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Dossier : 2017-689(GST)G

ENTRE :

A-SUPREME NURSING & HOME CARE SERVICES INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 3, 4 et 6 octobre 2022, à Toronto (Ontario).

Devant : l’honorable juge Ronald MacPhee


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Tony De Bartolo

Avocate de l’intimé :

Me Isida Ranxi

Sahara Douglas (stagiaire)

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel est accueilli, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte d’une réduction de 1 050 756 $ de la taxe nette de l’appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’avril 2023.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


Référence : 2023 CCI 39

Date : 20230403

Dossier : 2017-689(GST)G

ENTRE :

A-SUPREME NURSING & HOME CARE SERVICES INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge MacPhee

I. EXPOSÉ DES FAITS

[1] L’appelante, A-Supreme Nursing & Home Care Services Inc., offre des services de placement de personnel infirmier dans des établissements de soins de longue durée et dans des foyers de soins infirmiers (les « clients »). Le placement se fait conformément à des contrats que l’appelante conclut avec les différents clients. L’appelante n’a pas perçu, auprès de ses clients, la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) pour le placement d’infirmières et infirmiers autorisés (IA) et d’infirmières et infirmiers auxiliaires autorisés (IAA), car elle croyait fournir des services de soins infirmiers à ses clients, et qu’il s’agissait donc d’une fourniture exonérée.

[2] Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante pour le motif qu’elle avait effectué une fourniture taxable. Plus précisément, la fourniture effectuée était un service de placement d’IA et d’IAA, et l’appelante aurait donc dû percevoir la TPS/TVH sur le revenu qu’elle en a tiré. Pour décider si l’appelante aurait dû percevoir la TPS/TVH, je dois déterminer si la fourniture que l’appelante a effectuée était une fourniture exonérée de services de soins infirmiers ou, subsidiairement, une fourniture taxable.

A. Question en litige

[3] L’appel vise à déterminer si la fourniture de personnel et de soins infirmiers que l’appelante a effectuée pour les clients durant les périodes de déclaration pertinentes constituait une fourniture taxable assujettie à la TPS ou une fourniture exonérée de services de soins infirmiers au titre de l’article 6 de la partie II de l’annexe V de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 (la « Loi »).

B. Contexte :

[4] L’appelante est constituée en société au titre de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, et son siège social se trouve à Toronto, en Ontario. L’appelante a mené toutes les activités visées en Ontario.

[5] Les clients de l’appelante sont des foyers de soins infirmiers et des établissements de soins de longue durée. La Cour doit trancher sur ces relations. L’appelante a conclu des ententes de services (les « ententes de services ») avec ses clients. Ces ententes de services étaient essentiellement les mêmes pour tous les clients[1].

[6] Les membres de son personnel que l’appelante plaçait chez les clients étaient des IA, des IAA ainsi que des préposés et préposées aux bénéficiaires (PAB). Ce personnel était composé d’employés de l’appelante et, dans certains cas, d’entrepreneurs indépendants.

[7] L’appelante avait conclu des contrats avec le personnel en question. Il n’y avait aucun contrat entre le personnel et les clients. Ces derniers payaient l’appelante directement qui, ensuite, payait le personnel.

[8] L’une des conditions des ententes de services entre l’appelante et les clients était la suivante :

[traduction]

A-Supreme fournit du personnel (infirmières et infirmiers autorisés et infirmières et infirmiers auxiliaires autorisés ainsi que préposés et préposées aux bénéficiaires) pour prodiguer des soins infirmiers suivant les besoins du foyer de soins de longue durée. Le personnel autorisé détient une licence en règle à jour et valide de l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, ou un certificat ou un diplôme, le cas échéant. Tous nos soignants sont cautionnés et assurés, et couverts par une assurance responsabilité professionnelle et auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail.

[9] Conformément aux ententes de services :

  1. l’appelante fournissait des IA, des IAA et des PAB aux clients, selon leurs besoins;

  2. l’appelante ne percevait pas la TPS sur les frais imputés aux clients;

  3. les clients décidaient des quarts de travail, des jours et des heures pour lesquels ils avaient besoin que l’appelante leur fournisse des IA, des IAA et des PAB;

  4. l’appelante rémunérait les IA, les IAA et les PAB pour le travail qu’ils effectuaient dans les installations des clients;

  5. les clients ne rémunéraient pas les IA, les IAA et les PAB;

  6. les clients ne devaient pas embaucher un membre du personnel de l’appelante avant que celui-ci n’ait effectué 500 heures de services; une fois ce nombre d’heures atteint, les clients pouvaient embaucher le membre du personnel.

[10] Dans l’offre d’emploi que l’appelante fait aux IA, IAA et PAB, l’appelante est décrite comme une agence de placement.

[11] Les activités de l’appelante comprennent également la fourniture de soins infirmiers à des personnes à leur résidence privée. Le ministre ne conteste pas qu’il s’agit d’une fourniture exonérée de services infirmiers.

[12] Au début du procès, les parties ont conjointement soutenu qu’il s’agissait d’un cas de fourniture unique que l’appelante effectuait pour divers clients. Je souscris à l’observation selon laquelle la fourniture en cause est une fourniture mixte unique.

II. TÉMOINS

[13] Quatre personnes ont témoigné au procès, toutes pour le compte de l’appelante. Il s’agit des personnes suivantes :

  • a.Shawna Flynn, qui était la directrice générale de l’appelante;

  • b.Rhonda Soames, qui était la directrice du marketing et la responsable des opérations quotidiennes de l’appelante, et veillait à ce que le personnel agisse conformément aux normes de l’entreprise;

  • c.Sandra Knight, qui exploitait un établissement de soins distinct et était également une IAA travaillant pour l’appelante;

  • d.Novelette Robinson, qui était une infirmière autorisée travaillant pour l’appelante.

[14] J’examine ces témoignages plus en détail dans la section de l’analyse de la décision. En résumé, les témoins ont décrit le travail qu’elles effectuaient pour l’appelante, ainsi que les services que l’appelante fournissait aux clients. Chaque témoignage a été utile et sincère, et a facilité l’explication des faits de l’espèce.

[15] Lors du procès, les parties ont déposé en preuve un exposé conjoint partiel des faits.

III. THÈSES DES PARTIES

A. Thèse de l’appelante

[16] L’appelante affirme que les services qu’elle a fournis à ses clients, par l’intermédiaire d’IA et d’IAA, constituaient une fourniture exonérée de services de soins au titre de l’article 6 de la partie II de l’annexe V de la Loi.

[17] De plus, l’appelante soutient que, après l’examen des faits en l’espèce, plusieurs facteurs appuient la conclusion selon laquelle elle a fourni des services de soins[2]. Par conséquent, les services de soins sont l’élément dominant de la fourniture mixte unique que l’appelante a effectuée.

