gains et que les salaires seraient fonction des revenus, lesquels n’étaient pas connus à l’époque. M. Martiniuk a trouvé [traduction] « ridicule » qu’on lui demande de dire avec certitude quels seraient les revenus de la nouvelle société; néanmoins, il a déclaré de manière catégorique que cette dernière avait un [traduction] « grand » potentiel de gains. Au début de 2000, pour apprendre les rouages du métier, il a suivi un technicien juridique en exercice, ouvert un compte en banque et acquis certains biens en vue de s’engager dans cette entreprise.

 

[24]        En juin 2000, l’ARC a fait état de ses préoccupations au sujet du régime d’Excalibur et des conséquences qu’il pourrait avoir. Les conseillers de M. Martiniuk ont répondu que le potentiel de gains était considérable, M. Martiniuk étant son unique employé.

 

[25]        Entre 2002 et 2008, l’ARC et M. Martiniuk ont échangé lettres et renseignements. Durant cette période, certains faits du moment ont été présentés de façon erronée dans le cadre des renseignements communiqués relativement à la rémunération touchée et aux cotisations versées au régime à l’époque. En 2008, l’agrément du régime d’Excalibur a été retiré, et M. Martiniuk a fait l’objet d’une nouvelle cotisation relativement à l’année d’imposition 2000 pour tenir compte d’un revenu égal à la valeur de l’actif initialement transféré du RREMO au régime d’Excalibur.

 

[26]        M. Martiniuk a poursuivi sa carrière, mais son entreprise a connu un essor très lent. Il a souhaité recevoir des prestations de retraite, ce qu’il a fait en 2001. Il a passé en écriture un revenu nominal que lui a versé Excalibur pendant trois mois, au début de 2000, avant qu’il ne commence à toucher sa pension. M. Martiniuk a finalement abandonné son entreprise et, en 2005, il a été embauché par la ville de Durham en tant que poursuivant pour les infractions provinciales. À cette époque, l’actif détenu dans le régime d’Excalibur a été transféré – et donc, retourné – au RREMO à titre de fiduciaire. Depuis, M. Martiniuk reçoit des prestations de retraite de ce dernier.

 

III.             Les questions déférées à la Cour

 

a)      La question des présentations erronées

 

[27]        Comme premier moyen d’appel, les appelants invoquent l’incapacité de l’intimée d’établir que les renseignements fournis par chacun d’eux sous le régime de la Loi ne constituent pas, dans un premier temps, une présentation erronée des faits lors de la communication de renseignements sous le régime de la Loi (la « question des présentations erronées »). Ce moyen d’appel de fait se distingue nettement des questions de droit (les « questions liées à l’interprétation », ci‑après). Concernant la question des présentations erronées, les faits propres à chacun des appelants auront une incidence déterminante sur les conclusions que tirera la Cour quant à la question de savoir s’il y a eu « présentation erronée des faits en fournissant des renseignements sous le régime de la Loi », en fonction des moyens invoqués.

 

b)                Les questions liées à l’interprétation

 

(i)      La question des « renseignements fournis » se rapporte uniquement à la fraude

 

[28]        Bien que la réponse à la question de savoir s’il y a eu présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire dépende du dossier factuel, il est courant pour le ministre de se fonder, comme il le fait en l’espèce, sur le sous‑alinéa 152(4)a)(i) pour intervenir après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation et remonter jusqu’à l’année de l’agrément. Dans les réponses, chaque nouvelle cotisation s’intéresse uniquement à l’aspect de la présentation erronée des faits lors de la communication de renseignements sous le régime de la Loi et aucune fraude ni aucune présentation erronée dans la production d’une déclaration de revenus n’est alléguée. Les sous‑alinéas autorisant l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale sont ainsi libellés :

 

152(4)  Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenus pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

 

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

[…]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[29]        Au cœur même du débat est la question de savoir si la présentation erronée des faits survenue uniquement en fournissant des renseignements sous le régime de la Loi est une base suffisante pour autoriser le ministre à réviser une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable à l’année en cause.

 

[30]        Dans chaque appel, il n’est pas controversé entre les parties qu’il n’y a pas eu présentation erronée des faits en produisant la déclaration, pas plus qu’il n’y a eu fraude (dans la déclaration ou les renseignements communiqués). Or, selon les appelants, puisqu’il n’y a pas eu présentation erronée des faits dans la déclaration, le sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi ne permet pas de procéder à l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation (en l’absence d’allégation de présentation erronée de faits dans la production de la déclaration), à moins que le contribuable ait commis une « fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi » [non souligné dans l’original]. Invoquant le libellé des sous‑alinéas, les appelants affirment qu’il est nécessaire, pour que l’on procède à l’établissement d’une cotisation après l’expiration de la période normale, que la présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire ait eu lieu lors de la production de la déclaration. Selon eux, la simple présentation erronée de faits dans les renseignements communiqués sous le régime de la Loi n’est pas un facteur suffisant.

 

[31]        Au contraire, l’intimée soutient que le paragraphe 152(4) autorise l’établissement de nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation s’il y a eu présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi. Dès que le contribuable commet un tel acte, le ministre est autorisé, aux termes du sous‑alinéa 152(4)a)(i), à établir une nouvelle cotisation, et, en l’occurrence, à obliger les contribuables à inclure dans les revenus qu’ils ont gagnés au cours de l’année du transfert (laquelle correspond normalement à l’année d’agrément) la totalité des sommes transférées d’un régime de pension public à un régime de pension privé, et ce, par l’effet conjugué des paragraphes 56(1) et 56(2) de la Loi ainsi que de l’article 8502 du règlement d’application de la Loi. En effet, le retrait rétroactif de l’agrément a pour effet d’écarter la mesure d’allègement prévue au paragraphe 147.3(9), qui permet de ne pas inclure dans le calcul du revenu les montants transférés d’un régime de pension agréé à un autre (au moyen d’une présomption assimilant ces montants à une cotisation).

 

[32]        Pour ce qui est de la thèse portant que l’établissement d’une nouvelle cotisation ne soit permis qu’en cas de fraude, si la Cour devait conclure dans un premier temps qu’il y a eu présentation erronée des faits lors de la fourniture des renseignements sous le régime de la Loi, l’issue de chaque appel dépend de l’interprétation de cette question, sous réserve seulement de la question exposée ci‑après.

