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Dossier : 2009-2139(GST)G

ENTRE :

YVON TURCOTTE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 22 novembre 2012, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Johanne D'Auray

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Richard Généreux

Avocat de l'intimée :

Me Danny Galarneau

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

La nouvelle cotisation est renvoyé au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur la base que l’appel est accueilli en ce qui a trait aux périodes de novembre 2001 et février 2002. Le montant établi par le ministre pour période d’octobre 2002 devra aussi être réduit par un montant de 44,63 $.

 

Le tout avec frais contre l’appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2013.

 

« Johanne D’Auray »

Juge D'Auray

 


 

 

 

Référence : 2013 CCI 233

Date : 20130718

Dossier : 2009-2139(GST)G

ENTRE :

YVON TURCOTTE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge D'Auray

 

Introduction

 

[1]             M. Turcotte était administrateur de la société Mission Confort Inc., autrefois connue sous la dénomination sociale Centre d’économie en Chauffage Turcotte Inc. (la « Société Turcotte »).

 

[2]             Société Turcotte, jusqu’au moment de sa faillite, œuvrait dans la distribution et la vente d’appareils de chauffage et climatisation.

 

[3]             En vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »), Société Turcotte devait produire une déclaration de taxe sur les produits et services (« TPS ») mensuelle. Ainsi, à la fin de chaque mois, Société Turcotte devait calculer sa taxe nette.

 

[4]             Si en calculant sa taxe nette, le montant établi par la Société Turcotte était positif, c'est-à-dire la TPS perçue et percevable de ses clients était supérieure à la TPS payée sur les fournitures qu’elle avait achetées dans le cadre de ses activités commerciales (communément appelé CTI - crédits sur les intrants), Société Turcotte devrait verser la différence à titre de paiement de taxe nette, au receveur général du Canada[1].

 

[5]             Cependant, si le résultat du calcul de la taxe nette était négatif, c'est-à-dire que la TPS perçue ou percevable était inférieure à la TPS payée sur les fournitures achetées par la Société Turcotte dans le cadre de ses activités commerciales, le receveur général devait remettre la différence à Société Turcotte à titre de remboursement de taxe nette.

 

[6]             Suite à une vérification, le ministre du Revenu du Québec, mandaté pour le compte du ministre du Revenu national, (le « ministre »), a établi une cotisation qui a eu pour effet d’augmenter la taxe nette de la Société Turcotte :

 

·        en augmentant pour certaines périodes la TPS perçue ou percevable et;

 

·        en refusant pour certaines périodes des crédits sur les intrants réclamés par la Société Turcotte.

 

[7]             En avril 2004, lors de la cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, Société Turcotte avait une dette fiscale.

 

[8]             En vertu de l’article 323 de la Loi, un administrateur d’une société est redevable conjointement et solidairement avec la société de la taxe nette non remise au receveur général du Canada. Conséquemment, M. Turcotte, à titre d’administrateur, a été cotisé pour le montant de la taxe nette dont la Société Turcotte était redevable en vertu de la Loi.

 

[9]             M. Turcotte fait valoir qu’à titre d’administrateur il n’est redevable que pour une partie de la dette fiscale de la Société Turcotte, soit la partie de la dette relative à la TPS perçue de ses clients.

 

[10]        Cependant, il fait valoir qu’en vertu des termes utilisés au paragraphe 323(1) de la Loi, soit la version pré-2005 (« 323(1) pré-2005 ») qu’à titre d’administrateur, il n’est pas redevable des montants des crédits sur les intrants refusés par le ministre à la suite de la vérification de la Société Turcotte.

 

Question en litige

 

[11]        La question à déterminer dans le présent appel est à savoir si M. Turcotte, à titre d’administrateur, est redevable de la dette fiscale de la Société Turcotte en vertu du paragraphe 323(1) pré-2005 de la Loi, soit pour les montants relatifs aux crédits sur les intrants refusés par le ministre.

 

Entente sur les faits

 

[12]        Lors de l’audience, les parties ont déposé l’entente sur les faits suivante :

 

Les parties en l’instance, par l’intermédiaire de leurs procureurs, interviennent à la présente entente sur les faits pour les fins de l’audience. Les parties n’ont pas l’intention de produire d’autres documents (autres que ceux mentionnés à la présente entente) et/ou de faire entendre des témoins lors de l’audience à moins d’une entente entre les parties à ce sujet.

