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Dossiers : 2018-271(EI)

2018-272(CPP)

ENTRE :

MICHAEL M. ANDERSON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


Appels entendus le 11 décembre 2019, à Grande Prairie (Alberta); observations écrites présentées le 19 novembre, le 11 décembre et le 18 décembre 2020.

Devant : L’honorable juge Don R. Sommerfeldt


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Michael E. Wheaton

Avocat de l’intimé :

Me Andrew Lawrence


JUGEMENT

Les appels sont rejetés sans dépens et la décision du ministre du Revenu national qui fait l’objet des présents appels est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’avril 2021.

« Don R. Sommerfeldt »

Le juge Sommerfeldt


Référence : 2021 CCI 28

Date : 20210408

Dossiers : 2018-271(EI)

2018-272(CPP)

ENTRE :

MICHAEL M. ANDERSON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sommerfeldt

I. QUESTION EN LITIGE

[1] En 2016, Michael M. Anderson était-il un employé de Northern Interior Insurance Adjusters Ltd. (« NIIA »), ou sa société, 1883022 Alberta Ltd. (« 188AB »), était-elle un entrepreneur travaillant pour NIIA? C’est ce que notre Cour est appelée à décider dans les présents appels.

II. CONTEXTE PROCÉDURAL

[2] En janvier 2017, le comptable et le conseiller fiscal de M. Anderson ont demandé à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») de rendre une décision quant au statut d’emploi de M. Anderson. Dans une lettre datée du 13 mars 2017, l’agent des décisions de l’ARC a informé M. Anderson qu’il avait été déterminé qu’il n’était pas un employé de NIIA. M. Anderson a interjeté appel de cette décision auprès du ministre du Revenu national (le « ministre »). Dans une lettre datée du 16 octobre 2017, le ministre a informé M. Anderson qu’il avait été déterminé qu’en 2016, M. Anderson n’était pas un employé de NIIA, de sorte qu’il n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi (l’« AE »). M. Anderson a fait appel de la décision du ministre (la « décision »), relativement à la Loi sur l’assurance-emploi (la « LAE ») [1] et au Régime de pensions du Canada (le « RPC ») [2] .

III. LES FAITS

[3] En 2015, M. Anderson était un expert en sinistres expérimenté, instruit et compétent. Au cours de sa longue carrière, il avait déjà travaillé pour de grands cabinets d’experts en sinistres nationaux, de petits cabinets d’experts en sinistres locaux, et avait même été propriétaire et gestionnaire de son propre cabinet d’experts en sinistres. Il avait obtenu une désignation de « niveau 3 », qui est la plus haute désignation accordée par l’Insurance Council of British Columbia (l’« ICBC ») aux experts en sinistres et, lorsqu’il gérait sa propre entreprise, il avait été désigné comme « nominee » [personne désignée] (qui est une désignation requise pour superviser des experts en sinistres moins expérimentés).

[4] NIIA était une société d’experts en sinistres locale, avec des bureaux à Terrace, à Smithers et à Prince George, en Colombie-Britannique. En 2015, NIIA était détenue à parts égales par Dwayne Hillock et Stephen Ward, qui étaient tous deux des experts en sinistres de niveau 3. Plus tôt dans sa carrière, M. Anderson avait travaillé pour NIIA, pendant plusieurs années, avant de démission pour saisir une autre possibilité.

[5] À titre informatif, plusieurs années avant 2015, M. Anderson avait accepté un poste de conseiller en assurance chez Paul Davis Restoration. Par conséquent, la désignation de niveau 3 de M. Anderson est devenue caduque, car il ne travaillait plus en tant qu’expert en sinistres.

[6] Fin 2014 et début 2015, des discussions ont eu lieu entre M. Anderson et M. Hillock au sujet de la possibilité que M. Anderson se joigne de nouveau à NIIA et ouvre un bureau à Fort St. John, en Colombie-Britannique. Les discussions ont donné lieu à des négociations et finalement, lors d’un déjeuner-rencontre à la mi-février 2015, auquel assistaient M. Anderson, M. Hillock et M. Ward, NIIA a présenté à M. Anderson un document de trois pages intitulé « Offre d’emploi » [3] . Ce document n’était pas un contrat de travail typique, puisqu’il ne contenait que les dispositions suivantes :

a) une référence à la date d’entrée en fonction (c’est-à-dire le 1er mars 2015);

b) trois brèves dispositions en style télégraphique, dont deux portaient sur la rémunération à verser à M. Anderson et la troisième sur le remboursement des frais de kilométrage;

  • c) trois clauses destinées à garantir que M. Anderson ne divulguerait pas les renseignements confidentiels de NIIA ou ne tenterait pas de détourner les clients ou les employés de NIIA [4] .

La rémunération était définie comme étant une [traduction] « commission de 60 % sur les facturations », avec une rémunération de 5 000 $ chaque mois, à verser au milieu et à la fin de chaque mois [5] , qui devait être appliquée aux commissions, et avec [traduction] « le remboursement intégral du kilométrage ». Ce document ne contenait aucune des autres dispositions que l’on trouve habituellement dans un contrat de travail, comme le poste que l’employé doit occuper, la durée de l’emploi, les fonctions de l’employé, les obligations de l’employeur, les congés annuels, les avantages sociaux, etc.

[7] La copie de l’offre d’emploi déposée en preuve (pièce A-1, onglet 1) n’était pas signée. Cependant, M. Anderson et M. Hillock ont tous deux témoigné qu’ils avaient signé le document, de même que M. Ward [6] . Par conséquent, j’admets que l’offre d’emploi était signée et qu’elle constituait un contrat valide.

[8] M. Hillock a témoigné que lui et M. Ward s’efforçaient de se montrer progressistes dans la gestion et l’exploitation de l’entreprise NIIA. Lorsqu’ils étaient de jeunes experts en sinistres travaillant pour une entreprise nationale, ils ont regretté de ne pas avoir eu l’occasion de travailler en tant qu’entrepreneurs indépendants plutôt qu’en tant qu’employés. Par conséquent, dans le contexte de la gestion de NIIA, ils avaient décidé qu’ils offriraient à chaque expert en sinistres la possibilité de choisir de travailler en tant qu’employé ou en tant qu’entrepreneur indépendant. M. Hillock a été catégorique dans son témoignage : au cours des négociations qui ont mené à la conclusion d’un accord entre M. Anderson et NIIA, on a donné à M. Anderson ce choix, et il a choisi de créer une société qui offrirait ses services de manière contractuelle à NIIA.

[9] Pour sa part, M. Anderson a adopté la thèse inverse dans son témoignage. Il a allégué être d’avis qu’il aurait été contraire aux lois et aux règles qui régissent les experts en sinistres en Colombie-Britannique d’interposer une société entre NIIA et lui-même, étant donné qu’à cette époque, il n’avait plus la désignation de niveau 3 et devait travailler sous la supervision d’un expert en sinistres de niveau 3. Il a insisté sur le fait que M. Hillock et M. Ward l’ont forcé à constituer une société à laquelle sa rémunération serait versée par NIIA, et qu’il a pris cette décision à contrecœur, afin d’être payé.

[10] M. Anderson a déclaré que, bien que la date de début du 1er mars 2015 figurait sur l’offre d’emploi, il a commencé à travailler pour NIIA à la mi-février 2015. Au départ, il effectuait des travaux qui n’étaient pas associés au règlement de sinistres, mais plutôt à l’ouverture, à l’aménagement et à l’approvisionnement du nouveau bureau de NIIA à Fort St. John. Il ne pouvait pas commencer à travailler comme expert en sinistres avant que NIIA n’ait fait une demande auprès de l’ICBC pour qu’il soit désigné comme expert en sinistres autorisé à représenter NIIA. Ce processus a été achevé le 24 février 2015, date à laquelle M. Anderson a commencé à travailler sur plusieurs dossiers de règlement de sinistres qui lui avait été réservés. M. Anderson a déclaré que NIIA a accepté de lui verser 2 500 $ pour le travail qu’il avait effectué dans la seconde moitié de février, même si cela n’était pas mentionné dans l’offre d’emploi. M. Anderson a témoigné que, lorsqu’il y a eu un retard dans la réception de ce paiement au sujet duquel il a dû se renseigner, M. Ward lui a répondu qu’il ne serait pas payé tant qu’il n’aurait pas établi une société pour recevoir le paiement. Par conséquent, M. Anderson a fait en sorte que la société 188AB soit constituée le 13 mars 2015.

[11] Dans son témoignage, M. Hillock n’a pas dit que NIIA avait accepté de payer M. Anderson pour le travail qu’il avait effectué en février. Selon M. Hillock, le premier paiement effectué par NIIA a eu lieu le 15 mars 2015 et concernait le travail effectué au cours des 15 premiers jours de mars. M. Hillock a affirmé qu’à aucun moment, NIIA n’avait menacé M. Anderson ni affirmé qu’aucune rémunération ne serait versée tant et aussi longtemps que l’entreprise de M. Anderson ne serait pas constituée en société. M. Hillock a répété que c’était le choix de M. Anderson de se constituer en société.

[12] Lorsque la société 188AB a été constituée, M. Anderson a pris des dispositions pour enregistrer le nom commercial Northern Claims Services [7] .

[13] Le 13 mars 2015, M. Anderson a envoyé un courriel à MM. Hillock et Ward les informant que la société 188AB avait été constituée ce jour-là. Comme le courriel était relativement court, ne contenant que deux paragraphes, ceux-ci sont présentés ci-dessous :

[traduction]

Voici les statuts constitutifs. Pour des raisons bancaires, les traites doivent être soumises sous le nom de Northern Claims services [sic].

Est-il possible d’effectuer l’opération du 15 mars par transfert de fonds par courriel? Si c’est le cas, veuillez faites-le-moi savoir [8] .

[14] Au cours de son contre-interrogatoire, M. Hillock a reconnu qu’après que M. Anderson eut choisi de recourir à un contrat d’entrepreneur, rien n’a été fait pour modifier ou remplacer l’offre d’emploi. M. Hillock a admis qu’une telle révision aurait dû être faite, mais comme NIIA était une entreprise relativement petite et que c’était la première fois qu’un expert en sinistres choisissait de recourir à un contrat d’entrepreneur plutôt qu’à un contrat de travail, NIIA ne disposait pas des systèmes ni des protocoles nécessaires pour documenter l’entente correctement.

[15] Le ministre, par l’intermédiaire de M. Hillock, a présenté une liasse de chèques correspondant à la plupart des chèques de rémunération versés par NIIA [9] . Ces chèques couvrent les périodes de paye bimensuelles dont les dates de fin vont du 31 mars 2015 au 30 septembre 2016, ainsi que deux chèques supplémentaires datés du 9 janvier 2018 et du 18 janvier 2018 [10] . Selon les instructions de M. Anderson, chacun de ces chèques était libellé à l’ordre de Northern Claims Services.

[16] Aucun chèque n’a été produit pour le paiement, le cas échéant, des travaux effectués à la fin de février 2015 ou des travaux effectués au cours des 15 premiers jours de mars 2015. Comme il est indiqué ci-dessus, dans le courriel de M. Anderson du 13 mars 2015, il a demandé à MM. Hillock et Ward s’il était [traduction] « possible d’effectuer l’opération du 15 mars par transfert de fonds par courriel ». [11] Cependant, dans sa déposition orale, M. Anderson a affirmé que [traduction] « le premier chèque était libellé au nom de Michael Anderson, et je l’ai déposé sur le compte bancaire que j’avais créé ». [12] Ainsi, il n’est pas clair si le paiement du 15 mars 2015 a été effectué par virement de fonds par courriel ou par chèque.

[17] Au départ, NIIA a posté les chèques de rémunération à Northern Claims Services ou à M. Anderson (la preuve n’est pas claire quant au nom du destinataire inscrit sur les enveloppes dans lesquelles les chèques ont été postés), soit au bureau de NIIA à Fort St. John, soit à la résidence de M. Anderson à Grande Prairie. M. Anderson a trouvé que la livraison ces chèques prenait trop de temps; il a donc pris des dispositions avec le directeur de NIIA à Terrace, où se trouvait le bureau administratif de NIIA, pour que les chèques soient déposés directement sur le compte bancaire dont Northern Claims Services disposait dans une banque à charte canadienne [13] . M. Anderson a mentionné une entente de dépôt direct, mais je crois comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une situation où de l’argent était transféré électroniquement du compte bancaire de NIIA directement au compte bancaire de Northern Claims Services. L’entente prévoyait plutôt le dépôt physique d’un chèque à proprement parler sur le compte bancaire de Northern Claims Services [14] .