 

(ii)     Les questions du transfert et du moment

 

[33]        Une question distincte se pose en ce qui concerne la rétroactivité et le moment du transfert effectué. À cet égard, le paragraphe 147.3(9) de la Loi prévoit ce qui suit :

 

147.3(9) Les montants transférés conformément à l’un des paragraphes (1) à (8) ne peuvent :

 

a) de ce seul fait, être inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable en application du sous-alinéa 56(1)a)(i);

 

b) faire l’objet d’une déduction selon la présente loi dans le calcul du revenu d’un contribuable.

 

[34]        Chaque appelant soutient qu’au moment du transfert, le régime était agréé, de sorte qu’aucun montant transféré ne pouvait être imposé au cours de l’année en cause. Le retrait de l’agrément n’a d’effet rétroactif que sur le régime et sur les déclarations de revenus subséquentes que doivent produire le régime et le contribuable. Chaque appelant soutient qu’il a droit à ce que son revenu soit imposé sur la base des faits contemporains à la production de chaque déclaration de revenus (la « question du moment »).

 

[35]        En guise de deuxième thèse subsidiaire se rapportant à la question de savoir si des sommes ont été reçues, les avocats des appelants soutiennent que, même après le retrait de l’agrément des régimes, les fonds transférés n’étaient pas destinés directement aux appelants, lesquels n’étaient pas non plus autorisés à les détenir. Bien que l’actif ait été transféré par le fiduciaire suivant les instructions du contribuable, ce transfert a été effectué directement vers un autre régime administré par un fiduciaire différent, quoique pour le compte du même contribuable/propriétaire bénéficiaire. Ce mécanisme a permis d’écarter l’application de la notion de réception réputée énoncée au paragraphe 56(2) de la Loi. Il s’ensuit que le contribuable/propriétaire bénéficiaire n’avait alors pas le droit de recevoir ces fonds, vu l’interdiction prévue par la convention de fiducie. Suivant cette convention, les prestations ne pouvaient être versées au contribuable qu’en conformité avec les modalités du régime de pension et les dispositions législatives applicables (la « question du transfert »). Ce n’est donc qu’au moment où ces paiements sont autorisés que chaque appelant est assujetti à l’impôt conformément au paragraphe 56(2).

 

IV.            Analyse

 

a)                La question de la présentation erronée des faits « en fournissant quelque renseignement » sous le régime de la Loi

 

[36]        En ce qui concerne l’allégation selon laquelle il y a eu présentation erronée des faits lors de la communication de renseignements sous le régime de la Loi, le ministre a posé des hypothèses et conclusions de fait distinctes pour chacun des trois appels.

 

[37]        Il est bien établi en droit qu’il incombe à l’intimée de prouver que chaque appelant ou ses conseillers ont fait au ministre une présentation erronée des faits correspondant à ce qui est plaidé dans la réponse quant aux [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément ».

 

(i)      L’appel de M. Ross

 

[38]        Dans l’appel de M. Ross, les alinéas 11(a), (b) et (c) et (d) de la réponse précisent le fondement des allégations de présentation erronée des faits, à savoir :

 

[traduction]

 

11.       Pour conclure que l’appelant avait fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en produisant sa déclaration ou en fournissant des renseignements sous le régime de la Loi, le ministre s’est fondé sur les faits suivants :

 

a)         L’appelant a été informé par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), dès l’agrément, de la possibilité que, d’une part, le principal objet du régime ne soit pas conforme à l’alinéa 8502a) du Règlement et que, d’autre part, son agrément lui soit retiré.

 

b)         Lors de la vérification du régime, l’appelant a fait de multiples présentations erronées de faits à l’ARC concernant sa situation d’employé de Jordan Financial Limited et l’objet du régime.

 

c)                  L’appelant a fait à l’ARC une présentation erronée de la nature de sa relation d’emploi avec Jordan Financial Limited et du montant de la rémunération d’emploi que Jordan Financial Limited avait reçu ou devait recevoir.

 

d)         L’appelant a fait à l’ARC une présentation erronée quant au principal objet du régime en déclarant qu’il consistait à lui assurer le versement de prestations viagères pour les services qu’il aurait accomplis à titre d’employé.

 

[39]        Les avocats des parties ont convenu que ces paragraphes couvraient les trois composantes, qui sont l’objet principal, la situation d’employé et la rémunération.

 

[40]        Les avocats de l’appelant ont subtilement alludé au fait que M. Ross n’était pas au courant de certaines des demandes et allégations de l’ARC ni des réponses de son conseiller. La Cour ne considère pas qu’il s’agisse d’un facteur atténuant à l’égard de l’une ou l’autre des présentations erronées de faits ayant eu lieu. Le paragraphe 152(4) ne laisse planer aucun doute sur ce point. Dans la mesure où il a retenu les services d’un conseiller et que ce dernier a produit des renseignements en son nom dans le cadre de son mandat, M. Ross doit en accepter les conséquences, pour autant que ces faits ont été présentés pour son compte, et pas au nom du régime ou d’une autre entité. Cette conclusion vaut également pour les autres appelants relativement à tout argument similaire.

 

[41]        Concernant l’allégation de présentation erronée des faits quant à l’objet principal du régime, il y a lieu de faire mention des renseignements fournis et des intentions de M. Ross sur le plan des affaires, et ce, tant au moment de la demande initiale d’agrément qu’au cours du processus de vérification, relativement aux faits ayant servi au départ de fondement à l’agrément.

 

[42]        Puisque sur cette question, le fardeau de la preuve incombe à l’intimée, celle‑ci doit établir qu’il y a eu présentation erronée des faits quant à l’objet « principal », c’est‑à‑dire que M. Ross a présenté des faits erronément en fournissant ou en dissimulant des renseignements concernant une intention ou des actions contraires en ce qui a trait à l’objet principal consistant à prévoir le versement de prestations viagères au sens des articles 8502 et 8504 du Règlement (le « versement de prestations viagères comme objet »).

