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Dossier : 2021-2557(IT)G

ENTRE :

BRIAN ATTWOOD LANGFORD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Requête en radiation jugée sur dossier conformément au paragraphe 69(1) des

Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale)

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith

 

ORDONNANCE MODIFIÉE

Conformément aux motifs de l’ordonnance ci-jointe, l’avis d’appel des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national pour les années d’imposition 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2016 est radié dans son intégralité, sans autorisation de modification. Les dépens de 3 500 $, exigibles immédiatement, sont adjugés à l’intimée.

La présente ordonnance modifiée remplace l’ordonnance datée du 3 mai 2022 afin que soit ajouté le nom de l’avocat inscrit au dossier.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de mai 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de juillet 2022.

François Brunet, réviseur


Référence : 2022 CCI 46

Date : 20220503

Dossier : 2021-2557(IT)G

ENTRE :

BRIAN ATTWOOD LANGFORD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS MODIFIÉS DE L’ORDONNANCE

Le juge Smith

I – Aperçu

[1] L’intimée a déposé une requête en radiation de l’avis d’appel dans son intégralité, sans autorisation de modification, au motif que le seul argument soulevé par l’appelant porte que la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi de l’impôt sur le revenu ») est inconstitutionnelle, car l’imposition directe par une loi fédérale est ultra vires.

[2] L’intimée s’appuie sur l’article 53 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (Procédure générale) DORS/90-688a) (les « Règles ») et demande que la requête soit jugée sur dossier selon les observations écrites et sans comparution des parties. Cette dernière demande n’est pas contestée.

[3] L’appelant a interjeté appel à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 9(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2016. L’appelant indique qu’il a rempli une déclaration d’impôt pour chacune de ces années, mais reconnaît qu’il a [traduction] « négligé » de divulguer ses revenus professionnels [traduction] « en raison de sa conviction que la Loi de l’impôt sur le revenu est inconstitutionnelle ».

[4] L’appelant demande i) une ordonnance de [traduction] « révocation » des avis de nouvelle cotisation; ii) une ordonnance selon laquelle la Loi de l’impôt sur le revenu [traduction] « a été promulguée en violation de la Loi de 1867 sur la Confédération » [sic]; iii) une ordonnance selon laquelle il n’est [traduction] « pas lié par une loi promulguée en violation de la Loi constitutionnelle de 1867 » et, enfin, iv) une ordonnance de dépens de 647 789,48 $, soit le montant de la nouvelle cotisation.

[5] L’intimée soutient que, en ce concerne la question soulevée, le droit est maintenant bien fixé et que l’avis d’appel ne révèle aucun motif raisonnable d’appel. Il est soutenu que le même argument constitutionnel a été soulevé par l’appelant au cours de son procès pénal pour évasion fiscale, et que la condamnation et la peine ont été confirmées en appel.

[6] L’intimée soutient que les doctrines de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et de l’abus de procédure jouent et la Cour doit les suivres et ainsi rejeter l’appel.

[7] Pour les motifs exposés ci-dessous, la Cour conclut que l’avis d’appel doit être rayé dans son intégralité, sans autorisation de modification, le tout avec dépens pour l’intimée.

II – Contexte

[8] L’appelant a exercé la profession d’avocat au Manitoba à partir de 1980, gagnant un revenu professionnel qui fait l’objet des nouvelles cotisations en l’espèce.

[9] Il a produit une déclaration de revenus pour chacune des années d’imposition visées, mais n’a pas divulgué ses revenus professionnels. Il a finalement été accusé d’évasion fiscale aux termes de l’article 239 de la Loi de l’impôt sur le revenu et de l’article 327 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, et a été déclaré coupable de tous les chefs d’accusation. Les motifs du jugement ont été rendus par la juge Carlson, le 2 décembre 2015, et répertoriés sous R. v. Brian (Woody) Langford, 2015 MBPC 58.

[10] Dans cette instance, l’appelant a déposé un avis de question constitutionnelle visant à faire déclarer que la Loi de l’impôt sur le revenu était inconstitutionnelle et outrepassait les pouvoirs du législateur et à faire déclarer qu’il était exempté en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le procureur général du Manitoba est intervenu et s’est opposé à la demande, demandant qu’elle soit rejetée.

[11] Comme l’a expliqué la juge Carlson, l’appelant s’est appuyé sur les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, soutenant que le gouvernement fédéral ne doit dépenser les recettes provenant de l’impôt sur le revenu qu’à des fins fédérales et que chaque province doit financer ses propres obligations à l’aide de fonds provenant d’impôts directs imposés par la province. Elle a qualifié ce point de [traduction] « véritable nœud de la question soulevée » (paragraphe 19).