[18] M. Anderson ou la société 188AB (selon le point de vue que l’on adopte) avait le droit d’être remboursé pour certaines dépenses engagées dans le cadre de son travail pour NIIA. Pendant les 19 mois où M. Anderson ou la société 188AB a travaillé pour NIIA, trois chèques de remboursement ont été émis. Deux de ces chèques étaient libellés à l’ordre de M. Anderson, et un chèque était libellé à l’ordre de Northern Claims Services. M. Hillock a affirmé que c’était une erreur de la part de NIIA d’avoir libellé deux des chèques de remboursement à l’ordre de M. Anderson, plutôt que de suivre les instructions de ce dernier de libeller les chèques à l’ordre de Northern Claims Services.

[19] À un moment donné, M. Anderson a pris des dispositions pour que NIIA ouvre un bureau à Grande Prairie, en Alberta. Apparemment, ce bureau était situé dans la maison de M. Anderson.

[20] En mars ou avril 2016, il a été décidé de réduire les rémunérations mensuelles de 5 000 $ à 4 000 $ et d’augmenter le taux de commission de 60 à 65 % [15] . M. Hillock a expliqué que cette décision a été prise parce que les bureaux de Fort St. John et de Grande Prairie étaient moins rentables que prévu. M. Anderson a affirmé qu’il s’agissait d’une décision unilatérale prise par NIIA, qui lui a été imposée.

[21] Beaucoup des chèques correspondant aux rémunérations versées par NIIA étaient de 2 500 $ (du 31 mars 2015 au 31 mars 2016) ou de 2 000 $ (du 29 avril 2016 au 30 septembre 2016). Pour les mois où une commission supplémentaire était gagnée, les montants des chèques étaient plus importants (par exemple, 2 885,50 $ le 15 avril 2016, 5 110 $ le 12 mai 2016 et 6 345,70 $ le 15 juillet 2016). Plusieurs des chèques bimensuels combinaient la rémunération bimestrielle (qui pouvait parfois inclure une commission supplémentaire) et le remboursement des frais d’automobile (calculés en fonction du coût au kilomètre) [16] . Il semble qu’après que M. Anderson ou la société 188AB avoir cessé de travailler pour NIIA, NIIA a émis quatre chèques supplémentaires, représentant apparemment une rémunération pour les travaux en cours (les « TEC ») de M. Anderson ou la société 188AB, facturés par NIIA après le départ de M. Anderson [17] .

[22] Diverses mentions manuscrites figuraient dans le coin inférieur gauche des différents chèques. Par exemple, la mention [traduction] « Contrat de services, du 15 au 31 mars » a été utilisée pour décrire le chèque daté du 31 mars 2015. Bien que l’écriture ne soit pas claire, il semble que sur chaque chèque, du 15 avril 2015 au 15 juin 2015, figure l’expression [traduction] « honoraires de l’entrepreneur » après une mention de la période chronologique couverte par le chèque. Le chèque daté du 30 juin 2015 portait la mention [traduction] « Contrat de ventes, du 15 au 30 juin »; et le chèque daté du 15 juillet 2015 portait la mention [traduction] « Contrat du 1er au 15 juillet ». Sur le chèque daté du 30 juillet 2015 figurait la mention [traduction] « kilométrage et rémunération de juin fin 30 juillet 2015 ». D’autres chèques comportaient simplement les dates de début et de fin de la période chronologique correspondant au chèque, et, le cas échéant, une référence aux frais d’automobile. Notamment, le chèque daté du 30 septembre 2015 portait la mention [traduction] « paye du 15 au 30 sept. 2015 », tandis que le chèque daté du 15 octobre 2015 portait la mention [traduction] « rémunération normale ». Du 30 octobre 2015 au 18 janvier 2018, tous les chèques déposés en preuve portaient la mention [traduction] « Services contractuels », parfois suivie des dates de la période chronologique applicable ou d’une référence à des frais de kilométrage ou d’automobile.

[23] Aucune retenue à la source (au titre de l’impôt sur le revenu, des cotisations à l’assurance-emploi ou des cotisations au Régime de pensions du Canada) n’avait été effectuée sur les chèques représentant les rémunérations, les commissions supplémentaires ou les paiements faits après le départ de M. Anderson [18] .

[24] Selon M. Hillock, au cours de cette période approximative qui fait l’objet des présents appels, six experts en sinistres ont travaillé pour NIIA. Il n’a pas indiqué si lui et M. Ward faisaient partie de ces six experts ou s’ils s’y ajoutaient. Quatre de ces experts en sinistres avaient choisi de travailler comme employés et deux d’entre eux (c’est-à-dire M. Anderson et un autre expert) avaient choisi de fournir des services par l’intermédiaire de sociétés contractantes [19] . NIIA a effectué des retenues à la source sur la rémunération versée aux quatre employés, mais pas sur celle versée aux deux sociétés contractantes. À la fin de 2015 et de 2016, NIIA a émis des feuillets T4 aux quatre employés, mais pas aux deux experts en sinistres ayant des sociétés contractantes [20] .

[25] Lorsque M. Anderson a rempli sa déclaration de revenus T1 pour 2015, le 4 août 2016, il a déclaré 1 $ de revenu d’emploi [21] . Il n’a déclaré aucun revenu d’entreprise. M. Anderson a déclaré que sa comptable a retardé la production de la déclaration de revenus de 2015 parce qu’elle essayait, sans succès, d’obtenir de NIIA un feuillet T4 concernant M. Anderson. M. Anderson n’a pas produit de déclaration de revenus T1 pour 2016 [22] . Lors de son témoignage, M. Anderson a expliqué qu’il ne pouvait pas remplir sa déclaration de revenus pour 2016, car son statut (en tant qu’employé de NIIA ou en tant qu’actionnaire et employé de la société 188AB) n’avait pas encore été déterminé.

[26] Bien que les éléments de preuve ne soient pas clairs, il semble que la société 188AB n’ait pas obtenu de numéro d’entreprise auprès de l’ARC et qu’elle n’ait pas non plus déposé de déclaration de revenus T2 auprès de l’ARC. De plus, il semble que la société 188AB ne se soit pas inscrite en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») aux fins de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») [23] .

[27] Malheureusement, en 2016, M. Anderson a été blessé dans trois accidents de la route, chacun étant un peu plus grave que l’accident précédent. Le premier accident s’est produit en mars 2016, alors que M. Anderson traversait un stationnement et que son véhicule a été percuté par un autre véhicule qui quittait une place de stationnement en marche arrière [24] . À la suite de cet accident, M. Anderson a subi un grave coup de fouet cervical, suivi de maux de tête débilitants, qui ont nécessité des séances de physiothérapie et la prise d’analgésiques.

[28] Quelques mois plus tard, en août 2016, après une séance de physiothérapie douloureuse qui a nécessité la prise d’analgésiques, alors que M. Anderson conduisait de Grande Cache à Grande Prairie, il s’est endormi au volant et son véhicule a heurté l’arrière d’un camion de soudage [25] . M. Anderson aurait pu mourir dans cet accident, ce qui a été évité de peu.

[29] Le 15 décembre 2016, alors qu’il rentrait de Prince George pour se rendre à Grande Prairie, M. Anderson s’est endormi sur le siège passager du véhicule que son épouse conduisait. En raison du mauvais état de la route, alors qu’elle traversait un pont, elle a perdu le contrôle du véhicule, qui est passé par-dessus le pont et a dévalé un talus abrupt, faisant six tonneaux avant de s’immobiliser dans un profond ravin. M. Anderson a subi [traduction] « une lésion cérébrale assez grave » dans cet accident [26] .

[30] En raison de la lésion cérébrale subie lors de son troisième accident, M. Anderson s’est retrouvé handicapé à plusieurs niveaux. Il a fait des progrès remarquables, et peut-être miraculeux, pour se remettre de ses blessures. Néanmoins, M. Anderson a expliqué qu’il souffrait depuis de problèmes cognitifs et des problèmes de mémoire, bien que ces derniers concernent davantage la mémoire à court terme que celle à long terme. M. Anderson a déclaré qu’il continuait de [traduction] « souffrir d’un grave SSPT [syndrome de stress post-traumatique] à la suite de l’accident et des circonstances entourant [son] emploi [...] », et qu’il recevait toujours des traitements [27] .

[31] Après le deuxième accident, M. Anderson s’est rendu compte que sa convalescence prendrait un certain temps, et il s’est demandé s’il était en mesure de continuer à travailler. Par conséquent, le 8 septembre 2016, il a envoyé une lettre à NIIA, à l’attention de M. Hillock, pour demander un congé autorisé [28] . Dans cette lettre, après avoir mentionné que ses conseillers médicaux lui avaient suggéré de moins travailler et de se reposer davantage pendant sa convalescence, il a déclaré ce qui suit dans le contexte de l’assurance-emploi :

[traduction]

Je n’ai pas droit aux prestations d’assurance-emploi et nous n’avons pas de programme pour les personnes handicapées, que ce soit par l’intermédiaire de votre bureau ou personnellement [...]

Par conséquent, j’aimerais savoir si nous sommes couverts par le programme de la CSPAAT [Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail] sur le plan provincial, ou par tout autre programme que j’aurais négligé[?] [29] [Non souligné dans l’original.]

IV. DISCUSSION

A. Employé ou entrepreneur indépendant :

[32] M. Anderson prétend qu’il était un employé de NIIA. Le ministre affirme que M. Anderson travaillait pour la société 188AB, qui était un entrepreneur engagé par NIIA. Rien n’indique que M. Anderson était lui-même un entrepreneur indépendant engagé par NIIA. Néanmoins, le critère utilisé pour déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant peut s’appliquer dans une certaine mesure pour résoudre la question fondamentale faisant l’objet des présents appels.

1) La jurisprudence

[33] Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, la « question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte [30] . Pour régler la question, les facteurs suivants doivent généralement être pris en compte :

a) L’employeur contrôle-t-il les activités du travailleur?

b) L’employeur fournit-il les outils et l’équipement requis par le travailleur, ou le travailleur doit-il fournir ses propres outils et son propre équipement?

c) Le travailleur engage-t-il lui-même ses assistants?

d) Quel est le degré de risque financier pris par le travailleur? En d’autres termes, le travailleur court-il un risque de perte?

e) Jusqu’à quel point le travailleur est-il responsable des mises de fonds et de la gestion?

f) Jusqu’à quel point le travailleur peut-il tirer profit de l’exécution de ses tâches [31] ?

Il n’existe pas de formule fixe concernant l’application des facteurs mentionnés ci-dessus, dont la liste est non restrictive [32] .

[34] Au cours des deux dernières décennies, les tribunaux ont noté l’importance de tenir compte de l’intention déclarée des parties (c’est-à-dire l’employeur et le travailleur) pour déterminer si le travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant. Le rôle de l’intention a été expliqué de la manière suivante par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Connor Homes :

30 Parallèlement au critère formulé par les arrêts Wiebe Door et Sagaz, s’est fait jour ces dernières années une autre tendance jurisprudentielle qui accorde un poids substantiel à l’intention déclarée des parties; voir Wolf c. La Reine, 2002 D.T.C. 6053 (C.A.F.) [...] Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national), 2006 CAF 87 [...]

33 Par conséquent, la jurisprudence de Royal Winnipeg Ballet enseigne que le premier point à prendre en considération est celui de savoir s’il y a chez les parties une entente ou une intention commune touchant leur relation. Lorsque l’on constate une telle intention commune, qu’elle soit d’établir une relation de client à entrepreneur indépendant ou d’employeur à employé, il convient d’appliquer le critère consacré par la jurisprudence Wiebe Door en examinant les facteurs voulus à la lumière de cette intention afin d’établir si, tout bien pesé, les faits pertinents cadrent avec celle‑ci et la confirment […]

38 C’est pourquoi les arrêts Wolf et Royal Winnipeg Ballet exposent une méthode en deux étapes pour l’examen de la question centrale, telle que l’ont définie les arrêts Sagaz et Wiebe Door, qui est d’établir si l’intéressé assure, ou non, les services en tant que personne travaillant à son compte.

39 La première étape consiste à établir l’intention subjective de chacune des parties à la relation. On peut le faire soit d’après le contrat écrit qu’elles ont passé, soit d’après le comportement effectif de chacune d’elles, par exemple en examinant les factures des services rendus, et les points de savoir si la personne physique intéressée s’est enregistrée aux fins de la TPS et produit des déclarations d’impôt en tant que travailleur autonome.

