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Dossier : 2022-2063(CPP)APP

ENTRE :

McMURRAY MONTESSORI ACADEMY INC.,

requérante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[traduction française officielle]

 

Demande entendue le 28 février 2023, à Calgary (Alberta)

Devant : l’honorable juge Joanna Hill


Comparutions :

Représentant de la requérante :

Indu Paul

Avocat de l’intimé :

Me Levi Smith

 

JUGEMENT

La demande de prorogation du délai pour interjeter appel des évaluations établies en vertu du Régime de pensions du Canada est rejetée, sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de juillet 2023.

« Joanna Hill »

La juge Hill

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de novembre 2023.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


Référence : 2023 CCI 101

Date : 20230718

Dossier : 2022-2063(CPP)APP

ENTRE :

McMURRAY MONTESSORI ACADEMY INC.,

requérante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Hill

I. Introduction

[1] Bien que le ministre du Revenu national ait établi des évaluations et des cotisations à l’endroit de la requérante pour des sommes dues au titre du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’assurance-emploi et de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années 2015, 2018 et 2019, la présente demande de prorogation du délai pour interjeter appel n’a été présentée qu’à l’égard du Régime de pensions du Canada.

[2] Le ministre a répondu à la demande en conséquence, en présentant des éléments de preuve par affidavit et des observations portant précisément sur les évaluations établies à l’égard de la requérante en vertu du Régime de pensions du Canada.

[3] Comme je l’indique plus loin, je ne peux pas accueillir la demande parce que les conditions préalables à l’appel pour les années 2015 et 2018 n’ont pas été remplies et que le délai dans lequel la Cour peut accorder une prorogation du délai d’appel pour 2019 est échu.

II. Contexte

A. Insuffisance des éléments de preuve fournis par la requérante

[4] M. Indu Paul, le comptable, représentant et unique témoin de la requérante, n’a pas été en mesure de fournir d’éléments de preuve crédibles ou fiables qui permettraient à la Cour de déterminer quelles sont les évaluations ou les décisions en cause. Il n’avait pas une connaissance suffisante des faits s’étant produits avant son embauche par la requérante en 2021 et il ne s’était pas préparé pour l’audience en conséquence.

[5] Au début de son témoignage, M. Paul a expliqué que la requérante n’avait pas les ressources nécessaires pour répondre aux évaluations [traduction] « arbitraires » relatives aux salaires établies par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») en raison de pénuries de personnel et de problèmes liés à la COVID-19. Il a reconnu que la requérante aurait dû répondre dans le délai prescrit, mais qu’elle ne l’avait pas fait. Il a ajouté qu’il avait déposé des avis d’opposition par le site Web de l’ARC, comme le montrent les imprimés confirmant que les oppositions ont été déposées en ligne en juin 2022.

[6] Les imprimés comprenaient des [traduction] « résumés des litiges », avec les champs d’information remplis par M. Paul, et chaque opposition a reçu un numéro de dossier une fois la déclaration en ligne acceptée par l’ARC, dont voici les détails :

[traduction]

  1. L’opposition de 2015, reçue le 12 juin 2022, dossier no GB221631439581

Objet de votre litige : Appel d’une décision RPC/AE ou d’une évaluation RPC/AE

Date de l’évaluation/décision : 2021-06-01

Année visée par le litige : 2015

  1. L’opposition de 2018, reçue le 15 juin 2022, dossier no GB221661933408

Objet de votre litige : Appel d’une décision RPC/AE ou d’une évaluation RPC/AE

Date de l’évaluation/décision : 2021-06-02

Année visée par le litige : 2018

  1. L’opposition de 2019, reçue le 10 juin 2022, dossier no GB221611509010

Objet de votre litige : Appel d’une décision RPC/AE ou d’une évaluation RPC/AE

Date de l’évaluation/décision : 2021-06-14

Année visée par le litige : 2019

[7] M. Paul n’a pas fourni à la Cour de copie des évaluations ou décisions RPC/AE qu’il a énumérées comme étant datées du 1er, du 2 ou du 14 juin 2021 dans ces oppositions déposées en ligne.