[12] La juge Carlson a ensuite procédé à une analyse de la distinction entre le pouvoir législatif de percevoir des recettes et le pouvoir de dépenser, en expliquant ceci :

[traduction]

[20] La réponse à la contestation soulevée par le requérant se trouve dans la distinction entre le pouvoir législatif, conféré par la Constitution, d’adopter des lois fiscales pour prélever des recettes, et le pouvoir, les contraintes et les exigences, conférés par la Constitution, relatifs à la dépense des recettes obtenues par la législation fiscale.

[21] L’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 définit la compétence législative du parlement, qui a le pouvoir exclusif de faire des lois sur des sujets particuliers, y compris l’article 91(3), « [l]e prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation ».

[22] L’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 établit le pouvoir législatif des législatures provinciales de faire exclusivement des lois relatives à des catégories de sujets particuliers énumérés, y compris, à l’article 91(2) [sic], « [la taxation directe dans les limites de la province, dans le but de prélever un revenu pour des objets provinciaux »

[23] Alors que l’article 92 exige expressément que les recettes perçues par les lois fiscales provinciales soient affectées à des fins provinciales, l’article 91 ne précise aucune fin obligatoire pour laquelle les recettes perçues par les lois fiscales fédérales doivent être utilisées, et ne prévoit aucune contrainte quant à la dépense des sommes perçues par les lois fiscales fédérales.

[24] La Loi constitutionnelle de 1867 doit être examinée dans son intégralité afin de déterminer s’il existe des limites constitutionnelles imposées aux fins pour lesquelles les revenus générés par le gouvernement fédéral peuvent être utilisés.

[25] À cet égard, l’article 106 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit ce qui suit :

Sujet aux différents paiements dont est grevé par la présente loi le fonds consolidé de revenu du Canada, ce fonds sera approprié par le parlement du Canada au service public.

[26] L’article 106, lu de concert avec les paragraphes 91(1) et 91(3), confère au législateur fédéral le pouvoir de dépenser les sommes recueillies par le gouvernement fédéral en les envoyant aux provinces sous forme de subventions et de contributions à des projets à frais partagés. Dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Canada, 2011 CSC 11 (CanLII), [2011] 1 R.C.S. 368, la Cour suprême du Canada a reconnu que le gouvernement canadien avait le droit d’adopter une loi sur les dépenses qui transférait aux provinces les recettes fiscales perçues par le gouvernement fédéral.

[27] La Loi constitutionnelle de 1867 contient en effet des dispositions qui exigent que certaines dépenses fédérales soient payées aux provinces.

[28] Un tel exemple se trouve à l’article 118 de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce texte exige que le gouvernement fédéral fasse des paiements annuels précis à certaines provinces « pour le maintien de leurs gouvernements et législatures ».

[13] Après une analyse détaillée, la juge de première instance a conclu que l’argument constitutionnel avancé par l’appelant avait déjà été [traduction] « examiné et tranché par d’autres juridictions » (par. 43), notant plus précisément ce qui suit :

[traduction]

[44] Le droit est bien fixé : la Loi de l’impôt sur le revenu est une loi fédérale valide aux termes du paragraphe 91(3) de la Loi constitutionnelle de 1867 et que l’article 92 (qui accorde aux provinces le pouvoir exclusif d’adopter des mesures d’imposition directe dans les provinces) n’enlève pas au législateur fédéral le pouvoir que lui confère le paragraphe 91(3) d’imposer directement les Canadiens (Caron v. The King), 1924 CanLII 461 (UK JCPC), [1924] A.C. 999; et plus récemment (Frank) Bruno v. Canada Customs and Revenue Agency (24 janvier 2002) Vancouver CA027674 (B.C.C.A.).

[45] Lors du Renvoi : Loi anti-inflation, 1976 CanLII 166 (CSC), [1976] 2 R.C.S. 373, la Cour suprême du Canada a confirmé que l’imposition directe relève de la compétence législative du législateur fédéral.

[14] La juge Carlson s’est également appuyée sur les arrêts Winterhaven Stables Limited c. Canada (Attorney General), 1988 ABCA 334 (demande d’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada refusée, [1989] 1 RCS xvi, p. 215), Hoffman v. The Queen (Minister of National Revenue), 2004 MBQB 164 Hoffman ») et Vander Zalm c. Colombie-Britannique (ministre des Finances), 2010 BCSC 1320.

[15] Il n’est pas nécessaire d’examiner cette jurisprudence et il suffit, aux fins des présentes, de noter que la juge Carlson a conclu qu’elle portait sur un argument constitutionnel similaire contestant le pouvoir du législateur fédéral d’adopter une loi imposant une taxation directe. Au cours des observations finales, elle a demandé à l’appelant s’il était en mesure d’avancer un argument [traduction] « qui n’avait pas été examiné par les juridictions supérieures dans la jurisprudence citée » (par. 57). L’appelant n’a pas été en mesure de le faire.