[18] L’appelante soutient également que le ministre a erronément fait une distinction entre les services qu’elle fournit à des particuliers et les services qu’elle fournissait aux clients. Plus précisément, l’appelante fait valoir que ces services sont analogues et que, de ce fait, leur fourniture devrait être exonérée dans les deux cas.

B. Thèse de l’intimé

[19] L’intimé affirme que l’appelante effectuait, pour les clients, une fourniture taxable de personnel infirmier et devait percevoir la TPS/TVH à l’égard de cette fourniture.

[20] Plus précisément, l’intimé soutient que la fourniture que l’appelante effectuait pour les clients n’est pas exonérée au titre de la partie II de l’annexe V de la Loi, car il s’agit non pas d’une fourniture de services de soins, mais bien d’une fourniture de personnel. Il est question d’une fourniture de biens, et non d’une fourniture de services. En outre, l’intimé soutient que l’appelante effectuait une fourniture non pas à un particulier (selon la définition de services de soins énoncée à l’article 6 de la partie II de l’annexe V de la Loi), mais plutôt aux clients. Ainsi, la fourniture ne s’inscrit pas dans le cadre d’une « relation infirmier-patient ».

IV. DROIT

[21] Comme l’affirme l’intimé à bon droit dans ses observations, le paragraphe 221(1) de la Loi prévoit que la personne qui effectue une fourniture taxable doit percevoir la TPS/TVH payable par l’acquéreur à l’égard de la fourniture. Selon le paragraphe 225(1), tous les montants devenus percevables ou ayant été perçus au cours de la période donnée doivent être pris en compte dans le calcul du montant de taxe nette à verser au receveur général conformément au paragraphe 228(2) de la Loi.

[22] La TPS/TVH est percevable à l’égard d’une « fourniture taxable »; selon le paragraphe 123(1) de la Loi, une « fourniture taxable » est une « [f]ourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale ». Selon le même paragraphe, constitue une « activité commerciale » exercée par une personne, notamment « l’exploitation d’une entreprise […], sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées ». Également selon le paragraphe 123(1) de la Loi, « fourniture exonérée » s’entend d’une « [f]ourniture figurant à l’annexe V ».

[23] L’article 6 de la partie II de l’annexe V de la Loi prévoit que les services de soins correspondent à une fourniture exonérée si la fourniture consiste en :

[Services de soins] [l]a fourniture de services de soins rendus à un particulier par un infirmier ou une infirmière autorisé, un infirmier ou une infirmière auxiliaire autorisé, un infirmier ou une infirmière titulaire de permis ou autorisé exerçant à titre privé ou un infirmier ou une infirmière psychiatrique autorisé, si les services sont rendus dans le cadre de la relation infirmier-patient.

[24] En l’espèce, le seul contrat à interpréter est celui entre l’appelante et les clients. Les clients sont manifestement visés à la définition d’« acquéreur » énoncée dans la Loi. On doit donc se demander si la fourniture que l’appelante a effectuée est visée à la définition de « services de soins » au sens de l’article 6 de la partie II de l’annexe V de la Loi.

[25] Je souligne, au sujet de la description des services de soins plus haut, que la formulation « services de soins rendus à un particulier » est utilisée dans la Loi. Il n’est pas exigé, aux termes de la Loi, que l’acquéreur (en l’espèce, les clients) de la fourniture soit la partie à qui les services de soins sont rendus[3].

[26] Il est évident que l’intention de l’article 6 de la partie II de l’annexe V est d’exonérer la fourniture de services de soins en général[4]. Les notes explicatives justifiant la modification du libellé de l’article 6 annoncée dans le budget fédéral de 2008 en font état :

La profession d’infirmière a évolué depuis l’instauration de la TPS, et les infirmières fournissent de plus en plus leurs services à l’extérieur des établissements ou des résidences. Ce phénomène a donné lieu à certaines anomalies. Par exemple, l’inoculation d’un vaccin par une infirmière autorisée dans un hôpital ou une clinique médicale sera exonérée, mais une telle inoculation effectuée dans le bureau d’une infirmière autorisée en pratique privée sera assujettie à la TPS/TVH.

Il est proposé dans le budget de 2008 d’exonérer de TPS/TVH les services infirmiers fournis à un particulier par une infirmière autorisée, une infirmière titulaire de permis ou autorisée exerçant à titre privé, une infirmière auxiliaire autorisée ou une infirmière psychiatrique autorisée, peu importe l’endroit où les services sont fournis, pourvu qu’ils le soient dans le cadre d’une relation infirmière-patient.

[27] Je dois donc déterminer si la fourniture que les clients ont acquise avait les caractéristiques suivantes :

  1. elle concerne des « service[s] » au sens du paragraphe 123(1) (et non des biens);

  2. les services sont des « services de soins »;

  3. les services sont « rendus » à un « particulier »;

  4. les services sont « rendus dans le cadre de la relation infirmier-patient »;

  5. la fourniture concerne des soins de santé.

V. Jurisprudence relative aux services de soins

[28] Je dois commencer mon analyse de l’espèce en faisant mention de la décision Hôpital Santa Cabrini c. Canada[5]HSC CCI ») que la Cour canadienne de l’impôt (la « CCI ») a rendue en 2015 et que la Cour d’appel fédérale (la « CAF ») a confirmée par la suite (« HSC CAF »). Dans cette décision, la CCI avait conclu que la fourniture d’infirmiers et d’infirmières par une agence de placement, à un hôpital, constituait une fourniture taxable de personnel infirmier et non une fourniture exonérée de services de soins. Plus précisément, après avoir analysé les relations juridiques entre les agences et l’hôpital, la CCI avait conclu que les agences détenaient le droit d’exercer une direction et un contrôle sur le travail des infirmiers et infirmières[6] et ne faisaient que louer ce droit, plutôt que fournir des services de soins :

[44] […] Ici, à mon avis, l’objet de la prestation est le droit consenti à l’Hôpital par les Agences d’exiger pour un temps du travail de leurs salariés, auquel droit s’ajoute comme accessoire la délégation du droit de direction et de contrôle sur ce travail, droit que détiennent les Agences à l’égard du travail de leurs salariés en vertu de leurs contrats de travail. Les salariés des Agences sont en quelque sorte prêtés ou loués à l’Hôpital. C’est ce qui se passe quand les Agences affectent leurs salariés à l’Hôpital : ces salariés deviennent assujettis aux droits de l’Hôpital d’exiger l’exécution de leur travail et d’exercer sur ce travail une direction et un contrôle[7].