 

[43]        Des éléments de preuve établissent qu’il existait d’autres objets, auxquels il est fait directement allusion ou qui ont été poursuivis par la suite : la possibilité de laisser le reliquat des prestations de retraite aux enfants de l’appelant après son décès, la possibilité de verser des prestations prélevées sur l’excédent, la possibilité de placer dans un même véhicule l’ensemble des droits à pension accumulés et la possibilité de verser les prestations de retraite par l’entremise d’un régime mieux adapté. De pair avec le ministre, M. Ross a reconnu que ces possibilités constituaient des objectifs. Cela dit, la question demeure : le ministre a-t-il produit des éléments de preuve d’une présentation erronée des faits qui ait pour effet d’élever l’un ou l’autre de ces objets au rang d’« objet principal » et de détrôner le versement de prestations viagères comme premier objet?

 

[44]        La Cour n’est pas convaincue que la présence d’objets liés à la répartition des prestations excédentaires et aux prestations aux survivants a cet effet. La loi autorise la répartition des prestations excédentaires et beaucoup de régimes de pension agréés ont eu recours à cette mesure, et peut-être le RREMO, de qui les prestations ont initialement été rachetées pour être transférées. On ne peut soutenir que la répartition des prestations excédentaires a supplanté l’objet principal, alors même qu’avant de procéder à la répartition d’un excédent, il faut s’assurer qu’il restera suffisamment d’actifs pour permettre le versement de prestations viagères et ainsi répondre à cet objet. De manière analogue, la planification successorale à l’égard des actifs est entièrement compatible avec le versement de prestations viagères comme objet, puisque les droits de succession ne naissent qu’au décès du pensionné, soit lorsque le versement de prestations viagères a perdu tout sens en tant qu’objet. Lorsqu’ils sont conjugués au témoignage sincère et concluant de M. Ross selon lequel sa pension et la constitution de prestations viagères étaient l’objet non pas principal, mais suprême, ces faits qui ont été communiqués montrent que l’objet principal du régime (même si des objets subordonnés sont venus s’y greffer) reste le versement de prestations viagères à M. Ross pour les services qu’il a rendus à titre d’employé.

 

[45]        Bien qu’elles soient pertinentes pour décider s’il faut retirer l’agrément du régime de JFIL, les conclusions raisonnables du ministre (selon la décision rendue lors du contrôle judiciaire) se rapportant à ces autres objets ne sont pas décisives ni ne s’imposent quant à la question dont la Cour est saisie et qui consiste à rechercher s’il y a eu présentation erronée des faits autorisant l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale.

 

[46]        Pour ce qui est de la rémunération et de la situation d’employé, l’intimée affirme que les revenus relativement modestes générés par JFI et versés à M. Ross, le fait que l’entreprise n’ait pas connu une longue existence et le prétendu congé qui n’était pas réel constituent des présentations erronées des faits concernant son statut d’employé et son niveau de rémunération.

 

[47]        Si l’on met de côté le fait que le ministre n’a jamais été confondu par ces déclarations, la question demeure, soit celle de savoir si ces renvois quant aux faits peuvent néanmoins constituer une présentation erronée des faits, dans le contexte de renseignements communiqués sous le régime de la Loi relativement à l’agrément de 2001 et de [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément ».

 

[48]        Les revenus relativement modestes qui ont été générés et la courte vie de l’entreprise sont attribuables au fait que l’entreprise a échoué. Cette situation n’a pas fait l’objet d’une présentation erronée et n’a pas semé la confusion dans l’esprit du ministre. Cet échec s’explique par certaines raisons – la léthargie des marchés financiers après les attentats du 11 septembre, l’accréditation professionnelle tardive de M. Ross et le caractère peu attrayant des produits financiers qu’il essayait de vendre –, mais aucune d’elles ne peut être assimilée à une présentation erronée des faits quant à la croyance raisonnablement entretenue concernant les prévisions de revenus de M. Ross. Concrètement, compte tenu du témoignage de M. Ross et du défaut du ministre de présenter des éléments de preuve en sens contraire, il était raisonnable pour M. Ross de conclure que sa rémunération se rapprocherait de ses revenus antérieurs si l’entreprise connaissait le succès. Le ministre n’a pas soutenu qu’il ignorait tout de la nature embryonnaire de l’entreprise. Au contraire, le régime de JFI a été agréé en toute connaissance de cause, alors que les deux parties étaient conscientes des risques inhérents à l’entreprise. Comme pour chaque affaire dont la Cour est saisie ici, c’est le ministre, et non l’appelant, qui a choisi de valider le régime de JFI au stade du démarrage de l’entreprise. De la même façon, le ministre a choisi de retarder le retrait de l’agrément et de procéder à une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normalement allouée.

 

[49]        Par ailleurs, s’appuyant sur la jurisprudence Taylor v Minister of National Revenue, 88 DTC 1571, le juge Rip (tel était alors son titre) a statué qu’il n’était pas nécessaire qu’une rémunération ait été reçue pour que l’on puisse conclure qu’un dirigeant est un employé. En outre, en l’espèce, M. Ross a vraisemblablement reçu un salaire et, le cas échéant, il n’est pas nécessaire de se référer à l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire Scott c Canada, [1994] ACF no 3 (QL). À la lumière des faits portés à la connaissance de la Cour et de la conviction fermement et raisonnablement entretenue par M. Ross, on peut affirmer que ce dernier était un employé au sens ordinaire et juridique du terme.

 

[50]        Quant à la question de l’état d’employé, M. Ross était employé par l’entreprise, il a vraisemblablement touché un revenu de la nature d’une rémunération, revenu qu’il a assurément déclaré et pour lequel il a acquitté l’impôt dû. Il a démontré, par ses actions ultérieures allant dans ce sens – mais qui n’ont pas abouti aux résultats escomptés, non seulement par lui, mais aussi, du reste, par le ministre – qu’il était l’employé de l’entreprise au sens ordinaire du terme. L’allégation de [traduction] « maquillage » est une considération utile lorsqu’il s’agit, pour le ministre, de décider s’il y a lieu de retirer un agrément, mais elle n’est d’aucune pertinence pour trancher la question d’ordre factuel qui consiste à dire s’il y a eu présentation erronée par rapport à ce fait. Quant à l’erreur de fait relative au congé, elle n’a pas le moindrement induit en erreur le ministre, pas plus, franchement, qu’elle n’a freiné, découragé, accéléré ou retardé la vérification et les conclusions du ministre ou sa décision de retirer l’agrément et de procéder à une nouvelle cotisation, au moment où cette erreur a été commise. Il s’agissait tout simplement d’une déclaration inexacte n’ayant rien à voir avec le fardeau qui incombe au ministre de démontrer qu’il y a eu présentation erronée des faits quant à la rémunération ou à la situation d’emploi dans les renseignements fournis pour servir de fondement à l’agrément du régime de JFI et à la possibilité de procéder à une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2001. La démonstration est faite par l’absence totale d’effets que cette erreur a eus sur le processus, lorsqu’elle est survenue en 2003.