[16] La juge de première instance a finalement noté que [traduction] « la question précise discutée » par l’appelant avait déjà été tranchée dans l’arrêt Hoffman, par la Cour du Banc de la Reine du Manitoba (« CBRM »), et qu’elle était liée par cette jurisprudence [traduction] « étant donné le principe du précédent obligatoire ». Par conséquent, elle a conclu que [traduction] « la Loi de l’impôt sur le revenu relève de la compétence du législateur fédéral et est constitutionnelle » et que l’appelant [traduction] « n’a pas droit à une exemption constitutionnelle » (par. 58 à 60).

[17] L’appel interjeté à l’encontre de la condamnation de l’appelant pour évasion fiscale a été rejeté par la CBRM le 31 mai 2019 et l’autorisation d’interjeter appel a été refusée par la Cour d’appel du Manitoba (« CAM ») le 7 octobre 2019. Les deux décisions ne sont pas publiées, mais la copie de la transcription des instances a été mise à la disposition de la Cour.

[18] L’intimée ajoute qu’après la condamnation de l’appelant pour évasion fiscale, celui-ci a continué à soutenir que la Loi de l’impôt sur le revenu était inconstitutionnelle au cours des instances qui ont mené à sa radiation du Barreau du Manitoba. La Cour a reçu la copie de cette décision, répertoriée sous The Law Society of Manitoba v. Brian Attwood Langford, 2020 MBLS 5, en date du 9 juin 2020.

[19] L’appelant a également interjeté appel de sa radiation du Barreau, répertorié sous The Law Society of Manitoba v. Brian A. Langford, 2021 MBCA 87. La CAM a rejeté l’appel, en observant que [traduction] « dans des motifs fouillés », le juge de première instance dans la procédure pénale était arrivé à cette conclusion : [traduction] « le droit est bien fixé la LIR est une loi fédérale validement promulguée conformément à la Loi constitutionnelle de 1867 » (par. 4). Elle a également retenu les observations du comité disciplinaire selon lesquelles l’appelant avait [traduction] « sciemment déposé de fausses déclarations de revenus pendant neuf ans » et [traduction] « n’avait jamais tenté de déposer une contestation en bonne et due forme de la constitutionnalité du système d’impôt sur le revenu » (par. 16).

III – Le droit

  • a) La requête en radiation

[20] L’intimée cite les alinéas 53(1)c) et d) des Règles qui disposent :

Radiation d’un acte de procédure ou d’un autre document

53 (1) La Cour peut, de son propre chef ou à la demande d’une partie, radier un acte de procédure ou tout autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier parce que l’acte ou le document :

[...]

c) constitue un recours abusif à la Cour;

d) ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel.

53(2) Aucune preuve n’est admissible à l’égard d’une demande présentée en vertu de l’alinéa (1)d).

[21] L’intimée cite l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959 (« Hunt ») dans lequel le juge Wilson a indiqué que le critère applicable à une requête en radiation était de savoir si l’issue de l’affaire était « évident et manifeste » ou « hors de tout doute » à la page 980, ajoutant ce qui suit :

Ainsi, au Canada [...] dans l’hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, estil « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d’action valable? Comme en Angleterre, s’il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d’un jugement ». La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d’action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d’intenter son action. Ce n’est que si l’action est vouée à l’échec parce qu’elle contient un vice fondamental [...] que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées [...]

[22] Dans la décision Sentinel Hill Productions (1999) Corporation c. La Reine, 2007 CCI 742 (« Sentinel Hill »), le juge en chef Bowman a examiné l’application de l’article 53 des Règles, en soulignant que les principes applicables sont bien fixés. Il les a résumés comme suit (par. 4) :

a) Les faits allégués dans l’acte de procédure contesté doivent être considérés comme exacts sous réserve des limites énoncées dans l’arrêt Operation Dismantle Inc. c. Canada, 1985 CanLII 74 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 441, p.455. Il n’est pas loisible à la partie qui attaque un acte de procédure en application de l’article 53 des Règles de contester des assertions de fait.

b) Pour qu’un acte de procédure soit radié, en tout ou en partie, en application de l’article 53 des Règles, il doit être évident et manifeste que la position qui est prise n’a aucune chance de succès. Il s’agit d’un critère rigoureux, et il faut faire preuve d’énormément de prudence en exerçant le pouvoir conféré en matière de radiation d’un acte de procédure.

c) Le juge des requêtes doit éviter d’usurper les fonctions du juge du procès en tirant des conclusions de fait ou en se prononçant sur la pertinence. Il faut laisser de telles questions à l’appréciation du juge qui entend la preuve.

d) C’est l’article 53 des Règles, et non l’article 58, qu’il faut appliquer dans le cadre d’une requête en radiation.

