Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2012-3872(IT)G

ENTRE :

SABET MAHDI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus le 13 février 2018, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Charles Haworth

Avocate de l’intimée :

Me Rishma Bhimji

 

JUGEMENT MODIFIÉ

  CONFORMÉMENT aux motifs du jugement modifié ci-joints, l’appel relatif à l’année d’imposition 2008 est accueilli, les pénalités sont annulées et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national aux fins de nouvel examen et de nouvelle cotisation.

Les dépens sont accordés à l’appelant conformément au tarif établi, sous réserve du droit des deux parties de présenter des observations à ce sujet dans les 30 jours suivant la date du présent jugement.

Le jugement modifié et les motifs du jugement modifié remplacent le jugement et les motifs du jugement du 23 juillet 2018.

Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour d’août 2018.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juin 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Dossier : 2012-5068(IT)G

ENTRE :

KHALED LASHIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus le 13 février 2018, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Charles Haworth

Avocate de l’intimée :

Me Rishma Bhimji

 

JUGEMENT MODIFIÉ

  CONFORMÉMENT aux motifs du jugement modifié ci-joints, l’appel relatif à l’année d’imposition 2008 est accueilli, les pénalités sont annulées et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national aux fins de nouvel examen et de nouvelle cotisation.

  PAR AILLEURS, l’appel relatif à l’année d’imposition 2009 est rejeté et les pénalités imposées sont maintenues.

  Compte tenu du succès mitigé de l’instance, aucuns dépens ne seront adjugés.

Le jugement modifié et les motifs du jugement modifié remplacent le jugement et les motifs du jugement du 23 juillet 2018.

Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour d’août 2018.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juin 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2018 CCI 149

Date : 20180829

Dossier : 2012-3872(IT)G

ENTRE :

SABET MAHDI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2012-5068(IT)G

ET ENTRE :

KHALED LASHIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS COMMUNS DU JUGEMENT MODIFIÉ

Le juge Bocock

I. Introduction

A. Lien entre les appelants

[1]  Les appelants, Sabet Mahdi et Khaled Lashin, n’ont aucun lien familial ou juridique. Ils sont toutefois de proches amis, ils ont été représentés par le même avocat et chacun a fourni des éléments de preuve factuels à l’appui de l’appel de l’autre. Malheureusement, les deux ont aussi fait appel au même comptable, Muntaz Rasool (« M. Rasool »), pour l’établissement des déclarations de revenus T1 en cause dans les présents appels. Lors de l’audience, les deux appelants, MM. Sabet Mahdi et Khaled Lashin, ont fait référence à l’autre par son prénom (« Sabet » et « Khaled »), et leur avocat en a fait de même. Par souci de simplicité et contrairement à son habitude, la Cour désignera également les appelants par leur prénom dans les présents motifs.

B. Structure des motifs

[2]  Même si les motifs du jugement sont communs, dans la mesure où les circonstances et les faits relatifs aux appels de Sabet et de Khaled diffèrent, ils feront donc l’objet de deux exposés distincts dans la section « Faits ». L’analyse de chacun des appels sera aussi indépendante, pour plusieurs raisons : les années d’imposition en cause sont différentes; la production des déclarations s’est faite dans des circonstances et selon une procédure différentes dans les dossiers Sabet et Khaled, et la proximité de la relation avec le [traduction] « comptable » Rasool n’est pas la même. Par ailleurs, et c’est peut-être le plus important, en ce qui concerne les pénalités imposées aux deux appelants en vertu du paragraphe 163(2), le critère juridique applicable comporte une composante subjective et, par conséquent, propre à chaque contribuable.

C. Procédure de production, déclarations de revenus et (nouvelles) cotisations

1)  Sabet : Année d’imposition 2008

[3]  Pour l’année d’imposition 2008, la déclaration de Sabet a été produite dans les règles et indique un revenu d’emploi de 84 342 $ (feuillet T4). Cependant, une perte d’entreprise de 290 323,08 $ y est aussi faussement déclarée. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a tout d’abord établi la cotisation à l’égard de la déclaration produite et a remboursé à Sabet le montant demandé de 21 677,25 $, soit l’équivalent des retenues à la source figurant sur le feuillet T4 pour l’année d’imposition 2008. Toutes les pertes d’entreprise déduites étaient entièrement fictives. Sabet n’avait pas d’entreprise. Il était concepteur technique de moules et de machines-outils, puis gestionnaire de la conception technique et il tirait la totalité de son revenu d’un emploi. Les pertes d’entreprise fictives ont été déduites par l’entremise d’un [traduction] « état des activités de mandataire » rempli et produit par M. Rasool. Ce stratagème proposé par « Fiscal Arbitrators » cherche à exploiter un filon secret d’allègements fiscaux connus seulement d’une poignée d’[traduction] « initiés ». Comme il est décrit ci-dessous, M. Rasool venait de commencer sa mission visant à partager ses connaissances avec quelques initiés. Sabet, pour les raisons exposées ci-après, a cru M. Rasool.

[4]  Sa déclaration a été produite à la fin d’avril 2009. En novembre 2009, le stratagème s’était retrouvé dans la mire de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). Dans une lettre adressée à Sabet, l’ARC lui demandait de remplir un questionnaire concernant l’entreprise et de produire d’autres éléments de preuve à l’égard de ses activités commerciales, de ses revenus et de ses coûts, ainsi que des dossiers plus détaillés. Même si l’entreprise n’existait pas, Sabet a transmis la demande à M. Rasool. Comme à son habitude, M. Rasool a préparé un « avis » insondable et inintelligible, puis il a demandé à Sabet de le signer et de le renvoyer à l’ARC. Sabet a obtempéré. En mars 2010, l’ARC a répondu. Dans sa lettre détaillée, l’ARC insiste sur le respect de la Loi et, en caractères gras, sur les pénalités prévues au paragraphe 163(2) en cas d’infraction. Le 15 avril 2010, comme le lui a conseillé M. Rasool, Sabet a envoyé une autre réponse creuse doublée d’une menace de poursuite pour [traduction] « rupture de contrat », pour faire bonne mesure. Le 18 juin 2010, l’ARC l’a informé qu’une nouvelle cotisation serait établie et que la totalité des déductions pour pertes ainsi que toute demande de report rétrospectif seraient refusées. Cinq jours après, toujours sous les bons conseils de M. Rasool, Sabet a transmis un document intitulé [traduction] « Avis et demande ». Bien qu’il soit plus long que les précédents, ce document est tout aussi inintelligible. L’ARC a réagi en établissant une nouvelle cotisation et la direction de l’exécution a saisi le salaire de Sabet.

[5]  La saisie a semble-t-il permis à Sabet de comprendre qu’en général ce qui est trop beau pour être vrai n’est pas vrai et ce qui n’est pas logique est insensé. Il s’est résolu à engager un avocat, à déposer un avis d’opposition, à prêter main-forte à l’ARC à titre de témoin dans la poursuite criminelle de M. Rasool. Le voici aujourd’hui devant la Cour pour contester les pénalités imposées par le ministre, le seul contentieux en l’espèce.

