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Dossier : 2021-202(IT)I

ENTRE :

STEFFEN MANDERLA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 18 août 2022, à Toronto (Ontario)

Devant : l'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Représentante de l'appelant :

Natasha Vaney

Avocats de l'intimé :

Me Christopher Bartlett

Me Lalitha Ramachandran

 

JUGEMENT

L'appel interjeté par l'appelant à l'encontre de la cotisation datée du 17 juin 2019, établie par le ministre du Revenu national, en application de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l'égard de son année d'imposition 2018, est rejeté sans dépens, conformément aux motifs ci-joints du présent jugement.

Signé à Montréal (Québec), ce 19e jour de décembre 2022.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau


Référence : 2022 CCI 162

Date : 20221219

Dossier : 2021-202(IT)I

ENTRE :

STEFFEN MANDERLA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1] Il s'agit d'un appel visant une cotisation datée du 17 juin 2019, établie par le ministre du Revenu national (le « ministre »), en application de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1(5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), à l'égard de l'année d'imposition 2018 de l'appelant.

[2] En application de la cotisation datée du 17 juin 2019, le ministre a établi une première cotisation pour l'année d'imposition 2018 de l'appelant, conformément à la déclaration produite par ce dernier dans sa déclaration de revenus des particuliers.

[3] En produisant sa déclaration de revenus des particuliers pour l'année d'imposition 2018, l'appelant a déclaré des revenus d'emploi de 19 707 $ et des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada (« RPC ») de 14 505 $ et il a déduit 327,12 $, au titre des cotisations d'assurance-emploi versées, et 8 235 $, au titre du crédit d'impôt pour personnes handicapées (« CIPH »).

[4] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  • a) Le ministre a-t-il, à juste titre, inclus le revenu du régime d'assurance-salaire (« RAS ») de l'appelant provenant de la Commission de transport de Toronto (« CTT ») dans le revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 2018?

  • b) Les cotisations d'assurance-emploi ont-elles été déduites correctement des revenus d'emploi pour l'année d'imposition 2018?

[5] Pour déterminer la dette fiscale de l'appelant pour l'année d'imposition 2018, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes :

  • a) l'appelant a perçu 14 505 $ de prestations d'invalidité du RPC;

  • b) l'appelant était un employé de la CTT;

  • c) l'appelant a perçu 19 707 $ de prestations du RAS de CTT;

  • d) les prestations du RAS étaient versées aux termes d'un régime de services de gestion seulement (« SGS »);

  • e) la CTT a retenu des prestations du RAS 327,12 $, au titre de cotisations d'assurance-emploi;

  • f) la somme de 327,12 $ était admissible à titre de crédit d'impôt non remboursable;

  • g) l'appelant a droit au CIPH de 8 235 $.

[6] En ce qui concerne les faits allégués dans l'avis d'appel déposé par l'appelant, le procureur général du Canada (le « PGC ») admet en outre ce qui suit :

  • a) l'appelant reçoit des prestations d'invalidité de longue durée (« ILD ») depuis 2001;

  • b) l'appelant a reçu de la CTT des prestations du RAS en 2018;

  • c) l'appelant a perçu des prestations d'invalidité du RPC au cours de l'année d'imposition 2018;

  • d) l'appelant n'avait pas de retenue d'impôt sur les prestations d'invalidité du RPC;

  • e) l'appelant a déposé une plainte auprès du ministre relativement au feuillet T4 que la CTT a délivré pour l'année d'imposition 2018;

  • f) l'appelant a reçu de Sun Life du Canada, Compagnie d'Assurance-vie (« Sun Life ») des prestations du RAS au cours de l'année d'imposition 2011;

  • g) l'appelant était admissible au CIPH depuis l'année d'imposition 2001;

  • h) l'appelant a eu 65 ans en mars 2021.

[7] Cependant, le PGC nie le fait que le feuillet T4 de la CTT a été délivré par erreur pour l'année d'imposition 2018 et que le ministre pensait que l'appelant était retourné au travail au cours de l'année d'imposition 2018.

[8] Du fait de son état de santé, M. Manderla n'a pas témoigné à l'audience. Sa représentante, Mme Natasha Vaney, a témoigné pour lui. Elle a expliqué que M. Manderla recevait des prestations d'ILD et du Programme de prestations d'invalidité du RPC (RPC-I) depuis 2001, du fait qu'il avait perdu sa mâchoire inférieure des suites d'un cancer. Elle a indiqué que le RPC-I déclarait le revenu d'invalidité sur un feuillet T4A et que Sun Life, à juste titre, déclarait l'ILD sur des feuillets T4A pour la période comprise entre 2001 et 2011.