40 La seconde étape consiste à établir si la réalité objective confirme l’intention subjective des parties. Comme le rappelait la juge Sharlow au paragraphe 9 de l’arrêt TBT Personnel Services Inc. c. Canada, 2011 CAF 256 [...], « il est également nécessaire d’examiner les facteurs exposés dans Wiebe Door afin de déterminer si les faits concordent avec l’intention déclarée des parties. » Autrement dit, l’intention subjective des parties ne peut l’emporter sur la réalité de la relation telle qu’établie par les faits objectifs. À cette seconde étape, on peut aussi prendre en considération l’intention des parties, ainsi que les modalités du contrat, puisqu’elles influent sur leurs rapports. Ainsi qu’il est expliqué au paragraphe 64 de l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, les facteurs applicables doivent être examinés « à la lumière de » l’intention des parties. Cela dit, cependant, la seconde étape est une analyse des faits pertinents aux fins d’établir si le critère des arrêts Wiebe Door et de Sagaz est, ou non, rempli, c’est‑à‑dire [...] si la relation qu’ont nouée les parties est, sur le plan juridique, une relation de client à entrepreneur indépendant ou d’employeur à employé.

41 La question centrale à trancher reste celle de savoir si la personne recrutée pour assurer les services le fait, concrètement, en tant que personne travaillant à son compte. Comme l’expliquent aussi bien les arrêts Wiebe Door que Sagaz, aucun facteur particulier ne joue de rôle dominant, et il n’y a pas de formule fixe qu’on puisse appliquer, dans l’examen qui permet de répondre à cette question. Les facteurs à prendre en considération varient donc selon les faits de l’espèce. Néanmoins, les facteurs que spécifient les arrêts Wiebe Door et Sagaz sont habituellement pertinents, ces facteurs étant le degré de contrôle exercé sur les activités du travailleur, ainsi que les points de savoir si ce dernier fournit lui‑même son outillage, engage ses assistants, gère et assume des risques financiers, et peut escompter un profit de l’exécution de ses tâches [...]

42 [...] La première étape de l’analyse doit toujours être de déterminer l’intention des parties puis, en deuxième lieu, d’examiner sous le prisme de cette intention la question de savoir si leurs rapports, concrètement, révèlent des rapports d’employeur à employé ou de client à entrepreneur indépendant [33] .

[35] Dans Institut de l’assurance de l’Ontario, alors qu’il examinait l’application des deux étapes du critère énoncé dans Connor Homes, le juge Graham s’est concentré précisément sur la question de savoir si le résultat de la première étape avait une incidence sur l’application du critère de la deuxième étape. Il a conclu « que l’intention doit être pertinente lorsque les facteurs Wiebe Door et Sagaz établissement [sic] la nature d’une relation d’une certaine façon, mais que les parties avaient l’intention qu’elle soit une autre chose et que leur relation réelle est similaire à leur intention » [34] . Concernant l’application du critère de la deuxième étape, le juge Graham a affirmé ce qui suit :

26. Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que la deuxième étape du critère Connor Homes doit être appliquée comme suit :

  • a) Lorsque le payeur et le travailleur n’ont pas une intention commune, leur relation sera celle indiquée par les facteurs Wiebe Door et Sagaz.

  • b) Lorsque le payeur et le travailleur ont une intention commune :

  1. si les facteurs Wiebe Door et Sagaz correspondent à cette intention commune, alors leur relation sera celle qu’ils ont voulue;

  2. si les facteurs Wiebe Door et Sagaz sont totalement incompatibles avec cette intention commune, alors leur relation sera celle indiquée par ces facteurs;

  3. si les facteurs Wiebe Door et Sagaz sont incompatibles avec cette intention commune, mais que les parties agissent et poursuivent néanmoins leur relation d’une manière similaire à ce que l’on attendrait de leurs intentions, alors leur relation sera celle qu’elles ont voulue [35] .

2) Application

[36] En suivant les directives énoncées dans l’arrêt Connor Homes, je vais d’abord examiner s’il y avait une compréhension mutuelle ou une intention commune entre NIIA, la société 188AB et M. Anderson concernant leur relation. J’examinerai ensuite les facteurs énoncés dans l’arrêt Sagaz et la décision Wiebe Door à la lumière de cette intention mutuelle (le cas échéant) afin de décider si, tout bien pesé, les faits pertinents soutiennent cette intention et sont compatibles avec celle-ci.

a) Intention

[37] La preuve n’établit pas clairement que NIIA, la société 188AB et M. Anderson avaient une intention commune dans un sens ou dans l’autre. Certains éléments de preuve indiquent l’intention de créer une relation d’entrepreneur. Par exemple, M. Hillock a témoigné que NIIA a donné à M. Anderson le choix de travailler comme employé ou de constituer une société qui agirait en tant qu’entrepreneur, et que M. Anderson a choisi cette dernière solution. M. Anderson a ensuite pris des dispositions pour que la société 188AB soit constituée et a demandé que les chèques de rémunération soient déposés sur le compte bancaire de la société 188AB. En informant NIIA du nom de sa nouvelle société, M. Anderson a également fourni le nom commercial de la société, que M. Anderson a présenté comme étant la raison sociale sous laquelle [traduction] « elle fait affaire ».

[38] D’autres éléments de preuve indiquent l’intention de créer une relation d’emploi. Par exemple, le document que MM. Hillock, Ward et Anderson ont signé lors de leur réunion en février 2015 était intitulé [traduction] « Offre d’emploi ». La société 188AB n’a pas émis de factures à NIIA. La société 188AB ne s’est pas inscrite auprès de l’ARC afin d’obtenir un numéro de TPS, et n’a pas non plus perçu la TPS auprès de NIIA [36] . Rien ne prouve que la société 188AB ait déposé une déclaration de revenus des sociétés pour déclarer ses revenus d’entreprise. Les cartes professionnelles dont se servait M. Anderson ne comportaient que son nom, mais aucune référence à la société 188AB [37] . De plus, M. Anderson a été catégorique durant son témoignage de vive voix sur le fait qu’il avait eu l’intention d’être un employé de NIIA.

[39] Autre possibilité : en 2015 et 2016, M. Anderson et NIIA (représentée par M. Hillock et M. Ward) avaient bien une intention commune selon laquelle la société 188AB était un entrepreneur indépendant engagé par NIIA pour fournir des services de règlement de sinistres en assurance, mais que, quelque temps après que M. Anderson a cessé de travailler, sa compréhension ou son souvenir de l’entente a changé, peut-être en raison de la lésion cérébrale qu’il a subie dans le troisième accident de la route. Indépendamment de la raison sous-jacente des points de vue divergents de MM. Anderson et Hillock, il est clair que, lorsque les présents appels ont été introduits, puis entendus, MM. Anderson, la société 188AB et NIIA n’avaient aucune intention commune quant à la nature de leur ancienne relation. Compte tenu de l’absence actuelle de consensus entre M. Anderson, la société 188AB et NIIA, je supposerai, aux fins de l’analyse fondée sur les décisions Sagaz, Wiebe Door et Connor Homes, qu’il n’y avait pas d’intention commune clairement établie en 2015 et 2016 quant à la nature de la relation entre ces parties.

[40] Après avoir franchi la première étape de l’analyse énoncée dans l’arrêt Connor Homes, sans avoir conclu à une intention commune d’avoir établi une relation d’entrepreneur ou une relation d’emploi, je passe maintenant à la deuxième étape de l’analyse énoncée dans l’arrêt Connor Homes, et j’entreprends dans une analyse des facteurs énoncés dans Sagaz et dans Wiebe Door, en vue de déterminer la nature de l’ancienne relation entre M. Anderson, la société 188AB et NIIA.

b) Le degré de contrôle

[41] Comme M. Anderson n’était pas un expert en sinistres de niveau 3 en 2015 et 2016, il était tenu aux termes du régime législatif et réglementaire applicable de travailler sous la supervision d’un expert en sinistres de niveau 3, tel que M. Hillock ou M. Ward. Ainsi, en ce qui concerne le régime législatif et réglementaire, on peut dire qu’il existait un élément de contrôle de NIIA sur M. Anderson. En revanche, M. Anderson avait une désignation de niveau 2 uniquement parce qu’il avait quitté la profession d’expert en sinistres pendant plusieurs années avant d’exercer de nouveau sa profession en 2015. M. Hillock a témoigné que M. Anderson était un expert en sinistres principal expérimenté, qui avait déjà atteint le niveau 3, qui avait été directeur de succursale, qui avait des compétences techniques et qui pouvait rédiger ses propres rapports aux assureurs sans supervision [38] . En outre, M. Anderson avait auparavant possédé et géré sa propre entreprise de règlement de sinistres [39] . M. Hillock a témoigné qu’il n’exerçait aucun contrôle sur la façon dont M. Anderson organisait ou exécutait ses activités de règlement des sinistres [40] , et que [traduction] « M. Anderson travaillait essentiellement seul » [41] .

[42] D’après ce que je comprends, même si NIIA détenait la licence aux termes de laquelle M. Anderson travaillait, elle ne contrôlait pas la manière dont il enquêtait sur les accidents, interagissait avec les assurés, les demandeurs et les autres experts en sinistres, rédigeait ses rapports à l’intention des assureurs qu’il représentait, ou réglait par ailleurs les sinistres. En d’autres termes, même si, aux fins des règles de l’ICBC, M. Anderson était autorisé à représenter NIIA et que cette dernière était en mesure de contrôler le résultat ou la qualité du travail effectué par M. Anderson, cette circonstance ne constituait pas un contrôle de NIIA sur l’exécution par M. Anderson de ses activités d’expert en sinistres [42] .

c) Outils et équipement

[43] NIIA a fourni à M. Anderson et à la société 188AB un bureau à Fort St. John, un ordinateur portable, des logiciels (y compris des logiciels personnalisés pour les experts en sinistres), une connexion Internet, des services publics et des fournitures de bureau [43] . M. Anderson devait fournir son propre véhicule, son téléphone portable et son appareil photo, bien que lui-même ou la société 188AB ait été remboursé pour certains frais d’utilisation d’un véhicule et d’un téléphone, et il était payé 2 $ pour chaque photo qu’il prenait avec son propre appareil en tant qu’expert en sinistres et qui était utilisée dans un dossier client. Lorsque NIIA a ouvert un bureau à Grande Prairie, celui-ci était situé dans la maison de M. Anderson. Aucun élément de preuve n’indique que NIIA a payé un loyer à M. Anderson pour cet espace de bureau à domicile ni que NIIA a remboursé à M. Anderson la partie des coûts d’occupation liée à l’entreprise, comme les services publics, l’assurance ou les impôts fonciers.

d) Embauche d’aides

[44] Aucun élément de preuve détaillé n’a été produit quant à savoir si des aides ont été embauchées, soit par M. Anderson, soit par la société 188AB, pour l’épauler dans ses responsabilités liées au règlement de sinistres. Cependant, lorsque M. Anderson a pris des dispositions pour que NIIA loue une boîte postale à Grande Prairie, l’épouse de M. Anderson a été désignée à titre de personne supplémentaire autorisée à ramasser le courrier [44] . Après le deuxième accident de voiture de M. Anderson en 2016, sa femme a parfois conduit à sa place pour des déplacements professionnels [45] . Aucune preuve n’a été présentée quant à savoir si elle était payée pour ramasser le courrier ou pour conduire.

e) Risque de pertes

[45] Il n’y a aucune preuve que M. Anderson ou la société 188AB a subi une perte en 2015 ou 2016. Étant donné que des rémunérations bimensuelles fixes de 2 500 $ ou de 2 000 $ (avant ou après mars/avril 2016 respectivement) ont été versées par NIIA à la société 188AB, et que de nombreuses dépenses engagées par M. Anderson ou la société 188AB ont été remboursées par NIIA, il est peu probable qu’il y ait eu un risque important de subir une perte. Néanmoins, M. Anderson ou la société 188AB aurait pu subir une perte si les dépenses non remboursées avaient dépassé le total des rémunérations pour un exercice particulier. De plus, l’utilisation par M. Anderson de son véhicule dans le cadre de son travail comportait ses propres risques, comme la Cour l’indique la décision Dynamex Canada :

Le contrat de [l’appelant] lui faisait aussi courir le risque de subir des pertes importantes. Les amendes liées à des infractions aux règlements de la circulation, les dommages causés au véhicule et la possibilité d’être tenu responsable des dommages causés à des tiers dans le cadre du travail constituaient tous des risques pouvant entraîner des pertes. Certains de ces risques étaient très importants, et [l’appelant] pouvait se protéger contre certains d’entre eux au moyen de contrats d’assurance. Il était même tenu de contracter une assurance contre le recours des tiers. Cependant, les pertes imprévues constituent toujours un risque dans les cas où les travailleurs fournissent leurs propres véhicules [46] .

f) Responsabilité liée aux mises de fonds et à la gestion

[46] Aucune preuve n’a été produite quant à ce facteur particulier.

g) Possibilité de profit

[47] L’entente aux termes de laquelle M. Anderson ou la société 188AB travaillait offrait de toute évidence une possibilité de profit. Au départ, la rémunération consistait en des versements mensuels de 5 000 $ (c’est-à-dire 2 500 $ au milieu du mois et 2 500 $ à la fin du mois). Les versements mensuels sont ensuite passés à 4 000 $ (c’est-à-dire 2 000 $ au milieu du mois et 2 000 $ à la fin du mois). En outre, M. Anderson ou la société 188AB avait initialement droit à 60 % de toutes les facturations pour son travail dans la mesure où celles-ci dépassaient 5 000 $ par mois. En mars ou avril 2016, le taux de commission est passé à 65 % de toute facturation supérieure à 4 000 $ par mois. Cet objectif était réalisable, comme en témoignent les chèques de rémunération versés à Northern Claims Services de 2 885,50 $ le 15 avril 2016, de 5 110 $ le 12 mai 2016, de 6 345,70 $ le 15 juillet 2016, de 7 851,30 $ le 9 janvier 2018 et de 4 205,85 $ le 18 janvier 2018 [47] . De plus, le tableau qui constitue la première page de la pièce R-5 indique que des chèques de rémunération de 1 336 $ et de 6 097,25 $ ont été versés par NIIA à la société 188AB le 15 décembre 2016 et le 13 janvier 2017 respectivement [48] .