 

[51]        Quant au caractère raisonnable de la conviction et aux divergences flagrantes constatées entre M. Ross et le ministre dans leur façon d’envisager et d’interpréter la question de la situation d’emploi et de l’expectative d’un revenu comparable et dans l’importance que chacun accorde à ces aspects, la Cour entend citer les observations de la juge Lamarre dans la décision Petric c Canada, 2006 CCI 306, [2006] ACI no 230 (QL). Bien que, dans cette affaire, la Cour ait été appelée à se prononcer sur la question de la juste valeur marchande plutôt que sur la situation d’emploi et les prévisions de revenus, les conclusions qu’elle tire peuvent aider à circonscrire dans quelle mesure le ministre s’est fié à la présentation erronée des faits qui est alléguée, particulièrement celles qui sont exposées au paragraphe 38 et dans un passage du paragraphe 40, que voici :

 

38        […] La question de la juste valeur marchande est une question controversée qui doit être tranchée en fonction de l’interprétation des faits mis en preuve, tout comme la question de savoir si le produit de la disposition devrait être considéré comme un revenu ou comme un gain en capital (Regina Shoppers Mall Limited) ou comme la question de savoir si des sociétés sont associées (1056 Enterprises Ltd.). L’erreur de calcul dans Nesbitt, en revanche, est une question qui, du propre aveu du contribuable dans cette affaire, n’est pas controversée.

 

40        […] Bien que la juste valeur marchande soit en fin de compte une question de fait qui doit être tranchée par le juge des faits, il s’agit surtout d’une question d’opinion à laquelle on doit répondre en analysant les différentes approches méthodologiques. Le ministre a certainement le droit de ne pas souscrire à l’opinion du contribuable quant à la juste valeur marchande et peut établir une nouvelle cotisation, dans le délai de prescription, en fonction de sa propre évaluation. Toutefois, lorsque la question est de savoir si le ministre a le droit de profiter d’une exception à l’application du délai de prescription, il faut démontrer que le contribuable a fait une présentation erronée en produisant sa déclaration de revenus. En l’espèce, je suis d’avis qu’à moins que l’on puisse affirmer que l’opinion des appelants quant à la juste valeur marchande était déraisonnable au point qu’elle ne pouvait pas être sincère, il n’y a pas vraiment eu présentation erronée. […] Par ailleurs, même si, selon le ministre, il y a eu présentation erronée, le fait est qu’il ne s’est pas fié à la fausse déclaration car il a obtenu sa propre évaluation alors qu’il connaissait l’existence du bail emphytéotique et qu’il a même établi une nouvelle cotisation à l’endroit des appelants en 2000 en fonction de cette évaluation, avant l’expiration du délai de prescription. À ce moment‑là, il ne se fiait plus aux présentations faites par les appelants dans leurs déclarations de revenus.

 

[52]        Même si, au final, M. Ross s’est trompé quant au niveau de rémunération comparable qu’il a obtenu, à la durée de son emploi et à l’accroissement de la valeur des prestations de retraite du régime de JFI, le point de vue qu’il entretenait en 2000 et en 2001 était suffisamment authentique si on le compare à la preuve que le ministre devrait produire pour démontrer une présentation erronée des faits dans les renseignements communiqués relativement à cette période et aux [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément ». Les renseignements communiqués en 2003 concernant les revenus gagnés en 2003 étaient inexacts. Toutefois, à moins qu’il soit possible d’affirmer que le point de vue qu’avait formé M. Ross de l’objet principal, de sa situation d’emploi et des revenus escomptés au moment de l’agrément du régime et qui a servi de fondement à la demande d’agrément ne pouvait être sincère à l’époque où les déclarations s’appliquaient, il faut conclure qu’il n’y a pas eu présentation erronée sur des faits importants lors de la production de la déclaration de revenus ou encore, eu égard au contexte qui nous intéresse ici, de la communication, sous le régime de la Loi, de renseignements se rapportant à l’objet principal, à la rémunération et à la situation d’employé.

 

[53]        D’aucuns pourraient se demander, sur les plans logique et juridique, pourquoi il convient de rattacher temporairement la présentation erronée des faits lors de la communication de renseignements à l’agrément du régime de JFI. Sur le plan de la logique, de la même façon qu’une présentation erronée des faits figurant dans une déclaration de revenus de 2003 ne peut servir de prétexte à la révision de la déclaration de 2001 (sauf quelques exceptions), les renseignements datés de 2003, communiqués en 2003 et reflétant la situation qui existait alors ne devraient pas, sous prétexte qu’ils constituent une présentation erronée des faits, avoir d’incidence sur le processus d’agrément si les faits présentés erronément ne sont par ailleurs pas liés, dans leur substance ou dans le temps, aux [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément ». Sur le plan juridique, l’année d’imposition 2001, en cause ici, n’est pas comprise dans la période normale de nouvelle cotisation. Si le ministre était autorisé à se servir des renseignements datés de 2003, communiqués en 2003 et reflétant la situation qui existait alors pour établir qu’il y a eu présentation erronée des faits, alors que les faits présentés erronément ne contredisent pas les [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément », cela reviendrait à lui conférer un pouvoir d’établir de nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale plus étendu que celui dont il dispose lorsqu’une déclaration de revenus de 2003 renferme des faits qui étaient erronés à l’époque en cause, tandis que la déclaration d’une année précédente, qui n’en contient pas, n’entre pas dans la période normale de nouvelle cotisation.

 

[54]        À cet égard, le paragraphe 152(4.01) de la Loi fournit vraisemblablement quelques orientations.