[29] En outre, la Cour avait conclu que la relation juridique entre les agences et l’hôpital ne constituait pas un contrat d’entreprise ou de service (ce qui, selon la Cour, correspondrait à la prestation de services de soins). Le raisonnement de la Cour a été le suivant :

  • (1)on ne pouvait faire l’analogie avec le cas d’un sous-traitant (où le résultat final est tout ce qui compte), car l’hôpital exerçait un droit de direction et de contrôle sur l’exécution du travail des infirmiers et infirmières[8];

  • (2)au vu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, il ne serait pas indiqué dans le cadre de l’exploitation d’un hôpital que ce dernier puisse sous-traiter une partie de ses soins de santé offerts dans son établissement[9];

  • (3)les infirmiers et infirmières devaient s’intégrer à diverses équipes offrant différents services, ce qui exigeait nécessairement que l’hôpital exerce un droit de direction et de contrôle sur leur travail[10];

  • (4)la mission des agences ne consiste pas à fournir des services de soins de santé[11]; plutôt que de fournir de tels services, elles louaient le droit de direction et de contrôle sur l’exécution du travail des infirmières et infirmiers[12].

[30] En outre, la Cour a conclu que plusieurs conditions devaient être réunies pour qu’une fourniture corresponde à la fourniture exonérée de services de soins au titre de l’article 6, notamment[13] :

  1. elle concerne des « service[s] » au sens du paragraphe 123(1) (et non des biens);

  2. les services sont des « services de soins »;

  3. les services sont « rendus » à un « particulier »;

  4. les services sont « rendus dans le cadre de la relation infirmier-patient »;

  5. la fourniture concerne des soins de santé.

[31] Tout compte fait, la CCI a conclu que la location du droit de direction et de contrôle sur l’exécution du travail des infirmiers et infirmières ne constituait pas une fourniture exonérée de services de soins, mais plutôt une fourniture de biens[14]. Subsidiairement, la Cour a conclu que même si cette location constituait un service, la fourniture en question était une location de personnel infirmier plutôt qu’un service de soins. Plus précisément, la fourniture ne constituait pas un service de soins, car les agences ne fournissaient aucun service de soins de santé[15].

[32] La CAF a confirmé la décision de la CCI. Dans son analyse, la CAF a affirmé qu’il fallait déterminer si les agences avaient fourni des services de soins à l’hôpital[16]. Ainsi, « la nature de la prestation fournie par les Agences à l’Hôpital » était déterminante pour établir s’il s’agissait d’une fourniture exonérée de services de soins[17]. Autrement dit, la CAF devait décider si la fourniture, par sa nature, correspondait à une fourniture de personnel ou à une fourniture de services de soins.

[33] La CAF a indiqué que les faits lui permettaient de conclure que les agences offraient un « système de service de placement » plutôt que des services de soins[18]. Plus précisément, la CAF a conclu que l’hôpital, et non les agences, assurait la direction et le contrôle de la prestation des services de soins de santé; et qu’ainsi les agences ne faisaient que fournir du personnel infirmier et non des services de soins :

[21] […] Sur la base de l’ensemble de la preuve déposée devant lui et des témoignages qu’il a entendus, il en ressort ce qui suit :

  • Il n’existe pas d’entente entre l’Hôpital et les infirmières placées par les Agences;

  • L’Hôpital s’engage à ne pas recruter une infirmière placée par une agence qui aurait été à son emploi au cours des douze derniers mois;

  • Le seul objet de l’entente entre l’Hôpital et les Agences est la fourniture de personnel infirmier;

  • Les Agences n’ont pas pour mission de fournir des services de soins mais de placer des infirmières;

  • La prestation de services de soins de même que la direction et le contrôle des infirmières relèvent de l’Hôpital;

  • Les Agences n’exercent aucun contrôle sur le travail des infirmières qu’elles ont placées à l’Hôpital.

[…]

[22] Le juge, à bon droit, a également pris en compte la Loi sur les services de santé et les services sociaux, R.L.R.Q., c. S -4.2. Cette loi provinciale est on ne peut plus claire : les hôpitaux sont responsables d’exercer les fonctions reliées aux services de soins de santé. Il tombe d’ailleurs sous le sens qu’un hôpital ne puisse déléguer le contrôle des services de soins à une agence de placement que ce soit sa salle d’urgence ou les soins intensifs.

[…]

[23] Plusieurs indices probants mettent d’ailleurs en relief la direction et le contrôle qu’exerce l’Hôpital sur les infirmières des Agences confirmant ainsi que c’est l’Hôpital – et non les Agences – qui fournit les services de soins de santé. Je retiens notamment (i) qu’aucun représentant des Agences n’est sur place lorsque les infirmières travaillent à l’Hôpital; (ii) que les Agences n’ont aucun accès aux dossiers des patients de l’Hôpital; (iii) que les infirmières ne se présentent pas auprès des patients comme appartenant à une agence même si elles portent par ailleurs une carte d’identité de cette dernière; et (iv) que l’Hôpital demeure l’entité responsable de délivrer les soins en cause. Je note aussi que l’Hôpital ne conteste pas que les infirmières placées par les Agences sont sous son contrôle et sa direction.

[24] À la lumière de ce qui précède, il était loisible au juge de conclure que l’objet des ententes entre l’Hôpital et les Agences est la fourniture d’infirmières par les Agences, que la prestation des services de soins par les infirmières des Agences relève de l’Hôpital et que ce dernier exerce la direction et un contrôle sur les infirmières des Agences. En somme, les Agences fournissent un système de service de placement, comblent un besoin de services infirmiers pour l’Hôpital et ne fournissent pas de services de soins alors que l’article 6 de la Partie II de l’Annexe V de la Loi limite expressément l’exonération à la fourniture de soins. Cela suffit en soi pour rejeter le pourvoi[19].

[34] L’analyse des conclusions de droit de la CAF dans l’arrêt HSC CAF est essentielle si l’on veut appliquer ces conclusions contraignantes à l’espèce. Pour en venir à sa décision, la CAF a fait ressortir deux facteurs à l’appui de sa conclusion selon laquelle l’hôpital demeurait l’entité responsable de la prestation des services de soins de santé. Premièrement, la Cour a conclu que la loi provinciale attribuait la responsabilité d’exercer les fonctions reliées aux services de soins de santé à l’hôpital et l’empêchait de déléguer cette responsabilité. Deuxièmement, la Cour a conclu que l’hôpital conservait le droit d’exercer une direction et un contrôle à l’égard du travail des infirmières, ce qui signifie que l’hôpital était l’entité responsable de la prestation des services de soins de santé.

[35] On ne devrait interpréter comme déterminante l’importance que la CAF a accordée à ces facteurs que si ces facteurs éclairent la distinction à faire entre la fourniture de personnel et la fourniture de services de soins. En d’autres termes, le fait de ne pas avoir de responsabilité à l’égard des services de soins de santé fait pencher la balance du côté de la classification d’une fourniture comme un service de personnel plutôt qu’un service de soins.