[48] M. Anderson avait la réputation d’être un expert en sinistres expérimenté. Cette réputation attirait des clients pour NIIA. Plus précisément, M. Anderson avait des contacts avec trois assureurs, qu’il appelait [traduction] « Mutual Fire, SGI, [et] Intact Assurance », ce qui lui aurait donné une plus grande possibilité de toucher des commissions [49] . En outre, il est arrivé à M. Anderson d’effectuer divers voyages de marketing, parfois accompagné de M. Hillock et de M. Ward [50] .

h) Appréciation et pondération

[49] À mon avis, le critère de contrôle, lorsqu’il est considéré dans le contexte des contrats de travail (par opposition au contexte de la réglementation gouvernementale), indique un statut d’entrepreneur. Le critère lié aux outils et équipements est quelque peu équilibré. Bien que le critère de l’embauche d’aides puisse être un facteur neutre, il pourrait éventuellement indiquer la présence d’une situation d’entrepreneur, selon la situation de Mme Anderson, qui n’a pas été pleinement établie dans la preuve. Le critère de possibilité de profit milite clairement en faveur d’une situation d’entrepreneur, tandis que le critère de risque de perte va dans les deux sens. Le critère de la responsabilité liée aux mises de fonds et à la gestion n’est pas pertinent selon les éléments de preuve présentés à l’audience.

[50] Sans tenir compte de l’interposition de la société 188AB entre NIIA et M. Anderson, tout bien pesé, les facteurs énoncés dans les décisions Sagaz et Wiebe Door militent en faveur du statut d’entrepreneur. La question est de savoir dans quelle mesure, le cas échéant, la présence de la société 188AB a une incidence sur l’analyse. Avant d’examiner cette question, il serait toutefois utile de discuter de la notion du continuum entre un employé et un entrepreneur indépendant.

B. Continuum entre un employé et un entrepreneur indépendant

[51] L’avocat de M. Anderson m’a renvoyé à la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Pasche c. MDE Enterprises Ltd. [51] . Cette affaire concernait une action en congédiement abusif par un travailleur, qui ne s’était pas constitué en société et qui prétendait être un employé, alors que l’entité pour laquelle le travail était effectué affirmait que le travailleur était un entrepreneur indépendant. Dans sa décision, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a reconnu qu’au cours des dernières années, divers tribunaux ont jugé qu’il existait une catégorie intermédiaire dans [traduction] « le continuum entre un employé et un entrepreneur indépendant » [52] . Dans l’arrêt Pasche, la Cour a cité la déclaration suivante de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans une affaire antérieure :

[traduction]

La jurisprudence en matière de droit du travail a évolué, dans un passé relativement récent, les tribunaux reconnaissant les réalités du lieu de travail moderne et le fait que la relation entre les travailleurs et ceux à qui ils fournissent leurs services n’est pas simplement binaire – soit une relation employé-employeur, soit une situation d’entrepreneur indépendant. Dans plusieurs décisions, les tribunaux ont fini par reconnaître qu’il existe une variété d’arrangements que les parties peuvent conclure. L’approche à adopter consiste à examiner la situation d’un point de vue fonctionnel.

Il en résulte la reconnaissance de relations qui s’inscrivent entre les deux modèles traditionnels [53] [...]

[52] En Colombie-Britannique, ces cas hybrides ou à mi-chemin dans le continuum sont parfois qualifiés de cas « intermédiaires » [54] . En Ontario, ces relations sont généralement définies comme des relations d’[traduction] « entrepreneur dépendant » [55] .

[53] Dans l’arrêt Pasche, la Cour a également cité la déclaration suivante de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans une autre affaire :

[traduction]

En règle générale, une personne figurant sur la liste de paye d’un employeur et pour laquelle celui-ci effectue les retenues légales traditionnelles sur son salaire sera considérée comme un employé. Si son contrat n’en dispose pas autrement, cette personne a droit à un préavis raisonnable de cessation de son emploi. Un entrepreneur indépendant, en revanche, n’est pas un employé. Entre ces deux états se trouve un produit de la common law : l’entrepreneur dépendant. L’entrepreneur dépendant n’est pas inscrit sur la feuille de paye, mais il se conduit et est considéré comme un employé à presque tous les autres égards. Un entrepreneur dépendant a droit à un préavis raisonnable de résiliation de son contrat [56] .

Dans Pasche, la Cour a conclu que le plaignant n’était ni un employé ni un entrepreneur indépendant, mais un entrepreneur dépendant. Notablement, dans l’arrêt Pasche, la Cour a estimé qu’un entrepreneur dépendant n’était pas un employé [57] .

[54] D’après Pasche et certaines des décisions qui y sont citées, dans le cadre d’un congédiement abusif, un entrepreneur dépendant a également droit à certaines des protections dont bénéficie un employé, telles qu’un préavis de cessation adéquat. Je ne suis pas certain que ce principe puisse être appliqué à la détermination du statut d’un travailleur dans le contexte de la LAE et du RPC. En outre, comme il est indiqué ci-dessus, dans Pasche, la Cour a indiqué qu’un entrepreneur dépendant n’était pas un employé.

[55] Aux termes du paragraphe 5(1) de la LAE, à l’exception du service dans les Forces canadiennes ou dans une force policière, le terme emploi assurable nécessite qu’il y ait un emploi dans l’une des quatre catégories précisées [58] . De même, il ressort clairement de la définition du terme emploi ouvrant droit à pension aux paragraphes 2(1) et 6(1) du RPC que l’emploi ouvrant droit à pension nécessite qu’il y ait emploi.

[56] D’après Pasche et certaines des affaires qui y sont citées, il est clair qu’une relation hybride ou une autre relation employeur-travailleur se situant dans la catégorie intermédiaire peut s’apparenter à un emploi, mais ne constitue pas un emploi en soi. En d’autres termes, une relation de quasi-emploi n’est pas réellement un emploi [59] . Ainsi, à mon avis, une relation hybride, d’entrepreneur dépendant ou intermédiaire ne peut être qualifiée ni d’emploi assurable ni d’emploi ouvrant droit à pension [60] .

C. Effet de l’interposition d’une société

[57] Comme l’a noté la Cour suprême du Canada dans Sagaz, lorsqu’il s’agit de déterminer si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant, la question centrale est de savoir si le travailleur a rendu des services en tant que personne exploitant une entreprise pour son propre compte [61] . Cette question, ainsi formulée, n’est pas réellement applicable aux présents appels, étant donné qu’il s’agirait en fait de déterminer si M. Anderson (par opposition à la société 188AB) exerçait une activité commerciale pour son propre compte. Par conséquent, il est important de se rappeler que la question en litige n’est pas celle de savoir si M. Anderson était un employé ou un entrepreneur indépendant de NIIA. La question en litige est plutôt celle de savoir si M. Anderson était un employé de NIIA ou si la société 188AB était un entrepreneur de NIIA.

[58] M. Anderson fait valoir que ni lui ni la société 188AB n’exerçaient d’activité commerciale. Le ministre n’a pas prétendu que M. Anderson exploitait une entreprise; toutefois, le ministre soutient que la société 188AB exerçait une activité commerciale.

1) La jurisprudence

[59] L’audition des appels de M. Anderson n’est pas la première occasion pour notre Cour d’examiner une situation où une société s’est interposée entre un employeur et un travailleur. Dans la décision Felix, la juge en chef adjointe Lamarre a examiné une situation où un travailleur, supposément à l’insistance de l’employeur, a constitué une société, qui a conclu une entente avec l’employeur pour fournir les services du travailleur [62] . Dans cette affaire, il y avait un accord signé entre l’employeur et la société du travailleur, de sorte qu’il est possible de faire une distinction entre cette décision et les présents appels. Dans la décision Felix, la juge en chef adjointe Lamarre a cité la déclaration suivante tirée de l’arrêt Jennings :

Ironiquement, ce n’est pas le ministre qui cherche à « faire abstraction de la personnalité morale », mais plutôt le contribuable. La requérante [c’est-à-dire, la Couronne] maintient que l’intimé [M. Jennings] et sa compagnie constituent des entités juridiques distinctes et que « la règle ordinaire voulant qu’une société soit une entité juridique distincte de ses actionnaires [devrait s’appliquer à l’espèce] » [...] le juge en chef Iacobucci [...] dans l’arrêt La Reine c. MerBan Capital Corporation Limited [...] Sur cette question, l’arrêt Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co. [...] de la Cour suprême du Canada, est instructif [...] [...] le juge Wilson a fait remarquer [...] :

Aucune règle uniforme n’a été appliquée à la question de savoir dans quelles circonstances un tribunal peut déroger à ce principe [le principe de deux personnes morales distinctes] en « faisant abstraction de la personnalité morale » et en considérant la société comme un simple « mandataire » ou « instrument » de son actionnaire majoritaire ou de sa société mère. En mettant les choses au mieux, tout ce qu’on peut dire est que le principe des « entités distinctes » n’est pas appliqué lorsqu’il entraînerait un résultat [traduction] « trop nettement en conflit avec la justice, la commodité ou les intérêts du fisc » [63] [...]

[Crochets et soulignement de la citation tirée de l’arrêt Kosmopoulos dans la décision originale.]

[60] Dans la décision Felix, la juge en chef adjointe Lamarre a également cité la déclaration suivante tirée de l’arrêt Meredith :

La levée du voile corporatif est contraire aux principes établis depuis longtemps en droit corporatif. En l’absence d’allégation selon laquelle la société constitue un « trompe-l’œil » ou un véhicule permettant à des actionnaires putatifs de commettre des fautes, et en l’absence d’autorisation légale, les tribunaux doivent respecter les rapports juridiques créés par un contribuable [64] [...]

[61] Pour ce qui est des décisions non fiscales, dans l’arrêt Braiden v. La-Z-Boy, une affaire dans laquelle un travailleur s’est constitué en société à l’insistance de l’employeur, afin que ce dernier puisse éviter d’avoir à fournir un préavis de congédiement raisonnable et d’être poursuivi pour congédiement abusif, la Cour d’appel de l’Ontario a résumé comme suit l’un des points soulevés par le juge qui préside :

[traduction]

Le juge qui préside a également expliqué que les relations de travail font partie d’un continuum. La relation employeur-employé se situe à une extrémité du continuum et les entrepreneurs indépendants à l’autre extrémité. Il a indiqué qu’une troisième catégorie de relations a émergé, entre ces deux points, dans laquelle un préavis raisonnable de résiliation doit également être donné [65] .

[62] En rejetant l’argument de l’employeur selon lequel il avait une relation avec la société du travailleur, et non avec le travailleur lui-même, la Cour d’appel de l’Ontario a déclaré ceci :

[traduction]

Lorsqu’un particulier fournit des services aux termes d’une entente, le fait qu’il soit payé par l’intermédiaire de sa société n’est pas déterminant quant à l’existence d’une relation d’emploi avec lui [66] .

La Cour d’appel a ensuite estimé que, au vu du dossier de la preuve, il n’y avait pas d’autre conclusion possible que celle selon laquelle l’employeur avait utilisé une série d’ententes annuelles, conclues à son insistance, initialement entre l’employeur et le travailleur, puis entre l’employeur et la société du travailleur, pour s’assurer les services personnels du travailleur [67] . La Cour a ensuite appliqué les critères de l’arrêt Sagaz et a confirmé la décision du juge qui préside selon laquelle le travailleur était un employé de l’employeur.