 

152(4.01) Malgré les paragraphes (4) et (5), la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire à laquelle s’appliquent les alinéas (4)a) ou b) relativement à un contribuable pour une année d’imposition ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu’elle se rapporte à l’un des éléments suivants :

 

a) en cas d’application de l’alinéa (4)a) :

 

(i) une présentation erronée des faits par le contribuable ou par la personne ayant produit la déclaration de revenus de celui-ci pour l’année, effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire ou attribuable à quelque fraude commise par le contribuable ou cette personne lors de la production de la déclaration ou de la communication de quelque renseignement sous le régime de présente loi,

 

(ii) une question précisée dans une renonciation présentée au ministre pour l’année;

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[55]        Au paragraphe 8 de la décision Hans c Canada, 2003 CCI 576, 2003 DTC 1065, le juge Bowie développe cette idée par voie d’analogie :

 

8          À mon avis, la méthode employée par MM. Mutch et Bozyk n’était pas conforme au sous-alinéa 152(4.01)a)(i) de la Loi. En général, le contribuable échappe à toute nouvelle cotisation établie par le ministre pour une année d’imposition lorsqu’un délai de trois ans s’est écoulé depuis la première cotisation établie pour l’année en question. Le sous-alinéa 152(4)a)(i) crée une exception à la règle pour permettre l’établissement d’une nouvelle cotisation dans les cas où le contribuable a induit le ministre en erreur. Le sous-alinéa 152(4.01)a)(i) a été adopté pour que l’effet de ces nouvelles cotisations se limite au cas où le contribuable a induit le ministre en erreur. En d’autres termes, la preuve que le contribuable a induit le ministre en erreur relativement à une catégorie de dépenses ne donne pas à ce dernier le droit de refuser une partie ou la totalité des dépenses d’une autre catégorie qui avaient été admises dans la cotisation précédente, pas plus qu’elle n’impose au contribuable l’obligation de prouver chacune d’entre elles lors de l’appel. La preuve d’une présentation erronée d’un fait relatif au calcul des frais d’automobile du contribuable permet au ministre de revenir sur tous les éléments qui composent la demande de déduction des frais d’automobile de l’année et il peut établir une nouvelle cotisation en conséquence, mais cela ne lui permet pas de réviser les dépenses déjà admises dans d’autres catégories comme le loyer ou les frais de services publics.

 

[56]        Bien que la décision concerne ici aussi une présentation erronée de faits lors de la production d’une déclaration de revenus, elle vaut aisément et de manière analogue pour les renseignements datés, communiqués et pertinents par la suite. Par analogie, la preuve que le contribuable a fait une déclaration inexacte quant à un fait qui peut être situé et lié à une période ultérieure n’autorise pas le ministre à réviser la cotisation établie lors d’une année d’imposition antérieure si la présentation erronée des faits ultérieure ne possède aucun lien avec cette année d’imposition dans le temps et qu’elle n’a pas d’incidence sur les [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément ».

 

[57]        Autrement dit un peu différemment, il convient de considérer que la présentation erronée de faits (que ce soit dans une déclaration ou dans la communication de renseignements) permettant l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale doit se rapporter à une déclaration ou à des renseignements s’appliquant à l’année d’imposition visée par la nouvelle cotisation. La présentation erronée de faits qu’il est raisonnable de rattacher à une période subséquente ne saurait, du fait de la limite prévue au paragraphe 152(4.01) de la Loi, servir de fondement à l’élargissement du droit d’établir une nouvelle cotisation afin d’englober une année d’imposition antérieure qui n’est pas comprise dans la période normale de nouvelle cotisation, si les faits en question ne se rapportent pas aux motifs sur lesquels la décision d’accorder l’agrément a été fondée.

 

[58]        En conclusion, dans l’appel de M. Ross, le ministre ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve factuel qui lui incombait de façon à être autorisé à procéder à une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale. Cette contrainte est liée à l’obligation d’établir l’existence d’une présentation erronée quant à des faits ayant une incidence importante, en portée et en durée, sur la nouvelle cotisation en cause ici, à savoir l’objet principal du régime de JFI, la situation d’employé et le niveau de rémunération, lesquels constituent le fondement de l’agrément du régime de JFI. Toute autre solution reviendrait à permettre au ministre de « voyager dans le temps » afin de pouvoir utiliser des déclarations sur des faits pertinents en 2003 pour procéder à l’examen d’années d’imposition et de fondements décisionnels qui n’entrent pas dans la période normale de nouvelle cotisation, même si les croyances raisonnablement entretenues et les faits connus en 2001 n’avaient pas encore été soumis à l’épreuve du temps. Il s’ensuit que le ministre était autorisé à établir une nouvelle cotisation à l’égard de M. Ross pour l’année d’imposition 2001, mais pas en dehors de la période normale, compte tenu du moment où la présentation erronée alléguée a été faite et de la nature des faits présentés erronément dans le cadre de la communication de renseignements sous le régime de la Loi, ces faits n’ayant aucun rapport avec les [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément ».

 

(ii)     L’appel de Mme Greenhalgh

 

[59]        Dans l’appel de Mme Greenhalgh, les alinéas 11(a), (b), (c) et (d) de la réponse exposent eux aussi les hypothèses de fait ayant concouru à asseoir le fondement de la nouvelle cotisation. Ces hypothèses sont pratiquement identiques à celles formulées dans l’appel de M. Ross.

 

[60]        Du propre aveu de Mme Greenhalgh, il est certain que celle-ci poursuivait d’autres objectifs en plus de vouloir s’assurer des prestations viagères lorsqu’elle a constitué le régime de 1346687 et qu’elle y a transféré l’actif détenu dans le Régime des enseignants. Néanmoins, la question qui demeure est la suivante : Mme Greenhalgh a-t-elle agi de telle façon que ces autres objets ont supplanté la constitution de prestations viagères comme objet prédominant? Compte tenu de la preuve résumée plus haut dans les présents motifs et des témoignages entendus lors de l’instruction de l’appel, il faut conclure que le ministre ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait et que la constitution de prestations viagères conserve son rang en tant que principal objet.