 

1.      Le paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise (L.T.A.) applicable pour les périodes visées en l’instance était le texte suivant qui était en vigueur avant les modifications entrées en vigueur le 29 juin 2005 par L.C., c.30 par. 24. Le paragraphe 323(1) de la L.T.A. applicable en l’instance est :

 

323(1)   Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

 

2.      Sous réserve de l’admission de l’appelant concernant la taxe perçue pour la période d’avril 2001 (14 000,04 $) et d’octobre 2002 (4 144 $), les parties conviennent que la question en litige devant cette honorable Cour est la suivante :

 

a)   Selon les faits en l’espèce, est-ce que l’intimée peut se prévaloir du paragraphe 323(1) de la L.T.A., applicable à la période en litige, pour cotiser l’appelant à titre d’administrateur de la Société?

 

3.      Sans admettre le bien fondé des hypothèses factuelles de l’intimée, l’appelant abandonne les autres questions en litige soulevés [sic] dans son avis d’appel modifié.

 

4.      Mission Confort Inc., autrefois connue sous la dénomination sociale Centre d’économie en Chauffage Turcotte Inc. (ci-après la « Société ») a été constituée le 14 novembre 1979 en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), c. C-44 (ci-après « L.C.S.A. ») et ayant son siège social dans la province du Québec.

 

5.      Jusqu’au moment de sa faillite, la Société œuvrait dans la distribution et la vente d’appareil [sic] de chauffage et de climatisation.

 

6.      La Société était, en tout temps pertinent, un inscrit au sens de la Partie IX de la L.T.A.

 

7.      La Société devait produire une déclaration mensuelle pour les fins de la Partie IX de la L.T.A.

 

8.      La Société a produit ses déclarations de TPS pour les fins de la Partie IX de la L.T.A. dans les délais prescrits et selon les détails suivants :

 

Période

TPS/TVH et Redressements

CTI et redressement

Taxe nette

Avril 2001

106 586,10 $

63 711,91 $

42 874,19 $

Mai 2001

71 617,34 $

68 821,89 $

2 795,45 $

Juin 2001

93 930,71 $

58 788,13 $

35 142,58 $

Juillet 2001

84 854,06 $

37 921,73 $

46 923,33 $

Août 2001

124 376,32 $

112 102,17 $

12 274,15 $

Sept. 2001

60 515,89 $

47 317,98 $

13 197,91 $

Octobre 2001

59 481,61 $

41 195,29 $

18 286,29 $

Novembre 2001

25 053,11 $

34 708,29 $

- 9 655,18 $

Décembre 2001

20 153,78 $

15 730,09 $

4 423,69 $

Février 2002

19 402,22 $

24 399,14 $

- 4 996,92 $

Octobre 2002

25 782,57 $

25 827,20 $

      -     44,63 $

Juillet 2003

49 786,20 $

29 000,39 $

20 785,81 $

 

9.      La Société à verser [sic] à l’intimée, lors de la production de ses déclarations TPS mentionnées au paragraphe 8, la « taxe nette » mentionnée audit paragraphe et la Société a obtenu le remboursement des montants suivants mentionnés au paragraphe 8, à savoir : 9 655,18 $ pour la période de novembre 2001, 4 996,92 $ pour la période de février 2002 et 44,63 $ pour la période de [sic] octobre 2002.

 

10.  En date du 1er octobre 2003, l’intimée débutait une vérification en taxes des livres de la société;

 

11.  Le 19 avril 2004, la vérificatrice de l’intimée a présenté le projet de cotisation à Mme Puppato, contrôleur interne de la Société.

 

12.  Ce projet de cotisation a établi la taxe nette de la Société de la façon suivante :

 

Période

Cotisation

Taxe nette

Avril 2001

-

42 874,19 $

Mai 2001

21 397,07 $

24 192,52 $

Juin 2001

14 351,21 $

49 493,79 $

Juillet 2001

14 023,25 $

60 955,58 $

Août 2001

24 232,92 $

36 507,07 $

Sept. 2001

13 928,08 $

27 125,99 $

Octobre 2001

17 128,45 $

35 414,74 $

Novembre 2001

5 167,48 $

- 4 487,70 $

Décembre 2001

            21,00 $

4 444,69 $

Février 2002

            77,00 $

- 4 919,92 $

Octobre 2002

12 934,48 $

12 889,85 $

Juillet 2003

7 192,53 $

27 978,34 $

 

13.  L’appelant était administrateur de la Société pendant la période visée par la cotisation en litige de même qu’au moment où cette dernière « était tenue de verser une taxe nette comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3) » au sens du paragraphe 323(1) de la L.T.A. en vigueur avant le 29 juin 2005.

