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Dossier : 2011-249(IT)G

ENTRE :

GLEN HARVEY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 9 et 10 septembre 2013, à Winnipeg (Manitoba).

 

Devant : L’honorable juge David E. Graham

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Richard Beamish

Avocate de l’intimée :

MRachelle Nadeau

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté par l’appelant à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour ses années d’imposition 2003 et 2004 est accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et à une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que M. Harvey a droit aux déductions additionnelles suivantes :

 

        2 000 $ au titre de frais de bureau à domicile pour chacune de ses années d’imposition 2003 et 2004;

 

        1 200 $ au titre de frais de repas et de représentation pour chacune de ses années d’imposition 2003 et 2004;

 

        600 $ au titre de frais de taxi pour 2003;

 

        1 200 $ au titre de frais de stationnement pour 2003;

 

        13 623,70 $ au titre de frais de réparation de véhicule pour 2004;

 

        2 575,36 $ au titre de frais de location de véhicule pour 2004.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de septembre 2013.

 

 

 

 

« David E. Graham »

Juge Graham

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de février 2014.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

 


 

 

 

Référence : 2013 CCI 298

Date : 20130926

Dossier : 2011-249(IT)G

ENTRE :

GLEN HARVEY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Graham

 

[1]             Glen Harvey est un agent immobilier de Winnipeg très connu. M. Harvey travaille pour Re/Max Real Estate Inc. (« Re/Max ») depuis environ 30 ans. Quand il a produit ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2003 et 2004, M. Harvey a déclaré des revenus de commission et des frais liés à ses activités d’agent immobilier. Il a omis d’inclure des revenus de commission de 44 596 $ pour 2003 et de 26 641 $ pour 2004. Le ministre du Revenu national a établi de nouvelles cotisations à l’égard de M. Harvey pour ces années d’imposition, de manière à inclure ces sommes dans ses revenus. Le ministre a aussi imposé à M. Harvey des pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard des revenus non déclarés de M. Harvey. En dernier lieu, le ministre a refusé à M. Harvey la déduction, que celui-ci avait demandée, de certains frais liés à ses revenus de commission. M. Harvey interjette appel devant cette cour des pénalités pour faute lourde qui lui ont été imposées et du refus de la déduction des frais. L’appel de M. Harvey ne porte pas sur les revenus non déclarés qui ont été ajoutés dans le calcul de ses revenus.

 

 

Les questions en litige

 

[2]             Il est possible de ramener l’appel à deux questions dominantes. La première question est de savoir si l’intimée s’est déchargée du fardeau qui lui incombait de prouver que M. Harvey a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, omis de déclarer la totalité de ses revenus. La seconde question en litige est de savoir si M. Harvey s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de démolir l’hypothèse du ministre selon laquelle il n’avait pas fait certaines dépenses en vue de gagner un revenu.

 

 

Les concessions

 

[3]             Le premier jour de l’audience, M. Harvey a concédé le fait que des frais de location de véhicule de 2 651,51 $, des frais de contraventions de 910,36 $ et des frais d’assurance automobile de 196,90 $ n’étaient pas légitimement déductibles à l’égard de son année d’imposition 2003.

 

 

Les témoins

 

[4]             M. Harvey a témoigné pour son propre compte. Pour les motifs exposés de manière plus détaillée ci‑dessous, je ne l’ai pas trouvé crédible et je n’ai pas accepté son témoignage sur bien des points.

 

[5]             Pat Button a témoigné pour le compte de l’intimée. Mme Button est la directrice financière et la directrice du service de comptabilité de Re/Max à Winnipeg. J’ai trouvé que Mme Button était un témoin crédible.

 

[6]             Brenda Davis a aussi témoigné pour le compte de l’intimée. Mme Davis occupe actuellement un poste de chef d’équipe de vérification auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), mais, pendant la période en cause, elle était agente d’enquête auprès de la division de l’exécution de l’ARC. J’ai trouvé que Mme Davis était un témoin crédible.

 

 

L’entreprise

 

[7]             M. Harvey a longuement témoigné au sujet de la nature de ses activités. Il a expliqué qu’il était agent immobilier depuis 38 ans. Il s’est décrit comme l’un des trois meilleurs agents à Winnipeg et comme l’agent numéro un de Re/Max au Manitoba. Environ 5 % des activités de M. Harvey consistent à agir pour le compte de particuliers acheteurs et vendeurs de maisons résidentielles. Le reste de ses activités s’exercent sur le marché des appartements en copropriété. Sur une période d’environ 20 ans, M. Harvey s’est concentré sur des activités consistant à arranger l’achat d’immeubles d’habitation pour ses clients, à travailler avec ces clients à convertir les immeubles en condos, et ensuite à mettre les appartements en vente et à les vendre à des particuliers pour le compte de ses clients. M. Harvey estime que c’est lui qui s’occupe d’environ 75 % de l’ensemble du travail de conversion d’appartements en condos à Winnipeg. Au cours d’une année normale, M. Harvey prend part à environ 200 opérations. Plusieurs agents travaillent pour lui.

 

[8]             M. Harvey a témoigné que très peu d’agents survivent dans le domaine aussi longtemps que lui. Il a insisté sur le fait qu’il était essentiel pour lui de constamment rester en contact avec ses clients. Il croyait que chacun de ses clients actuels le recommanderait à un ou à plusieurs futurs clients. Il savait également que ses plus gros clients étaient constamment sollicités par ses concurrents, et qu’il devait par conséquent se battre pour les garder.

 

[9]             M. Harvey a expliqué que Re/Max était une [traduction] « société 100 % », ce qui signifie qu’il payait à Re/Max divers frais (p. ex. des frais de bureau, des frais de promotion, des frais de siège social, des frais de publicité institutionnelle) et que, en retour, il pouvait garder 100 % des commissions obtenues sur ses ventes. Il a expliqué que, entre autres choses, les frais qu’il payait lui donnaient droit à un bureau et à un ordinateur dans un bureau partagé à l’établissement de Re/Max. Toutefois, il a déclaré qu’il n’utilisait que très peu le bureau fourni parce que lui et ses clients n’aimaient pas le manque d’intimité. M. Harvey a expliqué que Re/Max ne le remboursait pas des frais qu’il engageait à titre personnel dans l’exercice de ses activités.

 

[10]        J’accepte le témoignage de M. Harvey à l’égard de tous les points susmentionnés.

 

[11]        M. Harvey a décrit comme suit ce qu’était pour lui une semaine normale. En semaine, il travaille de 7 h à 23 h. Il a un bureau à domicile et c’est là qu’il commence à travailler chaque matin. Il y vérifie ses courriels et passe en revue les nouvelles inscriptions de la journée. Il rencontre ensuite les agents qui travaillent avec lui et établit sa liste de choses à faire pour la journée. Il rencontre ensuite ses clients importants pour examiner notamment des stratégies et des plans de mise en marché. Tout cela se fait à son bureau à domicile. Entre 15 h et 19 h ou 20 h, il travaille sur le terrain, aux lieux de vente d’appartements en copropriété de ses clients. Quand il parvient à effectuer une vente, il travaille encore plus tard pour mettre la dernière main aux documents. Quand il a terminé son travail aux lieux de vente, il emmène généralement ses clients manger ou prendre un verre. La fin de semaine, M. Harvey voit normalement des clients dans la matinée et s’occupe ensuite de ventes d’appartements en copropriété de 13 h à 17 h. Encore une fois, il emmène ses clients manger ou prendre un verre dans la soirée. En plus de ce qui a été décrit ci-dessus, M. Harvey emmène ses clients voir des matchs de football et jouer au golf.

 

[12]        Je suis prêt à accepter une grande partie du témoignage de M. Harvey relatif à ce qui est pour lui une semaine normale. Toutefois, j’ai l’impression qu’il a exagéré la fréquence de certaines des activités qu’il a décrites. Dans les cas où j’ai eu cette impression, je l’ai mentionné expressément dans mon analyse relative à chaque catégorie de frais. Cela étant dit, j’accepte la prémisse fondamentale selon laquelle M. Harvey fait de très longues journées de travail, que pendant la semaine il consacre de loin la plus grande partie de chaque jour à son travail, qu’il exerce ses activités à partir de son bureau à domicile, qu’il rencontre régulièrement des clients dans ce bureau à domicile et qu’il emmène régulièrement ses clients voir des matchs de football, jouer au golf ou encore manger ou prendre un verre.