2)  Khaled : Années d’imposition 2008 et 2009

[6]  Pour l’année d’imposition 2008, le ministre a tout d’abord établi une cotisation à l’égard de Khaled pour le revenu d’emploi de 51 550,06 $ et des pertes d’entreprise de 197 542,20 $, [traduction] « selon la déclaration produite ». Les pertes d’entreprise de Khaled ont aussi été déclarées dans un [traduction] « état des activités de mandataire ». Le 13 novembre 2009, l’ARC a envoyé à Khaled une demande de renseignements semblable à celle adressée à Sabet. M. Rasool y a répondu par l’intermédiaire de Khaled. D’après ce que l’on en sait, aucun autre événement marquant n’est survenu entre l’envoi de la demande de renseignements initiale de l’ARC, la réponse de M. Rasool et l’échéance de production de la déclaration de revenus suivante de Khaled, soit celle concernant l’année d’imposition 2009. Celle-ci a donc été produite le 27 avril 2010, accompagnée d’une demande de report rétrospectif de pertes afférentes à des années d’imposition précédentes. Déjà aux aguets, le ministre n’a pas délivré d’avis de ratification pour 2009. L’ARC a plutôt soumis de nouveau certaines questions à Khaled le 18 juin 2010, lui demandant cette fois de produire des renseignements détaillés sur l’entreprise et les pertes d’entreprises relatifs aux années d’imposition 2005 à 2009, dont il demandait le report rétrospectif. Les réponses qui ont suivi ressemblaient beaucoup à celles qui avaient été servies par Sabet. Les documents que M. Rasool a transmis à l’ARC au nom de Khaled étaient tout aussi insondables et inintelligibles. Cette correspondance a débouché sur l’établissement d’une nouvelle cotisation et l’imposition de pénalités qui, dans le cas de Khaled, incluaient les années d’imposition 2008 et 2009.

D. Mantaz Rasool (« M. Rasool »)

[7]  Le comptable, Mantaz Rasool, a joué un rôle central dans l’établissement, la production et la chorégraphie des déclarations de revenus et des annexes, ainsi qu’en ce qui concerne les tractations avec l’ARC. Son implication a cessé dès l’établissement des ratifications de cotisations et des ordonnances de saisie-arrêt. Il a disparu brusquement. Les présents appels ont ceci de particulier que, avant sa période relative à « Fiscal Arbitrators », M. Rasool avait été le comptable de Sabet pendant de longues années, ce qui n’a pas été contesté. Le nom de M. Rasool a à maintes reprises été évoqué devant notre Cour pour ses rôles de mentor et de défenseur des intérêts associé à « Fiscal Arbitrators ».

1)  Relation entre M. Rasool et Sabet

[8]  Pendant des années, M. Rasool a également été le comptable du père de Sabet et de son entreprise. Dans ce rôle et jusqu’aux années visées par l’appel, M. Rasool avait réalisé un parcours sans faute et s’était montré respectueux de la loi. En 2000, M. Rasool avait aussi commencé à établir et à produire les déclarations de revenu simples de Sabet. Il établissait les déclarations à partir de feuillets d’information, puis Sabet recevait une confirmation de production par voie électronique et versait à M. Rasool une somme de 100 $ environ pour rétribuer ses services.

[9]  La situation a commencé à changer en 2007. M. Rasool a proposé à Sabet d’[traduction] « investir » dans StockOptix. Malgré l’absence de documentation sur le programme, Sabet a fait un [traduction] « investissement » et il a versé à M. Rasool des honoraires de 6 000 $ environ. L’opération a permis à Sabet de toucher un remboursement d’impôt de quelque 12 000 $ pour l’année d’imposition 2007. Les cotisations pour l’année 2007 ont été établies selon la déclaration produite. Il n’a pas été contesté qu’aucune nouvelle cotisation n’a été établie. Sabet a conservé le remboursement.

[10]  En 2008, M. Rasool a parlé à Sabet d’une méthode encore plus efficace pour obtenir un remboursement (ou un [traduction] « rendement », selon les termes employés par Sabet) supérieur à celui qu’avait généré StockOptix en 2007. Cette nouvelle [traduction] « méthode » lui a été expliquée avec la superbe des hommes forts de leur expérience : des équipes de comptables et d’avocats l’avaient étudiée et approuvée; elle impliquait une disjonction des personnalités physique et morale; il existait un système parallèle de production des déclarations ignoré de la grande majorité, mais les bénéfices de mécanismes et de ses codes s’obtenaient à force de persévérance, moyennant une adhésion stricte et, sans surprise, le paiement à l’avance de coquettes sommes pour couvrir les honoraires professionnels. M. Rasool a expliqué tout cela à Sabet au début de l’année 2009, au moment où il était venu lui porter ses documents en vue de la production de sa déclaration de revenus annuelle (pour l’année 2008 en l’occurrence). Sabet a écouté ses explications complètes et pris connaissance de copies expurgées de déclarations de revenus [traduction] « approuvées par l’ARC ». Sabet a été convaincu par les arguments de vente de M. Rasool. Sabet a versé à M. Rasool une avance sur ses honoraires, soit 40 % de la valeur anticipée du « remboursement ».

2)  Relation entre M. Rasool et Khaled

[11]  Sabet a été impressionné par la [traduction] « méthode ». Il a décidé d’en parler à son bon ami Khaled. Il lui a téléphoné et expliqué qu’il existait une méthode pour obtenir un remboursement d’impôt plus important. Khaled a dit qu’il allait devoir rencontrer M. Rasool, le comptable de Sabet.

[12]  Au moins trois rencontres ont eu lieu, au cours desquelles M. Rasool a expliqué la [traduction] « méthode » à Sabet ou à Khaled, ou aux deux. Lors de la troisième rencontre, Khaled était accompagné de deux autres personnes. Ces rencontres se déroulaient toujours dans un café. La première femme était une adhérente potentielle au plan de M. Rasool. La seconde travaillait comme vérificatrice de la taxe de vente provinciale (TVP) au ministère du Revenu de l’Ontario. Elle a témoigné dans le présent appel. La vérificatrice de la TVP (aujourd’hui de la taxe sur les produits et services, TPS) assistait à la rencontre à titre d’amie de la famille, et non à titre officiel. L’adhérente potentielle est partie précipitamment, et n’a sans doute jamais revu M. Rasool. La fonctionnaire du ministère provincial du Revenu, après consultation des échantillons expurgés de documents, a dit deux choses : le logo de l’ARC sur les pièces de correspondance expurgées semblait authentique, mais elle ne connaissait pas la méthode exposée et n’avait jamais eu connaissance de son application.

[13]  Khaled a finalement décidé de retenir les services de M. Rasool. Il a versé des honoraires échelonnés totalisant 12 000 $ environ pour l’année d’imposition 2008. Tel qu’il a été précisé auparavant, Khaled a également fait affaire avec M. Rasool pour l’année d’imposition 2009. Outre le questionnaire initial transmis par l’ARC, qu’il a reçu et auquel il a répondu en novembre 2009, Khaled n’avait reçu aucune autre réponse de l’ARC au moment de l’échéance de production de sa déclaration, en avril 2010. La réponse initiale que M. Rasool a soumise à l’ARC par l’entremise de Khaled pour 2008 donnait l’impression, du moins à celui-ci, que tout se déroulait exactement selon les plans. La chance allait bientôt cesser de lui sourire. Aucun remboursement n’a été versé par suite de la déclaration produite en 2009. Sur une note plus positive, Khaled n’a pas payé l’intégralité des honoraires pour l’établissement de la déclaration de 2009.

