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Dossier : 2017-2663(OAS)

ENTRE :

LYSE-MARTHE ST-SAUVEUR,

appelante,

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL,

 

intimé.

 

Appel entendu le 13 juillet 2018, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me Nancy Azzi

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté par l’appelante à l’encontre de la décision de l’intimé relativement au calcul du supplément de revenu garanti auquel elle avait droit en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse pour les mois de février à juin 2014 (compris dans la période de paiement du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014) est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de décembre 2018.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2018 CCI 221

Date : 20181212

Dossier : 2017-2663(OAS)

ENTRE :

LYSE-MARTHE ST-SAUVEUR,

appelante,

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL,

 

intimé.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  Madame St-Sauveur interjette appel d’une décision du ministre de l’Emploi et du Développement social (le « ministre ») datée du 17 mars 2015, qui confirme le revenu de l’appelante aux fins du calcul des montants du supplément de revenu garanti (le « SRG ») prévu à la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9 (la « LSV ») auxquels elle avait droit pour les mois de février à juin 2014 (compris dans la période de paiement du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014).

[2]  Pour établir le revenu de l’appelante dans le but de déterminer les montants de SRG auxquels elle avait droit pour les mois de février à juin 2014 (compris dans la période de paiement du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014), le ministre a tenu pour acquis les faits suivants :

a)  En tout temps pertinent, l’appelante était célibataire.

b)  En avril 2010, l’appelante a pris sa retraite.

c)  Le 10 mai 2012, l’appelante a reçu une dernière prestation d’assurance-emploi.

d)  En janvier 2014, l’appelante a atteint l’âge de 65 ans.

e)  Le 16 mai 2014, l’appelante a demandé de recevoir la pension de la sécurité de vieillesse (SV) et le SRG.

f)  Le même jour, en même temps que sa demande pour la pension de la SV et le SRG, l’appelante a soumis au Ministre deux formulaires intitulés « Déclaration du revenu prévu après la retraite ou après la diminution du revenu de pension – l’année 2012 » et « Déclaration du revenu prévu après la retraite ou après la diminution du revenu de pension – l’année 2013 » (formulaires d’option 2012 et 2013).

g)  Le Ministre a calculé les montants de SRG auxquels l’appelante avait droit pour les mois de février à juin 2014 (compris dans la période de paiement de juillet 2013 à juin 2014), non pas à partir de ses revenus de l’année de référence 2012, mais à partir d’une estimation de ses revenus de l’année civile 2013.

h)  Cette méthode alternative de calculer le revenu d’un prestataire aux fins du SRG est communément appelée « l’Option ».

i)  Le revenu estimatif de l’appelante pour l’année civile 2013 était composé de ce qui suit :

REVENU ESTIMATIF 2013

SOURCE DE REVENU

REVENU

Régime des rentes du Québec 2013

990,96 $

Revenus d’intérêts 2012

28 $

REER 2012

12 093,73 $

TOTAL

13 113,32 $

j)  Le revenu de l’appelante en utilisant la méthode de l’année de référence (année civile 2012) est le suivant :

REVENU ANNÉE DE RÉFÉRENCE 2012

SOURCE DE REVENU

REVENU

Régime des rentes du Québec 2012

973,44 $

Prestations d’assurance-emploi 2012

228 $

Revenus d’intérêts 2012

28 $

REER 2012

12 093,73 $

TOTAL

13 323,80 $

k)  La méthode de l’option (revenu estimatif de l’année civile 2013) pour calculer le revenu de l’appelante aux fins du SRG était plus avantageuse que la méthode de l’année de référence (année civile 2012).

l)  Le revenu de l’appelante calculé selon la méthode de l’option lui donnait droit au SRG.

m)  Le 25 septembre 2014, le Ministre a informé l’appelante que son admissibilité au SRG avait été calculée en utilisant la méthode de l’option pour les mois de février à juin 2014 (compris dans la période de paiement de juillet 2013 à juin 2014).

n)  Le 20 décembre 2014, l’appelante a soumis une demande de réexamen de la décision du Ministre.

o)  Par lettre datée du 17 mars 2015, le ministre a informé l’appelante qu’il maintenait sa décision du 25 septembre 2014.

[3]  Le ministre s’est également appuyé sur les faits suivants :

  • a) Le 3 juin 2015, l’appelante a soumis au Ministre une copie d’un avis de nouvelle cotisation pour son année d’imposition 2012, lequel avis est daté du 27 avril 2015.

  • b) Cet avis de nouvelle cotisation fait état d’une diminution du revenu de l’appelante due à l’utilisation d’une déduction REER d’un montant de 1 973 $ à laquelle elle avait droit.