[36] Cependant, j’estime qu’il ne faudrait pas induire de la conclusion de la CAF qu’il est essentiel d’avoir la responsabilité générale à l’égard de la prestation des services de soins de santé pour que la fourniture puisse être qualifiée de fourniture exonérée de services de soins. Plus précisément, cette interprétation, qui correspond à la thèse de l’intimé[20], irait à l’encontre de l’idée qu’une infirmière auxiliaire indépendante peut conclure un contrat avec un hôpital concernant la fourniture exonérée de services de soins selon les besoins. En d’autres termes, dans cet exemple, l’infirmière auxiliaire indépendante n’aurait aucune responsabilité ni aucun droit de direction ou de contrôle quant à la prestation générale des services de soins de santé que l’hôpital fournit, et pourtant, il ne fait aucun doute que cette fourniture serait une fourniture exonérée de services de soins. En décider autrement mènerait à la conclusion que tout service fourni par un entrepreneur correspond à une fourniture de personnel plutôt qu’au service réellement fourni.

[37] Pour en venir à ma décision finale, il m’incombe d’accorder une grande importance à la conclusion de la CAF dans l’arrêt HSC CAF compte tenu de sa nature contraignante et des circonstances factuelles de l’espèce, qui sont en quelque sorte analogues. Plus précisément, dans l’arrêt HSC CAF, la CAF a déterminé la nature de la fourniture en question en examinant les faits. Ainsi, dans l’analyse du présent appel, il y a lieu d’examiner les distinctions et les ressemblances entre les faits de l’espèce et ceux de l’affaire HSC.

VI. Distinctions entre les faits de l’espèce et ceux de l’affaire HSC

Distinction quant à la direction et au contrôle du travail des infirmiers et infirmières

[38] Le degré de direction et de contrôle que les clients exerçaient sur les infirmiers et infirmières de l’appelante en l’espèce se distingue de celui que l’hôpital exerçait sur les infirmières des agences dans l’affaire HSC.

[39] Dans la décision HSC CCI, la CCI a tiré la conclusion suivante :

[I]l est essentiel que le travailleur placé par les Agences s’intègre dans l’équipe des différents services ou unités de soins au sein desquels il travaille et cette prestation de services requiert nécessairement que l’Hôpital exerce un droit de direction et de contrôle sur son travail[21].

[40] En revanche, en l’espèce, selon la preuve présentée au procès, les infirmiers et infirmières de l’appelante n’avaient besoin d’aucune supervision pour effectuer leur travail[22]. En outre, les infirmiers et infirmières de l’appelante étaient régulièrement[23] responsables des installations des clients (ou agissaient à titre d’infirmier ou infirmière responsable)[24]. De plus, si les infirmiers ou infirmières avaient des problèmes liés à leur travail, ils les signalaient à l’appelante et non aux clients[25]; par exemple, si une infirmière devait quitter un lieu de travail, elle communiquait avec l’appelante, à qui il revenait ensuite de prendre d’autres arrangements[26].

[41] De plus, lors de son témoignage, Mme Robinson a précisément affirmé que le degré de direction et de contrôle que les hôpitaux exerçaient sur les infirmiers et infirmières est beaucoup plus élevé que celui qu’exerçaient les foyers de soins :

[traduction]

Me De BARTOLO :

Quelle différence y a-t-il, s’il y a lieu, entre la direction et le contrôle exercés à l’égard des tâches de soins que vous exécutez dans un hôpital, comme l’hôpital général d’Etobicoke, et la direction et le contrôle exercés à l’égard des tâches de soins que vous exécutez dans un foyer de soins?

Mme ROBINSON : Bon, alors au foyer de soins, je suis responsable des résidents ainsi que de l’immeuble. Donc je suis responsable de tout l’immeuble, ce qui veut dire que c’est moi la patronne quand je suis là la nuit. Je suis la chef du service d’incendie, de tout ça. Je joue tous les rôles au foyer de soins de longue durée.

Lorsque je travaille à l’hôpital général d’Etobicoke, il y a une infirmière gestionnaire qui peut s’occuper d’autres urgences, tandis qu’au foyer de soins de longue durée, c’est moi qui m’occupe de toutes les urgences qui surviennent[27].

[…]

Me De BARTOLO : D’accord. À l’hôpital général d’Etobicoke, qui dirige et contrôle ce que vous faites en ce qui concerne l’exécution de vos tâches en lien avec les services de soins?

Mme ROBINSON : Eh bien, personne ne nous dirige comme tel. Lorsque nous sommes là, nous faisons notre travail. Tout le monde sait ce qu’il a à faire en arrivant; bref, en se présentant au travail. Mais ce que j’ai le droit de faire dans un foyer de longue durée; en tant qu’infirmière d’agence – je suis une infirmière d’agence – je me rends dans un foyer et c’est moi qui suis la responsable. Ce ne serait jamais le cas à l’hôpital d’Etobicoke. Je suis un membre du personnel là-bas, mais je ---

Me De BARTOLO : Qu’est-ce qui ne serait jamais le cas? Pardonnez-moi.

Mme ROBINSON : À l’hôpital d’Etobicoke, la personne responsable ne serait jamais un membre du personnel d’une agence. Il m’arrive parfois d’agir en tant qu’infirmière responsable à l’hôpital d’Etobicoke, alors je sais que ce poste ne serait jamais pourvu par du personnel d’agence, jamais.

Me De BARTOLO : Donc, quand vous parlez de « personnel d’agence », c’est parce qu’ils veulent une personne qui travaille là-bas de façon régulière et à temps plein?

Mme ROBINSON : Oui, il faut que ce soit un membre de leur propre personnel. Il faut qu’il y ait des membres de leur propre personnel dans l’hôpital. Dans un foyer de soins de longue durée, ils nous embauchent, le personnel d’agence, en tant que responsable.

Me De BARTOLO : Et qui supervise vos tâches en lien avec les services de soins à l’hôpital?

Mme ROBINSON : Je dirais que c’est l’infirmière responsable, notre gestionnaire – l’infirmière gestionnaire. Superviser, c’est – personne ne nous surveille pendant que nous faisons notre travail.

Me De BARTOLO : D’accord.

Mme ROBINSON : Mais si une situation qui ne relève pas de notre capacité se présente, nous nous adressons à l’infirmière gestionnaire[28].

[42] Les infirmiers et infirmières de l’appelante occupaient régulièrement seuls les fonctions d’infirmier ou infirmière responsable de l’exploitation des installations des clients, ce qui démontre que les infirmiers et infirmières de l’appelante exerçaient une direction et un contrôle plus important sur leur travail que le personnel infirmer dans l’affaire HSC. De plus, dans la décision HSC CCI, la Cour a précisément souligné que l’étendue des services rendus par le personnel infirmier « ne peut être définie d’avance parce qu’ils sont trop variés »[29]. En l’espèce, aucun élément ne donne à penser qu’il y avait une grande variation quant au travail à faire ou que les installations des clients comptaient plusieurs unités. La preuve permet plutôt de constater que sur chacun des étages des foyers de soins des clients se trouvaient des résidents qui avaient besoin de traitements individuels semblables, comme l’administration de médicaments[30]. Ces faits militent en faveur de la classification de la fourniture de l’appelante en tant que fourniture de services de soins plutôt que fourniture de personnel infirmier.