[14]  Chaque année avant 2008 (il est arrivé au Canada en 2004), Khaled avait confié ses déclarations de revenu à un comptable et n’avait jamais eu de souci. Les honoraires pour ce service s’élevaient à environ 50 $.

E. Questions de fait et observations supplémentaires

[15]  En raison des circonstances et des séquences d’événements pour le moins inusitées qui sont exposées ci-après, les présents appels, ou certaines parties de ceux-ci, se démarquent de tous ceux, plus courant, dont notre Cour a été saisie eu égard à « Fiscal Arbitrators ».

(i) Déclaration T1 générale de Sabet pour l’année d’imposition 2008

[16]  Après l’investissement fructueux de Sabet dans StockOptix en 2007, M. Rasool lui a parlé, au cours de leur rencontre annuelle, d’un plan fiscal encore plus prometteur pour 2008. Entre la présentation initiale et la production de la déclaration T1 générale de 2008, Sabet a participé aux deux autres rencontres avec M. Rasool dont il est question en l’espèce. À l’issue de la troisième rencontre, Sabet a seulement communiqué verbalement avec M. Rasool pour l’informer qu’il voulait prendre part au plan.

[17]  Le témoignage de Sabet à cet égard est limpide et incontesté. Il a vu la déclaration prétendument produite pour l’année d’imposition 2008 pour la première fois durant la dernière partie de 2009, au cours de laquelle il était plongé dans une procédure de divorce houleuse. Il a communiqué avec M. Rasool pour en obtenir copie. Seule la page 1 lui a été transmise. Il a réussi à obtenir une copie de la déclaration intégrale directement auprès de l’ARC à la fin de 2009, qu’il a remise à son avocat en droit de la famille. Selon Sabet, son avocat lui a donné la nette impression qu’il y avait un problème. Quant à la déclaration de revenus de 2008 produite par l’intimée au procès, Sabet affirme que la signature qui y est apposée n’est pas la sienne. Cette signature est visiblement différente de celle que Sabet reconnaît comme étant la sienne sur les pièces de correspondance subséquentes avec l’ARC. L’avis d’opposition soumis en son nom comporte également une signature que Sabet désavoue, mais qui n’est pas la même que celle qui figure sur sa déclaration T1 de 2008.

[18]  Sabet n’a pas versé à Rasool des honoraires correspondant à 40 % du remboursement réclamé. Ils représentent plutôt 20 % de la réclamation, et ils ont été payés à l’avance. Les sommes versées couvraient les nombreuses heures de recherche, les documents et les opinions que M. Rasool affirmait nécessaires pour mettre au point le plan en vue de la production de sa déclaration. Sabet a bel et bien constaté que des volumes impressionnants de documents expurgés avaient été produits pour valider le plan.

(ii) Déclarations T1 générales de Khaled pour les années d’imposition 2008 et 2009

[19]  À la demande de Sabet, Khaled a participé à une réunion préliminaire avec M. Rasool, qui lui a présenté ses arguments de vente concernant le plan. Khaled n’a pas été convaincu. Il a sollicité une autre rencontre, à laquelle il a entraîné deux amies de la famille. Les deux y ont participé et ont probablement contribué à conférer la [traduction] « force du nombre ». La seconde personne, la vérificatrice de la TVP, devait confirmer ou infirmer la validité du plan. Comme nous l’avons vu, la première amie a quitté les lieux précipitamment. La seconde s’est contentée de dire qu’elle ne connaissait pas le plan, mais que les estampilles de l’ARC sur le matériel promotionnel semblaient authentiques.

[20]  Khaled s’est finalement lancé, il a fourni ses feuillets de renseignements et a versé une petite avance (1 000 $ environ) pour les honoraires. Il a signé la déclaration T1 de 2008 après une lecture très sommaire, mais il a tout de même remarqué qu’un remboursement de 11 000 $ environ était demandé. Il a aussi posé une question à l’égard du mot [traduction] « par » préimprimé sur la ligne de la signature. La réponse de M. Rasool lui a semblé satisfaisante : [traduction] « Cela fait simplement partie de la méthode. » Un avantage de la page de signature du formulaire de demande de report rétrospectif des pertes est qu’aucun chiffre n’y figure. La déclaration de revenus a été signée dans un terrain de stationnement.

[21]  Après la production de la déclaration, c’est M. Rasool qui a transmis à Khaled l’avis concernant son remboursement pour l’année d’imposition 2008. Il a communiqué avec Khaled pour l’informer que son remboursement avait été traité. Khaled n’était pas au courant. Toutefois, il a consulté son relevé de compte bancaire en ligne et constaté que le remboursement y figurait bien. Immédiatement, M. Rasool s’est assuré d’obtenir un chèque couvrant le solde de ses honoraires pour l’année d’imposition 2008.

[22]  En novembre 2009, l’ARC a transmis à Khaled un questionnaire relatif à l’entreprise. La partie à remplir a été transmise à M. Rasool. Celui-ci l’a remplie au nom de Khaled et l’a renvoyée à celui-ci avec des instructions explicites sur les signatures à apposer et la transmission. Ces instructions expliquaient les caractéristiques occultes de la méthode dite des [traduction] « personnes physiques ».

[23]  Pour justifier l’emploi de termes étranges, M. Rasool a expliqué qu’il s’agissait d’un [traduction] « jargon d’avocats » et que cela faisait partie du processus [traduction] « éducatif » pour les profanes de l’ARC à l’égard de méthodes de comptabilité qui, bien qu’anciennes, n’en étaient pas moins juridiquement valides.

[24]  L’ARC n’a pas donné suite à la communication envoyée en novembre 2009 et n’a pas établi de nouvelle cotisation à l’égard de la déclaration de 2008 avant avril 2010, l’échéance de production de la déclaration de 2009. Fait remarquable, il n’est jamais question dans les témoignages des communications entre Khaled et Sabet après avril 2009. Apparemment, Khaled aurait communiqué avec l’ARC par téléphone avant que sa déclaration de 2009 soit datée et produite le 27 avril 2010. Si tel est le cas, la date de cette conversation n’a pas été mentionnée explicitement durant les témoignages. Elle portait sur la notion de [traduction] « personne physique ». Khaled est ressorti de cette conversation avec la conviction que cette notion n’existait pas aux yeux de l’ARC.

[25]  Jusqu’en avril 2010, M. Rasool est resté en contact avec Khaled, qui lui a transmis ses feuillets de renseignements en vue de l’établissement de sa déclaration de 2009. Khaled n’a versé aucune avance sur les honoraires de M. Rasool. Comme en 2008, il était convenu que Khaled réglerait les honoraires à la réception du remboursement. La déclaration produite en preuve devant la Cour contient d’autres notes marginales et des suppressions que l’appelant n’a pas faites lui-même et qu’il ne peut pas expliquer.