[Non souligné dans l’original.]

[23] La Cour suprême du Canada a par la suite réexaminé la question dans l’arrêt R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, lorsqu’elle s’est penchée sur « le critère applicable à la radiation d’une demande pour absence de cause d’action raisonnable » (par. 16), et a conclu :

[25] La question de la conjecture est liée à la question de savoir si la requête devrait être rejetée en raison de la possibilité qu’une nouvelle preuve apparaisse éventuellement. Le juge saisi d’une requête en radiation se demande s’il existe une possibilité raisonnable que la demande soit accueillie. Dans le monde de la conjecture abstraite, il existe une probabilité mathématique qu’un certain nombre d’événements se produisent. Ce n’est pas ce que le critère applicable aux requêtes en radiation cherche à déterminer. Il suppose plutôt que la demande sera traitée de la manière habituelle dans le système judiciaire — un système fondé sur le débat contradictoire dans lequel les juges sont tenus d’appliquer le droit (et son évolution) énoncé dans les lois et la jurisprudence. Il s’agit de savoir si, dans le contexte du droit et du processus judiciaire, la demande n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie.

[Non souligné dans l’original.]

[24] Comme l’a noté plus tard la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Gramiak c. Canada, 2015 CAF 40, le critère du caractère « évident et manifeste » ne signifie pas que les questions doivent être « vérifié[es] rapidement, sans que cela ne requière de longues délibérations » (par. 23). La Cour doit « effectuer une analyse approfondie des questions en litige avant qu’une conclusion ne soit tirée » (par. 30).

  • b) Préclusion découlant d’une question déjà tranchée et abus de procédure

[25] L’intimée cite la décision Golden c. La Reine, 2008 CCI 173, (confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2009 CAF 86) (« Golden »), dans laquelle l’appelante avait été reconnue coupable d’évasion fiscale et la Couronne a présenté une requête devant la Cour canadienne de l’impôt en invoquant la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou l’abus de procédure pour empêcher M. Golden de plaider à nouveau les mêmes questions. Le juge Boyle a exposé les conditions préalables à l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée comme suit :

[20] Il est loisible à la Cour d’appliquer la doctrine de préclusion liée à une question en litige afin d’empêcher de remettre en cause des questions déjà tranchées devant un autre tribunal. La Cour d’appel fédérale a confirmé que la préclusion pour même question en litige découlant d’une déclaration de culpabilité prononcée dans une affaire criminelle peut s’appliquer dans une instance civile tenue devant la Cour canadienne de l’impôt : Van Rooy c. M.R.N., [1989] 1 C.F. 489, 88 DTC 6323.

[21] Les tribunaux peuvent statuer sur la question de la préclusion pour même question en litige dans le cadre d’une requête [...] avant que la preuve ne soit entendue au procès [...] en application de l’article 58 des Règles [ou] en application de l’article 53.

[...]

[23] Les conditions d’application de la doctrine de la préclusion pour même question en litige sont les suivantes :

1. La décision judiciaire antérieure doit avoir tranché la même question que celle dont la Cour est saisie, et la question devait être fondamentale à la décision antérieure en question;

2. La décision judiciaire antérieure doit être définitive;

3. ll doit y avoir identité des parties à l’instance, c’estàdire que les parties visées par la décision judiciaire antérieure, ou leurs ayants droit, doivent être les mêmes que celles visées par l’instance en cause, ou leurs ayants droit [...].

[24] La doctrine de la préclusion pour même question en litige ne peut être appliquée de manière automatique ou rigide simplement parce que les conditions susmentionnées sont remplies. Il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de décider s’il est justifié d’appliquer la préclusion pour même question en litige ou si l’application de cette doctrine serait injuste dans les circonstances particulières de l’affaire [...]

[25] Ce n’est que dans les cas manifestes qu’il y a lieu d’appliquer la doctrine de la préclusion pour même question en litige aux appels en matière fiscale interjetés devant la Cour relativement à une déclaration de culpabilité pour fraude fiscale. Cette doctrine ne doit pas être appliquée systématiquement une fois les conditions remplies. La Cour doit être convaincue que la question des sommes en cause pour chacune des années d’imposition concernées a été tranchée dans l’instance pénale [...].

[Non souligné dans l’original.]