  • c) Le revenu estimatif de l’appelante pour l’année civile 2013 est donc désormais composé de ce qui suit :

REVENU ESTIMATIF 2013 - RÉVISÉ

SOURCE DE REVENU

REVENU

Régime des rentes du Québec 2013

990,96 $

Revenus d’intérêts 2012

28 $

REER 2012

12 093,73 $

Déduction REER 2012

(1 973 $)

TOTAL

11 140,32 $

  • d) Le revenu de l’appelante en utilisant la méthode de l’année de référence (année civile 2012) est maintenant le suivant :

REVENU ANNÉE DE RÉFÉRENCE 2012 - RÉVISÉ

SOURCE DE REVENU

REVENU

Régime des rentes du Québec 2012

973,44 $

Prestations d’assurance-emploi 2012

228 $

Revenus d’intérêts 2012

28 $

REER 2012

12 093,73 $

Déduction REER 2012

(1 973 $)

TOTAL

11 350,80 $

  • e) La méthode de l’option (revenu estimatif de l’année civile 2013) pour calculer le revenu de l’appelante aux fins du SRG demeure plus avantageuse que la méthode de l’année de référence (année civile 2012).

  • f) Le revenu estimatif pour l’année civile 2013 révisé de l’appelante lui a donné droit à un remboursement de 410 $ de la part du Ministre à titre de SRG.

[4]  L’appelante conteste la façon dont le ministre a calculé son revenu estimatif de 2013 parce qu’il a inclus les paiements tirés d’un régime enregistré d’épargne retraite (« REER ») effectués par l’appelante en 2012. Elle est d’avis qu’il faudrait exclure ce revenu du calcul de son revenu estimatif pour l’année 2013. L’appelante ignorait, semble-t-il, que les montants retirés de son REER auraient une incidence sur son droit au SRG.

I. Analyse

[5]  La prestation du SRG s’applique à une période de paiement, laquelle s’étend du 1er juillet de chaque année au 30 juin de l’année suivante et est fondée sur le revenu que le demandeur a touché pendant l’année civile qui précède le début de la période de paiement. L’année civile précédente est appelée l’ « année de référence », et le demandeur est tenu de fournir une déclaration de son revenu pour cette année de référence, relativement à chaque période de paiement.

[6]  Les paragraphes 14(2) à (6) de la LSV permettent également à un demandeur du SRG de produire une déclaration supplémentaire de son revenu estimatif pour l’année suivant l’année de référence s’il a cessé une activité rémunérée – charge, emploi ou exploitation d’une entreprise – ou s’il subit une suppression ou une réduction du revenu perçu au titre d’un régime de pension au cours de l’année. Ces dispositions permettent au ministre de tenir compte du fait que le revenu que le demandeur tire de ces sources sera inférieur à celui qu’il a touché au cours de l’année de référence. Cependant, une estimation du revenu tient quand même compte du montant de revenu que le demandeur a perçu de toutes autres sources durant l’année de référence.

[7]  L’article 2 de la LSV prévoit que le revenu d’une personne pour une année civile est, sous réserve de quelques exceptions non applicables en l’espèce, celui qui est calculé en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu.

[8]  Dans le cas présent, madame St-Sauveur a pris sa retraite en avril 2010 et elle a atteint l’âge de 65 ans en janvier 2014. Elle avait donc le droit de produire une déclaration de revenu estimatif pour 2013, comme le prévoit l’alinéa 14(6)a) de la LSV. Aux termes des sous-alinéas 14(6)a) (i) et (ii), elle était en droit d’estimer le revenu qu’elle percevrait au titre de tout régime de pension et au titre de toute activité rémunérée pour 2013. Par contre, le sous-alinéa 14(6)a)(iii) exigeait qu’elle ajoute, dans son estimation de revenu pour 2013, le revenu perçu de toutes les autres sources au cours de l’année de référence de 2012, compte non tenu du revenu perçu au cours de l’année de référence au titre de toute activité rémunérée ou de tout régime de pension.

[9]  L’alinéa 14(6)a) de la LSV se lit comme suit :

Déclaration supplémentaire en cas de perte de revenu antérieure à la période de paiement en cours

(6) Si la cessation d’une activité a eu lieu dans les cas visés aux alinéas a) ou b), le demandeur – ou son époux ou conjoint de fait, dans le cas où celui-ci produit la déclaration visée à l’alinéa 15(2)a) – peut, s’il subit une perte de revenu par suite de la suppression ou de la réduction du revenu perçu au titre de tout régime de pension, produire au plus tard à la fin de la période de paiement suivant la période de paiement en cours, une seconde déclaration où figure :

a) si la perte est subie au cours de l’année civile précédant la période de paiement, son revenu estimatif pour l’année civile se terminant pendant la période de paiement en cours, lequel correspond alors au total des éléments suivants :

(i) son revenu perçu au titre du tout régime de pension au cours de l’année civile,

(ii) son revenu perçu au titre de toute activité rémunérée pour cette année civile,

(iii) son revenu pour l’année de référence, compte non tenu du revenu perçu au cours de celle-ci au titre de toute activité rémunérée ou de tout régime de pension;

[10]  Dans le cas de madame St-Sauveur, la perte de revenu en 2012 a été occasionnée par la fin de ses prestations d’assurance-emploi en mai 2012, lesquelles sont, en vertu de l’article 14 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse C.R.C., ch. 1246, (le « Règlement »), compris dans le revenu provenant d’un régime de pension.