[26]  Khaled n’a pas reçu de remboursement pour l’année d’imposition 2009, et tout s’est écroulé en juillet 2010. L’ARC a refusé de verser des remboursements pour les deux années en cause et menacé d’imposer des pénalités. M. Rasool s’est aussitôt montré moins serviable et il a fini par disparaître. Khaled et Sabet l’ont revu dans le contexte des procédures criminelles. Ils ont coopéré avec l’ARC dans ses enquêtes et accepté de témoigner au procès criminel de M. Rasool.

(iii)  La chaîne de confiance

[27]  L’analyse exposée à la partie IV des présents motifs portera sur le poids et l’importance à accorder aux faits suivants. Cependant, les témoignages entendus dans les deux appels ont tour à tour révélé un enchevêtrement peu commun des événements en cause. Par ailleurs, et c’est important, Khaled a comparu en second, mais il n’a pas été autorisé à assister à la déposition orale de Sabet. Aux fins de la présente analyse, la Cour tient à souligner les faits révélés de manière cumulative et cohérente par les témoignages et les documents dont elle a été saisie :

1. Sabet et Khaled n’étaient pas des collègues de travail, mais plutôt des amis proches, traités comme faisant partie de la même famille, et ayant le même héritage culturel.

2. L’anglais n’est pas la langue maternelle de Sabet ni celle de Khaled. Les deux vouaient un grand respect au père de Sabet. Khaled, arrivé plus récemment au Canada, semblait considérer Sabet et sa famille comme des mentors et des modèles à suivre.

3. M. Rasool, le peu scrupuleux promoteur de la méthode dite des [traduction] « personnes physiques » à compter de 2008, avait été le conseiller sans histoire et honnête du père de Sabet et de son entreprise pendant une vingtaine d’années, puis de Sabet lui-même à compter de 2000 ou aux alentours de cette année-là.

4. Même après l’instauration du plan StockOptix en 2007, qui était nettement plus spéculatif et qui marquait un virage sur les plans des honoraires et du cadre conceptuel par rapport aux années précédentes, l’ARC n’a pas remis en cause les déclarations de Sabet, posé de questions ni établi de nouvelle cotisation. Ce fait était aussi connu de Khaled;

5. Sabet et Khaled avaient toujours confié l’établissement de leurs déclarations à des comptables, et n’avaient jamais eu de problème.

6. Sabet et Khaled ont posé beaucoup de questions et reçu des réponses. La mesure dans laquelle ils auraient pu ou auraient dû se montrer plus méfiants est analysée plus loin.

7. Sabet et Khaled ont rencontré M. Rasool à deux ou trois reprises en personne, aux côtés d’autres amis proches; une agente du fisc, du moins selon leur perspective, a notamment participé à l’une de ces rencontres.

8. M. Rasool se présentait comme [traduction] « comptable agréé ». Il pouvait se vanter d’avoir eu un long parcours irréprochable et intègre, qui lui avait permis d’obtenir la confiance de Sabet et de Khaled. Sans le savoir, le père de Sabet avait contribué à cautionner M. Rasool.

(iv) Dans quelle mesure Sabet et Khaled auraient-ils dû se méfier?

[28]  Tout d’abord, une analyse nous permettra de comprendre pourquoi Sabet et Khaled ne se sont pas méfiés, puis nous chercherons ensuite à comprendre leur naïveté. Pour ce faire, la Cour doit tirer ses conclusions des faits liés à l’éducation, à l’érudition, aux antécédents et aux facultés de discernement de ces contribuables.

1. Sabet

[29]  Sabet était auparavant technicien mécanicien. Il est aujourd’hui superviseur. Il a été accrédité après ses études dans un collège communautaire. Il travaille dans le domaine pointu de la conception et de l’usinage de matériel médical. Il n’a pas vraiment de connaissances, ni spécialisées ni générales, dans les domaines de la fiscalité, du droit ou de la comptabilité. Cette méconnaissance a été confirmée dans son témoignage, par sa description du programme de dons StockOptix comme étant un investissement. Ce constat a renforcé l’acceptabilité, à ses yeux, du premier « investissement » substantiel qu’il a fait en 2007, perçu en quelque sorte comme le prix d’une souscription.

[30]  Malgré sa compréhension assez restreinte du droit et de la comptabilité en matière fiscale, ses souvenirs concernant la justification illogique de la méthode des personnes physiques et le matériel promotionnel se sont avérés à la fois cohérents et assez justes. Malheureusement, malgré sa bonne mémoire, en raison de sa compréhension minimale et de probables barrières linguistiques, il semblerait que Sabet n’a jamais eu de soupçons.

2. Khaled

[31]  Khaled a obtenu un diplôme de maîtrise en systèmes d’information d’entreprise de la Middlesex University, en Angleterre. Arrivé au Canada en 2004, il travaille pour la filiale canadienne d’un important fournisseur de services Internet multinational.

[32]  Son meilleur ami au Canada est Sabet. Khaled a de bonnes compétences linguistiques, mais elles ne sont pas parfaites. Ses connaissances en droit et en comptabilité sont limitées. Ces lacunes cumulées ont été confirmées par sa confusion sincère à l’égard des termes [traduction] « remboursement » et [traduction] « déclaration », des dates d’échéance pour la production des déclarations de revenu annuelles et, sans surprise, du jargon entourant la notion de [traduction] « personne physique ».

3. Association

[33]  Il est évident que Khaled a discuté des notions évoquées par M. Rasool avec Sabet, ses autres amis et quiconque pouvait avoir un avis à ce sujet. Ses souvenirs des composantes de la notion étrange de [traduction] « personne physique » correspondaient à ceux d’une personne intelligente, mais dépourvue de l’expérience, de la formation et des compétences linguistiques requises pour faire la distinction entre des principes de droit et de fiscalité exacts, mais exagérément compliqués, et des absurdités tout aussi compliquées.

[34]  Toutefois, comme il sera expliqué dans l’analyse de la partie IV des présents motifs, pour justifier le maintien de pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2), il faut examiner séparément les antécédents personnels afin d’apprécier le niveau de connaissances attendu de chaque contribuable dans un concours de circonstances. Récemment, le juge Rennie a offert une description globale de l’équilibre à respecter pour établir de telles pénalités (décision Wynter c. Canada, 2017 CAF 195, au paragraphe 21) :

[21] Bien que des facteurs subjectifs puissent entrer en jeu dans l’une ou l’autre de ces évaluations, la faute lourde s’établit en recourant à un critère objectif. Plus particulièrement, lorsqu’il y a allégation de faute lourde, je m’attendrais à ce que l’on examine la question de savoir si la conduite en question du contribuable s’écarte de façon tellement marquée de la conduite à laquelle on est en droit de s’attendre qu’elle correspond à un haut degré de négligence qui peut être qualifié d’écart marqué par rapport aux normes, aux pratiques et à la diligence raisonnable attendues de la part d’un contribuable responsable. La mise en garde exprimée par la Cour suprême dans l’arrêt Guindon, au paragraphe 61, s’applique tout autant en l’espèce : ces pénalités « vise[nt] à sanctionner une conduite grave, non la négligence ordinaire ou la simple erreur ».

II. Droit applicable

A. Paragraphe 163(2)

[35]  Les parties applicables du paragraphe 163(2) de la Loi sont rédigées ainsi :

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité [...]

