Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2010-2539(EI)

 

ENTRE :

LA SCALA CONSERVATORY OF MUSIC II,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de
La Scala Conservatory of Music II, 2010-2540(CPP)
le 19 janvier 2011, les 3, 4 5, 6 et 7 octobre 2011
ainsi que les 18, 19 et 20 mars 2013, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge David E. Graham

 

Comparutions :

 

Représentants de l’appelante :

Mme Maria Piperni et M. Mauro Piperni

Avocats de l’intimé :

Mes Alisa Apostle et Christopher Bartlett

 

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que :

 

a)          Ashley Hilmarson n’exerçait pas un emploi assurable en 2008 et 2009;

 

b)         Candice Hilmarson n’exerçait pas un emploi assurable en 2009;

 

c)          Robert Paul Jacobs n’exerçait pas un emploi assurable en 2008 et 2009;

 

d)         Michael Watson n’exerçait pas un emploi assurable en 2008 et 2009;

 

e)          Robert Simpson n’exerçait pas un emploi assurable en 2008.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mai 2013.

 

 

 

 

« David E. Graham »

Juge Graham

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour d’août 2013.

 

C. Laroche, traducteur

 


 

 

 

 

Dossier : 2010-2540(CPP)

 

ENTRE :

LA SCALA CONSERVATORY OF MUSIC II,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de
La Scala Conservatory of Music II, 2010-2540(CPP)
le 19 janvier 2011, les 3, 4 5, 6 et 7 octobre 2011
ainsi que les 18, 19 et 20 mars 2013, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge David E. Graham

 

Comparutions :

 

Représentants de l’appelante :

Mme Maria Piperni et M. Mauro Piperni

Avocats de l’intimé :

Mes Alisa Apostle et Christopher Bartlett

 

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que :

 

a)          Robert Paul Jacobs n’exerçait pas un emploi ouvrant droit à pension en 2008 et 2009;

 

b)         Michael Watson n’exerçait pas un emploi ouvrant droit à pension en 2008 et 2009;

 

c)          Robert Simpson n’exerçait pas un emploi ouvrant droit à pension en 2008.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mai 2013.

 

 

 

 

« David E. Graham »

Juge Graham

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour d’août 2013.

 

C. Laroche, traducteur

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 122

Date : 20130506

Dossiers : 2010-2539(EI)

2010-2540(CPP)

ENTRE :

LA SCALA CONSERVATORY OF MUSIC II,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Graham

 

[1]             L’appelante est une société de personnes formée de deux époux : Mauro et Maria Piperni. Elle exploite un magasin de musique appelé « L.A. Music ». Pendant toute la durée de l’appel, l’appelante a été simplement désignée par ce nom.

 

[2]             L.A. Music vend des instruments de musique au grand public et, à divers moments au cours de la période en question, elle a aussi offert des leçons de musique. L.A. Music s’est livrée à diverses autres activités au cours de cette période, mais ces dernières ne sont pas pertinentes à l’égard de l’appel.

 

[3]             Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l’endroit de L.A. Music à l’égard de cotisations au titre de l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada pour la période du 1er janvier 2007 au 30 avril 2009, relativement à 19 travailleurs qui, selon la conclusion du ministre, exerçaient un emploi assurable et ouvrant droit à pension aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), respectivement, de même qu’à quatre autres travailleurs (les fils et filles de Mauro et de Maria) qui, selon la conclusion du ministre, exerçaient un emploi ouvrant droit à pension au sens du Régime. Une liste des 23 travailleurs, de même que des années où ils ont travaillé au cours de la période en question, est jointe en tant qu’annexe A.

 

[4]             L.A. Music soutient que les 23 travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants et qu’il n’y avait, de ce fait, aucune cotisation à payer, et elle a interjeté appel des cotisations pour ce motif. La seule question qui m’est soumise consiste à savoir si les travailleurs ont exercé un emploi assurable et ouvrant droit à pension au cours des périodes en question.