 

 

La comptabilité et la préparation des déclarations de revenus

 

[13]        Pendant les années en cause, M. Harvey a déclaré ses revenus d’entreprise selon un exercice financier prenant fin le 31 août. Ainsi, ses revenus pour 2003 auraient dû comprendre ses revenus et ses dépenses pour la période allant du 1er septembre 2002 au 31 août 2003, et ses revenus pour 2004 auraient dû comprendre ses revenus et ses dépenses pour la période allant du 1er septembre 2003 au 31 août 2004. Les parties m’ont dit qu’il s’agissait d’une méthode acceptable de déclaration de revenus d’entreprise pour un particulier dans ces années-là, et que la méthode n’était pas en cause.

 

[14]        M. Harvey a eu recours aux services d’un comptable qui s’appelait M. Osato pour la préparation de ses déclarations de revenus. M. Harvey a décrit M. Osato comme un comptable agréé qui avait auparavant travaillé pour l’ARC. Il a expliqué qu’il fournissait à M. Osato tous les documents dont celui-ci avait besoin pour préparer ses déclarations de revenus chaque année, et que M. Osato préparait ensuite les déclarations pour que M. Harvey les signe.

 

 

Les accusations au criminel et la déclaration de culpabilité

 

[15]        Comme il a été mentionné ci‑dessus, M. Harvey ne conteste pas le fait qu’il a omis de déclarer des revenus de 44 596 $ pour 2003 et de 26 641 $ pour 2004. Le vérificateur qui a examiné les années d’imposition 2003 et 2004 de M. Harvey a été suffisamment préoccupé par ces revenus non déclarés pour renvoyer le dossier à la division de l’exécution de l’ARC. La division de l’exécution a fini par recommander à la Couronne de porter des accusations criminelles contre M. Harvey en vertu du paragraphe 239(1) de la Loi. Les accusations étaient fondées sur les revenus que M. Harvey avait omis de déclarer pour ses années d’imposition 2003 et 2004, ainsi que sur d’autres revenus, pour son année d’imposition 2000, qu’il aurait omis de déclarer et qui ne sont pas en cause en l’espèce.

 

[16]        M. Harvey a finalement conclu avec la Couronne un accord quant au plaidoyer, aux termes duquel il a plaidé coupable relativement au troisième chef d’accusation de la dénonciation (pièce R-13) et les autres chefs d’accusation ont été suspendus. Les parties pertinentes du chef d’accusation n° 3 sont ainsi libellées :

 

[traduction]

 

Glen Harvey […] a de manière illicite fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à de telles déclarations, dans la déclaration de revenus T1 qu’il a produite pour l’année d’imposition 2003 […] en omettant d’y déclarer des revenus imposables de 44 596,87 $, et il a ainsi commis l’infraction visée à l’alinéa 239(1)a) de la Loi.

 

[17]        Par suite de son plaidoyer de culpabilité, M. Harvey a été condamné à payer une amende de 6 700 $. L’avocat de M. Harvey m’a informé qu’aucun exposé conjoint des faits n’avait pas été déposé à la cour dans le cadre de ce plaidoyer.

 

 

Les revenus non déclarés et les pénalités pour faute lourde

 

[18]        M. Harvey soutient qu’il ne devrait pas se voir imposer des pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) pour avoir omis de déclarer des revenus. Le critère classique qui s’applique en matière d’imposition de pénalités pour faute lourde est énoncé dans la décision Venne c. La Reine, 84 DTC 6247, décision de la Division de première instance de la Cour fédérale, que la Cour d’appel fédérale a confirmée dans l’arrêt Findlay c. La Reine, 2000 DTC 6345.

 

[…] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi.

 

[19]        M. Harvey a plaidé coupable d’une infraction relativement à ses revenus non déclarés pour l’année d’imposition 2003. M. Harvey ne conteste pas que les revenus qu’il a omis de déclarer, auxquels se rapportait son plaidoyer de culpabilité, sont les mêmes que ceux à l’égard desquels les pénalités lui ont été imposées.

 

[20]        Tout au long de son témoignage, M. Harvey a fréquemment fait référence au fait d’avoir [traduction] « acquiescé » à la présentation d’un plaidoyer de culpabilité à l’égard de l’accusation d’avoir fait une fausse déclaration. Il est clair que M. Harvey croyait qu’il était important pour sa cause qu’il ait [traduction] « acquiescé » à quelque chose, vu qu’il a souvent employé ce mot au cours de son témoignage. Il est aussi clair qu’il voulait que je croie que c’était entièrement la faute de son comptable s’il y a eu omission de déclarer des revenus, que la cour avait accepté ce fait quand il a plaidé coupable, qu’il avait plaidé coupable simplement parce qu’il reconnaissait qu’il avait signé la déclaration et était par conséquent responsable de son contenu, et qu’il croyait comprendre qu’il n’admettait pas par là avoir sciemment fait quoi que ce soit de répréhensible. Dans ses observations, l’avocat de M. Harvey a fourni quelques éclaircissements sur ce point. L’avocat a fait valoir que l’alinéa 239(1)a) établit une infraction de responsabilité stricte, et qu’en plaidant coupable M. Harvey reconnaissait simplement qu’il avait fait preuve de négligence en acquiesçant à la présentation d’une fausse déclaration dans sa déclaration de revenus. L’avocat de M. Harvey a donc soutenu que, vu que celui-ci avait simplement admis avoir fait preuve de négligence, il ne satisfaisait pas à ce que l’avocat de M. Harvey a décrit comme la norme bien plus exigeante de la faute lourde, qui est la norme qui conditionne l’imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(2). L’avocat de M. Harvey a été incapable de me renvoyer à quelque jurisprudence que ce soit à l’appui de ce qu’il soutenait.

 

[21]        Je n’accepte pas cette position. Si je le faisais, ce serait accepter que le législateur a rédigé la Loi de telle sorte que la simple négligence donnerait lieu à l’imposition d’amendes de nature pénale ou de peines d’emprisonnement, tandis qu’il faudrait qu’il y ait faute lourde pour imposer une pénalité civile. Cela n’est tout simplement pas logique.

 

[22]        L’alinéa 239(1)a) ne prévoit pas une infraction de responsabilité stricte. Il y est question d’une infraction d’intention spécifique. L’accusé doit avoir sciemment commis l’acte en cause, ou doit avoir fait preuve d’aveuglement volontaire relativement à la perpétration de l’acte. La simple négligence ne suffit pas. La Cour d’appel de l’Alberta a clairement résumé le droit applicable à cet égard dans l’arrêt R. v. Breakell, 2009 ABCA 173, aux paragraphes 17 et 18 :

 

[traduction]

 

Le juge de première instance a compris que les infractions prévues aux alinéas 239(1)a) et d) sont de vraies infractions criminelles : voir l’arrêt Knox Contracting Ltd.  c. Canada, [1990] 2 R.C.S. 338, aux pages 346 à 350, (1990), 73 D.L.R. (4th) 110 (C.S.C.). Il a reconnu que pour satisfaire à l’exigence relative à la mens rea pour l’application de l’alinéa 239(1)a), la fausse déclaration doit être faite sciemment et intentionnellement : voir R. v. Derose, 2001 ABPC 146, 297 A.R. 51 (Cour provinciale de l’Alberta), au paragraphe 157. […] Comme le juge de première instance a à juste titre conclu, […] « [L]es six accusations dont je suis saisi se rapportent toutes à des infractions d’intention spécifique, à l’égard desquelles la négligence, quelle qu’en soit la forme, ne constitue pas la norme à laquelle il faut satisfaire pour que soit fondée une déclaration de culpabilité ».