[36]  C’est au ministre que revient la responsabilité, aux termes du paragraphe 163(3), d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

B. Régime d’autodéclaration

[37]  La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, a souligné comme suit les obligations des contribuables ainsi que les pénalités applicables visant à contraindre les contribuables à s’y conformer :

49  Toute personne résidant au Canada au cours d’une année d’imposition donnée est tenue de payer un impôt sur son revenu imposable, calculé selon les règles prescrites par la Loi (LIR, art. 2 [...]). Le processus de perception des impôts repose principalement sur l’autocotisation et l’autodéclaration [...] Sous réserve de certaines restrictions, le ministre peut par la suite établir une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt du contribuable pour une année d’imposition (par. 152[4]).

50  Bien que l’observation volontaire de la loi et l’autocotisation constituent les éléments essentiels du régime réglementaire de la LIR, le système fiscal est doté de [traduction] « mécanismes de persuasion visant à inciter les contribuables à déclarer leurs revenus » [...]. Par exemple, pour favoriser l’aspect d’autodéclaration du régime, l’art. 162 de la LIR établit des peines pécuniaires pour les personnes qui omettent de produire leur déclaration de revenu. De même, pour inciter le contribuable à faire preuve de minutie et d’exactitude dans le cadre de l’autocotisation, l’art. 163 de la Loi prévoit le même type de pénalités pour les personnes qui omettent de façon répétée de déclarer un montant à inclure, qui sont complices d’un faux énoncé ou d’une omission ou qui commettent une faute lourde à cet égard.

51  [...] [D]es caractéristiques fondamentales de l’autocotisation [...] que le succès de l’application du régime fiscal repose [...] Comme le juge Cory l’a affirmé dans l’arrêt Knox Contracting, précité, p. 350 : « Le système d’imposition dépend entièrement de l’intégrité du contribuable qui déclare et évalue son revenu. Pour que le système fonctionne, les déclarations doivent être remplies honnêtement. » Il n’est donc pas étonnant que la Loi tente de restreindre le risque qu’un contribuable essaie de « tirer profit du régime d’autodéclaration pour tenter d’éviter de payer sa pleine part du fardeau fiscal en violant les règles énoncées dans la Loi » [...]

[Non souligné dans l’original. Références omises.]

[38]  L’objectif de toutes ces dispositions est de rendre efficace et fonctionnel un régime fiscal d’autocotisation et d’autodéclaration volontaires.

[39]  L’un des aspects essentiels de ce régime est que l’autorité fiscale ne pénalise pas un contribuable à moins que et jusqu’à ce que le contribuable omette de préparer sa déclaration de revenus avec suffisamment de soin et de précision au point de commettre une faute lourde, généralement quelle que soit la personne à qui la tâche comme telle est déléguée. Le contribuable bénéficie d’un régime d’autocotisation et d’autodéclaration, mais il doit agir avec honnêteté, dans les délais et de bonne foi, à défaut de quoi les dispositions pénales de la Loi et celles traitant de la conformité seront appliquées.

C. Éléments des pénalités du paragraphe 163(2)

[40]  Cette obligation positive du contribuable et le manquement à celle-ci détermineront si des pénalités seront imposées. Aux termes du paragraphe 163(2), les deux éléments suivants doivent être réunis pour qu’une conclusion de responsabilité de payer une pénalité puisse être tirée :

  • a) un faux énoncé dans une déclaration;

  • b) la connaissance du faux énoncé ou, en l’absence de connaissance réelle, la participation, l’acquiescement ou le consentement à un faux énoncé.

1. Faux énoncés

[41]  D’après les éléments de preuve, et hormis la question de l’authenticité de la déclaration de Sabet sur laquelle nous reviendrons plus loin, il ne fait aucun doute que tous les renseignements soumis dans les déclarations des deux appelants relativement à une [traduction] « relation de mandataire » étaient manifestement faux. Il n’existait tout simplement aucune relation de ce type, point. Toute référence à des pertes déclarées relativement à cette relation ou à des remboursements qui en découlent est également vouée à l’échec du fait du même mensonge initial. Par conséquent, le premier élément du faux énoncé est établi.

2. Connaissance réelle ou faute lourde

[42]  La « connaissance » du mensonge manifeste est légèrement plus nuancée lorsque le contribuable n’a pas examiné ou lu les déclarations de revenus avant de les signer. Cela devient encore plus compliqué lorsque l’affaire a trait à Fiscal Arbitrators. Les textes, le verbiage et le cadre conceptuel dont se réclament ces [traduction] « conseillers » déconcerteraient les comptables, les avocats et les juges les plus expérimentés. Comment peut-on discerner ou savoir si de tels énoncés sont faux ou vrais, finalement? Les formulations sont beaucoup trop alambiquées pour qu’il soit possible d’y voir clair. La même conclusion s’impose, peu importe si ces énoncés sont lus ou entendus. Aucun des appelants ne connaissait le [traduction] « jargon fiscal ». C’était évident et tout à fait vraisemblable. Ils n’étaient pas en mesure de distinguer le [traduction] « charabia » de Fiscal Arbitrators du langage complexe et rigoureux du droit fiscal et de la comptabilité fiscale. Fiscal Arbitrators table sur cette réalité regrettable.

[43]  Dans les présents appels, l’intimée allègue que de faux énoncés ont été faits ou une faute lourde commise en toute connaissance de cause. La Cour réfute l’allégation de connaissance réelle en raison des circonstances relatives à M. Rasool et de son implication. Dans les faits, Sabet et Khaled n’étaient pas au courant de la déduction de fausses pertes d’entreprise dans les déclarations de 2008. La question est donc de savoir si Khaled ou Sabet a commis une faute lourde en autorisant le faux énoncé.

[44]  La faute lourde va au-delà de la simple faute. La faute lourde doit être interprétée comme étant plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. La faute lourde suppose un degré important de négligence, qui correspond à une action délibérée ou à une indifférence quant au respect de la Loi : décision Venne c. Canada [1984] A.C.F., no 314. Il s’agit d’un comportement qui se rapproche de l’insouciance : décision Farm Business Consultants Inc. c. La Reine, [1994] A.C.I., no 760 (QL).

[45]  Certains facteurs doivent être utilisés pour déterminer si le comportement constitue une faute lourde. De manière générale, ces facteurs ont été établis ainsi dans la décision DeCosta c. La Reine, 2005 CCI 545, au paragraphe 11 :

  • a) l’importance de l’omission relative au revenu déclaré;

  • b) la faculté du contribuable de découvrir l’erreur;

  • c) le niveau d’instruction du contribuable et son intelligence apparente,

  • d) l’effort réel de se conformer à la loi.

3.  Aveuglement volontaire

[46]  L’aveuglement volontaire peut constituer une faute lourde dans le contexte d’une pénalité imposée au titre du calcul de l’impôt sur le revenu. À la fois dans les arrêts Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2004 CAF 20, et Panini c. Canada, 2006 CAF 224, on a conclu que la notion ou le concept d’aveuglement volontaire s’appliquait à l’égard des pénalités pour faute lourde en application du paragraphe 163(2) de la Loi.