[26] Le juge Boyle a ensuite discuté la doctrine de l’abus de procédure en indiquant qu’elle pouvait être appliquée « pour empêcher la remise en cause de questions déjà tranchées dans une autre instance judiciaire » (par. 26). Il a indiqué que « [l]a portée et le champ d’application de la doctrine de l’abus de procédure » a été examinée de manière approfondie dans l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, Toronto [Ville] c. S.C.F.P. »), en expliquant ceci :

[29] L’abus de procédure est également une doctrine que le tribunal ne doit appliquer qu’en exerçant son pouvoir discrétionnaire et en soupesant les intérêts en cause en vue de trancher une question liée à l’équité. Cependant, les considérations entourant le recours à l’abus de procédure se distinguent quelque peu de celles touchant l’application éventuelle de la préclusion pour même question en litige en ce qu’elles s’articulent autour de l’intégrité du processus juridictionnel plutôt que du statut, des motivations ou des droits des parties.

[30] Il faut éviter la réouverture de litiges à moins que des circonstances n’établissent qu’elle est, dans les faits, nécessaire à la crédibilité et à l’efficacité du processus décisionnel. Ce sera le cas (1) lorsque la première instance est entachée de fraude ou de malhonnêteté, (2) lorsque de nouveaux éléments de preuve, qui n’avaient pu être présentés auparavant, jettent de façon probante un doute sur le résultat initial, ou (3) lorsque l’équité exige que le résultat initial n’ait pas force obligatoire dans le nouveau contexte.

[Non souligné dans l’original.]

[27] La Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision, concluant que le juge Boyle n’avait pas « commis une erreur en concluant à la préclusion pour la même question en litige et à l’abus de procédure » et que, s’appuyant sur l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., M. Golden n’avait pas produit « de nouveaux éléments de preuve » qui justifiaient « un nouveau procès au sujet des revenus non déclarés » (par. 6).

IV – Les thèses des parties

  • a) La thèse de l’appelant

[28] L’appelant soutient que les juridictions judiciaires [traduction] « sont censées être les gardiens de la Constitution et protéger la règle de droit » et que la question est de savoir [traduction] « si le gouvernement fédéral est lié par la Constitution et la règle de droit ». Il soutient que le gouvernement fédéral [traduction] « impose illégalement l’impôt sur le revenu [...] depuis 1916 [sic], date à laquelle la première loi de l’impôt sur le revenu a été adoptée ».

[29] L’appelant soutient que, selon l’article 92, [traduction] « seules les provinces peuvent faire des lois en matière d’imposition directe » et que cela [traduction] « est confirmé par le préambule de l’article 91 » qui dispose, comme il l’explique, qu’[traduction] « il sera licite de faire des lois en ce qui concerne toutes les matières NON exclusivement attribuées aux provinces ». Il conclut que l’imposition directe [traduction] « est exclusivement donnée aux provinces en vertu du paragraphe 92(2) ».

[30] L’appelant trouve un appui à sa thèse dans la jurisprudence du Comité judiciaire du Conseil privé (« CJCP ») : Citizens’ and The Queen Insurance Cos. v. Parsons, 7 A.C. 96, 51 L.J.P.C. 11 (« Parsons »), et Bank of Toronto v. Lambe, (1887) 12 A.C. 575 (C.P.), 56 L.J.P.C. 87 (« Lambe »), où l’on a fait remarquer que l’intention ne pouvait pas être que le pouvoir général accordé au gouvernement fédéral de lever des fonds [traduction] « par tout mode ou système d’imposition », tel que décrit à l’article 91, puisse l’emporter sur le pouvoir plus particulier accordé aux provinces de lever des fonds par [traduction] « imposition directe dans la province » afin de lever des recettes [traduction] « à des fins provinciales ». Il conclut que [traduction] « l’impôt sur le revenu est un impôt direct et que, par conséquent, seules les provinces peuvent imposer un impôt direct ».

[31] L’appelant affirme qu’une jurisprudence ultérieure, Caron v. The King, [1924] A.C. 999 (« Caron »), sur laquelle s’appuie le défendeur, est erronée et que le CJCP n’avait [traduction] « aucune autorité pour modifier l’Acte de l’Amérique du Nord britannique ».

[32] L’appelant soutient que l’arrêt Caron a, en substance, modifié la Constitution, mais que cela n’était pas admissible parce que [traduction] « la seule façon de changer les dispositions fiscales de la Constitution est de modifier la Constitution et cela ne peut être fait par l’adoption de la Loi de l’impôt sur le revenu ». Il s’appuie sur le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, 2014 CSC 21 Renvoi relatif à la LCS »).

  • b) La thèse de l’intimée

[33] L’intimée soutient qu’il est « évident et manifeste » que l’avis d’appel ne révèle aucun « motif raisonnable d’appel » et qu’il n’a aucune chance d’aboutir parce que l’argument constitutionnel a été examiné et rejeté par l’arrêt Caron.