 

Le juge de première instance a aussi fait remarquer qu’en ce qui concerne les  accusations portées en vertu des alinéas 239(1)a) et d), l’intention spécifique peut s’inférer de l’aveuglement volontaire dont l’accusé a fait preuve. Sa conclusion sur ce point aussi est bien fondée en droit […].

 

[23]        En supposant, aux fins de l’analyse, que M. Harvey ait acquiescé à l’inclusion d’une fausse déclaration dans sa déclaration de revenus pour 2003 et qu’il n’ait pas fait lui-même cette fausse déclaration, ce dont il a plaidé coupable n’est pas d’avoir fait preuve de négligence en acquiesçant à l’inclusion de la fausse déclaration, mais plutôt d’avoir sciemment donné son acquiescement à la fausse déclaration ou d’avoir fait preuve d’aveuglement volontaire relativement à celle-ci. Le fait de poser un geste sciemment ou en faisant preuve d’aveuglement volontaire comporte un plus haut degré de mens rea que la faute lourde.

 

[24]        Le juge Paris a récemment eu l’occasion d’examiner les effets d’un plaidoyer de culpabilité relativement à une infraction criminelle sur des pénalités pour faute lourde. Aux paragraphes 14 et 15 de la décision Raposo c. La Reine, 2013 CCI 265, il s’est ainsi exprimé :

 

Les déclarations de culpabilité sont recevables comme preuve prima facie des faits importants sur lesquels elles sont fondées : Re Del Core and Ontario College of Pharmacists (1985), 51 O.R. (2d) 1 (C.A. Ont.). Il y a lieu d’accorder encore plus d’importance à une déclaration de culpabilité si elle a été prononcée au terme d’un procès en bonne et due forme : Ali et 124558 Canada inc c Cie d’assurance Guardian du Canada et Cie d’assurance Royale du Canada, 1999 CanLII 13177 (QCCA).

 

En l’espèce, étant donné que la culpabilité de l’appelante a été prononcée par suite des plaidoyers de culpabilité qu’elle a inscrits, plutôt qu’à l’issue d’un procès, il est plus juste de traiter cette déclaration de culpabilité comme une preuve prima facie de la fraude commise par l’appelante à l’endroit de [son employeur].

 

[25]        Compte tenu de ce qui précède, je conclus par conséquent que la preuve prima facie du fait que M. Harvey a commis une faute lourde en omettant de déclarer une partie de ses revenus dans sa déclaration pour l’année d’imposition 2003 a été établie. Si M. Harvey souhaite se soustraire à l’imposition des pénalités, il devra produire des preuves suffisantes pour écarter cette preuve prima facie.

 

[26]        Si je comprends bien, l’avocat qui a représenté M. Harvey à l’audience en l’espèce était le même que celui qui l’a représenté dans la procédure pénale. Par conséquent, il est possible que la compréhension qu’avait M. Harvey de ce dont il plaidait coupable ait été influencée par l’interprétation du droit que son avocat a présentée lors du procès. S’il en est ainsi, il est alors possible que M. Harvey ait sincèrement cru qu’il plaidait coupable d’avoir fait preuve de négligence en acquiesçant à la présentation d’une fausse déclaration. Toutefois, je n’ai pas à me prononcer sur la question de savoir si une croyance sincère mais erronée à sa propre culpabilité est suffisante pour l’emporter sur la preuve prima facie de la faute lourde que constitue un plaidoyer de culpabilité. Je n’ai pas à le faire parce que, pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus qu’il existe d’autres éléments de preuve plus que suffisants pour me convaincre que l’intimée a prouvé que M. Harvey a commis une faute lourde.

 

[27]        M. Harvey n’a pas plaidé coupable à l’égard de son année d’imposition 2004. Par conséquent, l’intimée doit prouver qu’il convient d’imposer des pénalités pour faute lourde à l’égard de cette année-là. Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que l’intimée y est parvenue.

 

[28]        M. Harvey a témoigné qu’il recevait un relevé T4A et un état du revenu de commissions (aussi appelé [traduction] « résumé du bordereau de paie ») de Re/Max chaque année. Re/Max préparait le relevé T4A et l’état du revenu de commissions sur la base de l’année civile. Mme Button a corroboré le témoignage de M. Harvey sur ces points.

 

[29]        M. Harvey a déclaré qu’il remettait son relevé T4A et son état du revenu de commissions à M. Osato chaque année, quand venait le temps de préparer sa déclaration de revenus. M. Harvey a expliqué que, vu que le relevé T4A et l’état du revenu de commissions étaient établis en fonction de l’année civile, pour préparer sa déclaration de revenus M. Osato devait consulter les documents les plus récents ainsi que ceux pour l’année civile précédente.

 

[30]        Mme Button a témoigné que Re/Max imprimait parfois des états du revenu de commissions personnalisés pour les agents dont l’exercice ne coïncidait pas avec l’année civile. Ces états personnalisés indiquaient les revenus de commissions gagnés par l’agent pendant son exercice. Bien que Mme Button se soit souvenue d’avoir imprimé de tels états pour un certain nombre d’agents, elle ne se souvenait pas si M. Harvey était l’un d’eux. M. Harvey a nié avoir reçu un tel état de Re/Max ou avoir remis un tel état à M. Osato.

 

[31]        Il y a cinq documents clés relatifs aux revenus non déclarés :

 

La pièce R-9 : Il s’agit d’un état du revenu de commissions personnalisé établi pour l’exercice de M. Harvey allant du 1er septembre 2002 au 31 août 2003. Mme Button a déclaré que Re/Max avait produit ce document en 2007 à la demande de l’ARC alors que la vérification était en cours, qu’il avait été remis au vérificateur, et qu’il faisait état de tous les revenus que M. Harvey avait gagnés pendant cette période. Un sommaire de ces revenus se trouve en haut du document. M. Harvey nie n’avoir jamais reçu un tel document de Re/Max.

 

La pièce R-11 : Cet état du revenu de commissions personnalisé est identique à celui produit sous la cote R-9, à l’exception du fait qu’il n’y est pas fait état de la date à laquelle il a été créé, et qu’il a été modifié par la suppression du sommaire des revenus qui se trouvait en haut du document ainsi que de tous les revenus de commissions gagnés du 26 juin au 31 août 2003. Les revenus de commissions dont il est fait état sur ce document modifié correspondent aux revenus que M. Harvey a déclarés dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2003. Les revenus qui ont été soustraits par suite des modifications correspondent aux revenus non déclarés à l’égard desquels M. Harvey a plaidé coupable. Mme Button a déclaré qu’il n’était pas possible que Re/Max ait produit un état sous cette forme. M. Harvey a admis qu’il se pouvait qu’il ait lui-même écrit le chiffre manuscrit de ses revenus totaux, mais il nie avoir modifié ce document ou l’avoir remis à M. Osato. Mme Davis a témoigné qu’elle avait reçu ce document du vérificateur.

 

La pièce R-10 : Il s’agit d’un état du revenu de commissions personnalisé établi pour l’exercice de M. Harvey allant du 1er septembre 2003 au 31 août 2004. Mme Button a déclaré que Re/Max avait produit ce document en 2007 à la demande de l’ARC alors que la vérification était en cours, qu’il avait été remis au vérificateur, et qu’il faisait état de tous les revenus que M. Harvey avait gagnés pendant cette période. Un sommaire de ces revenus se trouve en haut du document. M. Harvey nie n’avoir jamais reçu un tel document de Re/Max.

 

La pièce R-12 : Cet état du revenu de commissions personnalisé est identique à celui produit sous la cote R-10, à l’exception du fait qu’il n’y est pas fait état de la date à laquelle il a été créé, et qu’il a été modifié par la suppression du sommaire des revenus qui se trouvait en haut du document ainsi que de tous les revenus de commissions gagnés entre le 5 et le 31 août 2004. Les revenus de commissions dont il est fait état sur ce document modifié correspondent aux revenus que M. Harvey a déclarés dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2004. Les revenus qui ont été soustraits par suite des modifications correspondent aux revenus non déclarés à l’égard desquels des accusations ont été portées à l’encontre de M. Harvey relativement à l’année 2004, avant que ces accusations soient suspendues dans le cadre de l’accord quant au plaidoyer. Mme Button a déclaré qu’il n’était pas possible que Re/Max ait produit un état sous cette forme. M. Harvey a admis qu’il avait lui-même écrit le chiffre manuscrit de ses revenus totaux, mais il nie avoir modifié ce document ou l’avoir remis à M. Osato. Mme Davis a témoigné qu’elle avait reçu ce document du vérificateur.

