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Dossier : 2022-125(EI)

ENTRE :

MARIA BALATONI,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Maria Balatoni – 2022-126(CPP), le 29 mai 2023, à Toronto (Ontario).

Devant : l’honorable juge David E. Spiro


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me D’ette Bourchier

 

JUGEMENT

L’appel de la décision que l’intimé a rendue le 15 septembre 2021 en application de la Loi sur l’assurance-emploi est rejeté, sans dépens.

Signé à Toronto (Ontario), ce 9e jour de juin 2023.

« David E. Spiro »

Le juge Spiro


Dossier : 2022-126(CPP)

ENTRE :

MARIA BALATONI,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Maria Balatoni – 2022-125(EI), le 29 mai 2023, à Toronto (Ontario).

Devant : l’honorable juge David E. Spiro

Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me D’ette Bourchier

 

JUGEMENT

L’appel de la décision que l’intimé a rendue le 15 septembre 2021 en application du Régime de pensions du Canada est rejeté, sans dépens.

Signé à Toronto (Ontario), ce 9e jour de juin 2023.

« David E. Spiro »

Le juge Spiro

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d’octobre 2023

Karyne St-Onge


Référence : 2023 CCI 84

Date : 20230609

Dossiers : 2022-125(EI)

2022-126(CPP)

ENTRE :

MARIA BALATONI,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Spiro

[1] Une cheffe pâtissière était-elle une employée aux fins de l’application de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada? L’appelante, Mme Maria Balatoni, répond par la négative; et l’intimé par l’affirmative. Mme Balatoni fait appel de la décision par laquelle l’intimé a conclu que la cheffe pâtissière occupait un emploi assurable et un emploi ouvrant droit à pension auprès de Mme Balatoni en 2018 et en 2019.

[2] Cette série d’appels relatifs à l’assurance-emploi (l’« AE ») et au Régime de pensions du Canada (le « RPC ») porte sur le travail effectué par l’une des deux cheffes pâtissières de Mme Balatoni – Mme Tarnai – en 2018 et en 2019. En février 2023, j’ai entendu une série d’appels relatifs à l’AE et au RPC portant sur le travail effectué par l’autre cheffe pâtissière de Mme Balatoni – Mme Csabai – et j’ai énoncé mes motifs à l’audience[1]. J’y reviens plus loin.

Conclusions de fait

[3] Mme Balatoni était propriétaire d’une cuisine industrielle aménagée dans un bâtiment commercial à Markham (Ontario), dans laquelle deux cheffes pâtissières, travaillant chacune environ 20 heures par semaine, produisaient et congelaient différentes variétés de strudels à l’échelle commerciale en suivant une vieille recette de famille de Mme Balatoni. Mme Balatoni avait pour clientèle des hôtels et des centres de congrès. Une fois les strudels confectionnés, ils étaient congelés, puis livrés à l’hôtel ou au centre de congrès, où ils étaient réchauffés et servis.

[4] Mme Balatoni a passé de trois à quatre jours à montrer à chacune des cheffes pâtissières comment les délicats strudels en respectant scrupuleusement sa vieille recette de famille. Les strudels étaient confectionnés au moyen de l’équipement de pâtisserie de Mme Balatoni et congelés dans ses congélateurs.

[5] Les cheffes pâtissières avaient des horaires flexibles. Chacune d’elles venait au travail environ deux fois par semaine et y restait habituellement de 7 h à 15 h. Si l’une des cheffes pâtissières n’était pas disponible, Mme Balatoni faisait appel à l’autre. Un salaire d’un peu moins de 15 $ l’heure était versé aux cheffes pâtissières, en fonction des heures travaillées.

[6] Mme Balatoni demandait à ses cheffes pâtissières de confectionner suffisamment de strudels pour répondre à deux types de demandes. D’une part, la production servait à honorer les commandes spéciales des clients au fur et à mesure que Mme Balatoni les recevait. Il fallait généralement plusieurs jours pour exécuter ces commandes, les strudels devant être congelés au moins 48 heures avant leur livraison. D’autre part, la production visait à ce que les congélateurs contiennent des stocks de strudels de chaque variété en quantité suffisante pour répondre aux commandes de dernière minute.