[34] L’intimée fait valoir que l’appelant tente de remettre en cause la question même exposée dans l’avis de question constitutionnelle qui a été examinée et rejetée par le juge de première instance lors de son procès pénal, puis confirmée en appel par la CBRM, avec autorisation d’interjeter appel refusée par la CAM. Il est soutenu que l’appelant a de nouveau présenté le même argument devant la CAM lorsqu’il a cherché à contester sa radiation par la Société du Barreau du Manitoba. Cet appel a également été rejeté.

[35] L’intimée affirme que toutes les conditions préalables à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ont été remplies, puisque la même question fondamentale a été tranchée de manière définitive dans une autre procédure judiciaire impliquant la même partie. Il est donc soutenu que la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée joue et que l’avis d’appel doit donc être radié.

[36] Citant la jurisprudence Mancuso c. Canada (Santé nationale et Bien-être social), 2015 CAF 227 (« Mancuso »), l’intimée ajoute que l’avis d’appel doit être rejeté parce qu’il constitue un abus de procédure. La Cour d’appel fédérale a alors qualifié la doctrine de l’abus de procédure de « doctrine résiduelle et discrétionnaire dont l’application et la portée sont larges ». Son objectif a été défini comme suit :

[40] [...] Son objectif est d’éviter que les mêmes points soient débattus de nouveau et d’empêcher les abus que peuvent entraîner des décisions incohérentes rendues par des juridictions différentes, lesquelles, pour leur part, porteraient atteinte aux principes de l’irrévocabilité et du respect de l’administration de la justice [...] Elle permet au juge d’empêcher la remise en cause d’une condamnation criminelle devant un for différent, comme ce fût le cas dans l’affaire SCFP.

[Non souligné dans l’original.]

[37] L’intimée soutient qu’il n’y a aucune raison de ne pas rejeter l’appel pour abus de procédure parce que l’appelant reprend l’argument même qu’il a présenté lors de son procès pénal et qu’il n’y a pas de nouvelles questions, de nouveaux éléments de preuve, qui n’avaient pu être présentés auparavant, et pas d’allégation que la procédure pénale était entachée de fraude, de malhonnêteté ou d’injustice. Il est soutenu que l’accueil de l’appel porterait atteinte à la crédibilité, à l’intégrité et à l’efficacité du système judiciaire et résulterait en une multiplication des instances sur une question qui a déjà été examinée par trois niveaux de juridictions au Manitoba. Il est soutenu que permettre que l’appel suive son cours résulterait en une utilisation discutable des ressources judiciaires et que le rejet de l’appel servirait mieux les intérêts de l’administration de la justice.

[38] Par conséquent, il est soutenu que l’acte de procédure doit être radié comme cela a été fait dans la décision Sarraf c. Canada, [1994] 2 C.T.C. 288, 94 D.T.C. 6553 (C.F. 1re inst.) (« Sarraf »), ainsi que les arrêts Bruno et Hoffman, précités.

V – Analyse

L’argument constitutionnel

[39] Dans l’arrêt Caron, le CJCP a confirmé une décision de la Cour suprême du Canada : [1922] 64 RCS 255. M. Caron, ministre de l’Agriculture, avait soutenu qu’il n’était pas tenu de payer l’impôt sur le revenu en vertu de la Loi de l’Impôt de Guerre sur le Revenu, 1917, parce que l’imposition directe excédait les pouvoirs législatifs du gouvernement fédéral.

[40] Lord Phillimore a observé que [traduction] « toute l’affaire dépend de l’interprétation et de l’application des art. 91 et 92 » (par. 9). Il a fait remarquer que [traduction] « les sommes recueillies par une loi sur l’impôt sur le revenu constituent incontestablement des sommes recueillies par un mode ou un système d’imposition » (par. 11), comme l’autorise le paragraphe 91(3) et que, conformément à l’article 92, [traduction] « chaque province peut exclusivement faire des lois relatives » aux sujets énumérés, y compris [traduction] « la taxation directe dans les limites de la province, en vue de prélever un revenu pour des objets provinciaux » (par. 12).

[41] Lord Phillimore a fait remarquer que [traduction] « des impôts directs particuliers sont réservés à la province », de sorte qu’il y a [traduction] « une certaine déduction à faire de la totalité du pouvoir apparemment accordé exclusivement au parlement du Dominion de lever des fonds à n’importe quelle fin par n’importe quel mode ou système d’imposition » (par. 13). Il a reconnu qu’il y avait une contradiction, qualifiée d’[traduction] « antinomie apparente » (par. 14), qui avait déjà été [traduction] « remarquée à l’occasion de diverses affaires », notamment dans les arrêts Parsons et Lambe. Il a observé que dans cette dernière décision, [traduction] « leurs Seigneuries avaient observé ce qui suit » :

[traduction]

Il est impossible de donner exclusivement au Dominion le pouvoir de lever des fonds par quelque mode d’imposition que ce soit, et en même temps de donner aux législatures provinciales, exclusivement ou pas du tout, le pouvoir d’imposition directe à des fins provinciales ou autres. Ce conflit même entre les deux textes a été illustré dans l’arrêt Parsons.