 

La pièce R-2 : Il s’agit d’un document manuscrit que M. Harvey a établi. M. Harvey y énumère divers revenus, frais et autres montants se rapportant à la préparation de ses déclarations de revenus pour 2003, 2004 et 2006. Le montant des revenus dont il est fait état sur les feuilles relatives aux années d’imposition 2003 et 2004 est identique à celui des revenus que M. Harvey a finalement déclarés dans ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2003 et 2004 respectivement. M. Harvey nie avoir remis ce document à M. Osato, mais Mme Davis a témoigné que c’était M. Osato qui lui avait donné ce document.

 

[32]        Les parties ont des points de vue très divergents au sujet des documents susmentionnés et sur l’explication du fait que certains revenus de M. Harvey n’ont pas été déclarés.

 

[33]        Selon la théorie de l’intimée, M. Harvey a obtenu de Re/Max des états des commissions du même type que ceux qui ont été produits sous les cotes R-9 et R‑11, a modifié ces documents en supprimant une partie des revenus (de manière à en faire les documents produits sous les cotes R-10 et R-12) et a remis ces documents modifiés à M. Osato afin que celui-ci prépare ses déclarations de revenus pour 2003 et 2004. L’intimée croit que M. Harvey n’a remis à M. Osato ni les relevés T4A ni les états du revenu de commissions relatifs à l’année civile qu’il avait reçus de Re/Max. L’intimée croit aussi que M. Harvey a remis à M. Osato les résumés manuscrits des revenus, des frais et d’autres montants pour les années d’imposition 2003 et 2004, lesquels ont été produits sous la cote R‑2, dans le contexte de la préparation de ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2003 et 2004.

 

[34]        La théorie de l’intimée est appuyée sur les éléments suivants :

 

        Mme Button a témoigné que le système informatique de Re/Max n’aurait pas pu générer les états de commissions tels qu’ils étaient après modification.

        Mme Davis a témoigné que M. Osato lui avait donné la liste manuscrite des revenus et des dépenses. Par conséquent, M. Osato doit avoir eu ce document en sa possession.

        Mme Davis a déclaré qu’elle avait reçu les états des commissions modifiés du vérificateur. Par conséquent, le vérificateur doit avoir eu ces états en sa possession. Le vérificateur en question ne travaille plus pour l’ARC et n’a pas été cité comme témoin. Il en résulte un manque de preuves quant à la question de savoir comment les états des commissions modifiés sont parvenus entre les mains du vérificateur. Toutefois, dans les circonstances, je pense qu’il est raisonnable de conclure que, vu qu’il ne les a pas reçus de Re/Max, il devait les avoir eus soit de M. Osato soit de M. Harvey.

 

[35]        M. Harvey rejette toute la responsabilité de la non-déclaration de certains revenus sur M. Osato. Il prétend qu’il a donné à ce dernier les documents dont il avait besoin pour déclarer exactement ses revenus et que M. Osato a failli à la tâche. Je ne trouve pas le témoignage de M. Harvey crédible pour la simple raison qu’il défie la logique. M. Harvey voudrait me faire croire :

 

        qu’il a donné à M. Osato ses relevés T4A et ses états du revenu de commissions pour l’année civile et lui a demandé de procéder au calcul exact de ses revenus;

        que M. Osato ou l’ARC a perdu les états du revenu de commissions pour l’année civile qu’il avait donnés à M. Osato;

        que M. Osato, en se servant de ces relevés, a tout de même mal calculé ses revenus;

        qu’il n’a pas reçu de Re/Max des états du revenu de commissions personnalisés établis en fonction de son exercice;

        que, par conséquent, Re/Max a vraisemblablement remis des états du revenu de commissions personnalisés faisant état des revenus de M. Harvey à quelqu’un d’autre que M. Harvey;

        que quelqu’un d’autre que lui a modifié ces états afin de dissimuler le véritable montant des revenus qu’il avait gagnés, et que cette personne a ensuite remis ces états modifiés au vérificateur;

        que par coïncidence le montant des revenus apparaissant sur les états modifiés est égal au montant des revenus que M. Osato a mal calculés;

        que les inscriptions manuscrites du montant total des revenus qui apparaissent en haut des états du revenu de commissions modifiés (inscriptions à l’égard desquelles M. Harvey a admis, dans un cas, qu’il s’agissait de son écriture et, dans l’autre, que c’était peut-être son écriture) ont été ajoutées après qu’il est entré en possession de ces états modifiés au cours du processus de vérification;

        qu’il a préparé la liste manuscrite des revenus et des frais qui a été produite sous la cote R-2, et qu’il s’agissait de ses propres documents de travail et non d’instructions à M. Osato, et qu’il n’a pas inscrit les chiffres relatifs à ses revenus (qui sont les mêmes que ceux qui apparaissent sur les états du revenu de commissions modifiés) à titre d’instruction à M. Osato, mais qu’il les a plutôt ajoutés après que ce dernier l’a informé des montants exacts de ses revenus;

        qu’il ne pense pas qu’il ait donné ces documents manuscrits à M. Osato, mais que, d’une manière ou d’une autre, celui-ci les avait en sa possession et les a remis à Mme Davis;

        que c’était entièrement la faute de M. Osato si ses revenus n’ont pas été déclarés exactement;

        que, en dépit de tout ce qui est arrivé, M. Osato ne lui a jamais dit comment il était parvenu aux revenus totaux incorrects, et qu’il ne sait toujours pas quelle erreur M. Osato a commise.

 

[36]        La théorie de l’intimée est claire, logique et appuyée par les témoignages de Mme Button et de Mme Davis ainsi que par les documents. Par contre, l’explication de M. Harvey n’est tout simplement pas croyable.

 

[37]        Le fait est simplement que quelqu’un a modifié les états du revenu de commissions personnalisés. Ce n’est pas Re/Max qui l’a fait. Je n’ai aucune raison de croire que c’est l’ARC, et il n’y a aucune preuve qui permet de le conclure. Par conséquent, il ne reste plus que deux personnes qui peuvent avoir apporté les modifications : M. Harvey et M. Osato. Il n’y a aucune preuve qui indique que M. Osato a apporté les modifications. M. Harvey est le seul des deux qui avait intérêt à apporter les modifications.

 

[38]        M. Osato n’a pas été cité comme témoin. Vu la solidité de la preuve de l’intimée, je ne vois aucune raison pour laquelle l’intimée aurait cité M. Osato. Par contre, si l’histoire de M. Harvey était vraie, M. Osato aurait pu fournir un témoignage d’une valeur inestimable à l’appui de la thèse de M. Harvey. Je tire une conclusion défavorable du fait que M. Harvey n’a pas cité M. Osato.

 

[39]        M. Harvey a plaidé coupable à l’égard de son année d’imposition 2003. Le document modifié qui a donné lieu aux accusations portées à l’égard de cette année‑là est le même type de document modifié que celui qui a donné lieu à la non-déclaration de certains revenus pour l’année d’imposition 2004. M. Harvey n’a pas expliqué en quoi ce qui s’est passé en 2004 différait, aux fins fiscales, de ce qui s’est produit en 2003.