 

14.  Le 6 avril 2004, la Société a fait cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (ci-après « L.F.I. ») et Réal Langlois a été nommé syndic à la faillite, tel qu’il appert de l’avis de faillite et de la première assemblée des créanciers daté du 8 avril 2004 et produit sous la cote A-1 (I-8).

 

15.  La vérification mentionnée aux paragraphes précédents a modifié la taxe nette de la société pour la période du 1er mai 2001 au 30 juillet 2003 de la façon suivante :

 

TPS

Honoraires de Gestion

 

4 144 $

CTI

9023-0579 Qc Inc.

94 653,56 $

 

 

Pièces manquantes

1 098,90 $

 

 

Divers

2 079,93 $

 

 

Factures pas au bon nom

14 022,70 $

 

 

Gestion de Services Crémazie

12 099,72 $

 

 

Sommaire TPS/CTI

2 355,66 $

 

 

 

 

 

 

 

126 309,47 $

 

 

Tel qu’il appert de l’état des rajustements de vérification en date du 9 avril 2004 produit comme pièce A-2 (A-8).

 

16.  Le 4 mai 2004, l’intimée a émis un avis de cotisation à l’endroit de la Société pour la période allant du 1er mai 2001 au 31 juillet 2003 relativement à la TPS, tel qu’il appert de l’avis de cotisation daté du 4 mai 2004 produit sous la cote A-3 (A-7).

 

17.  Le 12 mai 2004, l’intimée a émis un avis de nouvelle cotisation à l’endroit de la Société pour la période allant du 1er mai 2001 au 31 juillet 2003 relativement à la TPS, tel qu’il appert de l’avis de nouvelle cotisation daté du 12 mai 2004 et produit sous la cote A-4 (I-6).

 

18.  Le 17 juin 2004, sa Majesté du chef du Canada, représentée par le ministre du Revenu du Québec, a produit auprès du Syndic, une preuve de réclamation au titre de créancier non garanti en vertu de la L.F.I. à l’égard des périodes suivantes :

 

LOI

Période

Montant

Loi sur la taxe d’accise

2001-5 à 2004-02

170 722,98 $

 

2004-03 (estimée)

3 830,98 $

 

TOTAL

174 553,96 $

 

Tel qu’il appert de la lettre de Revenu Québec en date du 17 juin 2004 et les documents l’accompagnant produits en liasse sous la cote A-5 (I-10).

 

19.  Le 20 avril 2005, sa Majesté du chef du Canada a produit une preuve de réclamation révisée à l’égard des périodes de références suivantes :

 

LOI

Période

Montant

Loi sur la taxe d’accise

2001-04 à 2003-07

191 911,21 $

 

2004-03 (estimée)

3 830,98 $

 

TOTAL

195 742,19 $

 

Tel qu’il appert de la lettre de Revenu Québec en date du 20 avril 2005 et des documents l’accompagnant produits en liasse sous la cote A-6 (I-11).

 

20.  Le 10 mai 2005, sa Majesté du chef du Canada a produit une preuve de réclamation révisée, laquelle est demeurée inchangée quant à la TPS et aux périodes de référence visées.

 

21.  Un montant de 21 188,23 $ a été ajouté par la preuve de réclamation de sa Majesté du chef du Canada contre la Société produite au syndic le 20 avril 2005 (A-6) et ce montant est en lien avec la période du 1er avril 2001 au 30 avril 2001.

 

22.  Par avis de cotisation en date du 5 avril 2006 portant le numéro BR 05 1023, l’intimée réclame de l’appelant une somme totale de 225 426,93 $ à titre d’administrateur de la Société au terme du paragraphe 323(1) L.T.A., pour la période allant du 31 mars 2001 au 31 août 2003, tel qu’il appert de l’avis de cotisation daté du 5 avril 2006 et de l’annexe l’accompagnant produits sous la cote A-7 (I-1).