[...]

Leurs Seigneuries adhèrent à ce point de vue et concluent que, en ce qui concerne l’imposition directe à l’intérieur de la province pour lever des fonds à des fins provinciales, ce sujet relève entièrement de la compétence des législatures provinciales.

[42] Après avoir considéré ce qui précède, Lord Phillimore a conclu que les paragraphes 91(3) et 92(2) [traduction] « doivent être interprétés de concert » (par. 16), et a conclu ce qui suit :

[traduction]

19. De toute façon, il n’y a rien à l’article 92 qui enlève le pouvoir d’imposer toute taxe pour les besoins du Dominion qui est à première vue accordé par le paragraphe 3 de l’article 91. Il n’est donc pas ultra vires de la part du parlement du Canada d’imposer un impôt sur le revenu du Dominion pour les besoins du Dominion [...]

[Non souligné dans l’original.]

[43] Lord Phillimore a donc examiné et rejeté l’interprétation étroite des paragraphes 91(3) et 92(2) découlant des arrêts Parsons et Lambe et maintenant invoquée par l’appelant. La conclusion à laquelle est parvenu le CJCP dans l’arrêt Caron doit donc être comprise dans le contexte de l’évolution de l’interprétation judiciaire de ces dispositions.

[44] En l’état actuel du droit, le pouvoir du législateur fédéral d’adopter des lois visant à lever des fonds [traduction] « par tout mode ou système d’imposition » doit être interprété de façon large, de manière à englober l’imposition directe et indirecte, de sorte qu’il n’empiète pas sur le droit d’une province d’imposer une « taxation directe » pour lever un « revenu pour des objets provinciaux » Les provinces ont le droit d’adopter une telle législation.

[45] C’est ce que confirme le professeur Peter W. Hogg dans son examen des ententes fédéral-provinciales au moment de la confédération. Il note que le [traduction] « nouveau Dominion a reçu le pouvoir d’imposer tous les nouveaux impôts, directs ou indirects, qu’il jugeait nécessaires » et que [traduction] « les fonctions moins coûteuses des provinces ont été compensées par l’attribution à celles-ci de pouvoirs d’imposition moins étendus », y compris [traduction] « le pouvoir d’imposer uniquement des “impôts directs” [...] » Il ajoute ensuite qu’[traduction] « il ne fait aucun doute que le parlement fédéral peut prélever des impôts directs, comme l’impôt sur le revenu », expliquant que [traduction] « les pouvoirs d’imposition fédéral et provinciaux sont effectivement concomitants » : Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada (Second Edition) (Toronto : Carswell, 1985), page 112 et page 602, note de bas de page 3.

[46] En droit constitutionnel, il y a d’autres opinions doctrinales qui expliquent aussi que la compétence accordée au législateur fédéral, [traduction] « de lever des fonds par tout mode ou système d’imposition [...] comprend tout type d’imposition concevable, y compris les impôts indirects comme les douanes et les accises et les impôts directs comme les impôts sur le revenu et les droits de licence » : Guy Régimbald et Dwight Newman, Le droit constitutionnel canadien (première édition) (LexisNexis, 2013), pages 307 et 308.

[47] L’appelant cite le Renvoi relatif à la LCS à l’appui de son argument selon lequel le parlement ne pouvait pas simplement modifier la Loi constitutionnelle de 1867 en adoptant la Loi de l’impôt sur le revenu. Selon les faits particuliers de cette affaire, le gouvernement fédéral avait introduit une « législation déclaratoire » pour clarifier le sens des articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S-26.

[48] L’importance de la législation déclaratoire a été discutée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Régie des rentes du Québec c. Canada Bread Company Ltd., 2013 CSC 46. Comme l’a expliqué le juge Wagner (tel était alors son titre) au nom de la majorité (la juge en chef McLachlin et le juge Fish, dissidents), il entre dans la prérogative du législateur de jouer un rôle judiciaire et de déterminer par des lois déclaratoires l’interprétation que doivent recevoir ses lois. Une fois promulguées, elles ont un effet immédiat sur les affaires pendantes et elles font donc exception à la règle générale du caractère prospectif de la loi (par. 24 à 32).

[49] Cependant, la majorité (le juge Moldaver dissident) dans le Renvoi à la LCS, a conclu que la législation déclaratoire proposée excédait la compétence du législateur fédéral parce que la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 apporte expressément des modifications à la Cour suprême et à sa composition, sous réserve des procédures de révision constitutionnelle.