[47]  De même, dans la décision Torres c. La Reine, 2013 CCI 380, le juge Campbell Miller établit un cadre utile pour l’analyse applicable aux affaires mettant en cause des pénalités et Fiscal Arbitrators ou d’autres fraudeurs du même acabit. Le cadre utile pour l’analyse repose sur les principes suivants :

  • a) La connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire.

  • b) La notion d’aveuglement volontaire peut être appliquée aux pénalités pour faute lourde prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi [...]

  • c) Pour savoir s’il y a eu ou non aveuglement volontaire, il faut tenir compte du niveau d’instruction et d’expérience du contribuable.

  • d) Pour conclure à un aveuglement volontaire, il doit y avoir eu nécessité de s’informer, ou soupçon d’une telle nécessité.

  • e) Les facteurs laissant supposer la nécessité de s’informer avant la production d’une déclaration, ou faisant apparaître « des feux rouges clairs » [...] comprennent ce qui suit :

  • i) l’importance de l’avantage ou de l’omission;

  • ii) le caractère flagrant du faux énoncé et la facilité avec laquelle il peut être décelé;

  • iii) l’absence, dans la déclaration elle-même, d’une attestation du spécialiste qui a établi la déclaration;

  • iv) les demandes inusitées du spécialiste;

  • v) le fait que le spécialiste était auparavant inconnu du contribuable;

  • vi) les explications inintelligibles du spécialiste;

  • vii) le point de savoir si d’autres personnes ont eu recours au spécialiste ou ont fait des mises en garde à l’encontre de ce dernier, ou le point de savoir si le contribuable lui-même hésite à s’en ouvrir à d’autres.

  • f) Le dernier critère de l’aveuglement volontaire est le fait que le contribuable ne s’enquiert pas auprès du spécialiste pour comprendre la déclaration de revenus, ni ne s’enquiert aucunement auprès d’un tiers, ou auprès de l’ARC elle-même.

III. Thèses des parties et questions en litige

[48]  Étant donné que le fardeau de la preuve revient au ministre dans les instances traitant de pénalités, il s’avère particulièrement important de cerner les thèses des parties.

A. Les observations de l’intimée

[49]  Puisque les pertes à l’origine des remboursements se rapportaient à des entreprises fictives, la présence de faux énoncés dans les déclarations est incontestable.

1)  Sabet

(i) Obligation de se renseigner

[50]  Des signaux d’alarme auraient dû amener Sabet à se renseigner et à examiner sa déclaration de 2008. Ces signaux étaient les suivants : la tenue des réunions dans un café, jamais dans le cadre formel d’un bureau; le défaut de M. Rasool de se présenter comme un spécialiste en déclarations fiscales; les honoraires exorbitants par rapport aux années précédentes; l’absence d’explication de la méthode proposée par M. Rasool; l’abandon de la méthode de production des déclarations en ligne; l’éparpillement et l’ampleur des faux énoncés. Les signaux étaient suffisamment forts pour éveiller les soupçons de Sabet relativement aux déclarations produites s’il n’avait pas fait preuve d’aveuglement volontaire. Il n’est pas permis d’accorder une confiance aveugle à autrui quand il est question de l’exactitude et de la véracité d’une déclaration de revenus. Un simple examen de la déclaration aurait suffi pour déceler la présence manifeste de faux énoncés. Le défaut de Sabet de demander une copie de la déclaration équivaut à dire qu’il l’a signée sans prendre connaissance de son contenu. Cette conclusion est corroborée par le fait que M. Rasool a exigé que la déclaration soit produite sur papier, contrairement à la méthode de production en ligne utilisée au cours des années précédentes.

2)  Khaled

(i) Obligation de se renseigner

[51]  En plus des signes avant-coureurs qui auraient dû être perçus par Sabet, Khaled avait d’autres raisons de s’inquiéter : M. Rasool était un parfait inconnu; toutes ses explications, même les plus simples, étaient suspectes et les déclarations ont été signées dans un parc de stationnement, et il n’a jamais reçu de copie des déclarations après les avoir signées. Toutes ces circonstances auraient dû susciter des préoccupations suffisantes pour l’obliger à examiner attentivement les déclarations des deux années.

(ii) Il a choisi de ne pas examiner les déclarations et d’accorder une confiance aveugle à M. Rasool

[52]  Khaled a choisi de fermer les yeux parce qu’il souhaitait simplement obtenir le remboursement. C’était son objectif et c’est pourquoi il s’est contenté d’un rapide coup d’œil à la déclaration. Sans plus de questions, il a apposé sa signature aux endroits indiqués par M. Rasool qu’il a rencontré, à cette fin, dans un parc de stationnement. La conduite des parties à l’égard des demandes de renseignements initiales et des réponses donne à la Cour une bonne idée de leur état d’esprit durant les périodes pertinentes de production des déclarations.

B. La thèse des appelants

1)  Sabet

(i) Défaut de Sabet de prendre connaissance de la déclaration de revenus de 2008

[53]  Selon la jurisprudence portant sur la question de l’établissement des pénalités pour faute lourde par suite d’un aveuglement volontaire, le contribuable doit avoir vu les faux énoncés, les avoir compris, puis en avoir fait fi. Dans les faits, Sabet n’a pas examiné la déclaration. Il ne l’a pas signée. Il s’est contenté, comme il l’avait fait précédemment, de consentir au plan global proposé par le comptable avec qui il faisait affaire depuis des années. Comment aurait-il pu déceler les faux énoncés? Il ne pouvait pas les déceler puisqu’il n’a pas reçu, signé ni produit lui-même sa déclaration de revenus de 2008 : Boateng v. HMQ, 2017 CarswellNat 7260, au paragraphe 29.

(ii) Absence de signes avant-coureurs dans les circonstances de l’affaire

[54]  Là encore, alors qu’il s’agit d’un élément cardinal pour l’analyse des autres facteurs énoncés dans la décision Torres, le contenu de la déclaration n’a jamais été passé en revue puisqu’elle n’a jamais été fournie. Des facteurs comme l’évidence des faux énoncés, l’absence d’attestation du spécialiste en déclarations, la présence de symboles étranges et l’absence de lien préalable avec le spécialiste ne s’appliquent pas à Sabet. Rien ne permet de tirer une conclusion d’aveuglement volontaire à l’égard de la déclaration de revenus. Comme Sabet n’a jamais eu la déclaration entre les mains, il n’a pas pu en examiner le contenu. Compte tenu de la fraude – la déclaration ne porte même pas sa signature –, les pénalités sont supprimées.

2)  Khaled

[55]  Khaled n’a pas sciemment fait de faux énoncé.

(i) Il était justifié de faire confiance au comptable et de ne pas examiner la déclaration de 2008

[56]  Pendant le processus qui a abouti à la signature de la déclaration de revenus de 2008, Khaled n’a pas fait montre d’indifférence. Il a fait des recherches sur M. Rasool, discuté du plan avec des amis, il s’est fait accompagner par une amie, qui à ses yeux était une spécialiste, à la rencontre d’information (laquelle n’a pas critiqué le plan), puis il a finalement adhéré au plan, à l’instar de son bon ami, dont le père faisait affaire avec le comptable qui proposait d’établir sa déclaration.