 

[61]        Sur la question de la présentation erronée des faits se rapportant à la situation d’employée et à la rémunération, la Cour peut raisonnablement tirer les conclusions de fait suivantes :

 

a)                 l’entreprise de fabrication artisanale de vinaigre a effectivement employé Mme Greenhalgh dans la mesure où elle a travaillé avec ardeur et assiduité pour la société dans l’espoir et l’attente véritables de pouvoir prélever une rémunération sur les recettes;

 

b)                l’entreprise a échoué, non pas par manque d’efforts, mais en raison de circonstances personnelles imprévues : le mari et associé de Mme Greenhalgh a eu un accident cérébrovasculaire, il y a eu dissolution de leur mariage et l’économie n’était pas saine à l’époque;

 

c)                 le ministre a bien saisi la portée du caractère innovant de l’entreprise ainsi que ses risques inhérents, et il a exercé un contrôle sur les processus d’agrément, de retrait de l’agrément et d’établissement de la nouvelle cotisation;

 

d)                les revenus d’emploi, bien que théoriques et sans doute difficiles à reconnaître, ont néanmoins été calculés et Mme Greenhalgh a acquitté l’impôt dû sur ces sommes;

 

e)                 lors du démarrage de toute entreprise, les données financières sont nécessairement inexistantes et la possibilité d’échec est réelle;

 

f)                  toutes les déclarations inexactes, par ailleurs relativement mineures, présentées par l’administrateur du régime ont été rapidement corrigées (par exemple, celle concernant la possibilité qu’un congé soit pris dans les 60 jours suivants) et sont survenues à un moment où elles n’ont eu qu’une incidence négligeable sur la situation d’employé et la rémunération versée en 2000 et en 2001 ainsi que sur les [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément ».

 

[62]        Il n’est pas utile de reprendre les extraits des décisions citées plus haut, mais signalons que les jurisprudences Taylor et Petric vont dans le sens des conclusions de la Cour selon lesquelles l’absence de revenus, l’échec de l’entreprise et le fait qu’aucune cotisation n’a été versée au régime de 1346687 n’invalident pas les actions concrètes de Mme Greenhalgh ni le fait qu’elle a sincèrement cru, au cours des années pertinentes qui ont marqué les débuts de l’entreprise, qu’elle était employée par la société et qu’elle aurait été convenablement rémunérée pour ses services, n’eût été l’insuccès de l’entreprise. Il n’a pas été établi qu’il y avait eu présentation erronée des faits quant à l’objet principal.

 

[63]        De la même façon, l’examen des documents fournis en 2003 et par la suite permet de constater que ceux-ci ne renferment pas de faits inexacts quant au salaire ou à la situation d’employée pour la période en cause ou quant aux [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément ». Ainsi, et pour les motifs exposés précédemment, les faits se rapportant à 2003, datés de 2003 et déclarés en 2003 ne peuvent être utilisés rétroactivement pour prétendre qu’il y a eu présentation erronée des faits dans la communication de renseignements relativement à un processus et à une décision fondés sur des faits qui sont demeurés les mêmes.

 

[64]        Si une déclaration avait été faite, en 2003, concernant une période ou les [traduction] « faits ayant servi de fondement à l’agrément » et qu’il s’était agi d’une présentation erronée des faits, la question serait tout autre, mais la Cour estime que tel n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, la nouvelle cotisation établie à l’égard du contribuable est frappée de prescription, aucune présentation erronée des faits n’ayant été faite lors de la communication, sous le régime de la Loi, de renseignements utiles à la décision d’accorder l’agrément et à ses fondements.

 

(iii)           L’appel de M. Martiniuk

 

[65]        De la même façon, dans l’appel de M. Martiniuk, l’intimée a formulé des hypothèses de fait identiques aux alinéas 11(b), (c) et (d) de la réponse concernant la présentation erronée des faits relatifs à la situation d’employé, à l’objet principal et à la rémunération.

 

[66]        Comme dans le cas des deux autres appels, il y a abondance d’éléments de preuve dont il ressort que M. Martiniuk a été ravi d’apprendre que la constitution du régime d’Excalibur comportait possiblement des avantages supplémentaires : prestations aux survivants, répartition de l’excédent et personnalisation des décisions financières. La Cour se pose une nouvelle fois la question de savoir si ces avantages supplémentaires ont délogé la constitution de prestations viagères comme objet principal au vu de la conduite adoptée et de la croyance raisonnablement entretenue par M. Martiniuk au moment de la création du régime. Compte tenu de la franchise de son témoignage et des gestes qu’il a accomplis à l’époque et qui ont été décrits plus haut, la Cour est amenée à conclure, de manière posée, que M. Martiniuk n’a pas fait une présentation erronée du caractère prédominant de la constitution de prestations viagères comme objet du régime.

 

[67]        L’appréciation du témoignage donné par M. Martiniuk au sujet de sa situation d’employé et de sa rémunération permet de tirer les conclusions suivantes :

 

a)                 M. Martiniuk a exercé son nouvel emploi de technicien juridique, d’abord aux côtés d’un autre technicien juridique, puis comme employé d’Excalibur.

 

b)                M. Martiniuk acceptait des dossiers et il a par ailleurs amorcé les étapes habituelles de démarrage de l’entreprise en juin 2000.

 

c)                 Son entreprise ayant connu une croissance lente, M. Martiniuk a commencé à toucher ses prestations de retraite en 2001, a déclaré ces revenus de retraite et a payé l’impôt dû; il a acquitté l’impôt dû sur le salaire modeste qui lui a été attribué au cours d’une période de déclaration similaire.

 

d)                Après avoir recommencé à travailler pour un autre organisme public en 2005, M. Martiniuk a de nouveau transféré la valeur de ses droits à pension vers le RREMO et a touché sa pension; il reçoit donc des prestations de retraite de manière ininterrompue depuis 2001.

 

e)                 L’entreprise a véritablement été exploitée, mais n’a jamais réussi à générer les revenus escomptés ni à atteindre un certain succès.

 

f)                  Les déclarations inexactes et les erreurs qui ont été faites lors des communications subséquentes n’ont jamais dénaturé cette vision constante selon laquelle le régime d’Excalibur avait pour principal objet la constitution de prestations viagères ni la façon dont M. Martiniuk envisageait sa situation d’employé.

 

g)                 M. Martiniuk possédait un dossier d’employé et les attentes et désirs qu’il entretenait sur le plan de ses gains futurs ont été documentés, ce qui fait foi de sa crédibilité et de sa cohérence.

 

[68]        En fait, la crédibilité de M. Martiniuk est accrue du fait qu’il est arrivé à faire la juste part entre ses chances de réussir et l’exercice [traduction] « ridicule » de clairvoyance consistant à prévoir le revenu d’une entreprise en démarrage. L’intimée soutient que c’est là la preuve d’un manque de rigueur et de l’existence de déficiences sur le plan de la commercialité. Toutefois, au vu de l’attitude de M. Martiniuk et du témoignage qu’il a rendu à ce sujet, la Cour tire la conclusion opposée.