 

23.  L’appelant s’est opposé à la cotisation dont l’avis est daté du 5 avril 2006 dans les délais légaux, tel qu’il appert de l’avis d’opposition produit sous la cote A-8 (I-2).

 

24.  Aux termes d’une transaction intervenue entre le syndic et l’intimée vers le mois de juillet 2007, les droits cotisés à l’endroit de la Société ont été ramenés à 77 077,33 $ (représentant ainsi de la taxe sur les produits et services au montant de 4 144 $ et des crédits de taxe sur les intrants au montant de 72 933,33 $) pour la période du 1er mai 2001 au 31 juillet 2003, tel qu’il appert de la transaction et renonciation au droit d’appel produit sous la cote A-9 (I‑12).

 

25.  L’appelant n’est pas partie à la transaction intervenue entre la Société et le ministre du Revenu.

 

26.  En date du 3 juillet 2008, l’intimée émet une nouvelle cotisation à l’encontre de la société afin de confirmer les sommes transigées et mentionnées au paragraphe 24 de la présente entente, tel qu’il appert de l’avis de cotisation daté 3 juillet 2008 produit comme [sic] sous la cote A-10.

 

27.  Le 30 mars 2009, l’intimée a émis une nouvelle cotisation à l’endroit de l’appelant pour la période allant du 1er avril 2001 au 31 juillet 2003 au montant total de 140 132,64 $ en vertu du paragraphe 301(5) L.T.A., laquelle annule et remplace la cotisation du 5 avril 2006, tel qu’il appert de l’avis de cotisation daté du 20 mars 2009 et de l’annexe l’accompagnant produits sous la cote A-11 (I-4).

 

28.  Cette nouvelle cotisation contre l’appelant datée du 30 mars 2009 (A-11) fait suite aux redressements effectués par l’intimée aux déclarations de TPS de la Société selon la Partie IX de la L.T.A. selon les détails suivants :

 

Période

TPS/TVH et Redressements

CTI et redressement

Taxe nette

Avril 2001

120 586,14 $

63 711,91 $

56 874,23 $

Mai 2001

71 617,34 $

58 123,36 $

13 493,98 $

Juin 2001

93 930,71 $

51 612,52 $

42 318,19 $

Juillet 2001

84 854,06 $

30 910,11 $

53 943,95 $

Août 2001

124 376,32 $

99 985,71 $

24 390,61 $

Sept. 2001

60 515,89 $

40 353,93 $

20 161,96 $

Octobre 2001

59 481,61 $

31 883,97 $

27 597,64 $

Novembre 2001

25 053,11 $

31 084,59 $

- 6 031,48 $

Décembre 2001

20 153,78 $

15 719,59 $

4 434,19 $

Février 2002

19 402,22 $

24 360,64 $

- 4 958,42 $

Octobre 2002

29 926,57 $

17 036,72 $

12 889,85 $

Juillet 2003

49 786,20 $

21 087,86 $

27 978,81 $

 

29.  L’appelant admet, pour les fins de l’instance seulement, que l’intimée pouvait le cotiser selon le paragraphe 323(1) de la L.T.A. compte tenu des ajustements à la taxe perçue mentionnés au paragraphe 28 pour la période de [sic] avril 2001 et de [sic] octobre 2002 et les intérêts et pénalités y afférents, à savoir : 1) la taxe perçue augmente de 14 000,04 $ pour la période de [sic] avril 2001; 2) la taxe perçue augmente de 4 144 $ pour la période de [sic] octobre 2002.

 

30.  L’intimée admet pour sa part que les périodes de novembre 2001 et février 2002 doivent être retranchées de la cotisation en totalité ainsi que la somme de 44,63 $ pour la période de [sic] octobre 2002.

 

31.   Par une lettre en date du 3 avril 2009, Revenu Québec, à titre de mandataire de l’intimée, a transmis à l’appelant l’avis de nouvelle cotisation daté du 30 mars 2009 (A-11) et un avis de changements, tel qu’il appert de la lettre et de l’avis de changements produits sous la cote A-12 (I-3).