 

[40]        Mon opinion de la crédibilité de M. Harvey à l’égard de la question des revenus non déclarés ne se trouve pas améliorée par les explications non concordantes de celui‑ci relativement à ce qui s’est passé. Lors du contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il ne savait pas quelle erreur M. Osato avait commise. Toutefois, dans une déclaration manuscrite que M. Harvey avait précédemment faite à la division des appels de l’ARC (voir la pièce R-5), M. Harvey a indiqué que M. Osato avait considéré, à tort, que l’exercice de M. Harvey se terminait le 1er août plutôt que le 31 août, tant pour l’année 2003 que pour l’année 2004. Non seulement cette explication contredit la déclaration que M. Harvey a faite au cours de l’audience, mais elle n’a aucun sens parce qu’elle n’explique pas pourquoi les revenus pour juillet 2003 n’ont pas été déclarés alors que ceux pour le 4 août 2004 l’ont été. Elle n’explique pas non plus pourquoi, après s’être trompé sur la fin de l’exercice en  2003, M. Osato n’aurait pas inclus les revenus manquants du mois d’août 2003 quand il a préparé la déclaration de revenus pour 2004. Lors du contre-interrogatoire, l’avocat de l’intimée a présenté un autre document manuscrit à M. Harvey (voir la pièce R-8). M. Harvey a reconnu qu’il s’agissait de son écriture. Ce document est ainsi rédigé :

 

[traduction]

 

Revenu annuel

 

Du 1er sept. 2002 au 31 août 2003

 

J’ai pris congé à l’été 2003 et je suis allé au lac avec mes enfants du 1er juillet au 31 août 2003.

 

Ce qui semble être une partie de la signature de M. Harvey apparaît au bas du document. L’avocate de l’intimée a dit à M. Harvey qu’il avait donné ce document au vérificateur afin d’expliquer pourquoi l’état du revenu de commissions modifié ne faisait pas état de versements de commissions pendant l’été 2003. M. Harvey l’a nié. Je ne trouve pas crédible sa dénégation. Je ne peux pas imaginer d’autre raison pour laquelle il aurait préparé ce document. En outre, l’explication que M. Harvey donne dans ce document, selon laquelle il n’a pas travaillé au cours de l’été 2003, se trouve contredite par les observations qu’il a par la suite présentées à la division des appels de l’ARC, dans lesquelles, en traitant de son utilisation d’un véhicule pendant l’été 2003, il a déclaré ce qui suit :

 

[traduction]

 

Je ne vais au lac que parfois pendant l’été : les fins de semaine, etc. [...] Mon travail ne s’arrête pas simplement parce que je vais au lac quelques jours ici et là, ce n’est pas raisonnable.

 

Je reste avec l’impression que M. Harvey a essayé une explication pour le vérificateur, puis une autre pour la division des appels de l’ARC, et que, finalement, ses efforts ayant été vains dans ces deux cas, il a décidé de feindre l’ignorance lors de l’audience.

 

[41]        Pour tous les motifs exposés ci‑dessus, je conclus que l’intimée est parvenue à produire suffisamment de preuves pour montrer que M. Harvey a commis une  faute lourde en omettant de déclarer une partie de ses revenus pour les années d’imposition 2003 et 2004.

 

 

Les frais en général

 

[42]        Je me pencherai maintenant sur les divers frais en litige. De nombreux frais de M. Harvey ne sont pas appuyés par des reçus. Soit qu’ils ne s’appuient sur aucun document justificatif, soit qu’ils ne sont justifiés que par des relevés bancaires ou des relevés de carte de crédit plutôt que par de véritables reçus.

 

[43]        M. Harvey a déclaré que, chaque année, il triait les reçus relatifs à son travail par catégories de frais, préparait un ruban de calculatrice sur lequel il faisait le total de chaque catégorie, mettait ensuite ces documents dans des chemises et les remettait à M. Osato. Il a déclaré que M. Osato examinait les reçus  et lui disait quels éléments il pouvait ou ne pouvait pas déduire.

 

[44]        M. Harvey a produit en preuve six livres de reçus, des relevés bancaires et des relevés de carte de crédit (voir les pièces A-1 à A-6). Il a expliqué qu’il ne disposait pas de reçus pour certaines catégories de frais ou qu’il n’avait pas tous les reçus pour une catégorie donnée de frais parce que M. Osato ou l’ARC les avaient perdus. Il a déclaré qu’il avait remis tous les documents à M. Osato au moment où celui-ci préparait ses déclarations de revenus, qu’il avait repris les documents à M. Osato et les avait donnés à l’ARC au début de la vérification, et que l’ARC lui avait finalement renvoyé les documents au terme de l’enquête. Il a déclaré que les documents étaient alors classés dans un ordre différent et qu’il manquait beaucoup de documents.

 

[45]        Je ne peux pas accepter l’explication que M. Harvey a donnée concernant les documents manquants, et ce, pour plusieurs raisons. S’il avait vraiment fourni tous les documents en question à M. Osato, alors pourquoi M. Harvey n’a-t-il pas cité  M. Osato comme témoin pour le confirmer? En outre, bien que je puisse admettre que l’ARC ou M. Osato ait pu perdre toute une catégorie de reçus, j’ai du mal à accepter qu’ils n’aient perdu que quelques reçus d’une catégorie donnée. Finalement, M. Harvey a déjà montré dans le passé qu’il ne tenait pas des livres et des registres appropriés. Il a déjà fait l’objet d’au moins deux vérifications, et l’ARC lui a communiqué un avertissement écrit détaillé lui signifiant que ses registres n’étaient pas adéquats et précisant les types de registres qu’il devait tenir à l’avenir (voir la pièce R-1). L’hypothèse selon laquelle M. Harvey a continué de tenir des registres inadéquats me semble bien plus vraisemblable que celle selon laquelle il a commencé à en tenir d’excellents et que quelqu’un d’autre les a perdus.

 

[46]        L’avocat de M. Harvey a fait valoir que le fait que son client ait expressément admis qu’il avait donné des estimations pour deux catégories de frais devrait renforcer sa crédibilité, et que le fait que tous les frais aient fait l’objet d’un calcul au cent près indiquait que M. Harvey n’avait pas simplement inventé les chiffres. Je conviens que M. Harvey a fait preuve de franchise en admettant que ses frais de stationnement et de taxi étaient des estimations. Cela se traduit dans ma décision ci‑dessous relative à ces montants. Je n’accorde aucun poids au fait que les frais n’aient pas été exprimés en chiffres ronds. J’ai déjà conclu que M. Harvey avait fourni des états du revenu de commissions modifiés à M. Osato en vue de dissimuler ses revenus. S’il est capable d’une telle tromperie, on ne peut guère s’attendre à ce que je conclue que le fait que ses frais ne soient pas exprimés en chiffres ronds rehausse sa crédibilité.

 

[47]        Bien qu’il ne soit pas toujours nécessaire qu’un contribuable dispose de reçus pour appuyer ses frais, un contribuable comme M. Harvey, qui a été jugé par ailleurs peu crédible et dont les frais avaient trait notamment à des voitures, à des téléphones cellulaires, à un bureau à domicile, à des repas et à des divertissements, tout ce qui pourrait également être de nature personnelle, parviendra difficilement, en l’absence de tels reçus, à réfuter les hypothèses du ministre.

 

[48]        J’examinerai maintenant une à une les différentes catégories de frais en litige.

 

 

Les frais de bureau à domicile

 

[49]        M. Harvey a demandé la déduction de frais de bureau à domicile s’élevant à 4 546,87 $ pour 2003 et pour 2004. Il a témoigné qu’il avait calculé que son bureau à domicile couvrait 12,5 % de la superficie totale de sa maison et qu’il avait multiplié les coûts relatifs à sa maison par ce pourcentage pour obtenir le montant de ses frais de bureau à domicile. Il n’a produit que très peu de reçus à l’appui des coûts relatifs à sa maison. Les reçus faisaient partie de ceux qui, selon lui, avaient été perdus.

 

[50]        Sa demande de déduction de frais afférents à sa maison comprenait notamment les intérêts, l’impôt foncier, le gaz, l’électricité, l’eau et l’assurance, dont les montants varient d’une année à l’autre; pourtant, le montant dont M. Harvey a demandé la déduction était identique pour les années d’imposition 2003 et 2004, et c’est le même chiffre que M. Harvey a encore une fois inscrit sur sa feuille manuscrite pour l’année 2006. Cela montre que M. Harvey ne calculait pas vraiment un montant chaque année.