[63] La Cour supérieure du Québec a énoncé ce qui suit dans la décision Cohen c. Conseillers en informatique d’affaires CIA inc., où une société s’était interposée entre un employeur et un travailleur, dans ce qui était auparavant une relation d’emploi :

[traduction]

La Cour comprend comme suit l’état actuel de la jurisprudence québécoise sur la question de savoir si les employés ou les sociétés qui leur succèdent ont droit à un préavis raisonnable de résiliation des contrats de consultation qui remplacent les contrats d’emploi antérieurs :

  1. Si un particulier qui fournit des services aux termes d’un contrat choisit de constituer une société qui fournit et facture les mêmes services au même bénéficiaire [c’est-à-dire l’employeur] aux termes d’un nouveau contrat, seule la société, et non le particulier, peut poursuivre le bénéficiaire du nouveau contrat pour quelque raison que ce soit, que le contrat initial soit un contrat de travail ou un contrat de services. Puisque le particulier ne conserve aucun lien de droit avec le bénéficiaire, il n’y aura pas abstraction du voile de la personnalité morale pour le rétablir.

  2. Si, en revanche, le contrat initial est un contrat de travail et que la constitution en société et le nouveau contrat sont imposés à l’employée par l’employeur comme un subterfuge pour éviter de se conformer aux dispositions légales qui, autrement, la protégeraient en tant qu’employée, le nouveau contrat sera considéré comme un simulacre et le voile de la personnalité morale sera levé, permettant à l’employée, et non à la société, de poursuivre l’employeur pour une indemnité de départ en lieu et place du préavis [68] . [En italique et souligné dans l’original; renvois omis.]

[64] Les décisions Braiden et Cohen n’ont qu’une application limitée aux présents appels, car ces deux affaires concernaient des situations où les employés avaient des relations de travail de longue date avec leurs employeurs respectifs, avant que ces relations ne soient remplacées, dans l’arrêt Braiden à l’insistance de l’employeur, et dans la décision Cohen à la demande de l’employé, par de nouvelles ententes qui interposaient une société entre l’employeur et l’employé. L’application de la décision Cohen est en outre limitée par son contexte de droit civil québécois [69] . Néanmoins, selon la décision Cohen, la question de savoir si l’interposition d’une société entre un employeur et un travailleur a été demandée par le travailleur ou imposée par l’employeur est un facteur pertinent. Dans les présents appels, il y a des éléments de preuve contradictoires à cet égard, car M. Hillock a affirmé que NIIA a donné le choix à M. Anderson et que celui-ci a choisi de se constituer en société, alors que M. Anderson prétend que NIIA lui a imposé de recourir à une société.

2) Application

[65] À mon avis, les éléments de preuve sont insuffisants pour établir de manière concluante que la société 188AB était un entrepreneur travaillant pour NIIA. De tous les éléments de preuve documentaires présentés à la Cour, les seuls documents qui renvoient à la société 188AB sont les suivants :

a) le rapport de la recherche effectuée au registre des sociétés de l’Alberta en ce qui concerne la société 188AB [70] ;

b) le courriel daté du 13 mars 2015 de M. Anderson à MM. Hillock et Ward, auquel M. Anderson semble avoir joint une copie en format pdf des statuts constitutifs de la société 188AB, dans lequel il était indiqué que les paiements devaient être effectués en utilisant le nom commercial Northern Claims Services [71] ;

c) un chèque annulé qui indique le numéro de compte bancaire de la société 188AB et qui indique que le nom du titulaire du compte est Northern Claims Services (c’est-à-dire le nom commercial de la société 188AB), qui a été fourni par M. Anderson à NIIA au début d’octobre 2015, lorsque M. Anderson a pris des dispositions pour que les chèques de rémunération bimensuelle soient déposés directement sur le compte bancaire de la société 188AB [72] .

d) les chèques de rémunération, qui étaient payables à l’ordre de Northern Claims Services (c’est-à-dire le nom commercial de la société 188AB) et le grand livre connexe, où ces chèques étaient présentés en tableau [73] ;

e) l’un des trois chèques de remboursement de frais engagés libellé à l’ordre de Northern Claims Services pendant la période du 13 juillet 2015 au 14 décembre 2015, et le grand livre connexe, où ces chèques étaient présentés en tableau [74] .

Tous les autres documents produits en preuve renvoient à M. Anderson, plutôt qu’à la société 188AB (que ce soit sous son propre nom ou sous son nom commercial).

[66] Aucun élément de preuve documentaire n’a été produit selon lequel que la société 188AB exerçait effectivement des activités commerciales, ni aucun document montrant la relation entre M. Anderson et la société 188AB, à l’exception du rapport de recherche sur les sociétés cité précédemment, qui indiquait que M. Anderson était le seul administrateur de la société 188AB. Dans une situation typique d’entrepreneur, planifiée et mise en œuvre par un praticien compétent, on se serait attendu à voir un contrat écrit entre NIIA et la société 188AB concernant la prestation de services de règlement de sinistres par la société 188AB à NIIA, et un contrat de travail entre la société 188AB et M. Anderson, aux termes duquel M. Anderson aurait accepté, en sa qualité d’employé de la société 188AB, de fournir les services de règlement de sinistres que la société 188AB était contractuellement tenue de fournir à NIIA. Cependant, aucun de ces documents n’a été produit en preuve, pas plus que le registre des procès-verbaux de la société 188AB. Les cartes professionnelles utilisées par M. Anderson ne comportaient que son nom et le nom de NIIA, mais pas la raison sociale ni le nom commercial de la société 188AB [75] .

[67] Rien n’indiquait que la société 188AB ait obtenu un permis d’exploitation auprès d’une autorité provinciale ou municipale compétente, ni qu’elle ait obtenu un numéro d’entreprise auprès de l’ARC. La société 188AB ne s’est pas inscrite aux termes de la LTA aux fins de la TPS et n’a pas non plus perçu de TPS auprès de NIIA en ce qui concerne les paiements de rémunération [76] . Il n’y avait aucune preuve que la société 188AB (qui était une société de l’Alberta) s’était inscrite à l’extérieur de la province pour faire des affaires en Colombie-Britannique.

[68] La société 188AB a été dissoute le 2 septembre 2017 pour avoir omis de déposer des déclarations annuelles aux termes de la Business Corporations Act [Loi sur les sociétés par actions] de l’Alberta. Il est intéressant de noter que NIIA a émis deux chèques de rémunération à Northern Claims Services le 9 janvier 2018 et le 18 janvier 2018 respectivement (c’est-à-dire après la dissolution de la société 188AB). M. Hillock a expliqué que, une fois que M. Anderson a cessé de travailler (à la suite des accidents de voiture), NIIA, conformément à sa pratique habituelle, a payé la société 188AB pour ses TEC, car ces TEC avaient été facturés par NIIA [77] .

[69] Pour les raisons exposées ci-dessus, je ne suis pas persuadé que la société 188AB exerçait effectivement une activité de règlement de sinistres. Toutefois, pour les raisons exposées ci-dessous, je ne suis pas non plus persuadé que M. Anderson était un employé de NIIA.

[70] Il ressort clairement des éléments de preuve que la société 188AB avait été constituée en société par M. Anderson et qu’il avait expressément demandé que les chèques représentant la rémunération des services de règlement de sinistres soient versés à Northern Claims Services (c’est-à-dire à la société 188AB). M. Hillock a témoigné qu’au début de la relation entre NIIA et M. Anderson, ce dernier avait le choix entre travailler comme employé ou prendre des dispositions pour qu’une société fournisse des services en tant qu’entrepreneur, et M. Anderson a choisi la relation d’entrepreneur. D’autre part, M. Anderson a déclaré que le contrat d’entrepreneur lui a été imposé par NIIA. Étant donné que quatre des six experts en sinistres travaillant chez NIIA ont choisi de travailler en tant qu’employés, et qu’un seul expert en sinistres (à part M. Anderson) a choisi de conclure un contrat d’entrepreneur, je n’admets pas l’affirmation de M. Anderson selon laquelle ce contrat lui a été imposé.

[71] J’ai du mal à admettre l’affirmation de M. Anderson selon laquelle M. Ward lui a dit que NIIA ne verserait aucun paiement pour des services de règlement de sinistres avant que M. Anderson ait constitué une société pour recevoir ce paiement [78] . M. Anderson a affirmé que, en réponse à l’insistance de NIIA, il a fait en sorte de constituer la société 188AB [79] . La constitution de la société 188AB a eu lieu le 13 mars 2015, [80] le même jour où M. Anderson en a informé M. Hillock et M. Ward [81] . M. Anderson a déclaré qu’après avoir pris des dispositions pour la constitution en société, il [traduction] « a été payé ». Plus précisément, il a déclaré ce qui suit :

[traduction] Q. [...] Vous avez donc créé cette société, et que [...] que s’est-il passé ensuite en ce qui concerne vos chèques de paye?

R. J’ai été payé [...]

Q. Comment? Comment?

R. J’ai reçu un chèque de sa part après cela et le premier chèque était libellé au nom de Michael Anderson, et je [l]’ai déposé sur le compte bancaire que j’avais créé [82] ».

La déclaration ci-dessus de M. Anderson rend perplexe, car d’après celle-ci, NIIA était disposée à lui libeller un chèque à son nom, ce qui en soi montre également que NIIA ne refusait pas d’effectuer de paiement jusqu’à ce que la société 188AB soit constituée en société [83] . En outre, la société 188AB a été constituée avant la fin de la première période de paye du premier mois complet de la relation de travail entre NIIA, la société 188AB et M. Anderson. Ce fait est également incompatible avec l’affirmation de M. Anderson selon laquelle NIIA retardait le paiement jusqu’au moment de la constitution en société.

[72] Le fait que, dans le courriel du 13 mars 2015, M. Anderson a effectivement demandé que le paiement dû le 15 mars 2015 soit effectué par virement de fonds par courriel est une autre source de doute. NIIA a peut-être refusé la demande de M. Anderson et a émis un chèque à la place. Néanmoins, si NIIA a émis un chèque, il est curieux qu’elle n’ait pas tenu compte de l’instruction figurant dans le premier paragraphe de ce courriel (dans lequel M. Anderson demandait que le chèque soit libellé à l’ordre de Northern Claims Services) et qu’elle ait plutôt émis le chèque à son nom personnel [84] .

[73] Lors de l’audition des présents appels, M. Anderson a formulé divers commentaires sur l’existence et la validité juridique de la société 188AB, qui n’étaient pas tous cohérents les uns par rapport aux autres. Plus précisément, ses diverses déclarations étaient les suivantes :

[traduction] Q. [...] Que s’est-il passé au moment de recevoir votre premier chèque de paye?

R. Je ne l’avais pas reçu, et [...] il a été retenu, et j’ai donc téléphoné d’abord à Dwayne Hillock et ensuite à M. Stephen Ward, et ils m’ont dit que leur comptable les avait informés qu’ils avaient besoin qu’une société quelconque soit formée, sans quoi je ne recevrais pas mon salaire. Et à ce moment-là, j’avais déjà commencé depuis... depuis trois semaines et demie, et je m’attendais à recevoir – 5 000 $, c’est ce à quoi je m’attendais. Et ils ont accepté de payer la... la constitution de la société.

Je m’y suis opposé et je leur ai dit que l’Insurance Council of British Columbia ne le permettrait pas [...] et ils m’ont répondu « nous ne la voulons que pour notre usage, cela nous importe peu que vous vous en serviez ou non ».

J’ai donc accepté, mais je n’ai pas accepté de constituer moi-même une société parce que je ne voulais pas enfreindre les règles du Insurance Council [...] [85]

Q. Puis-je vous demander de vous référer à l’onglet 3 de la pièce [...] A-1 [...] Qu’est-ce que c’est, M. Anderson?

R. C’est la demande de constitution en société que j’ai déposée en Alberta.

Q. [...] Et avez-vous exploité l’entreprise sous ce numéro, 1883022 Alberta Limited?

A. J’avais – j’avais créé une société sous ce numéro, mais en tant que société faisant affaire sous le nom de Northern Claims Service [sic] [...] [86]

[traduction] Q. [...] Vous avez donc créé cette société, et que [...] que s’est-il passé ensuite en ce qui concerne vos chèques de paye?

R. J’ai été payé [...]

Q. Comment?

R. J’ai reçu un chèque de leur part après cela et le premier chèque était libellé au nom de Michael Anderson, et je [l]’ai déposé sur le compte bancaire que j’avais ouvert.

Q. Et – et pour les paiements ultérieurs, quel – quel système avez-vous mis en place pour ceux-ci?

R. J’avais configuré le dépôt direct pour qu’ils puissent déposer directement des fonds sur le compte de la société qu’ils avaient payée et qu’ils m’avaient demandé de constituer [...] [87]

Q. Je note donc qu’elle [c’est-à-dire la société 188AB] a été enregistrée le 2015-03-13. À cette date, étiez-vous administrateur de cette société?