[11]  Le sous-alinéa 14(6)a)(iii) exige que le revenu du demandeur pour l’année de référence soit calculé en tenant pour acquis que ce dernier n’a pas perçu de revenu au titre d’une activité rémunérée ou d’un régime de pension.

[12]  Dans le calcul du revenu estimatif de l’appelante pour 2013, le ministre a inclus le revenu tiré de son REER pour 2012 aux termes du sous-alinéa 14(6)a)(iii) de la LSV.

[13]  La question de savoir si les paiements tirés d’un REER constituent un revenu provenant d’un régime de pension au sens où ce terme est défini pour l’application de la LSV, soit à l’article 14 du Règlement, a été considérée dans au moins trois autres affaires devant cette Cour :

  • Drake c. Ressources humaines, 2005 CCI 498;

  • Gonder c. Ressources humaines, 2011 CCI 505; et

  • Brighton c. Ressources humaines, 2013 CCI 323.

[14]  Dans chacune de ces décisions, la Cour a conclu que les paiements tirés d’un REER ne constituent pas un revenu provenant d’un régime de pension selon la définition qui est donnée à l’article 14 du Règlement :

Définition de revenu provenant d’un régime de pensions

14 Pour l’application de l’article 14 de la Loi, le revenu provenant d’un régime de pension est le total des montants perçus au titre :

  • a) de rentes;

  • b) de prestations alimentaires et de soutien;

  • c) de prestations d’assurance-emploi;

  • d) de prestations d’invalidité provenant d’un régime d’assurance privé;

  • e) de prestations, autres que des prestations de décès, versées aux termes du Régime de pensions du Canada ou d’un régime provincial de pensions, tel que défini dans le Régime de pensions du Canada;

  • f) de pensions ou de pensions de retraite, autres que les prestations reçues aux termes de la Loi et tout versement semblable reçu en vertu d’une loi provinciale;

  • g) d’une indemnité versée aux termes d’une loi fédérale ou provinciale sur l’indemnisation des victimes d’accidents du travail, en raison d’une blessure, d’une invalidité ou d’un décès;

  • h) d’allocations de complément de ressources versées aux termes d’un accord visé au paragraphe 33(1) de la Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines, en raison d’une réduction définitive du personnel visée à ce paragraphe;

  • i) d’allocations de complément de ressources versées au titre du Programme d’adaptation des travailleurs d’usine, du Programme de retraite anticipée des pêches ou du Programme d’adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord, en raison d’une réduction définitive du personnel.

[15]  Par conséquent, le ministre n’a pas commis d’erreur en incluant le paiement provenant du REER de l’appelante dans son calcul du revenu estimatif de 2013 et ce, même si le paiement provenant du REER n’a eu lieu qu’une seule fois en 2012 et, même si, aucun paiement provenant d’un REER n’était prévu pour 2013.

[16]  Il est clair que madame St-Sauveur a reçu le paiement en 2012, qu’elle était tenue de l’inclure dans son revenu en vertu du paragraphe 146(8) et de l’alinéa 56(1)h) de la Loi de l’impôt sur le revenu et que, pour l’application de la LSV, ce paiement faisait partie de son revenu pour l’année de référence 2012.

[17]  Le législateur a décidé de ne pas inclure les retraits provenant d’un REER dans la définition d’un « revenu provenant d’un régime de pension » au Règlement, et la Cour se doit d’appliquer la loi, telle que rédigée. Le seul remède à la situation de l’appelante serait une modification de la LSV ou du Règlement par le Parlement fédéral.

[18]  Par conséquent, je dois rejeter l’appel puisque la décision à l’origine de l’appel est bien fondée en droit.

II. Addendum

[19]  À l’audience, l’appelante a demandé que son nom n’apparaisse pas au complet dans le jugement du fait que ses revenus des années 2012 et 2013 y seront révélés. Elle n’a pas de dossier de crédit et elle craint d’avoir de la difficulté à trouver un logement si les données financières en cause sont divulguées. Madame St-Sauveur avait formulé une demande similaire auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[20]  J’ai examiné la demande de préservation de l’anonymat de l’appelante (par opposition à une demande de huis clos, de confidentialité ou de non-publication) et j’ai conclu qu’il n’y avait pas lieu d’émettre une telle ordonnance dans les circonstances parce que les motifs invoqués par l’appelante ne représentaient un risque de préjudice suffisamment sérieux pour que le caractère public des audiences de la Cour et des jugements qui en découlent soit écarté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de décembre 2018.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 221

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-2663(OAS)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Lyse-Marthe St-Sauveur et le ministre de l’Emploi et du Développement social

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 juillet 2018

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 décembre 2018

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me Nancy Azzi

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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