[9] En 2012, la CTT a manifestement modifié sa méthode de déclaration de l'ILD, et elle a commencé à déclarer les prestations d'ILD sur des feuillets T4, dans la case 14, comme revenu d'emploi, et non sur des feuillets T4A, comme ce fut le cas au cours des années précédentes. En 2012, la CTT a également changé d'administrateur du régime d'ILD. La compagnie d'assurance Manuvie a remplacé Sun Life, aux termes d'une entente de services de gestion seulement (« SGS ») entièrement financée par la CTT. Pour les années d'imposition 2012 à 2021, la CTT a délivré des feuillets T4, et non des feuillets T4A, pour déclarer l'ILD.

[10] Le problème a été découvert en 2018 par un agent de l'ARC. Ce dernier a envoyé au service des plaintes des employés de l'ARC un formulaire de plainte, le 19 juin 2019, et a demandé à ce que l'affaire soit examinée rétroactivement, en remontant à 2012. Le service des plaintes des employés ne s'est concentré que sur l'année d'imposition 2018 de l'appelant et n'a pas reconnu que la CTT a déclaré à tort l'ILD comme revenu d'emploi sur des feuillets T4.

[11] L'avantage de déclarer les prestations d'ILD sur un feuillet T4A, plutôt que sur un feuillet T4, est que les prestations d'ILD ne seraient pas assujetties aux cotisations d'assurance-emploi et aux cotisations au titre du RPC. L'appelant n'avait pas à contribuer au RPC, étant donné qu'il percevait les prestations d'invalidité du RPC. Pour être admissible aux prestations d'invalidité du RPC, le contribuable doit d'abord avoir épuisé ses prestations d'assurance-emploi et présenter une déficience mentale ou physique qui le contraint à cesser régulièrement d'accomplir des tâches importantes rémunérées. Selon l'appelant, les prestations d'ILD sont des prestations de maladie et ne constituent pas un revenu d'emploi.

[12] La première question à examiner consiste à savoir si les prestations du RAS reçues par l'appelant en 2018 constituaient un revenu d'emploi.

[13] L'alinéa 6(1)f) de la Loi exige que l'ensemble des sommes qu'un contribuable a reçues au cours d'une année, à titre d'indemnité payable périodiquement pour la perte totale ou partielle du revenu afférent à une charge ou à un emploi, en vertu d'un régime d'assurance-invalidité ou dans le cadre duquel son employeur a contribué, soit inclus dans les prestations d'assurance-emploi du revenu du contribuable.

[14] On considère que les prestations du RAS que reçoit un employé constituent un revenu d'emploi, car elles sont versées à l'égard d'un emploi. Les employés reçoivent périodiquement les prestations qui suppléent à la perte d'un revenu d'emploi résultant d'une maladie, d'une maternité ou d'un accident.

[15] Lorsque les prestations sont versées par un tiers, notamment une compagnie d'assurance en l'espèce, qui n'est pas le véritable employeur, le tiers est réputé être l'employeur, car le véritable employeur est la partie tenue de payer ses employés.

[16] Aux termes de l'alinéa 153(1)a) de la Loi, la personne qui verse les prestations du RAS est tenue d'en déduire ou d'en retenir la somme fixée selon les modalités réglementaires aux fins de l'impôt sur le revenu.

[17] L'alinéa 200(2)f) du Règlement de l'impôt sur le revenu (C.R.C, ch. 945), dispose qu'une personne qui effectue un paiement décrit au paragraphe 153(1) de la Loi doit remplir à l'égard de ce paiement une déclaration de renseignements selon le formulaire prescrit et le paragraphe 200(2) du Règlement exige d'une personne qui effectue un paiement à titre ou au titre, ou qui accorde un avantage ou attribue une somme sous la forme, à l'alinéa f), d'une somme payable périodiquement à un contribuable pour la perte totale ou partielle du revenu afférent à une charge ou à un emploi, en vertu (i) d'un régime d'assurance contre la maladie ou les accidents, (ii) d'un régime d'assurance-invalidité ou (iii) d'un régime d'assurance de sécurité du revenu, auquel ou en vertu duquel son employeur a contribué, qu'elle remplisse à l'égard de ce paiement ou de cet avantage une déclaration de renseignements selon le formulaire prescrit.