[8] M. Paul s’est plutôt appuyé sur deux lettres de l’ARC.

[9] La première était une lettre datée du 27 juillet 2022 concernant [traduction] « [l’]avis d’opposition pour les années d’imposition se terminant le 31 décembre 2018 et le 31 décembre 2019 » de la requérante. Dans cette lettre, l’ARC a déclaré qu’elle ne pouvait pas considérer la lettre de la requérante datée du 15 juin 2022 comme étant une opposition valide au motif que la requérante avait déjà déposé une opposition le 28 février 2020, à laquelle le ministre avait répondu par un avis de confirmation daté du 14 juin 2021.

[10] La deuxième lettre sur laquelle M. Paul s’est appuyé était l’avis de confirmation du 14 juin 2021. Cet avis a été donné en réponse à l’opposition de la requérante à l’imposition de pénalités pour retard de paiement pour les années d’imposition se terminant le 31 décembre 2018 et le 31 décembre 2019. Le numéro de dossier GB200721427592 y est indiqué.

[11] Malheureusement, M. Paul n’a pas été en mesure d’expliquer les lacunes et les incohérences dans son témoignage ni de préciser quelles sont les évaluations particulières dont la requérante interjette appel. Il n’était toujours pas en mesure de le faire après avoir examiné les renseignements contenus dans l’affidavit d’Emma Lew-Kowal, déposé pour le compte de l’intimé[1].

B. Les éléments de preuve fournis par l’intimé

[12] L’affidavit de Mme Lew-Kowal fournit certains renseignements concernant les évaluations et les décisions en cause. Malheureusement, l’affidavit n’indiquait pas les dates de toutes les oppositions déposées par la requérante et ne contenait aucune copie complète des évaluations. Néanmoins, un examen de l’affidavit et des pièces jointes a permis d’obtenir les renseignements suivants.

a) 2015

[13] Le ministre a délivré un avis d’évaluation daté du 12 février 2016 concernant le défaut de la requérante de verser des cotisations au RPC et à l’AE pour l’année 2015.

[14] Une lettre de la Division des appels RPC/AE datée du 12 juillet 2022 indique ce qui suit :

  • l’ARC a examiné l’opposition déposée en ligne par M. Paul en juin 2022 comme s’il s’agissait d’un appel en vertu du Régime de pensions du Canada;

  • l’appel portait le même numéro de dossier, GB221631439581, que celui attribué à l’opposition en ligne de 2015;

  • l’appel a été interjeté après le délai de 90 jours suivant l’avis d’évaluation;

  • bien que le Régime de pensions du Canada ne prévoie pas de prorogation de délai, la Division des appels RPC/AE était disposée à prendre en considération les renseignements concernant le retard, à condition qu’ils soient fournis dans un délai de 30 jours.

[15] L’appel a été clos sans que le ministre rende de décision parce que la requérante n’a pas fourni de réponse concernant son retard.

b) 2018

[16] Le ministre a délivré un avis de cotisation daté du 10 décembre 2019 concernant le défaut de la requérante de verser des retenues d’impôt à la source pour l’année 2018. La requérante n’a pas fait l’objet d’une évaluation à l’égard de son défaut de verser des cotisations au RPC ou à l’AE pour cette même année.

[17] Dans une lettre datée du 12 juillet 2022, l’ARC a répondu à l’opposition en ligne déposée par M. Paul le 15 juin 2022 (dossier no GB221661933408), indiquant qu’il n’y avait pas d’évaluation relative au RPC ou à l’AE que la Division des appels RPC/AE pouvait examiner. L’appel a donc été transmis à la Division des oppositions fiscales aux fins d’examen.

c) 2019

[18] Le ministre a émis un avis d’évaluation daté du 10 décembre 2019 concernant le défaut de la requérante de verser des cotisations au RPC et à l’AE pour l’année 2019. Le ministre a confirmé l’évaluation dans une décision datée du 19 mai 2021.