Distinction concernant les lois habilitantes

[43] La loi provinciale qui régit les clients n’est pas la même que celle qui régit l’hôpital dans l’affaire HSC[31]. Dans l’affaire HSC, la CCI et la CAF ont conclu que la Loi sur les services de santé et les services sociaux était la loi pertinente. Cependant, en Ontario, la loi pertinente à prendre en considération est, du mieux que je puisse le déterminer, la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée[32].

[44] À l’instar de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée confère clairement la responsabilité générale des services de soins de santé aux exploitants de foyers de soins. Par exemple, selon les paragraphes 6(1), (3) et (8), les exploitants de foyers de soins doivent établir, pour chaque résident, un programme de soins écrit qui couvre tous les aspects des soins (y compris les soins infirmiers); de plus, les exploitants doivent s’assurer que toutes les personnes qui fournissent des soins directs (p. ex. les employés et les infirmiers et infirmières d’agence) soient tenues au courant du contenu de ce programme. En outre, selon les paragraphes 8(1) et (3), les exploitants de foyers de soins doivent veiller à ce que des services de soins soient disponibles en tout temps pour répondre aux besoins des résidents, et qu’un membre du personnel infirmier soit présent au foyer en tout temps (la « règle des 24 heures »).

[45] Dans l’arrêt HSC CAF, la CAF a souligné que les hôpitaux ne pouvaient pas déléguer aux agences le contrôle sur les services de soins de santé. Cependant, sous réserve de certaines conditions, le règlement d’application[33] de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée permet aux exploitants de se conformer à la règle des 24 heures en faisant appel à des infirmiers et infirmières d’agence :

Soins infirmiers 24 heures sur 24 : exceptions

45. (1) Les circonstances suivantes sont les seules dans lesquelles au moins une infirmière autorisée ou un infirmier autorisé qui est à la fois un employé du titulaire de permis et un membre du personnel infirmier permanent du foyer n’est pas tenu d’être de service et présent au foyer en tout temps, comme l’exige le paragraphe 8 (3) de la Loi :

1. Pour les foyers dont la capacité en lits autorisés est de 64 lits ou moins :

i. […];

ii. dans une situation d’urgence où le plan d’urgence visé à l’alinéa 31 (3) d) du présent règlement ne permet pas de satisfaire à l’exigence prévue au paragraphe 8 (3) de la Loi :

A. soit il peut être fait appel à une infirmière autorisée ou à un infirmier autorisé qui travaille au foyer conformément à un contrat ou à une entente entre le titulaire de permis et une agence de placement ou un tiers si le directeur des soins infirmiers et des soins personnels ou une infirmière autorisée ou un infirmier autorisé qui est à la fois un employé du titulaire de permis et un membre du personnel infirmier permanent peut être rejoint au téléphone,

B. […]

2. Pour les foyers dont la capacité en lits autorisés est de plus de 64 lits, mais moins de 129 lits :

i. […];

ii. dans une situation d’urgence où le plan d’urgence visé à l’alinéa 31 (3) d) du présent règlement ne permet pas de satisfaire à l’exigence prévue au paragraphe 8 (3) de la Loi, il peut être fait appel à une infirmière autorisée ou à un infirmier autorisé qui travaille au foyer conformément à un contrat ou à une entente entre le titulaire de permis et une agence de placement ou un tiers si :

A. d’une part, le directeur des soins infirmiers et des soins personnels ou une infirmière autorisée ou un infirmier autorisé qui est à la fois un employé du titulaire de permis et un membre du personnel infirmier permanent peut être rejoint au téléphone,

B. d’autre part, une infirmière auxiliaire autorisée ou un infirmier auxiliaire autorisé qui est à la fois un employé du titulaire de permis et un membre du personnel infirmier permanent est de service et présent au foyer.

3. Pour tous les foyers, dans le cas où une pandémie empêche une infirmière autorisée ou un infirmier autorisé de se rendre au foyer et où le plan d’urgence visé à l’alinéa 31 (3) d) du présent règlement ne permet pas de satisfaire à l’exigence prévue au paragraphe 8 (3) de la Loi :

i. il peut être fait appel à une infirmière autorisée ou un infirmier autorisé qui travaille au foyer conformément à un contrat ou à une entente avec le titulaire de permis ou qui travaille au foyer conformément à un contrat ou à une entente entre le titulaire de permis et une agence de placement ou un tiers,

ii. il peut être fait appel à une infirmière auxiliaire autorisée ou un infirmier auxiliaire autorisé qui est un employé du titulaire de permis ou qui travaille au foyer conformément à un contrat ou à une entente avec le titulaire de permis ou qui travaille au foyer conformément à un contrat ou à une entente entre le titulaire de permis et une agence de placement ou un tiers si le directeur des soins infirmiers et des soins personnels ou une infirmière autorisée ou un infirmier autorisé peut être consulté,

iii. […][34]

[Non souligné dans l’original.]

[46] Quoi qu’il en soit, comme je le mentionne plus haut au paragraphe 36, je ne crois pas que l’intention de la CAF, dans la décision HSC CAF, était de faire de la responsabilité générale de la prestation des services de soins de santé une condition à remplir pour que l’on considère qu’il s’agit d’une fourniture de services de soins. Ainsi, comme je le précise plus haut, j’estime que le fait que les clients ont, de façon régulière, délégué une importante responsabilité aux infirmiers et infirmières de l’appelante[35] donne à penser que l’appelante fournissait des services de soins.

L’appelante était responsable de l’assurance, de l’orientation et de la formation complémentaire du personnel infirmier

[47] Lorsqu’elle effectuait la fourniture de ses services, l’appelante assumait plusieurs autres responsabilités qui figurent au nombre de celles que l’on associe à des services de soins.

[48] Conformément aux ententes de services, l’appelante devait maintenir une assurance responsabilité générale pour ses infirmiers et infirmières. Une telle obligation fait passer à l’appelante une partie de la responsabilité de la prestation des services de soins (c.-à-d. au moyen de l’atténuation des risques). À titre de comparaison, dans l’affaire HSC, les ententes de services entre les agences et l’hôpital ne comportaient aucune telle disposition.

[49] L’appelante était aussi responsable de l’orientation des infirmiers et des infirmières au sujet tant de son code de conduite que des politiques des clients. Cette orientation s’inscrit dans la prestation de services de soins, car elle vise à informer les infirmiers et infirmières quant à la façon d’exécuter leurs tâches de soins.

[50] En outre, l’appelante devait veiller à la formation complémentaire des infirmiers et infirmières dans les cas où les clients se plaignaient des services de soins fournis[36]. À l’instar de la responsabilité associée à l’orientation des infirmiers et infirmières, la responsabilité de voir à la formation complémentaire des infirmiers et infirmières sur la façon d’exécuter leurs tâches de soins s’inscrit dans la prestation de services de soins.