 

[69]        Comme c’était le cas dans les autres appels, les faits figurant dans les renseignements datant de 2003 et communiqués en 2003 ou par la suite se rapportaient aux périodes en vigueur ou subséquentes et ne pouvaient être rattachés au fondement de l’agrément ni aux périodes antérieures pertinentes à l’égard desquelles le ministre souhaite maintenant établir de nouvelles cotisations. Il n’y a eu aucune présentation erronée des faits en ce qui concerne la communication de renseignements relatifs à l’année d’imposition visée par la nouvelle cotisation ni aux faits constituant le fondement de l’agrément. Au vu des faits, et comme l’intimée n’est pas parvenue à s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombait, il n’est pas permis au ministre d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normalement prévue à cette fin.

 

          b)      Les questions d’interprétation

 

                   (i)      La question de l’application limitée aux cas de fraude

 

A.      Les différents points de vue sur le sous-alinéa 152(4)a)(i)

 

[70]        À la lumière des conclusions de fait exposées précédemment, la question de l’application limitée aux cas de fraude ne permet pas de trancher les appels. Toutefois, puisqu’il existe une véritable controverse juridique relativement à ce sous‑alinéa et que les parties ont consacré passablement de temps à cette question, la Cour s’estime tenue de formuler quelques observations générales. La thèse des appelants porte que la présentation erronée des faits qui est faite lors de la communication des renseignements sous le régime de la Loi n’autorise pas le ministre à établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale s’il n’y a pas aussi présentation erronée des faits dans la déclaration. Naturellement, l’intimée soutient que, selon le sens ordinaire de cet article, il est permis de procéder à une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale s’il y a eu présentation erronée des faits uniquement quant aux renseignements communiqués. Aucune jurisprudence ne s’est encore réellement penchée sur cette question singulière au Canada.

 

B.      L’absence de fondement juridique clair

 

[71]        Ces deux thèses supposent que le contribuable peut être assujetti à deux normes de conduite différentes. Si l’on fait exception d’une opinion incidente sans grande portée, la jurisprudence n’a jamais examiné la question de savoir si le mécanisme prévu à l’alinéa 152(4)a) appelle l’existence d’une fraude ou s’il peut simplement y avoir eu présentation erronée des faits lors de la communication de renseignements sous le régime de la Loi : Cooper c Canada, [1998] ACI no 919 (QL), [1999] 1 CTC 2312, et Ridge Run Developments Inc. c Canada, 2007 CCI 68, 2007 DTC 734. Ainsi, il importe d’examiner les conséquences d’une telle interprétation afin de voir si l’objet et l’esprit de la disposition en cause sont respectés. Si l’interprétation des appelants est juste, il s’ensuit que des normes de conduite différentes visent le contribuable qui produit une déclaration et celui qui communique des renseignements autrement que dans une déclaration. La simple présentation erronée des faits (par négligence, inattention ou omission volontaire) suffit pour autoriser le ministre à établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale uniquement si elle a été faite dans la déclaration. Selon cette interprétation, le contribuable peut faire preuve de négligence et d’inattention et même commettre une omission volontaire dans le cadre des observations qu’il présente au ministre (dans la mesure où ces renseignements ne figurent pas dans sa déclaration) sans s’exposer au risque de faire l’objet d’une nouvelle cotisation à tout moment, ainsi que le permet le sous‑alinéa 152(4)a)(i).

 

[72]        D’autre part, le régime fiscal doit encourager les contribuables à faire preuve de franchise lorsqu’ils font affaire avec le ministre, si celui‑ci décide ultérieurement de procéder à une vérification des dossiers du contribuable. Suivant l’interprétation de l’intimée, l’alinéa 152(4)a) prévoit un tel mécanisme. La capacité du ministre d’appliquer correctement et efficacement la Loi peut être gravement diminuée si son droit de procéder à l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale lui était retiré dans les situations où ses représentants ont été induits en erreur parce que le contribuable a fait une présentation erronée des faits en fournissant des renseignements au cours du processus de vérification ou d’appel.

 

C.               L’analyse textuelle, contextuelle et téléologique

 

[73]        La thèse des appelants porte que le ministre n’a jamais eu le droit d’établir de nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale en de telles circonstances. Selon l’interprétation qu’ils font de l’alinéa 152(4)a), il faut que la présentation erronée des faits qui n’est pas faite dans une déclaration puisse être assimilée à la fraude pour que les limites relatives à la période de nouvelle cotisation cessent de s’appliquer. De la même façon, le contribuable pourrait à juste titre faire valoir que, dans sa forme actuelle, cette disposition prévoit l’application d’une norme plus élevée lorsqu’il s’agit de renseignements communiqués lors de la production d’une déclaration plutôt que de renseignements communiqués dans une demande d’agrément d’un régime de pension. Cette interprétation est probablement valable en matière d’agrément d’un régime de pension, puisque le contribuable qui en fait la demande est tenu d’évaluer ses gains futurs. Il existe d’autres formes d’observations moins formelles susceptibles d’être présentées verbalement aux fonctionnaires de l’ARC si ces derniers interrogent le contribuable. Le cas échéant, il est possible que le contribuable n’ait pas en mains les documents qui lui permettraient de vérifier ce qu’il avance. En revanche, dans sa déclaration de revenus, le contribuable doit déclarer des montants connus concernant une année d’imposition antérieure.

 

[74]        On peut à tout le moins soutenir que le contribuable qui déclare des montants connus en produisant une déclaration de revenus, doit être tenu au respect d’une norme élevée d’exactitude et de soin, de telle sorte qu’une simple présentation erronée des faits (par négligence, inattention ou omission volontaire) dans une déclaration autorise l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale. En revanche, il serait raisonnable de penser que l’estimation de gains éventuels et les renseignements afférents, tels que les prévisions faites dans une demande d’agrément ou des observations orales présentées aux fonctionnaires de l’ARC, sont assujettis à une norme moins sévère. Il n’est pas impossible que, dans sa forme actuelle, l’alinéa 152(4)a) prévoie des normes distinctes.

 

[75]        L’intimée soutient que l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique milite dans le sens de l’interprétation que fait la Couronne de l’alinéa 152(4)a). Ayant disposé autrement le texte de ce sous-alinéa par souci de clarté, l’intimée soutient que le [traduction] « ministre peut établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation dans les cas suivants » :

 

a)                 le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi;

 

b)                le contribuable a commis une fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi » [la disposition en paragraphes a été ajoutée par souci de clarté].