 

32.  L’agente des oppositions dans le dossier de l’appelant a rédigé un rapport au soutien des changements mentionnés dans sa lettre du 3 avril 2009 et ce rapport est produit sous la cote A-13 (I-13).

 

Analyse

 

[13]        Pour faciliter la compréhension du litige, j’ai reproduit au paragraphe 14 de ces motifs, les montants que la Société Turcotte a déclarés lors de la production de ses déclarations de TPS et au paragraphe 15 de ces motifs, les montants établis quant à la taxe perçue, les crédits sur les intrants et la taxe nette en vertu de la dernière cotisation qui entérine l’entente entre le ministre et le syndic.

 

[14]        Les montants déclarés par la Société Turcotte lors de la production de ses déclarations de TPS sont les suivants:

 

Colonnes

1

2

3

Période

TPS/TVH taxe perçue

CTI

Taxe nette

Avril 2001

106 586,10 $

63 711,91 $

42 874,19 $

Mai 2001

71 617,34 $

68 821,89 $

2 795,45 $

Juin 2001

93 930,71 $

58 788,13 $

35 142,58 $

Juillet 2001

84 854,06 $

37 921,73 $

46 923,33 $

Août 2001

124 376,32 $

112 102,17 $

12 274,15 $

Sept. 2001

60 515,89 $

47 317,98 $

13 197,91 $

Octobre 2001

59 481,61 $

41 195,29 $

18 286,29 $

Novembre 2001

25 053,11 $

34 708,29 $

- 9 655,18 $

Décembre 2001

20 153,78 $

15 730,09 $

4 423,69 $

Février 2002

19 402,22 $

24 399,14 $

- 4 996,92 $

Octobre 2002

25 782,57 $

25 827,20 $

          - 44,63 $

Juillet 2003

49 786,20 $

29 000,39 $

20 785,81 $

 

[15]        Les montants établis par la dernière cotisation, à la suite de l’entente avec le syndic et le ministre sont les suivants:

 

Colonnes

1

2

3

Période

TPS/TVH  Taxe perçue

CTI

Taxe nette

Avril 2001

120 586,14 $

63 711,91 $

56 874,23 $

Mai 2001

71 617,34 $

58 123,36 $

13 493,98 $

Juin 2001

93 930,71 $

51 612,52 $

42 318,19 $

Juillet 2001

84 854,06 $

30 910,11 $

53 943,95 $

Août 2001

124 376,32 $

99 985,71 $

24 390,61 $

Sept. 2001

60 515,89 $

40 353,93 $

20 161,96 $

Octobre 2001

59 481,61 $

31 883,97 $

27 597,64 $

Novembre 2001

25 053,11 $

31 084,59 $

- 6 031,48 $

Décembre 2001

20 153,78 $

15 719,59 $

4 434,19 $

Février 2002

19 402,22 $

24 360,64 $

- 4 958,42 $

Octobre 2002

29 926,57 $

17 036,72 $

12 889,85 $

Juillet 2003

49 786,20 $

21 087,86 $

27 978,81 $

 

[16]        À l’égard des montants établis par la dernière cotisation. M. Turcotte concède qu’il a été correctement cotisé pour les périodes d’avril 2001 et d’octobre 2002. En avril 2001, la taxe perçue a été établie à 120 586,14 $ résultant en une taxe nette de 56 874,23 $. Pour la période d’octobre 2002, la taxe perçue a été établie à 29 926,57 $ résultant en une taxe nette de 12 845,22 $. Cette admission va d’ailleurs de pair avec l’argument de M. Turcotte à l’effet qu’il n’est pas responsable de la partie de la cotisation relative au refus par le ministre de certains crédits sur les intrants. On constate que pour les périodes concédées, les crédits sur les intrants n’ont pas été modifiés par la dernière cotisation (voir les colonnes 1 et 2 des tableaux aux paragraphes 14 et 15 de ces motifs).

 

[17]        Pour sa part, l’intimée concède que les périodes de novembre 2001 et février 2002 doivent être retranchées de la cotisation en totalité en vertu du texte du paragraphe 323(1) pré-2005 (voir la colonne 3 des tableaux aux paragraphes 14 et 15 de ces motifs).