L’appelante œuvre également dans le domaine de la fourniture exonérée de services de soins

[51] L’appelante effectuait également une fourniture exonérée de services de soins pour des particuliers dans leur résidence privée; cependant, rien n’indique que tel était le cas des agences dans l’affaire HSC. Au procès, l’intimé a fait valoir qu’il n’est pas pertinent d’examiner la fourniture exonérée de services de soins que l’appelante effectue pour des particuliers, car cette question n’est pas en litige (l’ARC ayant déjà reconnu qu’il s’agit d’une fourniture exonérée)[37]. Cependant, j’estime que je peux en tenir compte à titre de fait pertinent pour aider, en quelque sorte, à faire la distinction entre le présent appel et l’affaire HSC. Qui plus est, ce fait permet de démontrer que l’appelante était en mesure d’effectuer elle‑même une fourniture exonérée de services de soins, ce qui facilite la classification des services fournis aux clients.

Divers autres facteurs

[52] Même si ce n’est pas nécessairement un facteur distinctif par rapport à l’affaire HSC, un autre fait qui est ressorti au procès et qui appuie la prétention selon laquelle l’appelante fournissait des services de soins est que, dans les installations des clients, les IA et les IAA portaient des insignes d’identité qui les identifiaient en tant qu’infirmiers et infirmières.

VII. Ressemblances entre les faits de l’espèce et ceux de l’affaire HSC

[53] Dans l’affaire HSC, la Cour a décrit divers éléments qui l’ont aidée à établir que l’hôpital, et non les agences, était responsable de la direction et du contrôle des infirmières. Plusieurs de ces éléments sont présents en l’espèce. Plus précisément :

  1. aucun représentant de l’appelante ne se trouvait sur place lorsque les infirmiers et les infirmières travaillaient;

  2. aucune entente n’avait été conclue entre les clients et les infirmiers et infirmières;

  3. les clients acceptaient les limites imposées quant à leur capacité d’embaucher des membres du personnel de l’appelante;

  4. l’appelante n’avait pas accès aux dossiers des patients des foyers de soins;

  5. sur le lieu de travail, les infirmiers et infirmières ne se présentaient pas comme des membres du personnel des clients.

VIII. Autres principes pertinents dégagés de la jurisprudence

[54] Les éléments de preuve présentés au procès démontrent que la fourniture que l’appelante effectuait avait des caractéristiques à la fois d’une fourniture de services de soins et d’une fourniture de personnel. Il s’agit donc d’une situation où il y a une fourniture exonérée (fourniture de services de soins) ainsi qu’une fourniture taxable (fourniture de personnel).

[55] Dans la récente décision River Cree Resort Limited Partnership c. La Reine, 2022 CCI 45, le juge Graham a examiné la jurisprudence et la méthode à appliquer pour déterminer la nature de la fourniture dans une situation semblable :

[103] La jurisprudence a établi des critères à prendre en compte dans ces circonstances pour déterminer la nature des fournitures. Ce qui suit vise à intégrer ces critères dans un critère complet étape par étape :

(1) Quels ont été les éléments fournis? : Déterminer les biens ou les services que le fournisseur a fournis pour la contrepartie reçue (O.A. Brown Ltd. v. The Queen; Global Cash Access (Canada) Inc. c. Canada; Great-West, Compagnie d’assurance-vie c. Canada; SLFI Group c. Canada; CIBC v. The Queen).

(2) Fourniture mixte unique ou fourniture multiple : Déterminer si les biens ou les services fournis doivent être qualifiés comme « une fourniture unique composée d’un certain nombre d’éléments constitutifs ou, sinon, des fournitures multiples composées de biens et de services distincts » (O.A. Brown Ltd.; Hidden Valley Golf Resort Association v. The Queen; Calgary (Ville) c. Canada; SLFI Group; Global Cash Access; Banque canadienne impériale de commerce c. Canada).

(3) Déterminer comment la fourniture obtenue doit être traitée : Déterminer si cette fourniture ou ces fournitures étaient des fournitures taxables ou des fournitures exonérées :

(a) Fourniture mixte unique : Dans le cas d’une fourniture mixte unique, déterminer quel était l’élément prédominant de la fourniture. Cette analyse doit être concentrée sur le point de vue de l’acheteur de la fourniture. La fourniture sera taxée de la même manière que cet élément prédominant (Global Cash Access; Great-West, Compagnie d’assurance-vie; SLFI Group).

(b) Fourniture multiple : Dans le cas de fournitures multiples, déterminer si chacune de ces fournitures individuelles était une fourniture taxable ou une fourniture exonérée.

  1. Si l’une des fournitures multiples était elle-même une fourniture mixte unique, appliquer le critère de l’alinéa a) à cette fourniture (Jema International Travel Clinic Inc. c. La Reine).

  2. S’il y a eu une seule contrepartie payée pour les fournitures multiples, il convient de rechercher si les articles 138 (fournitures accessoires) ou 139 (services financiers dans une fourniture mixte) s’appliquent pour néanmoins considérer qu’il y a eu une fourniture mixte unique (Camp Mini-Yo-We inc. c. Canada; 9056–2059 Québec c. Canada; Canada Trustco Mortgage Co. c. Canada; Maritime Life Assurance Co. v. The Queen; Jema International; Banque canadienne impériale de commerce c. La Reine).

[56] Voici l’application que je fais du critère.

Quels ont été les éléments fournis?

[57] Conformément au contrat entre l’appelante et les clients, l’appelante fournit du personnel qui effectue des services de soins. Le fait qu’elle fournit du personnel est irréfutable. Il faut donc déterminer si l’appelante, conformément au contrat qu’elle a conclu avec ses clients, fournit des services de soins.

[58] Selon les éléments preuves que les témoins ont présentés, je reconnais que l’appelante fournit aussi des services de soins. Je présente le motif de cette conclusion plus en détail au paragraphe 67. En somme, les IA et les IAA de l’appelante (qui étaient dans bien des cas des employés de longue date de l’appelante) occupaient régulièrement seuls les fonctions d’infirmier ou infirmière responsable de l’exploitation des installations des clients, ce qui démontre que les infirmiers et infirmières de l’appelante exerçaient un droit de direction et de contrôle quant à leur travail (comparativement aux infirmières dans l’affaire HSC). En outre, les tâches de soin que les infirmiers et infirmières de l’appelante exécutaient concernaient toujours des traitements individuels pour les résidents. J’estime que les caractéristiques nécessaires pour établir qu’il s’agit de services de soins (énoncées au paragraphe 27) sont présentes.

Fourniture mixte unique et fourniture multiple

[59] Comme je le mentionne plus haut, les deux parties reconnaissent que la fourniture que l’appelante a effectuée était une fourniture unique. Après avoir examiné les faits de l’espèce, je souscris à l’observation selon laquelle la fourniture en cause est une fourniture mixte unique.