 

[76]        Dans ses observations, l’intimée soutient que l’alinéa 152(4)a) vise entre autres à encourager la franchise chez le contribuable, comme cela a été dit à l’occasion de l’affaire Cooper. Toutefois, si la disposition visait à appliquer une même norme en matière de franchise aux renseignements fournis dans la déclaration et à ceux communiqués autrement, il aurait fallu qu’elle soit libellée clairement pour que cette norme s’applique uniformément (comme en témoigne la nécessité de réorganiser le texte du sous-alinéa pour en illustrer et en préciser la teneur). Dans sa forme actuelle, il est possible de penser que la disposition prévoit deux exigences distinctes en matière de franchise. Les observations faites par l’intimée au sujet du libellé qu’elle a proposé ci-dessus sont en soi une indication du genre de clarté rédactionnelle à atteindre pour qu’une norme soit appliquée uniformément.

 

D.      Conclusion

 

[77]        L’interprétation téléologique de l’alinéa 152(4)a) permet de conclure qu’il n’existe pas, en matière de communication de renseignements dans une déclaration ou autrement, de différence suffisamment importante pour justifier l’application de normes de conduite différentes à la communication de ces deux types de renseignements. La question, essentiellement, n’est pas de savoir si des normes différentes doivent, ou non, s’appliquer, mais plutôt si l’interprétation que font les appelants des dispositions législatives peut s’appuyer sur des principes d’interprétation législative bien établis ou si, au contraire, ces principes réfutent leur lecture. En l’espèce, il y a dans le libellé de la Loi une ambiguïté que les principes d’interprétation législative applicables ne peuvent à eux seuls dissiper. En présence d’une telle ambiguïté dans le texte d’une loi fiscale, elle doit être interprétée en faveur du contribuable : Placer Dome Canada Ltd c Ontario, 2006 CSC 20, au paragraphe 23. Suivant cette logique, s’il était nécessaire de trancher cette question pour statuer sur les appels, le ministre ne serait pas autorisé à établir de nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale en vertu du paragraphe 152(4) à l’égard du contribuable ayant uniquement fait une présentation erronée des faits ailleurs que dans sa déclaration de revenus, c’est‑à‑dire en communiquant des renseignements sous le régime de la Loi.

 

(ii)             Les questions du transfert et du moment

 

A.               La question du moment

 

[78]        La thèse invoquée par l’appelant concernant la non-rétroactivité de la présumée réception par le contribuable ne lui aurait pas permis d’obtenir gain de cause pour les motifs suivants. À l’occasion des affaires Astorino c Canada, 2010 CCI 144, 2010 DTC 1112, et Bonavia c Canada, 2009 CCI 289, 2009 DTC 1167, la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale ont statué que, lorsqu’il y a retrait de l’agrément d’un régime de pension, le contribuable est tenu d’inclure rétroactivement les sommes en cause dans le calcul de son revenu imposable pour l’année du transfert, sous réserve toutefois des différentes périodes de nouvelle cotisation précédemment définies en détail plus haut. Signalons que chaque contribuable a reconnu avoir donné l’instruction de procéder au transfert. Compte tenu des conclusions auxquelles la Cour est arrivée pour des motifs différents, cette question est désormais théorique.

 

B.      La question du transfert

 

[79]        Bien que cette question, elle aussi, ne soit plus utile à la résolution des présents appels, signalons que la Cour suprême du Canada a statué, à l’occasion de l’affaire Neuman c Canada, [1998] 1 RCS 770, qu’il suffit qu’un bien soit confié au fiduciaire pour le compte du bénéficiaire pour que joue le paragraphe 56(2) (réception présumée), si les critères suivants sont remplis :

 

a)                 le paiement ou le transfert de fonds est fait à une autre personne que le bénéficiaire;

 

b)                le transfert a été fait suivant les instructions ou avec l’accord du bénéficiaire;

 

c)                 les paiements ont été faits au profit du bénéficiaire;

 

d)                le paiement aurait été imposable suivant le sous‑alinéa 56(1)a)(i) de la Loi si le bénéficiaire l’avait reçu lui-même.

 

[80]        Concrètement, tous ces critères ont été remplis en l’espèce, puisque, dans chaque appel :

 

a)                 les fonds ont été transférés d’un régime à un autre;

 

b)                les appelants ont donné l’instruction d’effectuer le transfert;

 

c)                 les appelants étaient les seuls participants à leur régime respectif et ne pouvaient donc en être que les uniques bénéficiaires;

 

d)                si les fonds avaient été versés directement aux appelants (comme l’ont été les paiements de répartition de l’excédent), ils auraient été imposables,

 

Par conséquent, l’appelant n’aurait pas pu obtenir gain de cause sur ces moyens.

 

V.      Résumé

 

[81]        Par les motifs qui précèdent, les appels sont accueillis, compte tenu du fait que le ministre n’a pas établi, par la prépondérance des preuves, qu’il y avait eu présentation erronée des faits de la part des appelants respectivement concernés lors de la communication, sous le régime de la Loi, de renseignements relatifs aux années d’imposition visées par les nouvelles cotisations ou aux faits sur lesquels était fondée l’agrément des régimes. Les appelants ont droit aux dépens fixés conformément à l’annexe II des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), en fonction du tarif des dépens entre parties.

 

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 23e jour d’octobre 2013.

 

 

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour de mars 2014

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 333

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :         2010-1473(IT)G

                                                          2010-1474(IT)G

                                                          2010-1475(IT)G

 

INTITULÉS :                                    CHARLES ROSS c. SA MAJESTÉ LA REINE;

                                                          SUSANNE E. GREENHALGH c. SA MAJESTÉ LA REINE;

                                                          JOHN W. MARTINIUK c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATES D’AUDIENCE :                  Les 15 et 16 octobre 2012

                                                          ainsi que le 28 janvier 2013

 

MOTIFS DES JUGEMENTS :         L’honorable juge Randall S. Bocock

 

DATE DES JUGEMENTS :             Le 23 octobre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelants :

Me Eric Fournie

Me Oleg M. Roslak

Avocate de l’intimée :

Me Justine Malone

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

                            Nom :                   Eric Fournie

                            Cabinet :               Fournie Mickleborough LLP

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

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