R. Je le crois. Cependant, cette société stagnait et n’a absolument jamais eu de lien avec le secteur des assurances.

Q. Étiez-vous actionnaire de cette société?

R. Oui, je l’étais.

Q. Étiez-vous le seul administrateur et actionnaire de cette société?

R. Je le crois.

Q. Donc, si on passe à la deuxième page de ce même document, il est dit : (tel que lu)

Enregistrements associés aux termes de la Partnership Act, partenaire commercial

nom, Northern Claim[s] Services.

Donc, serait-il correct de dire que le nom de cette société ou plutôt le nom commercial aurait été Northern Claim[s] Services?

R. Oui.

Q. Et vous avez enregistré ce nom commercial?

R. En Alberta [...] [88]

Q. Donc, M. Anderson, vous avez déclaré plus tôt que la constitution en société n’était – n’était pas votre idée et en fait, que vous vous y êtes opposé.

R. C’est exact.

Q. Avez-vous déjà envoyé un courriel pour exprimer votre mécontentement à ce sujet?

R. Oui, je l’ai fait, en effet.

Q. Avez-vous une copie de ce courriel?

R. Je – je ne suis pas sûr que ce soit dans ce – dans le dossier ici. Je me souviens avoir vu une discussion sur la constitution en société lorsqu’ils m’avaient demandé d’envoyer – ou de signer une décharge, une – une demande après l’achèvement de mon travail, qui incluait Northern Claim [sic] Services, que j’ai refusé de signer, car la société n’existait pas vraiment [89] .

Ainsi, M. Anderson a reconnu qu’il a fait pris des dispositions pour constituer la société 188AB, qu’il était le seul actionnaire et administrateur de la société 188AB, qu’il a fait en sorte que la société 188AB enregistre le nom commercial Northern Claims Services, et que les paiements de rémunération de NIIA étaient déposés sur le compte bancaire de la société 188AB. Il a également déclaré que, bien qu’il ait accepté que l’entreprise soit constituée en société, il n’avait pas accepté le fait qu’il devait lui-même voir à cette constitution parce qu’il ne voulait pas enfreindre les règles de l’ICBC. Il a également déclaré que la société 188AB stagnait, qu’elle n’avait pas de lien avec le secteur de l’assurance et qu’elle n’existait pas vraiment. À mon avis, il y a des incohérences dans certaines des déclarations de M. Anderson. Cependant, M. Anderson avait raison lorsqu’il a exprimé des doutes sur le fait que le courriel auquel il renvoie a été produit en preuve; il ne l’a pas été.

[74] L’avocat de M. Anderson a fait l’observation suivante concernant la société 188AB :

[traduction]

La société créée par l’appelant n’a joué aucun rôle dans les relations entre les parties, mis à part pour l’ouverture d’un compte bancaire selon les instructions explicites de NIIA [90] .

Si le seul rôle de la société 188AB était de permettre l’ouverture d’un compte bancaire, il est étrange que M. Anderson se soit donné la peine de faire enregistrer par le truchement de la société 188AB le nom commercial Northern Claims Services. Si la société 188AB n’existait que pour la création d’un compte bancaire pour M. Anderson, je me serais attendu à ce qu’il produise des éléments de preuve des mouvements de fonds de NIIA à lui-même par l’intermédiaire de la société 188AB, et à ce qu’il déclare les revenus de son emploi chez NIIA dans ses déclarations de revenus de 2015 et 2016.

[75] Bien que l’avocat de M. Anderson ait soutenu que la société 188AB n’avait pas d’autre rôle que celui de créer un compte bancaire, il n’a pas expressément indiqué que la société 188AB était un simple intermédiaire. Aucun élément de preuve précis n’a confirmé que la société 188AB était le mandataire ou le fiduciaire de M. Anderson dans le but de recevoir des paiements de rémunération pour son compte en tant que mandant ou bénéficiaire. De même, il n’y a eu aucune indication expresse de la part de M. Anderson ou de son avocat que l’argent versé par NIIA à la société 188AB appartenait en fait à M. Anderson, et non à la société 188AB.

[76] Il n’existe aucun élément de preuve documentaire indiquant que M. Anderson était mécontent de l’entente conclue entre NIIA et la société 188AB. Plus précisément, le courriel que M. Anderson a envoyé à M. Ward le 13 mars 2015 ne contenait aucune indication que M. Anderson était mécontent de l’insertion de la société 188AB dans la structure de paiement [91] . À la fin de septembre ou au début d’octobre 2015, M. Anderson a fourni à NIIA un chèque annulé, afin de prendre des dispositions pour que NIIA dépose les chèques de rémunération bimensuelle sur le compte bancaire de la société 188AB [92] . Si M. Anderson n’avait pas été satisfait des chèques de rémunération versés par NIIA à la société 188AB, cela aurait été l’occasion pour lui de demander que la structure soit révisée, plutôt que d’être maintenue. Comme il est mentionné ci-dessus, M. Anderson n’a pas produit de copie du courriel qu’il prétend avoir envoyé pour protester contre le fait d’avoir à constituer la société 188AB [93] , ce qui ne me permet pas de confirmer si ce courriel a effectivement été envoyé.

[77] Dans la lettre du 8 septembre 2016, écrite après le deuxième accident de M. Anderson et avant la lésion cérébrale qu’il a subie lors du troisième accident, il a renvoyé à des prestations d’assurance-emploi. D’après son commentaire, il comprenait et acceptait qu’il n’avait pas droit à de telles prestations dans le cadre de l’entente qui avait été mise en place [94] .

[78] M. Anderson a témoigné qu’il s’était plaint que NIIA l’obligeait à utiliser une société et qu’il craignait que cela soit contraire aux lois et aux règles régissant les experts en sinistres en Colombie-Britannique. D’autre part, M. Hillock a déclaré qu’il n’avait pas été informé de l’existence d’une telle plainte de la part de M. Anderson, et qu’il n’a appris le point de vue de M. Anderson à cet égard qu’en écoutant le témoignage de ce dernier au tribunal. M. Hillock a également affirmé qu’il avait compris qu’un expert en sinistres pouvait travailler en tant qu’employé ou en tant qu’entrepreneur d’une société de règlement de sinistres et que la relation d’entrepreneur était conforme aux lois et règles applicables. M. Hillock a invoqué plusieurs exemples d’experts en sinistres qu’il connaît et qui ont travaillé comme entrepreneurs pour des entreprises œuvrant dans le domaine du règlement des sinistres. Toutefois, M. Hillock a reconnu qu’il n’avait pas réellement fait de recherches sur les lois et règles applicables; sa compréhension était plutôt fondée sur son expérience et ses observations.

[79] Je considère que M. Anderson et M. Hillock étaient tous deux sincères dans leurs témoignages respectifs. Je pense que chacun croyait qu’il disait la vérité et que chacun pensait qu’il décrivait avec précision ce qui s’est passé en 2015 et 2016. Néanmoins, l’un d’entre eux s’est trompé ou a eu un souvenir inexact de ce qui s’est passé. Pour tenter de résoudre la présente affaire, j’ai pris en compte les éléments suivants :

a) Étant donné que NIIA avait retenu les services de quatre experts en sinistres en 2015 et 2016 qui travaillaient en tant qu’employés, NIIA n’aurait eu aucune raison apparente de forcer M. Anderson à choisir une relation différente (c’est-à-dire une relation de non-emploi), à constituer la société 188AB et à utiliser la société 188AB en tant qu’entrepreneur.

b) M. Anderson a témoigné qu’il a été choqué lorsqu’« ils » (vraisemblablement M. Hillock et M. Ward) lui ont dit que, à moins de se constituer en société et d’utiliser un contrat d’entrepreneur, il ne serait pas payé [95] . Il a également déclaré qu’ils lui ont dit que le contrat d’entrepreneur était mis en place [traduction] « uniquement pour [leurs] fins fiscales » [96] . Si les fins fiscales de NIIA exigeaient que M. Anderson prenne des dispositions pour que la société 188AB exerce ses activités en tant qu’entrepreneur, il est difficile de comprendre pourquoi NIIA aurait permis à quatre de ses autres experts en sinistres de travailler en tant qu’employés.

c) Si M. Anderson n’avait pas l’intention d’utiliser la société 188AB en tant qu’entrepreneur, il est étonnant qu’il ait pris la peine d’enregistrer le nom commercial Northern Claims Services et qu’il ait engagé les dépenses nécessaires pour ce faire. L’explication de cette décision, telle que donnée par M. Anderson, est la suivante :

[traduction]

[...] J’ai fait cela parce que j’avais prévu [...] qu’il y aurait un problème [...]. Si je leur avais simplement fourni des renseignements en tant que société à numéro, [...] cela n’aurait pas enfreint les règles du Council [vraisemblablement l’ICBC], et cela aurait signifié que j’aurais été un entrepreneur pour eux. Mais comme j’ai inclus le nom Northern Claim Service [sic], cela a fait en sorte qu’elle se retrouve sous le contrôle du Insurance Council.

[...] J’ai fait cela pour éviter qu’on ne profite de moi en me faisant croire que j’étais un entrepreneur. J’ai dit, je ne peux pas être un entrepreneur selon ces conditions. Je leur ai donné l’occasion de revenir et de dire, eh bien, nous ne voulons pas avoir affaire à un organisme œuvrant dans le domaine de l’assurance; pouvons-nous simplement retenir ses services en tant que Mike Anderson ou société à numéro? Ils ont convenu de l’accepter telle quelle, car elle répondait à leurs exigences, tout en sachant qu’elle ne serait pas visée par la Loi sur les assurances.

[...] Je pense que je me protégeais pour ne pas être considéré comme un entrepreneur [...] Je ne voulais pas exercer mes activités dans ces conditions [...] et je voulais m’assurer qu’ils comprennent [sic] que je n’allais pas faire une demande de licence pour autre chose qu’à titre de [...] employé de leur entreprise [97] .

J’ai du mal à comprendre l’explication ci-dessus.

d) Dans son courriel du 13 mars 2015 adressé à MM. Hillock et Ward, M. Anderson a demandé que les traites (et vraisemblablement les chèques) soient émises [traduction] « sous le nom commercial de Northern Claims [S]ervices » [98] . Je considère le libellé de cette demande comme une indication que, lorsque M. Anderson a constitué la société 188AB, il avait l’intention de l’exploiter.

e) Si M. Anderson n’avait pas l’intention d’utiliser la société 188AB à titre d’entrepreneur, il est curieux que, plutôt que de s’opposer au contrat d’entrepreneur ou d’essayer de le modifier, il ait plutôt fait en sorte que la société 188AB (faisant affaire sous le nom de Northern Claims Services) ouvre un compte bancaire et que, à la fin de septembre ou au début d’octobre 2015, il ait fourni à NIIA un chèque nul à l’égard de ce compte, afin que NIIA puisse déposer les chèques de rémunération de Northern Claims Services dans ce compte [99] .

f) Si M. Anderson pensait être un employé de NIIA, il est surprenant que, dans sa lettre du 8 septembre 2016 à NIIA (écrite entre son deuxième et son troisième accident de la route), il ait déclaré : [traduction] « Je ne suis pas admissible aux prestations d’assurance-emploi [...] » [100] .

g) Les troubles cognitifs, les troubles de la mémoire et le syndrome de stress post-traumatique subis par M. Anderson à la suite de la lésion cérébrale dont il a été victime lors de son troisième accident de la route peuvent avoir nui à sa perception, à sa compréhension et à son souvenir des événements.

Pour les motifs exposés ci-dessus, lorsque les témoignages respectifs de M. Anderson et de M. Hillock diffèrent, je préfère le témoignage de M. Hillock.

[80] J’ai des réserves quant à la déclaration de revenus de 2015 de M. Anderson, dans laquelle il n’a déclaré qu’un seul dollar de revenu d’emploi. Il prétend que c’est le cas parce que NIIA ne lui a pas délivré de feuillet T4. Cependant, même sans feuillet T4, M. Anderson était au courant des montants de chaque paiement de rémunération versé par NIIA à Northern Claims Services en 2015. Si M. Anderson était, en fait, un employé de NIIA, lui ou son comptable aurait pu calculer le montant du revenu d’emploi à déclarer. Le fait de ne déclarer qu’un seul dollar de revenu d’emploi est cohérent avec le fait que toute la rémunération que lui devait NIIA a été versée à la société 188AB (faisant affaire sous le nom de Northern Claims Services), et que seul un dollar de cette rémunération a été versé, comme revenu d’emploi, par la société 188AB à M. Anderson. Cependant, je ne suis pas certain que seul un dollar ait été payé par la société 188AB à M. Anderson.