[50] La Cour conclut que l’arrêt Renvoi à la LCS repose sur des faits qui lui sont propres. Il ne peut être utilement invoqué pour soutenir que l’introduction de la Loi sur l’impôt sur le revenu constituait en substance une modification de la Loi constitutionnelle de 1867.

[51] Bien que l’appelant soutient que l’arrêt Caron est erroné, la Cour conclut qu’il demeure l’arrêt de principe sur l’argument constitutionnel qu’il soulève.

La requête en radiation

[52] Les faits exposés dans l’avis d’appel peuvent être considérés comme exacts, car ils ne sont pas controversés. L’appelant ne nie pas avoir omis de déclarer ses revenus professionnels pour les années d’imposition visées. À ce titre, il n’est pas nécessaire de produire d’autres éléments de preuve, de déterminer les faits ou de se prononcer sur la pertinence ou de tirer des conclusions en matière de crédibilité et, par conséquent, il n’y a aucun risque d’« usurper les fonctions du juge du procès », comme l’a observé le juge en chef Bowman dans l’arrêt Sentinel Hill.

[53] Bien que l’appelant soit manifestement en désaccord, la Cour conclut que l’avis d’appel n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueilli. Après avoir examiné les motifs du jugement de la juge Carlson, la conclusion tirée dans l’arrêt Caron, qui fait jurisprudence, ainsi que l’arrêt Bruno, la décision Sarraf et l’arrêt Hoffman, la Cour conclut que, en ce qui concerne la question soulevée par l’appelant, le droit est bien fixé.

[54] Il est évident et manifeste que l’avis d’appel « ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel », satisfaisant ainsi à l’alinéa 53(1)d) des Règles.

Préclusion découlant d’une question déjà tranchée et abus de procédure

[55] La Cour retient également l’argument de l’intimée portant que la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée joue parce que l’appelant tente de remettre en cause un argument concernant les mêmes années d’imposition, qui a déjà été tranché dans une autre procédure judiciaire qui le concerne directement. Cet argument a été exposé dans l’avis de question constitutionnelle et discuté par le juge de première instance dans la procédure pénale. La décision rendue est définitive et exécutoire, l’appelant ayant épuisé toutes les voies d’appel.

[56] La Cour conclut également que la tentative de l’appelant de contester les avis de cotisation pour les années d’imposition visées, sans contester les années en cause ou le montant des cotisations, constitue un abus de procédure qui répond aux exigences de l’alinéa 53(1)c) des Règles. Comme l’a fait valoir l’intimée, l’appelant n’a pas soutenu que la procédure pénale était en quelque sorte « entachée de fraude, de malhonnêteté ou d’injustice ». Conformément aux observations formulées dans l’arrêt Mancuso, je conviens que réexaminer la même question « porterai[t] atteinte aux principes de l’irrévocabilité et du respect de l’administration de la justice » (par. 40).

[57] Même si l’appelant rejette fondamentalement les issues de son procès pénal pour évasion fiscale, cette décision est définitive et exécutoire à son égard. La Cour relève, en outre, que si la CAM a initialement refusé d’accorder l’autorisation d’interjeter appel de la condamnation dans le cadre de la procédure pénale, elle a ensuite expressément rejeté l’argument constitutionnel dans le cadre de l’appel à l’encontre de sa radiation.

[58] La Cour retient donc la thèse de l’intimée : permettre à l’espèce de suivre son cours résulterait en une utilisation discutable des ressources judiciaires et ne serait pas dans l’intérêt fondamental de l’administration de la justice.

VI – Conclusion

[59] Que la Cour se fonde exclusivement sur les alinéas 53(1)c) ou d) des Règles ou qu’elle ait recours aux doctrines de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et de l’abus de procédure, la réponse est la même.

[60] L’avis d’appel est radié en entier, sans autorisation de le modifier. Les dépens de 3 500 $, exigibles immédiatement, sont adjugés à l’intimée.

Conformément à l’article 172 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), les motifs modifiés de l’ordonnance remplacent les motifs de l’ordonnance en date du 3 mai 2022 afin que soit ajouté le nom de l’avocat inscrit au dossier.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de mai 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de juillet 2022.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2022 CCI 46

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2021-2557(IT)G

 

INTITULÉ :

BRIAN ATTWOOD LANGFORD c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

MOTIFS MODIFIÉS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Guy R. Smith

 

DATE DE L’ORDONNANCE D’ORIGINE :

Le 3 mai 2022

 

DATE DE L’ORDONNANCE MODIFIÉE ET DES MOTIFS MODIFIÉS DE L’ORDONNANCE

Le 7 juin 2022

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant:

L’appelant lui-même

Pour l'intimé(e) :

Julien Bédard

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

L’appelant

 

Avocat de l’intimée :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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