 

[18]        L’intimée concède aussi qu’un montant de 44,63 $ doit être déduit du montant établi pour la période d’octobre 2002. Ce montant représente le remboursement de taxe nette que la Société Turcotte avait réclamé lors du calcul de sa taxe nette en octobre 2002 (voir la colonne 3 du tableau, pour la période d’octobre 2002, au paragraphe 14 de ces motifs). Ainsi, le montant de la taxe nette pour la période d’octobre est de 12 845.22$.

 

[19]        Les admissions de l’intimée vont aussi de pair avec son argument qu’en vertu des termes du paragraphe 323(1) pré-2005, le ministre n’avait pas le pouvoir de cotiser M. Turcotte à titre d’administrateur pour les périodes où il y avait un remboursement de taxe nette (voir le paragraphe 15, colonne 3 pour les périodes de novembre 2001 et février 2002, ainsi que le remboursement de 44,63 $ pour la période d’octobre 2002, colonne 3, paragraphe 14 de ces motifs).

 

[20]        Le texte applicable durant les périodes en litige soit le paragraphe 323(1) pré‑2005 est écrit de la façon suivante en français et anglais: 

 

Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

Where a corporation fails to remit an amount of net tax as required under subsection 228(2) or (2.3), the directors of the corporation at the time the corporation was required to remit the amount are jointly and severally liable, together with the corporation, to pay that amount and any interest thereon or penalties relating thereto

[Je souligne.]

 

[21]        Le texte du paragraphe 323(1) de la Loi après les modifications de 2005 est écrit de la façon suivante en français et anglais :

 

Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

If a corporation fails to remit an amount of net tax as required under subsection228(2) or (2.3) or to pay an amount as required under section 230.1 that was paid to, or was applied to the liability of, the corporation as a net tax refund, the directors of the corporation at the time the corporation was required to remit or pay, as the case may be, the amount are jointly and severally, or solidarily, liable, together with the corporation, to pay the amount and any interest on, or penalties relating to, the amount.

[Je souligne.]

 

[22]        M. Turcotte soutient qu’en vertu du texte du paragraphe 323(1) pré-2005, le ministre ne peut rendre redevable l’administrateur que pour la taxe payable, soit la taxe que la Société Turcotte aurait perçue de ses clients suite à la distribution et à la vente d’appareils de chauffage. Il s’agit des montants qui figurent à la colonne 1 des tableaux aux paragraphes 14 et 15 de ces motifs.

 

[23]        Cet argument est fondé sur l’emploi du mot « taxe » utilisé au paragraphe 323(1) pré-2005 et la définition à l’article 123 du mot « taxe » comme étant une taxe payable en application de la présente partie. La fin du paragraphe 323(1) énonce :

 

Les administrateurs […] sont en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière de payer cette taxe […]

 

[Je souligne.]

 

[24]        Selon M. Turcotte, le paragraphe 323(1) pré-2005 ne fait pas référence à la taxe nette, mais plutôt à la taxe payable en vertu de la partie IX. L’administrateur ne serait responsable que pour le défaut de la société quant à la taxe payable, soit la taxe que la Société Turcotte devait percevoir de ses clients lors de la distribution et la vente d’appareils de chauffage et de climatisation.

 

[25]        Selon M. Turcotte les crédits sur les intrants sont des remboursements, car ils représentent ce que la Société Turcotte a payé en TPS sur l’achat de produits et services dans le cadre des activités commerciales. Il fait valoir que selon le mécanisme de la Loi, la TPS/crédits sur les intrants payés par la Société Turcotte à ses fournisseurs doit être remboursée par le ministre. Il s’agit donc de remboursements. Ainsi, comme le texte du paragraphe 323(1) pré-2005 ne mentionne pas la notion de remboursement à l’article 230.1, il est clair que selon la version pré-2005, un administrateur ne peut être responsable de la modification faite par le ministre à ces remboursements de crédits sur les intrants en prétendant que la société n’y avait pas droit, alors que la société a réclamé et obtenu ce remboursement de crédits sur les intrants.

 

[26]        Pour conclure ainsi, il compare la version actuelle du paragraphe 323(1) qui précise qu’un administrateur sera aussi redevable d’un montant remboursé en trop selon l’article 230.1, à la version du paragraphe 323(1) pré-2005 qui, elle, ne fait aucune référence aux montants remboursés en trop selon l’article 230.1. L’article 230.1 mentionne :

 

Lorsqu’est payé à une personne, ou déduit d’une somme dont elle est redevable, un montant au titre d’un remboursement ou d’intérêts prévus à la présente section auquel la personne n’a pas droit ou qui excède le montant auquel elle a droit, la personne est tenue de verser au receveur général un montant égal au montant remboursé, aux intérêts ou à l’excédent le jour du paiement ou de la déduction.