[7] Pour maintenir son stock de strudels congelés, Mme Balatoni décidait, de concert avec les cheffes pâtissières, de la quantité de strudels de chaque variété à produire. Il incombait aux cheffes pâtissières de faire en sorte que les congélateurs contiennent en tout temps suffisamment de strudels pour répondre aux commandes de dernière minute. Si elles avaient besoin de plus d’ingrédients, les cheffes pâtissières en commandaient.

[8] Mme Balatoni ne se rendant que rarement à la cuisine, elle considérait ses cheffes pâtissières comme indépendantes et, par conséquent, comme des [traduction] « entrepreneuses indépendantes ». Mme Balatoni n’avait conclu aucun contrat par écrit avec l’une ou l’autre des cheffes pâtissières.

Précédents appels relatifs à l’AE et au RPC

[9] En février 2023, j’ai entendu les appels interjetés par Mme Balatoni et portant sur le travail effectué par sa cheffe pâtissière, Mme Csabai, en 2018 et en 2019. Après avoir entendu Mme Balatoni et Mme Csabai, j’ai conclu que Mme Csabai était l’employée de Mme Balatoni pendant cette période. Voici comment j’ai appliqué la loi aux faits lors des appels de Mme Balatoni relatifs à l’AE et au RPC et portant sur le travail de Mme Csabai :

[traduction]

[…] Je conclus qu’en 2018 et en 2019, Mme Csabai était une employée de l’appelante plutôt qu’une entrepreneuse indépendante. Bien que Mme Balatoni n’ait jamais considéré Mme Csabai comme une employée à temps partiel, Mme Csabai se considérait elle-même comme telle. Il n’y avait pas d’intention commune en l’espèce; je ne m’attarde donc pas sur cette considération et passe à l’examen des facteurs objectifs, tels qu’ils ont été définis dans l’arrêt Wiebe Door.

Mme Csabai pouvait aller et venir à sa guise dans les locaux de l’appelante, à condition de terminer le travail qui lui était assigné pour la journée. Il s’agit là de l’élément clé. C’est Mme Balatoni qui assignait à Mme Csabai son travail, à savoir confectionner une quantité déterminée de pâtisseries de telle ou telle variété. Mme Csabai n’était pas libre de la manière dont elle s’y prenait pour ce faire, car tous les strudels devaient être préparés selon la vieille recette de famille de Mme Balatoni.

L’appelante avait un contrôle total sur le travail de Mme Csabai, et ce, en tout temps, puisque chaque strudel fabriqué par Mme Csabai devait être confectionné conformément à la vieille recette de famille de Mme Balatoni. Mme Balatoni a elle‑même formé Mme Csabai, qui a ensuite appliqué ces enseignements à la lettre. C’est la raison pour laquelle Mme Balatoni était satisfaite du travail de Mme Csabai.

En outre, les strudels devaient être confectionnés au moyen de l’équipement appartenant à l’appelante, afin d’honorer les commandes que l’appelante recevait de ses clients, et de reconstituer les stocks en fonction des besoins de l’appelante pour qu’elle puisse répondre à la demande de sa clientèle.

Mme Csabai n’a investi aucun capital dans l’entreprise. Elle n’a pas embauché de personnel pour l’aider et n’avait aucune possibilité de réaliser des profits grâce à l’entreprise au-delà de son salaire horaire. Elle n’était exposée à aucun risque de perte pendant les années visées.

Après avoir appliqué la loi aux faits, je conclus que Mme Csabai était une employée à temps partiel de l’appelante en 2018 et en 2019. En conséquence, les appels seront rejetés sans dépens[2].

[10] Comme j’avais énoncé les motifs de mon jugement à l’audience dans les précédents appels relatifs à l’AE et au RPC et concernant Mme Csabai, j’ai fourni une copie de la transcription de ces motifs aux deux parties aux présents appels plusieurs jours avant l’audience.