[81] Aucun élément de preuve n’a été produit quant à la question de savoir si la rémunération versée par NIIA à la société 188AB a été conservée par celle-ci, ou si elle a été, à son tour, versée par la société 188AB à M. Anderson à titre de salaire, traitement ou dividende, ou si elle a été mise à sa disposition d’une autre manière. J’ai l’impression qu’il n’avait probablement pas les ressources financières pour refuser que la société 188AB lui verse un salaire (à part peut-être un dollar) ou des dividendes en 2015. Si la société 188AB était un entrepreneur et si M. Anderson était un employé de celle-ci, je me serais attendu à ce que la société 188AB verse un salaire ou des dividendes importants à M. Anderson en 2015, mais il n’y a aucune preuve que cela s’est produit [101] .

[82] Je n’ai pas eu l’impression que M. Anderson a complètement organisé ou mis en œuvre la structure qu’il avait commencé à mettre en place en ce qui concerne la société 188AB. Il semble s’agir d’une situation où, en février et mars 2015, ni M. Anderson ni NIIA ne savaient exactement ce qu’ils faisaient. La documentation mise en place n’établit pas clairement qu’il y avait une relation d’emploi entre NIIA et M. Anderson ou qu’il y avait une relation d’entrepreneur entre NIIA et la société 188AB. Cependant, je reconnais le témoignage de M. Hillock selon lequel, lors de la négociation de l’entente, il a donné à M. Anderson le choix de travailler comme employé ou de retenir les services d’une société à titre d’entrepreneur et que M. Anderson a choisi la relation d’entrepreneur (même si cette relation n’a peut-être pas été correctement documentée et mise en œuvre).

[83] Aux fins de l’analyse requise par l’arrêt Connor Homes et la décision Institut d’assurance de l’Ontario, j’ai l’impression qu’en 2015, M. Anderson et NIIA avaient effectivement l’intention commune que la société 188AB, en tant qu’entrepreneur, fournisse des services à NIIA. Toutefois, à un moment ultérieur, cette intention commune n’existait plus. Je ne peux pas déterminer si la rupture de l’intention commune s’est produite pendant que M. Anderson travaillait encore, ou si elle s’est produite après qu’il eut mis fin à sa relation avec NIIA.

[84] J’ai décidé d’utiliser l’approche la plus favorable à M. Anderson, c’est-à-dire de trancher les présents appels en tenant compte du fait que NIIA et lui n’avaient pas d’intention commune concernant leur relation. Par conséquent, conformément à l’alinéa 26a) de la décision du juge Graham dans Institut d’assurance de l’Ontario, j’appliquerai simplement les facteurs énoncés dans la décision Wiebe Door et dans l’arrêt Sagaz, sans entreprendre l’analyse envisagée à l’alinéa 26b) de cette décision [102] . Comme il est indiqué ci-dessus [103] , ces facteurs font pencher la balance du côté d’une situation d’entrepreneur.

D. Résumé et résolution

[85] Il incombe à M. Anderson de prouver que c’est lui, et non la société 188AB, qui a conclu l’entente contractuelle avec NIIA et que toute relation qu’il a eue avec NIIA constituait un emploi assurable et ouvrant droit à pension. Dans certains cas, il est clair que la partie ayant le fardeau de la preuve s’en est acquittée ou ne s’en est pas acquittée. Dans d’autres cas, la preuve sera plus équilibrée; le principe consacré par le Conseil privé dans l’arrêt Robins c. National Trust pourrait alors jouer :

[traduction]

Toutefois, le fardeau de la preuve en tant que facteur déterminant de l’ensemble de l’affaire ne peut être invoqué que si le juge estime que les éléments de preuve en faveur et contre sont à ce point équilibrés qu’il ne peut en arriver à une conclusion certaine.

Le fardeau de la preuve permettra alors de trancher la question [104] .

[86] Certains des faits établis par la preuve (notamment le fait que M. Anderson a pris des dispositions pour que la société 188AB soit constituée et a enregistré le nom commercial Northern Claims Services, sous lequel elle ferait vraisemblablement des affaires; la plupart, sinon la totalité, des chèques de rémunération ayant été émis par NIIA à Northern Claims Services; et la reconnaissance par M. Anderson, dans sa lettre du 8 septembre 2016, qu’il n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi), ainsi que le témoignage de M. Hillock, indiquent que la société 188AB était peut-être un entrepreneur. Cependant, comme il n’y a eu aucune preuve que la société 188AB exerçait effectivement des activités commerciales ou était autorisée à le faire, je ne suis pas en mesure de juger de manière concluante que la société 188AB était un entrepreneur travaillant pour NIIA.

[87] De nombreux documents, notamment l’offre d’emploi et la demande faire auprès de l’ICBC, indiquent que M. Anderson était un employé, tout comme le témoignage de M. Anderson. Néanmoins, le fait que la société 188AB ait été mise en place et les autres faits notés dans la première phrase du paragraphe précédent indiquent qu’au départ, il y avait probablement une intention de conclure un contrat d’entrepreneur, plutôt qu’un contrat de travail. M. Anderson peut très bien avoir été un employé de NIIA, mais les éléments de preuve qui m’ont été présentés n’établissent pas, selon la prépondérance des probabilités, que c’était le cas.

[88] Il est possible que M. Anderson se soit trouvé dans une catégorie intermédiaire ou hybride dans le continuum entre l’employé et l’entrepreneur indépendant; cependant, il ne m’est pas nécessaire de tirer une conclusion finale à cet égard. Comme nous l’avons déjà mentionné [105] , une relation d’entrepreneur hybride, à mi-chemin dans le continuum, intermédiaire, ou dépendant ne constitue pas une relation d’emploi assurable ou ouvrant droit à pension.

[89] De plus, au risque de me répéter, les facteurs énoncés dans l’arrêt Sagaz et dans la décision Wiebe Door indiquent une relation d’entrepreneur, et non une relation d’emploi [106] .

V. CONCLUSION

[90] Étant donné qu’il incombe à M. Anderson de prouver qu’il était un employé de NIIA et qu’il ne s’est pas acquitté de ce fardeau, les présents appels sont rejetés, sans dépens, et la décision est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’avril 2021.

« Don R. Sommerfeldt »

Le juge Sommerfeldt

 


RÉFÉRENCE :

2021 CCI 28

NOS DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-271(EI), 2018-272(CPP)

INTITULÉ :

MICHAEL M. ANDERSON c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Grande Prairie (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 décembre 2019

DATE DE DÉPÔT DES OBSERVATIONS :

Le 19 novembre 2020 (appelant)

Le 11 décembre 2020 (intimé)

Le 18 décembre 2020 (appelant)

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Don R. Sommerfeldt

DATE DU JUGEMENT :

Le 8 avril 2021

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelant :

Me Michael E. Wheaton

Avocat de l’intimé :

Me Andrew Lawrence

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Michael E. Wheaton

 

Cabinet :

Dobko & Wheaton

Pour l’intimé :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, en sa version modifiée.

[2] Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, en sa version modifiée.

[3] Pièce A-1, onglet 1.

[4] La partie substantielle du document faisait moins de deux pages. Les blocs de signature se trouvaient dans la partie inférieure de la deuxième page et la partie supérieure de la troisième page.

[5] Bien que dans l’offre d’emploi, il était indiqué que M. Anderson devait recevoir une [traduction] « rémunération de 5 000 $ chaque mois, de manière bimestrielle, pendant [...] six mois [...] », M. Anderson a témoigné qu’il recevait deux rémunérations par mois, chacune de 2 500 $ (transcription, p. 25, lignes 25 à 27). De plus, la liste des chèques de tirage et les copies de ces chèques (pièce R-5) étayent le paiement bimensuel de rémunérations (et non tous les deux mois, comme le mot [traduction] « bimestriel » pourrait l’indiquer, selon le sens qu’on lui attribue).

[6] Transcription, p. 29, lignes 10 à 17; et p. 145, lignes 5 à 16.

[7] Pièce A-1, onglet 3, p. 2. Dans les présents motifs, selon le contexte, je désigne parfois la société 188AB comme étant « Northern Claims Services ».

[8] Pièce R-1.

[9] Pièce R-5, qui contient une liste des chèques, ainsi que des copies de la plupart des chèques.

[10] Sur la liste des chèques qui fait partie de la pièce R-5 figurent également deux chèques supplémentaires, datés du 15 décembre 2016 et du 13 janvier 2017, qui, comme les chèques datés du 9 janvier 2018 et du 18 janvier 2018, ont pu concerner des paiements de rémunération. Certains chèques bimensuels contenaient non seulement le prélèvement bimensuel, mais aussi des commissions supplémentaires ou des remboursements des frais de kilométrage.

[11] Pièce R-1, 2e paragraphe. Voir le paragraphe 13 ci-dessus.

[12] Transcription, p. 40, lignes 18 et 19.

[13] Pour des raisons de sécurité, le nom de la banque n’est pas indiqué dans les présents motifs.

[14] La raison pour laquelle nous exprimons ce point de vue est que la pièce R-5 contient des copies de la plupart des chèques de rémunération du 31 mars 2015 au 18 janvier 2018. Certaines de ces copies montrent le verso du chèque en question et, dans ces cas, un timbre de dépôt de la banque y est apposé.

[15] Lors de son témoignage, M. Anderson a d’abord indiqué que la décision de réduire les prélèvements mensuels avait été prise en mai 2018 (transcription, p. 118, lignes 9 à 20). Il a par la suite affirmé que l’année en question était 2015 ou 2016, mais a poursuivi en affirmant que c’était un an après avoir commencé à travailler, ce qui correspondrait à l’année 2016 (transcription, de la p. 118, ligne 21 à la p. 119, ligne 3).

[16] Il s’agissait par exemple des chèques de 3 583,40 $ du 30 juillet 2015, de 3 634,20 $ du 14 août 2015, de 4 389,80 $ du 15 septembre 2015, de 8 236 $ du 15 novembre 2015, de 2 922,49 $ du 15 décembre 2015, de 6 534 $ du 15 mars 2016, de 6 097 $ du 15 juin 2016 et de 3 677,50 $ du 15 août 2016. Le chèque (le cas échéant) émis par NIIA à la fin de décembre 2015 n’a pas été inclus dans la pièce R-5.

[17] Voir la transcription, de la p. 163, ligne 19 à la p. 164, ligne 5. Les chèques étaient respectivement de 1 336 $ le 15 décembre 2016, de 6 097,25 $ le 13 janvier 2017, de 7 851,30 $ le 9 janvier 2018 et de 4 205,85 $ le 18 janvier 2018. Les chèques datés du 9 janvier 2018 et du 18 janvier 2018 ont été libellés à l’ordre de Northern Claims Services. Les chèques datés du 15 décembre 2016 et du 13 janvier 2017 n’ont pas été inclus dans la pièce R-5; je ne connais donc pas le nom du bénéficiaire de ces deux chèques.

[18] Transcription, p. 42, lignes 9 à 14.

[19] Transcription, p. 134, lignes 1 à 2; p. 135, lignes 20 à 23; et p. 137, lignes 3 à 5.

[20] Transcription, de la p. 98, ligne 17 à la p. 99, ligne 21; p. 135, ligne 24; et de la p. 136, ligne 27 à la p. 137, ligne 5.

[21] Pièce R-4, p. 1. Ce document est en fait un imprimé du formulaire RC143 sur lequel figurent les données saisies dans l’ordinateur de l’ARC, telles qu’elles sont extraites de la déclaration de revenus 2015 de M. Anderson. Voir la transcription, de la p. 100, ligne 22 à la p. 102, ligne 19.

[22] Pièce R-4, troisième page; et transcription, de la p. 98, ligne 8 à la p. 99, ligne 12.

[23] Transcription, p. 103, lignes 14 à 22.

[24] Dans une lettre que M. Anderson a écrite le 8 septembre 2016 (pièce R-3) à NIIA (à l’attention de M. Hillock), M. Anderson a déclaré que cet accident s’était produit le 1er mars 2016. Lors de son interrogatoire principal à l’audience des présents appels, M. Anderson a affirmé que l’accident s’était produit le 23 mars 2016 (transcription, p. 11, ligne 19).

[25] Dans la lettre du 8 septembre 2016 (pièce R-3) mentionnée ci-dessus, M. Anderson a affirmé que le deuxième accident s’était produit le 15 août 2016. Lors de son interrogatoire principal à l’audience, M. Anderson, bien que n’étant pas sûr de la date exacte, a indiqué que l’accident s’était produit le 28 août 2016 (transcription, p. 11, lignes 25 à 27).

[26] Transcription, p. 12, lignes 13 à 22.

[27] Transcription, p. 12, lignes 22 à 28. Voir aussi la transcription, p. 27, lignes 4 à 5; p. 68, lignes 2 à 6; et de la p. 97, ligne 17 à la p. 98, ligne 4.

[28] Il n’existe pas de preuve précise quant à savoir si M. Anderson était effectivement en arrêt de travail pour cause de maladie. Selon la liste des chèques de rémunération figurant à la première page de la pièce R-5, M. Anderson n’a pas travaillé de façon régulière après le 30 septembre 2016. Toutefois, M. Anderson a affirmé que, au moment de son troisième accident de la route (en décembre 2016), il se déplaçait dans le cadre de son emploi; voir la transcription, p. 12, lignes 13 à 15.