Traitement de la fourniture

[60] S’agissant de la classification d’une fourniture unique, les cours s’attardent habituellement à l’« objet », à l’« essence », à la « nature » ou à la « substance » de la fourniture ou des circonstances qui l’entourent. De plus, les cours ont élaboré diverses méthodes d’analyse pour déceler les caractéristiques fondamentales. Il nous faut essentiellement déterminer quel est l’élément dominant de la fourniture.

[61] En l’espèce, je conclus que l’élément dominant, à savoir ce que les clients cherchaient à acquérir, est les services de soins. J’en suis arrivé à cette conclusion à l’issue de l’analyse suivante.

[62] Le point de vue de l’acquéreur est largement considéré comme étant un facteur clé dans la classification d’une fourniture. En d’autres termes, ce que l’acquéreur croit acheter a une incidence sur la nature des activités que le fournisseur s’engage à exercer.

[63] Par exemple, dans la décision Sterling Business Academy Inc. c. La Reine, la Cour a conclu que la fourniture de livres, d’un enseignement et de séances en classe correspondait à la fourniture unique d’un « cours de formation », car c’est ce qu’achetaient les étudiants[38].

[64] Dans le même ordre d’idées, dans l’affaire Oxford Frozen Foods Ltd. c. Canada, la contribuable produisait et vendait des carottes et des bleuets congelés. On a fait valoir que l’entreposage des aliments (dans un congélateur) était une fourniture en lui-même, car il s’agissait d’un poste distinct sur les factures que la contribuable remettait à ses clients. Cependant, la Cour a conclu que la contribuable fournissait des aliments congelés et non des services d’entreposage :

En l’espèce, la nature véritable du contrat est la vente par l’appelante de produits congelés. C’est l’essence même de l’entreprise de l’appelante. L’entreposage des produits congelés est nécessaire pour que l’appelante puisse vendre ces produits[39].

[65] Dans l’arrêt HSC CAF, la Cour a conclu que « la nature de la prestation fournie par les Agences à l’Hôpital » était un facteur déterminant pour établir s’il s’agissait d’une fourniture exonérée de services de soins[40]. La Cour a affirmé qu’au vu des faits, la fourniture avait été adéquatement qualifiée de service de placement plutôt que de services de soins[41]. Cependant, comme je le mentionne plus haut, les faits dans l’affaire HSC ne sont pas identiques à ceux de l’espèce; en effet, la nature de la fourniture que les clients ont achetée de l’appelante n’est pas claire. Au risque de me répéter, je reprends les divers facteurs à l’appui des deux arguments.

[66] Plusieurs facteurs donnent à penser que, de leurs points de vue, les clients acquéraient la fourniture de personnel infirmier simplement à des fins de dotation ou de placement. Plus précisément :

  1. les ententes de services comportaient une clause selon laquelle les clients pouvaient verser une pénalité afin d’obtenir le droit d’embaucher des membres du personnel infirmier de l’appelante[42];

  2. conformément aux ententes de services, les clients indiquaient quand ils avaient besoin qu’un infirmier ou une infirmière travaille[43];

  3. aucun représentant de l’appelante ne se trouvait sur place lorsque les infirmiers et infirmières travaillaient, et rien n’indique que les clients avaient renoncé, en vertu des ententes de services, à leurs responsabilités en matière de prestation de services de soins;

  4. l’appelante était responsable du recrutement, de la vérification et du placement des infirmiers et infirmières, et employait du personnel précisément à cette fin;

  5. l’appelante veillait à la formation complémentaire des infirmiers et infirmières pour qu’ils se conforment aux codes de conduite des clients (p. ex. règles relatives aux uniformes);

  6. l’appelante n’avait pas accès aux dossiers des patients des foyers de soins;

  7. sur le lieu de travail, les infirmiers et infirmières ne se présentaient pas comme des membres du personnel des clients.

[67] En revanche, plusieurs facteurs indiquent que, de leur point de vue, les clients acquéraient la fourniture de services de soins. Plus précisément :

  1. les infirmiers et infirmières de l’appelante étaient régulièrement responsables des installations des clients;

  2. l’appelante veillait à la formation complémentaire de ses infirmières et infirmiers pour qu’ils puissent exécuter leurs tâches de soins selon les exigences des clients;

  3. l’appelante fournissait des services de soins à d’autres clients privés;

  4. bon nombre des infirmiers et infirmières de l’appelante ont fourni des services de soins aux clients pendant plusieurs années[44];

  5. selon les ententes de services, les infirmiers et infirmières devaient exécuter des tâches de soins;

  6. selon les ententes de services, l’appelante devait verser le salaire des infirmiers et infirmières;

  7. selon les ententes de services, l’appelante devait maintenir une assurance responsabilité générale pour ses infirmiers et infirmières.

L’élément principal ou dominant de la fourniture

[68] Par le passé, dans des affaires qui traitaient d’une fourniture unique qui comportait au moins deux éléments fondamentaux, la Cour a conclu que la classification de la fourniture était fonction de son élément « principal » ou « dominant ».

[69] Par exemple, dans la décision Banque Royale du Canada c. La Reine, la Cour devait classifier un paiement effectué par la RBC à une compagnie aérienne conformément à une entente aux termes de laquelle la RBC émettait une carte de crédit aux clients, et la compagnie aérienne accordait des points à ces clients. Selon RBC, le paiement visait la fourniture exonérée de services financiers puisqu’il concernait des services dont la nature s’apparentait à celle de la prise de mesures pour l’octroi de crédit. Selon l’intimée, le paiement était effectué en contrepartie de points que la compagnie aérienne accordait (une fourniture taxable). La CCI a dû déterminer si l’octroi de points constituait la fourniture ou son élément dominant[45]; elle a conclu que les points de récompense en question constituaient « l’essence même de la fourniture à laquelle tout le reste se rattache », et qu’il n’y avait pas, selon elle, « de fourniture unique de services financiers du type invoqué par l’appelante »[46].

[70] Je conclus que la fourniture que l’appelante a effectuée pour ses clients correspond davantage à une fourniture de services de soins. Je suis d’avis que les faits suivants militent particulièrement en faveur de la classification de la fourniture en tant que fourniture de services de soins :

  1. l’appelante fournissait déjà des services de soins à des particuliers, ce qui signifie qu’elle était en mesure de fournir des services de soins;

  2. l’appelante employait bon nombre de ses IA et IAA depuis plusieurs années et leur offrait une formation complémentaire pour qu’ils puissent s’acquitter de leurs obligations à l’égard des clients;

  3. l’appelante fournissait régulièrement les services d’un infirmier ou d’une infirmière responsable des installations des clients, ce qui signifie qu’elle était responsable, du moins en partie, de la prestation des services de soins;

  4. l’article 45 du règlement d’application de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée permet aux clients de faire appel à des infirmiers ou infirmières d’une agence de placement pour s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de la règle des 24 h.

IX. Conclusion

[71] En me fondant sur l’analyse qui précède, je conclus que les services de soins sont l’élément dominant de la fourniture que l’appelante a effectuée pour les clients.