[19] Cette décision du 19 mai 2021 est antérieure aux oppositions en ligne déposées par M. Paul en juin 2022. Elle porte un numéro de dossier différent, GB200771452178, et ne mentionne pas la date à laquelle l’opposition ou l’appel antérieur avait été déposé. La décision informait la requérante que, si elle s’opposait à la décision, elle pouvait en interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt, et renvoyait au feuillet d’information inclus intitulé « Comment déposer un appel RPC/AE à la Cour canadienne de l’impôt ».

[20] La page [traduction] « Avis de renseignements/détails sur l’évaluation » de l’avis d’évaluation du 10 décembre 2019 indique que la requérante a également fait l’objet d’une cotisation à l’égard de son impôt fédéral et qu’elle a reçu une [traduction] « facture » pour avoir omis de verser l’impôt pour l’année 2019.

C. Les évaluations et cotisations établies et les décisions rendues à l’égard de la requérante

[21] En me fondant sur l’ensemble des éléments de preuve fournis par les parties, j’ai déterminé que les évaluations et cotisations, les oppositions et appels, ainsi que les décisions et confirmations pour les trois années en cause sont les suivantes :

Année

Évaluation ou cotisation

Opposition ou appel

Décision ou confirmation

2015

RPC et AE, 12 février 2016

GB221631439581, 2 juin 2022

s.o. – clos parce que l’appel a été interjeté après le délai de 90 jours

2018

Défaut de verser les retenues d’impôt à la source et pénalité pour retard de paiement en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), 10 décembre 2019

(i) GB200721427592, 28 février 2020

(i) 14 juin 2021

(ii) GB221661933408, 15 juin 2022

(ii) s.o. – clos parce qu’il n’y avait pas d’évaluation RPC/AE

2019

a) RPC et AE, 10 décembre 2019

GB200771452178, date inconnue

19 mai 2021

 

b) Défaut de verser les retenues d’impôt à la source et pénalité pour retard de paiement en vertu de la LIR, 10 décembre 2019

(i) GB200721427592, 28 février 2020

(i) 14 juin 2021

(ii) GB221611509010, 10 juin 2022

(ii) s.o. – clos en raison de la confirmation du 14 juin 2021

D. Demande de prorogation du délai pour interjeter appel

[22] Le 12 août 2022, la requérante a déposé la présente demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel en vertu du Régime de pensions du Canada.

[23] L’affidavit de Mme Lew-Kowal indique que la requérante a également déposé une demande de prorogation de délai pour déposer un avis d’appel en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi le 14 novembre 2022, dans le dossier de la Cour no 2022‑2831(EI)APP. Il n’était pas prévu que cette demande d’AE soit entendue en même temps que la présente demande. Par conséquent, je n’examinerai pas cette demande.

[24] La requérante n’a pas déposé de demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

III. Analyse

[25] Pour trancher la présente demande, il est essentiel de définir quelles sont les évaluations établies et les décisions rendues par le ministre qui sont en cause. Il faut ces renseignements pour établir si les conditions préalables à l’appel sont remplies et fixer le point de départ à partir duquel calculer le délai pour déposer une demande de prorogation du délai pour interjeter appel.

[26] La Cour ne peut pas accorder de prorogation de délai si le ministre n’a pas établi d’évaluation ni rendu de décision susceptibles d’appel ou si le délai pour demander la prorogation est expiré.

[27] Le droit d’interjeter appel à la Cour est énoncé au paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada. Cette disposition renvoie à une décision rendue en réponse à un appel interjeté à l’égard d’une évaluation.

[28] Les dispositions pertinentes du Régime de pensions du Canada sont les suivantes :

Demande de révision

27.1 Lorsqu’une somme payable par lui a été évalué[e] par le ministre au titre de l’article 22, l’employeur peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date à laquelle il reçoit l’avis d’évaluation, demander au ministre de réviser l’évaluation quant à la question de savoir s’il y a matière à évaluation ou quel devrait être le montant de celle-ci.

[…]

Décision : appel

27.2 (3) Le ministre règle la question soulevée par l’appel ou la demande de révision dans les meilleurs délais et notifie le résultat aux intéressés de la manière qu’il juge adéquate.