 

[51]        L’avocat de M. Harvey a attiré mon attention sur une liste des coûts afférents à la maison que son client avait remise à la division des appels de l’ARC. Cette liste comprenait des frais de 742 $ pour la télévision par câble et de 3 600 $ pour du matériel de bureau. M. Harvey avait auparavant témoigné que le montant dont il demandait la déduction au titre de frais de bureau à domicile n’incluait aucuns frais de matériel de bureau. Je ne vois pas non plus pourquoi ses frais de télévision par câble feraient partie des frais de bureau à domicile alors que M. Harvey a  demandé une déduction distincte au titre de frais de connexion à Internet.

 

[52]        Bien que je n’accepte pas le chiffre présenté relativement à l’utilisation par M. Harvey d’un bureau à domicile, j’accepte qu’il avait bel et bien un bureau à domicile qui ouvrirait droit à une déduction. Par conséquent, j’accorderai à M. Harvey une déduction de 2 000 $ par année pour son bureau à domicile. Je soupçonne que ce chiffre est en deçà des frais que M. Harvey a véritablement engagés, mais en l’absence de tout document justificatif, je ne suis pas prêt à récompenser M. Harvey de sa mauvaise tenue de registres en retenant une estimation moyenne ou élevée.

 

 

Les frais de déplacement

 

[53]        M. Harvey a demandé la déduction de frais de voyage de 2 160,82 $ pour 2003 et de 2 818,62 $ pour 2004. Il n’a produit aucun reçu justifiant de ces frais de déplacement. Ces reçus faisaient partie de ceux qui, selon lui, avaient été perdus.

 

[54]        M. Harvey a témoigné qu’en 2003 il s’était rendu à Victoria à l’occasion d’une conférence de remise de prix de Re/Max, et qu’en 2004 il s’était rendu à Victoria pour un colloque de marketing de Re/Max et à Toronto pour une journée pour rencontrer des agents. Il a expliqué que ce déplacement à Toronto était un arrêt qu’il faisait dans le cadre d’un voyage en République dominicaine pour des vacances familiales, et qu’il n’avait compté dans ses frais que la partie du voyage se rapportant à l’arrêt à Toronto.

 

[55]        M. Harvey a déclaré dans son témoignage qu’il tenait un agenda très détaillé dans lequel il notait toutes ses activités chaque jour. Un tel document aurait été fort utile pour confirmer ses frais de déplacement. Or, M. Harvey prétend qu’il a remis cet agenda au vérificateur et qu’on ne le lui a jamais rendu.

 

[56]        Lors du contre-interrogatoire, on a interrogé M. Harvey au sujet de ses cartes de débit et de crédit. Il a déclaré que sa femme (dont il était séparé pendant les périodes en cause), leurs filles adolescentes et son assistant avaient tous accès à ses cartes de débit et de crédit. Toutefois, il a bien pris soin de préciser qu’il imposait des règles strictes quant à l’utilisation de ces cartes. Il a déclaré que les cartes ne pouvaient pas être utilisées sans qu’il ait donné chaque fois sa permission expresse, et ensuite qu’elles ne devaient servir qu’à régler des frais professionnels. Il a expliqué que quiconque avait besoin de se servir de ses cartes devait d’abord lui téléphoner pour obtenir sa permission. Il a déclaré que cela n’était arrivé qu’en de rares occasions et que le total des frais engagés par toutes les personnes susmentionnées aurait été de moins de 300 $ dans une année donnée.

 

[57]        Plus tard au cours du contre-interrogatoire, l’avocate de l’intimée a attiré l’attention de M. Harvey sur le fait que, pendant la période où il disait avoir été à Victoria en 2003, de nombreuses dépenses faites sur son compte bancaire donneraient à penser qu’il se trouvait en fait à Winnipeg. M. Harvey a expliqué que c’était son assistant qui avait dû faire ces dépenses. Les dépenses en question comprenaient l’achat d’une imprimante au prix de 307 $, deux achats d’essence, un achat de 38,60 $ chez McDiarmid Lumber, un lavage de voiture et plusieurs repas. Cette fréquence d’utilisation de la carte de débit de M. Harvey et les types de dépenses que cette carte a servi à régler ne correspondent pas au témoignage de M. Harvey selon lequel ce n’était que dans de rares circonstances qu’il autorisait son assistant à utiliser sa carte. En outre, les dépenses faites au cours de cette période de cinq jours excèdent le montant de 300 $ qui, selon M. Harvey, était dépensé dans une année entière par d’autres personnes qui utilisaient sa carte de débit et sa carte de crédit. Compte tenu de ce qui précède, je n’accepte pas le témoignage de M. Harvey selon lequel il s’est rendu à Victoria en 2003.

 

[58]        Vu mon opinion générale de la crédibilité de M. Harvey, vu mon opinion de sa crédibilité sur la question précise du voyage qu’il aurait fait à Victoria en 2003, vu l’absence de tout document justifiant les frais de voyage pour 2003 et 2004, vu l’absence de toute preuve documentaire de la tenue de conférences ou de colloques et vu le lien entre l’arrêt à Toronto et des vacances familiales, je ne suis pas prêt à accorder à M. Harvey la déduction de quelques frais de voyage que ce soit.

 

 

Les frais de repas et frais de représentation

 

[59]        M. Harvey a demandé la déduction de 4 575,70 $ au titre de frais de repas et de représentation pour 2003 et de 6 390,80 $ au même titre pour 2004. Ces deux montants sont ceux obtenus après application de la réduction de 50 % prévue au paragraphe 67.1(1) de la Loi.

 

[60]        M. Harvey a produit des copies de reçus pour certains de ces frais, et des relevés bancaires et de carte de crédit pour d’autres. Certains des reçus produits portaient le nom des personnes qui, a dit M. Harvey, avaient été ses invités. Il a témoigné qu’il avait écrit certains de ces noms sur les reçus au moment où ils lui avaient été remis et d’autres avant de remettre les reçus au vérificateur. Il a prétendu que dans ce dernier cas les noms avaient été pris dans son agenda qui est maintenant manquant.

 

[61]        Comme je l’ai dit ci‑dessus, j’accepte que c’est un fait que M. Harvey emmène régulièrement ses clients voir des matchs de football, jouer au golf, manger, ou boire un verre. M. Harvey a témoigné que c’était presque toujours lui qui payait pour ses clients, et qu’il s’agissait là d’une partie essentielle de son travail. J’accepte ce témoignage. Cependant, je ne crois pas que M. Harvey sorte ses clients aussi souvent qu’il le prétend, pas plus que je ne crois que toutes les sommes que M. Harvey prétend qu’il a dépensées en frais de représentation pour ses clients étaient effectivement de tels frais.

 

[62]        Le tout premier reçu qui apparaît dans le recueil de documents indique une somme de 8,28 $ pour des aliments à emporter achetés chez McDonalds et comprend l’achat de ce qui semble être un « Joyeux festin ». Le troisième reçu dans le recueil est également pour des aliments à emporter achetés chez McDonalds; il ne s’agit toutefois que d’un montant de 7,50 $ et il ne semble pas qu’un enfant ait été présent pour ce repas. Les documents comprennent un grand nombre de reçus faisant état de sommes de moins de 8 $ dépensées chez Subway. M. Harvey s’est évertué à expliquer combien il était important pour lui de conserver son image d’agent prospère et de bien faire les choses quand il sortait ses clients. Avec tout le respect que je dois à McDonalds et à Subway, j’ai du mal à concevoir que M. Harvey améliorait son image en invitant ses clients à manger des repas-minute à emporter. Tout cela ne fait que nuire encore plus à la crédibilité déjà affaiblie de M. Harvey. Cela fait penser que M. Harvey n’avait aucun scrupule à inclure ses frais de repas personnels dans les frais professionnels dont il demandait la déduction. Cela laisse planer un doute important quant à la question de savoir si les nombreux repas et nombreuses boissons chers dont M. Harvey a demandé la déduction étaient également de nature personnelle.