[72] L’appel est accueilli. Un tableau avec les données relatives à la taxe nette supplémentaire à payer est joint à l’annexe A. Le ministre avait augmenté la taxe nette de l’appelante de 1 050 756 $, comme il est indiqué à l’annexe A. Les nouvelles cotisations qui avaient été ainsi établies sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte d’une réduction de 1 050 756 $ de la taxe nette de l’appelante.

[73] Les dépens seront payables par l’intimé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’avril 2023.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


Annexe A

Période de déclaration

Taxe nette supplémentaire à payer

Du 1er janvier 2012 au 31 mars 2012

65 124 $

Du 1er avril 2012 au 30 juin 2012

84 514 $

Du 1er juillet 2012 au 30 septembre 2012

135 694 $

Du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2012

100 030 $

Du 1er janvier 2013 au 31 mars 2013

111 016 $

Du 1er avril 2013 au 30 juin 2013

93 278 $

Du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2013

101 822 $

Du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2013

78 446 $

Du 1er janvier 2014 au 31 mars 2014

93 003 $

Du 1er avril 2014 au 30 juin 2014

81 015 $

Du 1er juillet 2014 au 30 septembre 2014

106 814 $

Total

1 050 756 $


 

RÉFÉRENCE :

2023 CCI 39

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-689(GST)G

INTITULÉ :

A-SUPREME NURSING & HOME CARE SERVICES INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 3, 4 et 6 octobre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Ronald MacPhee

DATE DU JUGEMENT :

Le 3 avril 2023

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Tony De Bartolo

Avocate de l’intimé :

Me Isida Ranxi

Sahara Douglas (stagiaire)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Tony De Bartolo

Cabinet :

Avocat

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Il pouvait y avoir de légères différences, que Shawna Flynn a décrites comme [traduction] « du peaufinage ». Il pouvait notamment s’agir de déterminer si le coût du paiement pour l’orientation était divisé entre l’appelante et un client, ou s’il était entièrement acquitté par l’appelante.

[2] Avis d’appel de l’appelante, par. 25 à 37.

[3] Une discussion sur l’expression « rendus à » dans ce contexte se trouve également dans la décision Hôpital Santa Cabrini c. La Reine, 2015 CCI 264, par. 67 (« HSC CCI »).

[4] Jacques Roberge fait valoir ce point dans un commentaire, « Nurse, Employment Agencies, and Tax: A Cocktail More Complex Than Expected », Canadian GST/HST Monitor No 337 (Wolters Kluwer, 2016).

[5] HSC CCI, précitée à la note 3.

[6] Ibid., par. 40, 42 et 46.

[7] Ibid., par. 44.

[8] Ibid., par. 31.

[9] Ibid., par. 32.

[10] Ibid.

[11] Ibid par. 42.

[12] Ibid., par. 44, 48.

[13] Ibid., par. 56 et 57.

[14] Ibid., par 57, 59 et 67.

[15] Ibid., para 57.

[16] Hôpital Santa Cabrini c. Canada, 2016 CAF 207, par. 17 [« HSC CAF »].

[17] Ibid., par. 20.

[18] Ibid., par. 24.

[19] Ibid., par. 21 à 24.

[20] Observations écrites de l’intimé, par. 42.

[21] HSC CCI, précitée à la note 3, par. 32.

[22] Transcription du 3 octobre 2022, Flynn, p. 100 et 101 (lignes 23-28, 1-3), p. 108 (lignes 6-12); transcription du 4 octobre 2022, Soames, p. 37 et 38 (lignes 17-28, 1); transcription du 4 octobre 2022, Knight, p. 87 et 88 (lignes 16-28, 1); transcription du 4 octobre 2022, Robinson, p. 102 (lignes 18-22), p. 114 à 116 (lignes 25-28, 1-28, 1-17).

[23]Transcription du 3 octobre 2022, Flynn, p. 106 et 107 (lignes 22-28, 1-3), p. 108 (lignes 1-5).

[24] Transcription du 3 octobre 2022, Flynn, p. 81 et 82 (lignes 23-28, 1-15); transcription du 4 octobre 2022, Robinson, p. 102 (lignes 10-17), p. 110 et 111 (lignes 20-28, 1-13), p. 113 à 116 (lignes 21-28, 1-28, 1-28, 1-6).

[25] Transcription du 3 octobre 2022, Flynn, p. 39 (lignes 13-19).

[26] Transcription du 3 octobre 2022, Flynn, p. 39 et 40 (lignes 28, 1-8).

[27] Transcription du 4 octobre 2022, Robinson, p. 130 (lignes 14-28).

[28] Transcription du 4 octobre 2022, Robinson, p. 131 et 132 (lignes 11-28, 1-15).

[29] HSC CCI, précitée à la note 3, par. 31.

[30] Transcription du 3 octobre 2022, Flynn, p. 99 à 100 (lignes 8-28, 1-22); transcription du 4 octobre 2022, Knight, p. 91 (lignes 9-18); transcription du 4 octobre 2022, Robinson, p. 100 à 102 (lignes 18-28, 1-28, 1), p. 114 et 115 (lignes 25-28, 1-7).

[31] Durant les observations orales dans l’affaire HSC, les parties ne s’entendaient pas sur le réel lieu de travail des infirmières (c.‑à‑d. si elles travaillaient aussi bien à l’hôpital que dans les centres de soins de longue durée, ou seulement à l’hôpital). Toutefois, à la lecture des paragraphes 26 à 28 de la décision de la CCI, il ne fait aucun doute que le travail analysé est celui qui était effectué à l’hôpital.

[32] Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, 2007, L.O. 2007, chap. 8.

[33] Règlement de l’Ontario 79/10.

[34] Ibid., art. 45.

[35] Précitée aux notes 23 et 24.

[36] Transcription du 3 octobre 2022, Flynn, p. 85 et 86 (lignes 9-28, 1-10), p. 89 et 90 (lignes 2-28, 1-13).

[37] Transcription du 3 octobre 2022, intimé, p. 110 (lignes 17-22).

[38] Sterling Business Academy Inc. c. La Reine, 99 GTC 3038 (CCI), par. 28, 1998 CanLII 183.

[39] Oxford Frozen Foods Ltd. c. Canada, [1996] A.C.I. no 1222 (QL) (CCI), par. 32.

[40] HSC CAF, précité à la note 16, par. 20.

[41] Ibid., par. 24.

[42] Entente de services entre A-Supreme Nursing and Homecare et Rykka Care Centers, clause 8, recueil conjoint de documents (« RCD »), onglet 12.

[43] Entente de services entre A-Supreme Nursing and Homecare et Rykka Care Centers, clause 2a, RCD, onglet 12.

[44] Transcription du 3 octobre 2022, Flynn, p. 141 (lignes 6-16).

[45] Banque Royale du Canada c. La Reine, 2007 CCI 281, par. 16.

[46] Ibid, par. 27.

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