(ii) Aucune remise en cause du contenu de la déclaration de 2009

[57]  Se fondant sur la prise de toutes les précautions voulues en 2008, Khaled se sentait d’autant plus encouragé à signer la déclaration de 2009 que M. Rasool semblait avoir convaincu l’ARC par ses réponses au questionnaire sur l’entreprise qu’elle avait envoyé en 2009 relativement à la déclaration de 2008 de Khaled. Étant donné que le système était relativement nouveau pour Khaled, que ses compétences linguistiques étaient limitées et qu’il n’avait pas eu de nouvelles de l’ARC, il a renouvelé sa confiance en M. Rasool et à l’égard de son plan pour la production de ses déclarations. À cela s’ajoute l’authenticité douteuse de la déclaration de revenus de 2009 qui a été soumise à la Cour.

IV. Analyse et décision

a. Analyse globale

[58]  Il convient de faire une analyse séparée des appels en cause, en tenant compte des différents éléments propres aux circonstances entourant la signature et l’examen des déclarations, des niveaux probables de compréhension et de la prise de précautions. À titre d’observation, notons l’interconnexion des deux appels sur les plans des liens de confiance, des associations et, jusqu’à un certain point, des assurances réciproques, du moins en 2009. Cette interconnexion découle d’une décision d’aller de l’avant mutuellement connue et débattue. En quelque sorte, le fait que les deux appelants ont décidé d’aller de l’avant avait quelque chose de rassurant. Il est sans doute plus facile de le comprendre de manière rétrospective. Si l’un des deux hommes avait choisi d’aller de l’avant et que l’autre s’était rétracté, il aurait été demandé à la Cour d’interpréter cette décision négative par rapport à la décision affirmative de l’autre.

b. Sabet

[59]  Les pénalités imposées à Sabet pour l’année d’imposition 2008 doivent être supprimées. Pour trancher cette question, la Cour doit accorder une grande importance aux faits et conclusions tenant à l’essence des facteurs énoncés dans les décisions DeCosta et Torres :

(i) la relation positive et sans histoire de Sabet avec M. Rasool à titre de conseiller fiscal pendant au moins huit ans avant les événements en cause;
(ii) encore plus récemment, soit en 2007, son expérience relative à l’investissement profitable dans StockOptix dont M. Rasool avait fait la promotion;
(iii) la longue collaboration de l’entreprise de son père avec M. Rasool;
(iv) le fait qu’il n’a jamais eu en main, examiné ou signé sa déclaration de revenus de 2008. La déclaration produite était un [traduction] « document contrefait ». La Cour dispose de peu d’éléments de preuve pouvant démontrer le contraire. Les pénalités se rapportent à l’époque à laquelle la déclaration a été signée et à l’état d’esprit de Sabet à ce moment-là. Pour conclure à l’aveuglement volontaire, la Cour ne peut pas se fonder sur une évaluation de l’état d’esprit d’un contribuable et de son examen d’un document durant un événement critique qui n’a jamais eu lieu;
(v) Sabet était présent aux réunions de concertation avec son ami Khaled. Même si elles se sont déroulées dans un café, le fait qu’elles ont bel et bien eu lieu lève en partie le doute quant à la question de l’aveuglement volontaire ou de la passivité.

[60]  Dans les faits relatifs à l’appel formé par Sabet, l’élément usuel de [traduction] « hasard » en ce qui concerne la relation avec le spécialiste en déclarations est complètement absent. Les conclusions et les faits exposés précédemment dénotent une relation fiable et sans incident entre Sabet, son père et M. Rasool dans le passé. Les pénalités prévues au paragraphe 163(2) doivent reposer sur des faits précis. De manière générale, la jurisprudence confirmant les pénalités imposées concerne d’emblée des situations où la relation avec le spécialiste en déclarations était inexistante, superficielle ou éphémère : décisions Hogg c. La Reine, 2017 CCI 231; Janovsky c. La Reine, 2013 CCI 140; Khatthar c. La Reine, 2015 CCI 338, parmi d’autres. En ce qui concerne l’appel de Sabet, la longévité de la relation, l’exemple personnel et le fait que des services ont été fournis sans incident pendant des années tranchent avec le modèle usuel. En outre, ces considérations l’emportent sur tous les autres facteurs. Personne n’a fait de démarches pour [traduction] « convaincre » Sabet de faire appel à M. Rasool puisqu’il collaborait avec lui depuis des années : Sam c. La Reine, 2016 CCI 98. Sans le savoir, il a même agi comme promoteur auprès de Khaled. Il est difficile d’imaginer des faits aussi uniques, mettant en scène un comptable dévoué pendant des années qui, tout à coup, devient un agent de recrutement important pour un stratagème fiscal illicite.

[61]  Ce passé est pertinent puisqu’il réduit l’envergure de l’enquête à faire sur la réputation du spécialiste en déclarations auprès de tiers, et fait en sorte qu’il était impossible pour la partie en cause de consulter son comptable (puisque, en l’occurrence, il s’agissait de M. Rasool, le comptable honnête devenu voyou) et d’autres proches (qui faisaient aussi appel aux services de M. Rasool).

[62]  Le remboursement promis (les pertes d’entreprise n’ont pas fait l’objet de discussions ou d’analyses) était d’une certaine importance, mais il n’était pas colossal. Le remboursement demandé en 2008 était plus élevé, mais il correspondait à celui de l’année précédente. Les demandes de renseignements, les rencontres et la longévité de la relation ont en quelque sorte occulté les faux énoncés, la faculté de les découvrir et les sollicitations. Sabet s’est montré sourd aux préoccupations de son entourage en raison de la longue relation que lui et son père avaient eue avec M. Rasool. La correspondance par la suite avec l’ARC est postérieure à la date de production et on n’y trouve aucune allusion à des pertes d’entreprise. Dans l’ensemble, compte tenu de l’inauthenticité de la déclaration produite et malgré la conduite peu exemplaire et négligente de Sabet, une enquête plus poussée n’était pas requise.

c. Khaled

1. 2008

[63]  Bien que sa situation soit tout juste acceptable, il y a lieu également de supprimer les pénalités imposées à Khaled pour l’année 2008.

[64]  Il a posé des questions. De plus, même s’il a signé la déclaration de revenus après un examen sommaire, il s’est tout de même enquis de ce qui lui semblait étrange : le mot [traduction] « par » devant sa signature, qu’il n’a pas écrit lui-même. Il a aussi posé des questions sur le montant du remboursement afin d’obtenir une confirmation de son acceptabilité. En contexte, M. Rasool faisait figure de comptable chevronné de confiance avec lequel son ami et le père de celui-ci, un homme d’affaires respecté, collaboraient depuis des années, et il procurait des explications à un contribuable peu au fait du système et pour qui l’anglais n’était pas la langue maternelle. De plus, certaines parties de la déclaration de Khaled, selon la preuve soumise à la Cour, ne portent pas sa signature, mais un fac-similé d’une signature qui n’est pas la sienne. Dans la demande de report rétrospectif des pertes d’entreprise, les chiffres qui s’y rapportent figurent de façon tout à fait opportune sur une autre page que la page de signature. Tout bien pesé, cela indique qu’on ne lui a pas présenté l’intégralité de la déclaration au moment de la signature. En ce qui concerne les interventions ou les mises en garde de tiers à l’égard de M. Rasool, après la prise de toutes les précautions et fort de toutes les garanties voulues, Khaled a emboîté le pas à Sabet, son mentor et ami, pour l’année 2008. Il avait tiré ces garanties des rencontres auxquelles il avait assisté et des questions qui ont été posées, mais aussi de l’historique de la relation.