 

[63]        Les dépenses de golf représentaient une importante partie des frais de repas et de représentation dont M. Harvey a demandé la déduction pour les deux années en cause. Toutefois, même si elles ont été engagées à des fins professionnelles, aux termes de l’alinéa 18(1)l) de la Loi les dépenses de golf de M. Harvey ne sont pas déductibles de toute façon.

 

[64]        Bien que je n’accepte pas les chiffres que M. Harvey a présentés relativement à ses frais de repas et de représentation, j’admets qu’il a passé beaucoup de temps à sortir ses clients. Par conséquent, j’accorderai à M. Harvey une déduction de 1 200 $ pour chaque année en cause au titre de frais de repas et de représentation. Ce chiffre tient compte de la réduction de 50 % prévue au paragraphe 67.1(1). Je me doute bien qu’il s’agit d’une estimation insuffisante des frais que M. Harvey a véritablement engagés, mais compte tenu de son manque de crédibilité, tant en général qu’en ce qui a trait aux documents qu’il a produits, je ne suis pas prêt à récompenser M. Harvey de sa mauvaise tenue de registres en retenant une estimation moyenne ou élevée.

 

 

Les frais afférents à un véhicule à moteur

 

[65]        M. Harvey a demandé la déduction de 22 357 $ au titre de frais afférents à un véhicule à moteur pour 2003. Le ministre a accordé une déduction de 11 699 $. M. Harvey a demandé la déduction de 32 529 $ au titre de frais afférents à un véhicule à moteur pour 2004. Le ministre a accordé une déduction de 8 527 $. Les frais afférents à un véhicule à moteur se composaient de frais d’essence, de lavage de voiture, d’immatriculation, de stationnement, de réparation et de location. M. Harvey a également demandé la déduction de frais de taxi ainsi que de frais  décrits comme [traduction] « non répartis ». M. Harvey a produit quelques reçus et a présenté à l’appui d’autres montants dont il demandait la déduction des relevés bancaires ou de carte de crédit.

 

[66]        M. Harvey a admis que ses frais de taxi pour 2003 correspondaient à une simple estimation de 100 $ par mois. Il a expliqué qu’il ne conduisait jamais quand il avait bu, et que, comme il lui arrivait régulièrement de prendre un verre avec ses clients, il prenait un taxi pour rentrer chez lui. Il a déclaré qu’il payait en argent comptant et qu’il ne recevait pas de reçus. Le ministre ne lui a accordé aucune déduction à l’égard de ces frais de taxi. Après avoir examiné les reçus relatifs aux frais de repas et de représentation de M. Harvey, je reconnais qu’un grand nombre de ces reçus font état de l’achat d’alcool. J’accepte le témoignage de M. Harvey selon lequel il buvait avec ses clients, prenait des taxis pour rentrer chez lui, payait en argent comptant et ne recevait pas de reçu. Toutefois, vu le manque général de crédibilité de M. Harvey, je ne suis pas prêt à simplement le croire sur parole quand il dit qu’il dépensait 100 $ par mois en frais de taxi. J’accorderai par conséquent une déduction de 600 $ pour 2003.

 

[67]        M. Harvey a aussi admis que ses frais de stationnement pour 2003 correspondaient à une simple estimation de 100 $ par mois. Le ministre ne lui a accordé aucune déduction à l’égard de ces frais de stationnement. M. Harvey a expliqué qu’il se garait souvent au centre-ville de Winnipeg dans des espaces de stationnement avec parcomètres, où il ne recevait pas de reçu. J’accepte le témoignage de M. Harvey sur ce point. S’il se garait cinq jours par semaine, quatre semaines par mois, cela ne représenterait que des frais de stationnement de 5 $ par jour. Le montant de 100$ me semble raisonnable, et je peux difficilement tenir rigueur à M. Harvey de ne pas avoir produit de reçus provenant de parcomètres qui, à l’époque, ne fournissaient pas de reçus. Par conséquent, j’accorderai intégralement la déduction de 1 200 $ que M. Harvey a demandée.

 

[68]        M. Harvey conduisait une Jeep qu’il a prétendu avoir utilisée à 90 % à des fins professionnelles. Le ministre a examiné les frais de M. Harvey et a accordé la déduction de diverses sommes au titre de frais d’essence, de lavage de voiture et d’immatriculation et de frais non répartis, se fondant sur son évaluation des documents et de l’utilisation que M. Harvey faisait du véhicule. Je n’ai vu ni entendu aucune preuve susceptible de me convaincre que les conclusions du ministre étaient erronées.

 

[69]        La seule question qui reste à examiner relativement au véhicule concerne les frais de réparation (15 326,66 $) et de location (2 897,28 $) pour 2004. M. Harvey a témoigné qu’une nuit en 2004 sa fille et un groupe d’amies à elle avaient pris sa Jeep dans le garage, sans qu’il le sache ou y consente. Aucune d’elles n’avait de permis de conduire. M. Harvey ne sait pas qui conduisait. Il y a eu un accident et la Jeep a été fortement endommagée. L’assureur de M. Harvey a refusé de payer les frais de réparation de la Jeep au motif que la personne qui la conduisait au moment de l’accident n’avait pas de permis de conduire. Il a fallu des mois pour réparer la Jeep. Il s’agissait d’un véhicule de location et, aux termes du contrat de location, M. Harvey devait tout à la fois faire faire les réparations et continuer de payer les frais de location pendant que les réparations étaient effectuées. M. Harvey a acheté une Jaguar pour s’en servir pendant que la Jeep était en réparation. Il ne s’est plus jamais servi de la Jeep à des fins professionnelles. J’accepte le témoignage de M. Harvey sur ces points. Je ne peux pas imaginer qu’il aurait autorisé sa fille et les amies de celle-ci, toutes sans permis, à conduire sa Jeep. M. Harvey a déduit 90 % du coût de réparation de la Jeep et des paiements de location. Le ministre lui a refusé la déduction des deux montants au motif qu’il s’agissait de frais qui n’avaient pas été engagés dans le but de tirer un revenu d’une entreprise. Il n’est pas contesté que M. Harvey a engagé les frais en question.

 

[70]        Il s’agit ici d’un point qui soulève plusieurs questions intéressantes. On ne m’a renvoyé à aucun précédent portant précisément sur ce point. J’examinerai d’abord la question des frais de réparation. Si ces frais étaient résultés d’un accident que M. Harvey avait eu en conduisant à des fins professionnelles, ils auraient été entièrement déductibles. Par contre, si les frais de réparation étaient résultés d’un accident survenu alors qu’il conduisait à des fins personnelles, ils n’auraient été aucunement déductibles. Toutefois, comme M. Harvey ne conduisait pas le véhicule au moment de l’accident, il est moins facile d’établir si le véhicule était utilisé alors à des fins professionnelles ou à des fins personnelles.

 

[71]        L’avocate de l’intimée a fait valoir que le fait que c’était la fille de M. Harvey qui avait pris le véhicule faisait de son utilisation au moment de l’accident une utilisation à des fins personnelles. Si M. Harvey avait autorisé sa fille à utiliser le véhicule, j’aurais alors considéré que le véhicule servait à des fins personnelles au moment de l’accident et je n’aurais pas accordé la déduction des frais de réparation. Toutefois, M. Harvey n’a pas autorisé sa fille à se servir du véhicule. Elle a pris le véhicule sans sa permission et à son insu. En pareilles circonstances, je ne considère pas comme pertinent le fait que sa fille figurait parmi les personnes qui ont volé son véhicule.

 

[72]        Ce que je dois faire, c’est établir quelle est l’utilisation qui était faite du véhicule au moment où il a été volé, et non au moment précis de l’accident. M. Harvey se servait de ce véhicule à des fins tant professionnelles que personnelles. Il se servait également de sa maison à des fins tant professionnelles que personnelles. Par conséquent, il n’est pas possible d’affirmer avec quelque certitude que ce soit que le véhicule, quand il se trouvait garé chez M. Harvey, servait à des fins professionnelles ou à des fins personnelles. L’argument préférable est celui selon lequel il était simplement garé là, et qu’il ne servait à aucune de ces deux fins. Dans les circonstances, je crois que la méthode choisie par M. Harvey, laquelle consistait à répartir les frais en fonction du pourcentage correspondant à l’utilisation qu’il faisait du véhicule à des fins professionnelles, était appropriée.