[29] Pièce R-3, p. 2.

[30] Arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, 2001 CSC 59, par. 47. Voir également la décision Wiebe Door Services Ltd. c. MNR, [1986] 3 CF 553, [1986] 2 C.T.C. 200, 87 D.T.C. 5025 (CAF), par. 17, citant l’arrêt Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (QBD), p. 737. En outre, voir AE Hospitality Ltd. c. M.R.N., 2019 CCI 116, par. 67 à 69; et Modern Concept d’entretien inc. c. Comité paritaire de l’entretien d’édifices publics de la région de Québec, 2019 CSC 28, par. 38, où la juge Abella a indiqué qu’aux fins de la Loi sur les décrets de convention collective, R.L.R.Q., ch. D-2, la question pertinente pour distinguer un entrepreneur indépendant d’un artisan (qui est une catégorie d’employé aux fins de cette loi), est de vérifier si le travailleur « a assumé le risque d’entreprise et avait la capacité correspondante de réaliser un profit, ce qui permettrait de le considérer comme un entrepreneur indépendant ». Étant donné que l’arrêt Modern Concept d’entretien a été rendu dans le contexte du droit civil québécois, cette affaire, bien qu’instructive, n’est pas directement applicable aux présents appels. Voir l’article 8.1 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, en sa version modifiée (la « LI »).

[31] Voir l’arrêt Sagaz, précité, note 30, par. 47; et la décision AE Hospitality, précitée, note 30, par. 70.

[32] Arrêt Sagaz, précité, note 30, par. 48.

[33] 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. Canada (Revenu National), 2013 CAF 85, par. 30, 33 et 38 à 42. Voir également la décision AE Hospitality, précitée, note 30, par. 72.

[34] Décision Institut de l’assurance de l’Ontario c. M.R.N., 2020 CCI 69, par. 23.

[35] Ibid, par. 26.

[36] Il n’y a pas eu d’observations de la part des avocats ni d’éléments de preuve précis, quant à savoir si les services (le cas échéant) fournis par la société 188AB constituaient des services financiers aux fins de la LTA; voir l’alinéa j) de la définition de service financier au paragraphe 123(1) de cette loi. Si la société 188AB fournissait des services exonérés à NIIA, il n’était pas nécessaire qu’elle perçoive la TPS auprès de NIIA. Si la société 188AB fournissait des services taxables à NIIA, elle devait percevoir la TPS auprès de NIIA. Étant donné qu’aucune preuve n’a été déposée quant à savoir si les services (le cas échéant) étaient exonérés ou taxables, la non-perception de la TPS n’est pas un facteur important dans la présente analyse.

[37] Pièce A-1, onglet 14.

[38] Transcription, de la p. 182, ligne 27 à la p. 183, ligne 28; de la p. 185, ligne 12 à la p. 186, ligne 5; et de la p. 189, ligne 22 à la p. 190, ligne 17.

[39] Transcription, p. 15, lignes 15 à 21.

[40] Transcription, de la p. 142, ligne 14 à la p. 143, ligne 4.

[41] Transcription, p. 183, lignes 17 à 20.

[42] Arrêt Le Livreur Plus Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 68, par. 19; et DHL Express (Canada) Ltd. c. M.R.N., 2005 CCI 178, par. 19.

[43] Les échanges de courriels présentés dans la pièce A-1, à l’onglet 13, indiquent que les fournitures de bureau remises par NIIA à M. Anderson comprenaient des timbres postaux, des cartes professionnelles, des étiquettes d’adresse, du papier et des cartouches d’encre pour ordinateur. Un bon de commande figurant dans la pièce A-1, à l’onglet 13, indique que NIIA a fourni au bureau de Fort St. John des stylos, une agrafeuse, un perforateur et d’autres articles divers.

[44] Pièce R-6, document 24.

[45] Transcription, p. 12, lignes 13 à 16.

[46] Décision Dynamex Canada Corp. c. M.R.N., 2008 CCI 71, par. 18.

[47] Voir la pièce R-5.

[48] Il ne ressort pas clairement des éléments de preuve si les chèques émis le 15 décembre 2016, le 13 janvier 2017, le 9 janvier 2018 et le 18 janvier 2018 correspondaient à des commissions ou à des paiements pour des TEC qui ont été facturés par NIIA après le départ de M. Anderson.

[49] Transcription, p. 59, lignes 1 à 24.

[50] Transcription, p. 78, lignes 13 à 19; et p. 79, lignes 18 à 20. Voir également la pièce R-6.

[51] Pasche c. MDE Enterprises Ltd., 2018 BCSC 701.

[52] Ibid., par. 4 et 71 à 72.

[53] Arrêt TCF Ventures Corp. c. The Cambie Malone’s Corporation, 2016 BCSC 1521, par. 48-49; conf. sur ce point par 2017 BCCA 129; cité dans l’arrêt Pasche, précité, note 51, par. 72.

[54] Pasche, précité, note 51, par. 71.

[55] Ibid., par. 74.

[56] Arrêt Glimhagen c. GWR Resources Inc., 2017 BCSC 761, par. 44; cité dans l’arrêt Pasche, précité, note 51, par. 75. Je n’estime pas que selon la déclaration précitée, pour déterminer le statut d’un travailleur aux fins de la LAE, du RPC et d’autres lois fiscales, il ne faut pas accorder beaucoup de poids, ou même en accorder du tout, au fait que le travailleur soit inscrit sur la feuille de paye ou que l’employeur effectue les retenues légales habituelles sur la rémunération du travailleur. Les facteurs les plus importants à prendre en compte sont plutôt, comme il est expliqué ci-dessus, ceux énoncés dans Sagaz et Wiebe Door. Toutefois, la citation ci-dessus est utile, car il en ressort qu’un entrepreneur dépendant est un produit de la common law et qu’il se situe entre un employé et un entrepreneur indépendant.

[57] Pasche, précité, note 51, par. 104 à 107 et 110.

[58] Alinéas 5(1)a), b), d) et e) de la LAE.

[59] Voir l’arrêt Marbry Distributors Ltd. c. Avrecan International Inc., 1999 BCCA 172, par. 59, sous la plume du juge en chef McEachern (dissident).

[60] Par exemple, voir DHL Express, précité, note 42, par. 32 à 33 et Dynamex, précité, note 46, par. 19 à 20.

[61] Voir le paragraphe 33 et la note de bas de page 30 ci-dessus.

[62] Décision Felix c. M.R.N., 2015 CCI 293.

[63] La Reine c. Jennings, [1994] 2 C.T.C. 106, 94 D.T.C. 6507 (CAF), par. 2, citant La Reine c. MerBan Capital Corporation Limited, 89 D.T.C. 5404, p. 5410 (CAF), et Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co., [1987] 1 R.C.S. 2, p. 10 à 11; cité dans la décision Felix, précitée, note 62, par. 17.

[64] Arrêt Meredith c. Canada, 2002 CAF 258, par. 12; cité dans la décision Felix, précitée, note 62, par. 18.

[65] Arrêt Braiden v. La-Z-Boy Canada Limited, 2008 ONCA 464, par. 24. Pour appuyer son commentaire sur le continuum, avec les employés à une extrémité et les entrepreneurs indépendants à l’autre, le juge qui préside a renvoyé à l’arrêt Marbry, précité, note 59.

[66] Ibid., par. 30.

[67] Ibid.

[68] Décision Cohen c. Conseillers en informatique d’affaires CIA inc., 2010 QCCS 2179, par. 62.

[69] Voir l’article 8.1 de la LI, précitée, note 30.

[70] Pièce A-1, onglet 3.

[71] Pièce R-1. Dans le courriel, on emploie l’expression [traduction] « lettre de constitution ». Je pense que la bonne expression aurait été « statuts constitutifs ».

[72] Pièce R-2; et transcription, de la p. 69, ligne 19 à la p. 70, ligne 20.

[73] Pièce R-5. Le nom de M. Anderson (ainsi que celui de la société 188AB) figurait aussi dans le grand livre.

[74] Pièce R-6. Les deux autres chèques de remboursement de frais ont été versés à M. Anderson. Le nom de M. Anderson (ainsi que celui de la société 188AB) figurait aussi dans le grand livre.

[75] Pièce A-1, onglet 14.

[76] Comme il a été mentionné ci-dessus, si les services fournis par la société 188AB à NIIA étaient des services exonérés, il n’était pas nécessaire que la société 188AB perçoive la TPS auprès de NIIA.

[77] Transcription, de la p. 163, ligne 19 à la p. 164, ligne 5. En expliquant ce processus, M. Hillock a affirmé qu’ [traduction] « il y avait un certain montant de TEC qui lui était dû » (transcription, p. 163, lignes 20 à 21), et que [traduction] « nous avons fini par lui payer ses TEC au fur et à mesure qu’ils étaient facturés »(transcription, p. 164, lignes 4 et 5) [non souligné dans l’original]. L’utilisation des pronoms lui et ses indique que M. Hillock considérait que les TEC appartenaient à M. Anderson, et non à la société 188AB. D’autre part, étant donné que la société 188AB avait été dissoute au moment où les deux derniers paiements ont été effectués, les TEC représentés par ces paiements pourraient bien avoir appartenu à M. Anderson à ce moment-là. Indépendamment de la propriété des TEC, les chèques de rémunération étaient libellés à l’ordre de Northern Claims Services.

[78] Voir la transcription, p. 38, lignes 1 à 10; et p. 64, lignes 8 à 11.

[79] Transcription, p. 38, lignes 11 à 20.

[80] Pièce A-1, onglet 3.

[81] Pièce R-1.

[82] Transcription, p. 40, lignes 12 à 19.

[83] Comme il est indiqué ci-dessus, une copie du chèque de rémunération pour la période de paye initiale, du 1er au 15 mars 2015, n’a pas été produite en preuve.

[84] Comme il est indiqué ci-dessus, une copie d’un chèque représentant le paiement effectué le 15 mars 2015 ou vers cette date n’a pas été présentée en preuve; par conséquent, je ne peux pas déterminer si ce paiement a été effectué par virement de fonds par courriel ou par chèque. Si le paiement a été effectué par chèque, je ne peux pas déterminer si le chèque a été fait à l’ordre de M. Anderson ou de Northern Claims Services.

[85] Transcription, p. 38, lignes 1 à 12 et 17 à 22.

[86] Transcription, p. 39, lignes 10 à 21.

[87] Transcription, p. 40, lignes 12 à 25.

[88] Transcription, de la p. 62, ligne 10 à la p. 63, ligne 3.

[89] Transcription, de la p. 63, ligne 19 à la p. 64, ligne 5.

[90] Réponse aux observations écrites de l’intimé, déposée le 18 décembre 2020, p. 2, par. 3.

[91] Pièce R-1.

[92] Pièce R-2.

[93] Voir le paragraphe 73 et la note de bas de page 89 ci-dessus.

[94] Pièce R-3, p. 2. Voir le paragraphe 31 et la note de bas de page 29 ci-dessus.

[95] Transcription, p. 114, lignes 24 à 28.

[96] Transcription, p. 115, lignes 17 à 18.

[97] Transcription, de la p. 115, ligne 24 à la p. 116, ligne 18.

[98] Pièce R-1.

[99] Voir la pièce R-2.

[100] Pièce R-3, p. 2.

[101] Bien que de nombreuses observations mentionnées ci-dessus soutiennent l’opinion selon laquelle M. Anderson n’était pas un employé de NIIA, cette observation particulière (selon laquelle il n’y avait aucune preuve que la société 188AB avait versé un salaire ou des dividendes à M. Anderson) soutient l’opinion selon laquelle la société 188AB n’était pas un entrepreneur au service de NIIA.

[102] Voir le paragraphe 35 ci-dessus.

[103] Voir les paragraphes 49 et 50 ci-dessus.

[104] Robins c. National Trust Company, Limited et al., [1927] A.C. 515, [1927] 2 D.L.R. 97, [1927] 1 W.W.R. 692, par. 8 (CP). Voir également Cameco Corporation c. La Reine, 2018 CCI 195, par. 601; Morrison c. La Reine, 2018 CCI 220, par. 75; et Sopinka, Lederman & Bryant, The Law of Evidence in Canada, 5e éd. (Toronto : LexisNexis Canada Inc., 2018), p. 97, par. 3.14. Le rapport des Appeal Cases de l’arrêt Robins et de la décision Cameco utilise le mot « telle » plutôt que le mot « certaine », dans la citation ci-dessus.

[105] Voir le paragraphe 56 ci-dessus.

[106] Voir les paragraphes 49 à 50 et 84 ci-dessus.

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