[18] Étant donné qu'on considère que les prestations du RAS versées à un employé par son employeur ou par un tiers, au nom de son employeur, constituent un revenu d'emploi, l'employeur déclarera ces versements sur des feuillets T4. La déclaration des prestations du RAS versées par la CTT sur des feuillets T4A, au cours des années antérieures à 2012, ne modifie pas cette conclusion.

[19] La deuxième question à examiner dans le présent appel consiste à savoir si les prestations du RAS reçues par l'appelant en 2018 constituent une « rémunération assurable » aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, dans sa version modifiée (la « LAE ») et si les cotisations d'assurance-emploi ont été déduites correctement des prestations du RAS reçues par l'appelant.

[20] Au cours de l'année d'imposition 2018, l'appelant a reçu de la CTT des prestations du RAS s'élevant à 19 707 $ et la CTT a retenu de ces prestations 327,12 $, au titre de cotisations d'assurance-emploi. L'appelant a eu droit à la somme de 327,12 $ à titre de crédit d'impôt non remboursable, en application de l'article 118.7 de la Loi.

[21] Les définitions de « rémunération assurable » et d'« emploi assurable » se trouvent au paragraphe 2(1) de la LAE. La « rémunération assurable » est définie comme étant le total de la rémunération d'un assuré, déterminé conformément à la partie IV, provenant d'un « emploi assurable » qui, quant à lui, s'entend au sens de l'article 5 de la LAE.

[22] L'alinéa 5(1)a) de la LAE est ainsi libellé :

5(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[23] Le paragraphe 1(2) et les alinéas 2(1)a) et 2(3)d) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (le « RRAPC ») sont également pertinents et ils sont ainsi rédigés :

1(2) Pour l'application de la partie IV de la Loi et pour l'application du présent règlement, « employeur » s'entend notamment d'une personne qui verse ou a versé la rémunération d'un assuré pour des services rendus dans l'exercice d'un emploi assurable.

2(1) Pour l'application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l'application du présent règlement, le total de la rémunération d'un assuré provenant de tout emploi assurable correspond à l'ensemble des montants suivants :

a) le montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l'assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l'employeur à l'égard de cet emploi;

b) le montant de tout pourboire que l'assuré doit déclarer à l'employeur aux termes de la législation provinciale.

2(3) Pour l'application des paragraphes (1) et (2), sont exclus de la « rémunération » :

[…]

d) tout montant supplémentaire versé par l'employeur à une personne afin d'augmenter les indemnités d'assurance-salaire versées à celle-ci par une tierce partie;

[24] La portée de ces dispositions législatives et réglementaires a été examinée dans deux affaires tranchées par la Cour d'appel fédérale, à savoir Université Laval c. Canada (Ministre du revenu national), 2002 CAF 171 et Canada (Procureur général) c. Banque Nationale du Canada, 2003 CAF 242, et dans deux affaires tranchées par la Cour canadienne de l'impôt, à savoir Neuberger c. M.R.N., 2004 CCI 359 et Ilijoic c. M.R.N., 2016 CCI 74. Dans chacune de ces affaires, la Cour a conclu que les paiements versés dans le cadre d'un régime d'assurance-salaire et financés par l'employeur constituaient une rémunération assurable aux fins de la LAE.

[25] Compte tenu des faits de la présente affaire, je suis convaincu que les prestations d'invalidité reçues par l'appelant dans le cadre du RAS de la CTT ont été versées à l'appelant par la CTT à l'égard de son emploi assurable auprès de la CTT et que, par conséquent, les versements constituent une « rémunération assurable » aux fins de la LAE. Le fait que les cotisations d'assurance-emploi n'aient pas été déduites des prestations d'invalidité reçues par l'appelant au cours des années antérieures à 2012 ne modifie pas cette conclusion.

[26] Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté sans dépens.

Signé à Montréal (Québec), ce 19e jour de décembre 2022.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau


RÉFÉRENCE :

2022 CCI 162

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2021-202(IT)I

INTITULÉ :

STEFFEN MANDERLA,

c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 18 août 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 décembre 2022

COMPARUTIONS :

Représentante de l'appelant :

Natasha Vaney

Avocats de l'intimé :

Me Christopher Bartlett

Me Lalitha Ramachandran

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Natasha Vaney

 

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l'intimé :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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