[65]  Il en va de même pour les réponses insaisissables qui lui ont été fournies. Aux yeux de la Cour, les réponses qui ont été fournies aux questions de Khaled sont pour le moins étranges et illogiques. Il faut dire cependant que Khaled ne consacre pas ses journées au droit, à la comptabilité et à des opérations commerciales mettant en jeu des questions de fiscalité, d’investissements, de profits et de pertes : Anderson c. La Reine, 2016 CCI 93, au paragraphe 81. Khaled travaille dans le domaine de l’informatique. Il existe un jargon incompréhensible propre à ce domaine, totalement différent de celui du droit, de la comptabilité ou de la fiscalité. De l’avis de la Cour, avant le milieu de 2009, Khaled avait peu de raisons de croire qu’il aurait dû poser plus de questions ou pousser son contrôle diligent pour s’assurer de l’acceptabilité de ses déclarations fiscales. Il a même demandé à une personne qui travaillait dans le domaine du contrôle fiscal (selon ce qu’il comprenait de ce domaine) de l’accompagner à une rencontre avant de produire sa déclaration de 2008.

[66]  Par ailleurs, il est possible de fournir une explication plausible quant à la découverte de la fraude fondée sur des signes avant-coureurs déclenchés par le mensonge flagrant ou l’ampleur de la déclaration. Au moment de la signature, la déclaration avait été reliée dans un format convivial et [traduction] « astucieux », qui permettait de camoufler les pertes d’entreprise et les reports rétrospectifs. Les honoraires étaient versés seulement après la réception d’un remboursement. Le remboursement lui-même (11 000 $ en 2008) n’était pas colossal, mais simplement d’une certaine importance. Ce montant semble correspondre à celui que M. Rasool a obtenu pour Sabet en 2007, qui à ce jour n’a pas fait l’objet d’une nouvelle cotisation. Cette information de première importance était connue de Khaled en avril 2009, quand il a signé sa déclaration de 2008. Elle n’a donc suscité aucun scepticisme dans son entourage ou dans son esprit. Le fait est que rien ne l’a alerté, tout simplement. À cela s’ajoute le fait que les signes de mise en garde étaient difficilement décelables aux yeux d’un déclarant relativement nouveau qui n’avait aucune raison d’être méfiant.

2. 2009

[67]  Les faits afférents à l’année d’imposition suivante (2009) diffèrent pour Khaled. Les événements pertinents se sont déroulés après avril 2009 et avant l’établissement et la production de sa déclaration de revenus de 2009 : Arbuckle c. La Reine, 2017 CCI 181, aux paragraphes 53 et 54. Les observations suivantes cadrent parfaitement avec chacun des facteurs applicables énoncés dans la décision Torres :

(i) Sabet, le mentor en qui Khaled avait confiance, a reçu en 2009 une copie des déclarations [traduction] « telles que produites » de la part de l’ARC, et la confirmation de son avocat en droit de la famille comme quoi ces déclarations frauduleuses posaient un [traduction] « grave problème » : décision Bhatti c. La Reine, 2013 CCI 143, au paragraphe 13.
(ii) Quand Sabet a fait cette découverte et en a vraisemblablement fait part à Khaled, M. Rasool a perdu tout le capital de confiance que Sabet et sa famille lui avaient jusque-là accordé, et Khaled aurait dû être aux aguets au moment de produire sa déclaration de revenus de 2009.
(iii) La demande de Rasool de signer sans poser de question le faux questionnaire relatif à l’entreprise qu’il avait rempli et dûment transmis à l’ARC aurait dû allumer des feux rouge clair concernant non pas le passé, mais ce qui allait se passer concernant l’année 2009.
(iv) Selon toute vraisemblance, Khaled a reçu une confirmation de l’ARC selon laquelle la méthode de la [traduction] « personne physique » était erronée avant avril 2010 ou en avril 2010 (mais avant l’échéance pour la production de la déclaration de 2009). La Cour est parvenue à cette conclusion parce que, étant donné la série de demandes de renseignements signifiées par l’ARC, Khaled n’avait aucune raison de se renseigner après le 30 avril 2010. Khaled a très probablement appelé l’ARC avant la signature et la production de sa déclaration de 2009 : décision Spurvey c. La Reine, 2015 CCI 300, au paragraphe 46.
(v) Aux yeux de Khaled, la relation entre Sabet et Rasool avant avril 2010 faisait l’objet d’une communication constante et rassurante ainsi que d’un consensus. Fait inquiétant, dans les témoignages, il n’y a aucune mention d’une tentative de Khaled de discuter avec Sabet, de le rencontrer ou d’obtenir de l’information après la découverte par celui-ci d’une déclaration de revenus problématique, puis la signature et la production par Khaled de sa déclaration de 2009 en avril 2010. Aucune explication n’a non plus été donnée au sujet de la suspension soudaine pendant toute une année des communications qui étaient soutenues avant le 30 avril 2009 (la date d’échéance de la déclaration de 2008) et ce, malgré la découverte de la déclaration de revenus problématique par Sabet, les demandes de renseignements de l’ARC et les demandes à M. Rasool. La crédibilité et le lien de confiance s’étaient effrités au moment de produire les déclarations de 2009.

[68]  Au moment de produire sa déclaration de 2009, le cadre factuel avait suffisamment changé pour que Khaled, alors plus isolé, soit alerté et s’enquière auprès de M. Rasool, de Sabet ou de son conseiller fiscal précédent. Après avoir cherché toutes les précisions rassurantes possibles avant avril 2009, Khaled semble avoir choisi de ne pas tenir compte des nouveaux signes avant-coureurs survenus au début de 2010. Cette conduite correspond exactement à la définition de l’aveuglement volontaire équivalant à faute lourde. Pour l’année d’imposition 2009, Khaled a fait preuve d’aveuglement volontaire et, ce faisant, il a consenti à la production d’une déclaration frauduleuse en son nom, ce qui constitue une faute lourde. Les pénalités sont valides et seront maintenues.

V. Dépens

1)  Sabet

[69]  Des dépens sont accordés à Sabet conformément au tarif établi, sous réserve du droit des deux parties de présenter des observations à ce sujet dans les 30 jours suivant la date des présents motifs.

2)  Khaled

[70]  Compte tenu des résultats mitigés, aucuns dépens ne seront adjugés à Khaled pour son appel.

Le jugement modifié et les motifs du jugement modifié remplacent le jugement et les motifs du jugement du 23 juillet 2018.

Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour d’août 2018.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juin 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 149

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2012-3872(IT)G, 2012-5068(IT)G

INTITULÉ :

SABET MAHDI ET SA MAJESTÉ LA REINE; KHALED LASHIN ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 février 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 août 2018

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelant :

Me Charles Haworth

Avocate de l’intimée :

Me Rishma Bhimji

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Charles Haworth

 

Cabinet :

DioGuardi Tax Law LLP

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.