 

[27]        Je ne peux pas souscrire aux arguments de M. Turcotte.

 

[28]        Premièrement, je ne suis pas d’accord avec l’interprétation qu’il donne au mot « taxe » au paragraphe 323(1) pré-2005.

 

[29]        Bien que le mot « taxe » soit défini à l’article 123 de la Loi comme étant une « taxe payable », en analysant le contexte global de la Loi, l’intention du législateur, le sens ordinaire et grammatical des mots comme nous l’enseigne la Cour suprême du Canada dans la décision Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, le mot « taxe » au paragraphe 323(1) pré-2005 réfère à la « taxe nette » et non pas à la « taxe payable ».

 

[30]        Le mot « taxe » au paragraphe 323(1) pré-2005, réfère à l’adjectif démonstratif « cette », le mot « cette » ne peut que nous référer aux termes « taxe nette » utilisés plus haut dans le paragraphe. Pour faciliter la compréhension, je paraphrase le paragraphe 323(1) pré-2005 :

 

Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette […] sont, en cas de défaut par la personne morale […] tenus de payer cette taxe.

 

[31]        Mon interprétation du mot « taxe » à titre de taxe nette est confirmée à la lecture de la version anglaise du paragraphe 323(1) pré-2005. Je paraphrase le texte anglais :

 

Where a corporation fails to remit an amount of net tax, the directors of the corporation at the time the corporation was required to remit the amount are liable, to pay that amount.

 

[32]        Dans la version anglaise du paragraphe 323(1) pré-2005, on utilise le mot « montant » pour référer au montant de la taxe nette. Ainsi, l’argument de M. Turcotte ne tient pas quand il fait valoir que le mot « taxe » réfère à la taxe payable. La version française est claire, mais s’il y avait des doutes quant au sens du mot « taxe », la version anglaise vient mettre fin à tout doute. D’abord, la version anglaise parle de « amount of net tax » « montant de taxe nette » et par la suite réfère au mot « the amount » et  « that  amount » « ce montant » pour référer au « montant de taxe nette » « amount of net tax ». 

 

[33]        Brièvement expliqué, la taxe nette au paragraphe 225(1) de la Loi, c’est la différence entre la TPS qu’une personne a perçue pour une période donnée et les crédits sur les intrants pour une période donnée.

 

[34]        La taxe nette d’une personne pour une période donnée correspond à un montant positif ou négatif. On parlera ainsi de taxe nette positive quand la personne devra verser au receveur général la différence entre la TPS perçue et les crédits sur les intrants (voir le paragraphe 228(1) de la Loi).

 

[35]        On parlera de taxe nette négative quand la personne recevra un remboursement de taxe nette, car la personne aura payé plus de TPS (crédits sur les intrants) qu’elle a perçu de taxe (voir le paragraphe 228(3) de la Loi).

 

[36]        Le concept de taxe nette est important dans ce litige, car l’amendement de 2005 au paragraphe 323(1) fait référence « à un montant de taxe nette » ou comme l’exige 230.1, « un montant à titre d’un remboursement de taxe nette ». Je paraphrase le paragraphe 323(1) de la version amendée :

 

Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exige les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 203.1, un montant au titre de remboursement de taxe nette qui lui a été payé, sont, en cas de défaut de la personne morale, tenus avec cette dernière de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

 

[37]        L’amendement de 2005 au paragraphe 323(1) permet au ministre de rendre redevable un administrateur pour un remboursement de taxe nette obtenu sans droit ou en trop.

 

[38]        Ainsi, en vertu du paragraphe 323(1) pré-2005, le ministre ne pouvait pas cotiser pour rendre redevable un administrateur d’un remboursement de taxe nette obtenu sans droit ou en trop par la Société Turcotte.

 

[39]        C’est à la lumière de ce raisonnement que l’intimée a consenti à jugement pour les périodes de novembre 2001 et février 2002 et qu’un crédit de 44,63 $ a été appliqué pour la période d’octobre 2002.