Présents appels relatifs à l’AE et au RPC

[11] Dans la décision 0808498 BC Ltd. c. M.N.R., 2023 CCI 53, le juge Sommerfeldt a résumé succinctement le critère juridique pertinent (notes de bas de page omises) :

[traduction]

[33] Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, la « question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte ». Pour répondre à cette question, il convient généralement de prendre en considération les facteurs suivants :

a) La personne qui a embauché le travailleur contrôle-t-elle les activités de celui-ci?

b) La personne qui a embauché le travailleur fournit-elle les outils et l’équipement nécessaires au travailleur ou celui-ci doit-il fournir ses propres outils et son propre équipement?

c) Le travailleur embauche-t-il ses propres assistants?

d) Quelle est l’étendue des risques financiers pris par le travailleur? Autrement dit, le travailleur encoure-t-il un risque de perte?

e) Quelle est l’étendue de la responsabilité du travailleur en matière d’investissement et de gestion?

f) Le travailleur a-t-il la possibilité de tirer profit de l’exécution de ses tâches?

Cette liste n’est pas exhaustive et il n’y a pas de modèle universel dictant l’application de ces facteurs.

[12] Au vu des éléments de preuve présentés dans cette série d’appels relatifs à l’AE et au RPC, j’arrive aux conclusions suivantes :

a) Mme Balatoni contrôlait les activités de Mme Tarnai – Mme Tarnai ne pouvait préparer les strudels qu’en suivant la recette de Mme Balatoni.

b) Mme Balatoni fournissait tous les outils et tout l’équipement dont Mme Tarnai avait besoin – Mme Tarnai n’avait pas à fournir ses propres outils et son propre équipement.

c) Mme Tarnai ne pouvait pas embaucher ses propres assistants – si l’une des cheffes pâtissières n’était pas disponible, Mme Balatoni faisait appel à l’autre.

d) Mme Tarnai n’était exposée à aucun risque de perte.

e) Mme Tarnai n’avait aucune responsabilité en matière d’investissement et n’avait qu’un degré modeste de responsabilité en matière de gestion (c.‑à‑d., la gestion des stocks).

f) Mme Tarnai n’avait pas la possibilité de tirer profit de l’exécution de ses tâches.

[13] Après avoir entendu les témoignages de Mme Balatoni et de Mme Tarnai dans cette série d’appels relatifs à l’AE et au RPC, j’arrive aux mêmes conclusions de fait que celles que j’ai tirées quant au travail effectué par Mme Csabai. Il n’y a pas de distinction considérable entre le travail effectué pour Mme Balatoni en 2018 et en 2019 par l’une ou l’autre des cheffes pâtissières[3]. En appliquant le droit aux faits, je conclus que Mme Tarnai était une employée de Mme Balatoni aux fins de l’application de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada.

[14] Les appels seront rejetés sans dépens.

Signé à Toronto (Ontario), ce 9e jour de juin 2023.

« David E. Spiro »

Le juge Spiro

 


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 84

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2022-125(EI) ET 2022-126(CPP)

INTITULÉ :

MARIA BALATONI c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 mai 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Spiro

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 juin 2023

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me D’ette Bourchier

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

s.o.

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

Me Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Maria Balatoni o/a Strudelicious by A&M Catering Service v. The Minister of National Revenue, 2021-789(CPP) et 2021-790(EI) (non publiées).

[2] Transcription de la décision et des motifs rendus oralement dans Maria Balatoni o/a Strudelicious by A&M Catering Service v. The Minister of National Revenue, 2021-789(CPP) et 2021-790(EI), 23 février 2023, p. 5, ligne 27 à p. 7, ligne 8.

[3] Selon Mme Balatoni, le cas de Mme Csabai se distingue de celui de Mme Tarnai parce que cette dernière est devenue, à compter du 1er janvier 2020, une employée d’un magasin appartenant à Mme Balatoni. Mme Balatoni tente ainsi d’établir une distinction claire entre le statut d’employée de Mme Tarnai après 2019 et son statut d’entrepreneuse indépendante avant 2020. Cet argument est dénué de tout fondement, puisque je ne m’intéresse qu’au travail effectué par Mme Tarnai dans la cuisine de Mme Balatoni en 2018 et en 2019.

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