[…]

Appel devant la Cour canadienne de l’impôt

28 (1) La personne visée par la décision du ministre sur l’appel que prévoit les articles 27 ou 27.1, ou son représentant, peut, dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle la décision lui est communiquée, ou dans le délai supplémentaire que la Cour canadienne de l’impôt peut accorder sur demande qui lui est présentée dans les quatre-vingt-dix jours suivant l’expiration de ces quatre-vingt-dix jours, en appeler de la décision en question auprès de cette Cour en conformité avec la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et les règles de cour applicables prises en vertu de cette loi.

[29] Le paragraphe 28(1) prévoit également un délai total de 180 jours à compter de la décision du ministre pour présenter une demande de prorogation du délai pour interjeter appel[2]. La Cour n’a pas compétence pour accorder une prorogation de délai lorsque ce délai est expiré.

[30] La présente demande ne peut être accueillie parce que ces conditions préalables et délais prescrits par la loi n’ont pas été respectés.

[31] En ce qui concerne l’année 2015, le ministre n’a rendu aucune décision susceptible d’appel devant la Cour. Le dossier a été clos parce que la requérante n’avait pas interjeté appel de l’évaluation faite au titre du RPC du 12 février 2016 auprès du ministre dans les 90 jours suivants, comme l’exige l’article 27.1 du Régime de pensions du Canada.

[32] En ce qui concerne l’année 2018, il n’est pas nécessaire d’interjeter appel en vertu du Régime de pensions du Canada, cet appel n’est pas non plus autorisé, puisque l’évaluation établie à l’égard de la requérante n’indiquait pas qu’il y avait des cotisations impayées.

[33] En ce qui concerne l’année 2019, je ne peux pas accueillir la demande de prorogation du délai pour interjeter appel parce que la requérante a déposé cette demande après le délai de 180 jours. Le ministre a confirmé l’évaluation établie au titre du RPC pour l’année 2019 le 19 mai 2021. La requérante a déposé la présente demande de prorogation de délai le 12 août 2022, soit plus d’un an après que la décision a été rendue.

Cotisations d’impôt sur le revenu

[34] Comme il a été mentionné plus haut, la requérante n’a pas déposé de demande de prorogation du délai pour interjeter appel en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’une ou l’autre des années en cause. En outre, lorsque la Cour lui a demandé de préciser la position de la requérante à cet égard, M. Paul n’a pas précisé que la requérante avait également l’intention de déposer une demande de prorogation du délai pour interjeter appel des cotisations du 10 décembre 2019 pour défaut de verser les retenues d’impôt à la source pour les années 2018 et 2019. Je ne suis donc pas tenue d’examiner cette question. Quoi qu’il en soit, le délai pour déposer une demande de prorogation de délai à cet égard a expiré le 12 septembre 2022. Conformément à l’alinéa 167(5)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, la requérante disposait d’un an et 90 jours à compter de l’avis de confirmation du 14 juin 2021 pour déposer une demande de prorogation du délai pour interjeter appel.

[35] La demande est donc rejetée, sans dépens.

Signé à Toronto (Ontario), ce 18e jour de juillet 2023.

« Joanna Hill »

J. Hill.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de novembre 2023.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 101

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2022-2063(CPP)APP

INTITULÉ :

McMurray Montessori Academy Inc. c. Le ministre du Revenu national

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 février 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Joanna Hill

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 juillet 2023

COMPARUTIONS :

Représentant de la requérante :

Indu Paul

Avocat de l’intimé :

Me Levi Smith

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour la requérante :

Nom :

s.o.

Cabinet :

s.o.

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 

 



[1]M. Paul a d’abord déclaré qu’il avait laissé sa copie de la réponse et de l’affidavit de l’intimé à son bureau. Il a subséquemment prétendu qu’il n’avait reçu aucun de ces documents parce qu’ils avaient été envoyés par la poste à la mauvaise adresse. La Cour a suspendu brièvement l’audience pour donner à M. Paul le temps d’examiner les documents.

[2] Voir également l’alinéa 6(3)a) des Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard du Régime de pensions du Canada.

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