 

[73]        M. Harvey a soutenu qu’il se servait de son véhicule à des fins professionnelles 90 % du temps. Vu la description qu’il a faite de la nature générale de son travail, je suis prêt à accepter que, dans une très grande proportion, l’utilisation qu’il faisait de son véhicule était une utilisation à des fins professionnelles. Toutefois, il ne m’a pas convaincu qu’il se servait de son véhicule à des fins professionnelles 90 % du temps. Compte tenu du témoignage de M. Harvey selon lequel il se servait du véhicule pour se rendre à son chalet en été, compte tenu du fait qu’il vivait seul pendant la période en cause, de telle sorte qu’il n’y avait vraisemblablement personne d’autre chez lui qui pouvait se déplacer pour effectuer des achats de nature domestique, compte tenu du fait qu’il avait une vie sociale en dehors du travail pendant la période en cause, ce qui l’aurait vraisemblablement amené à se servir parfois de son véhicule, compte tenu du fait qu’il avait à l’époque deux filles adolescentes avec lesquelles il se déplaçait vraisemblablement de temps en temps, et compte tenu de mes conclusions générales à l’égard de sa crédibilité, je vais réduire son utilisation du véhicule à des fins professionnelles à 80 %. Par conséquent, j’accorderai la déduction d’une somme de 13 623,70 $ pour 2004 au titre de frais de réparation additionnels (c’est-à-dire 15 326,66 $ / 90 % x 80 %).

 

[74]        M. Harvey a conclu le contrat de location à des fins tant professionnelles que personnelles. Bien qu’il ait été incapable d’utiliser la Jeep pendant la période en cause du fait de l’accident, étant donné que j’ai conclu que le véhicule servait à des fins tout à la fois professionnelles et personnelles au moment où il a été mis hors service, je conclus que les paiements de location qui ont été effectués par la suite l’ont été à des fins tant professionnelles que personnelles et qu’ils sont déductibles selon un pourcentage d’utilisation à des fins professionnelles de 80 %. Par conséquent, j’accorderai la déduction d’une somme de 2 575,36 $ pour 2004 au titre de frais de location additionnels (c’est-à-dire 2 897,28 $ / 90 % x 80 %).

 

 

L’assurance

 

[75]        M. Harvey a demandé la déduction de frais d’assurance de 3 178,58 $ pour 2003 et de 3 608,28 $ pour 2004. Il n’a produit aucun document à l’appui de ces montants. Il a déclaré qu’il croyait qu’il s’agissait de montants payés pour une assurance erreurs et omissions qu’il avait obtenue par l’entremise de Re/Max, mais qu’il n’en était pas certain. Il aurait dû être relativement facile à M. Harvey d’obtenir de Re/Max des preuves documentaires de ces montants, ou à tout le moins une preuve du montant actuel de la prime annuelle. Dans les observations qu’il a présentées à la division des appels de l’ARC (voir la pièce R-5), M. Harvey a indiqué que ces montants se rapportaient à une [traduction] « assurance invalidité à long et à court terme ». Compte tenu des déclarations contradictoires de M. Harvey, et en l’absence de preuve documentaire, je ne suis pas prêt à accorder la déduction de ces frais.

 

 

Les frais de téléphone

 

[76]        M. Harvey a demandé la déduction de 5 594 $ en frais de téléphone et d’Internet pour 2003. Le ministre a accordé une déduction de 1 912 $. M. Harvey a demandé la déduction de 6 004 $ en frais de téléphone et d’Internet pour 2004. Le ministre a accordé une déduction de 3 078 $. M. Harvey a produit des copies de factures à l’appui des frais en question. Or, il n’est pas tout à fait clair pour moi quelles sont les sommes dont le ministre a accordé la déduction et quelles sont celles dont il a refusé la déduction.

 

[77]        M. Harvey a prétendu qu’il avait besoin d’une ligne téléphonique chez lui pour un téléphone et un télécopieur qui servaient à des fins professionnelles, et qu’il avait besoin d’un téléavertisseur et de deux téléphones cellulaires. Les factures pour le téléavertisseur semblaient faire état d’un solde important reporté afférent à une période antérieure, et il semblait s’agir surtout d’intérêts sur le solde en question. M. Harvey a expliqué qu’il avait besoin de deux téléphones cellulaires parce qu’il arrivait parfois que la boîte vocale d’un des deux téléphones soit pleine. Je n’accepte pas cette explication de la nécessité de deux téléphones. Le nom d’un tiers apparaissait sur un des comptes de téléphone cellulaire. M. Harvey a donné une explication alambiquée selon laquelle cette personne était quelqu’un avec qui il avait déjà travaillé et qui avait un plan fantastique d’appels illimités à vie. Apparemment, cette personne a accepté de transférer son téléphone à M. Harvey afin que ce dernier puisse  profiter du plan; selon M. Harvey, la compagnie de téléphone permettait qu’un tel transfert se fasse une fois, mais elle ne permettait aucune modification quant au nom du titulaire du plan. Apparemment, la personne en question est décédée en 2009, et la compagnie de téléphone a alors permis à M. Harvey de mettre le téléphone à son propre nom, en dépit du fait qu’il s’agissait d’un plan à vie. La fille de M. Harvey avait un téléphone cellulaire enregistré sur un des comptes pendant une partie de la période en cause. Elle était adolescente à l’époque. M. Harvey a fourni une explication très peu convaincante à ce sujet, déclarant que sa fille avait son propre téléphone cellulaire, mais qu’elle travaillait parfois pour lui en faisant du porte-à-porte pour distribuer des prospectus dans le voisinage et qu’elle avait besoin qu’il lui fournisse un téléphone pour l’appeler afin qu’il vienne la chercher quand elle avait fini et pour lui dire pendant combien d’heures elle avait travaillé. Non seulement cette explication est ridicule, mais elle contredit également la déclaration suivante que M. Harvey avait faite précédemment à la division des appels de l’ARC : [traduction] « Je conviens que la partie pour ma fille devrait être refusée (désolé de ne pas l’avoir remarqué) » (voir la pièce R‑5).

 

[78]        Compte tenu du manque de crédibilité de M. Harvey sur cette question précise, de son manque de crédibilité en général, et de l’incertitude qui règne quant aux dépenses dont la déduction a déjà été accordée, je ne suis pas prêt à modifier le montant des frais de téléphone dont le ministre a déjà accordé la déduction.

 

Décision

 

[79]        L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et à une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que M. Harvey a droit aux déductions additionnelles suivantes :

 

        2 000 $ au titre de frais de bureau à domicile pour chacune des années d’imposition 2003 et 2004;

        1 200 $ au titre de frais de repas et de représentation pour chacune des années d’imposition 2003 et 2004;

        600 $ au titre de frais de taxi pour 2003;

        1 200 $ au titre de frais de stationnement pour 2003;

        13 623,70 $ au titre de frais de réparation de véhicule pour 2004;

        2 575,36 $ au titre de frais de location de véhicule pour 2004.

 

 

Les dépens

 

[80]        À la fin de l’audience, l’avocate de l’intimée a demandé à formuler des observations relatives aux dépens. Par conséquent, j’attendrai d’avoir reçu les observations des parties pour rendre une décision au sujet des dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de septembre 2013.

 

 

 

 

« David E. Graham »

Juge Graham

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de février 2014.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur


 

RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 298

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-249(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Glen Harvey c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Les 9 et 10 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L’honorable juge David E. Graham

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 26 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Richard Beamish

Avocate de l’intimée :

Me Rachelle Nadeau

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                 Nom :                               Richard Beamish

                         

                 Cabinet :                          Tapper Cuddy LLP

                                                          Winnipeg (Manitoba)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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