 

[40]        À cet effet, les notes explicatives concernant l’amendement du paragraphe 323(1) énoncent :

 

Article 26 – Responsabilité des administrateurs

LTA

323(1)

 

Selon le paragraphe 323(1) de la loi, les administrateurs d’une personne morale qui omet de verser un montant de taxe nette, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3) de la loi, sont, sous réserve de certaines conditions prévues à l’article 323, solidairement tenus, avec la personne morale, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents. Pour encourir pareille responsabilité, les administrateurs doivent notamment avoir manqué à leur obligation d’agir avec diligence raisonnable pour s’assurer que la somme en question a été versée.

 

Le paragraphe 323(1) est modifié de façon à prévoir que les administrateurs d’une personne morale peuvent également être tenus responsables du défaut par celle-ci de verser, comme l’exige l’article 230.1 de la loi, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette auquel elle n’avait pas droit. Ils seront alors tenus, avec la personne morale, de payer le montant en question ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

 

Par ailleurs, le paragraphe 323(1) est modifié afin d’en harmoniser les termes avec le droit civil applicable dans la province de Québec. À cette fin, le terme « solidarily », dont le champ sémantique est comparable au concept de « joint and several liability » en common law, est ajouté à la version anglaise du paragraphe.

 

Les modifications s’appliquent relativement aux montants de remboursement de taxe nette payés à une personne morale, ou déduits d’une somme dont elle était redevable à la date de sanction du projet de loi ou par la suite.

 

[Je souligne.]

 

[41]        Ainsi, je ne suis pas d’accord avec M. Turcotte quand il fait valoir qu’en vertu du paragraphe 323(1) pré-2005 que le ministre ne pouvait pas modifier les crédits sur les intrants.

 

[42]        Le ministre, en vertu du texte 323(1) pré-2005, avait l’autorité de cotiser la taxe nette. Ainsi, il pouvait modifier soit la taxe perçue ou les crédits sur les intrants. Contrairement à la position de M. Turcotte, il m’est impossible d’associer les crédits sur les intrants à des remboursements de taxe nette. Ce sont les termes « taxe nette » et « remboursement de taxe nette » qui sont utilisés aux dispositions pertinentes dans ce litige.

 

[43]        De plus, l’argument de M. Turcotte quant à taxe payable ne tient pas. La taxe payable s’applique à l’acquéreur qui doit payer la TPS. Le concept de la taxe payable en vertu de la Loi est différent du concept de la taxe nette qui est en jeu dans ce litige.

 

Conclusion

 

[44]        Le ministre a correctement cotisé M. Turcotte, à titre d’administrateur, en vertu du paragraphe 323(1) pré-2005 de la Loi, pour les montants relatifs aux crédits sur les intrants refusés par le ministre.

 

[45]        Tel que concédé par l’intimée, le ministre ne pouvait pas cotiser M. Turcotte à titre d’administrateur en vertu du paragraphe 323(1) pré-2005 quant aux remboursements de taxe nette obtenus sans droit ou en trop par la Société Turcotte, car la version du paragraphe 323(1) pré‑2005 ne fait pas référence à la notion de remboursement de la taxe nette à l’article 230.1 de la Loi.

 

[46]        Par conséquent, l’appel est accueilli en ce qui a trait aux périodes de novembre 2001 et de février 2002. Un montant de 44,63 $ devra aussi être déduit du montant établi par le ministre pour la période de déclaration d’octobre 2002 résultant en une taxe nette de 12 845,22 $. L’appel est donc rejeté pour les autres périodes de déclaration.

 

[47]        Le tout avec frais contre l’appelant.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juillet 2013.

 

 

« Johanne D’Auray »

Juge D'Auray


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 233

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2009-2139(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            YVON TURCOTTE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable juge Johanne D'Auray

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 18 juillet 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Richard Généreux

Avocat de l'intimée :

Me Danny Galarneau

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

                       Nom :                         Me Richard Généreux

 

                   Cabinet :                        Avocat – Fiscaliste

                                                          Île-des-Sœurs (Québec)

 

        Pour l’intimée :                         William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada:

 



[1]               Voir les paragraphes 225(1), 228(2), 228(2.3), 228(3) de la Loi.

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