 

 

L’HISTORIQUE DE L’INSTANCE

 

[5]             L’audition du présent appel a duré neuf jours. Les six premiers jours se sont déroulés devant le juge Wyman Webb, avant que ce dernier soit nommé à la Cour d’appel fédérale. À la suite de cette nomination, L.A. Music a eu le choix de reprendre le procès devant un nouveau juge ou de le poursuivre devant un autre juge ayant lu les transcriptions des six premiers jours d’audience. L.A. Music a choisi la seconde option. J’ai donc parcouru en détail les transcriptions des six premiers jours d’audience et j’ai présidé les trois derniers jours de l’instruction.

 

 

LE DROIT APPLICABLE

 

[6]             Dans une décision très récente : 1392644 Ontario Inc. c. M.R.N., 2013 CAF 85, [2013] A.C.F. no 327, (« Connor Homes »), la Cour d’appel fédérale a clarifié le critère qu’il convient d’appliquer pour déterminer si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant. Avant cet arrêt-là, il régnait une certaine confusion dans la jurisprudence quant à la question de savoir s’il fallait tenir compte de l’intention des parties avant d’appliquer – ou après – ce que l’on appelle habituellement l’analyse de Wiebe Door[1]. Aux paragraphes 39 à 42 de Connor Homes, la Cour d’appel fédérale déclare que le critère à appliquer comporte deux étapes :

 

[39] La première étape consiste à établir l’intention subjective de chacune des parties à la relation. On peut le faire soit d’après le contrat écrit qu’elles ont passé, soit d’après le comportement effectif de chacune d’elles, par exemple en examinant les factures des services rendus, et les points de savoir si la personne physique intéressée s’est enregistrée aux fins de la TPS et produit des déclarations d’impôt en tant que travailleur autonome.

 

[40] La seconde étape consiste à établir si la réalité objective confirme l’intention subjective des parties. Comme le rappelait la juge Sharlow au paragraphe 9 de TBT Personnel Services Inc. c. Canada, 2011 CAF 256, 422 N.R. 366, « il est également nécessaire d’examiner les facteurs exposés dans Wiebe Door afin de déterminer si les faits concordent avec l’intention déclarée des parties ». Autrement dit, l’intention subjective des parties ne peut l’emporter sur la réalité de la relation telle qu’établie par les faits objectifs. À cette seconde étape, on peut aussi prendre en considération l’intention des parties, ainsi que les modalités du contrat, puisqu’elles influent sur leur relation. Ainsi qu’il est expliqué au paragraphe 64 de Royal Winnipeg Ballet, les facteurs applicables doivent être examinés « à la lumière de » l’intention des parties. Cela dit, cependant, la seconde étape est une analyse des faits pertinents aux fins d’établir si le critère de Wiebe Door et de Sagaz est ou non rempli, c’est‑à‑dire si la relation qu’ont nouée les parties est, sur le plan juridique, une relation de client à entrepreneur indépendant ou d’employeur à employé.

 

[41] La question centrale à trancher reste celle de savoir si la personne recrutée pour fournir les services les fournit, dans les faits, en tant que personne travaillant à son compte. Comme l’expliquent aussi bien Wiebe Door que Sagaz, aucun facteur particulier ne joue de rôle dominant, et il n’y a pas de formule fixe qu’on puisse appliquer, dans l’examen qui permet de répondre à cette question. Les facteurs à prendre en considération varieront donc selon les faits de l’espèce. Néanmoins, les facteurs que spécifient Wiebe Door et Sagaz se révéleront habituellement pertinents, ces facteurs étant le degré de contrôle exercé sur les activités du travailleur, ainsi que les points de savoir si ce dernier fournit lui‑même son outillage, engage ses assistants, gère et assume des risques financiers, et peut escompter un profit de l’exécution de ses tâches.

 

L’application du critère

 

[42] […] La première étape de l’analyse devrait toujours être de déterminer l’intention des parties puis, en deuxième lieu, d’examiner sous le prisme de cette intention la question de savoir si leur relation, concrétisée dans la réalité objective, est une relation d’employeur à employé ou de client à entrepreneur indépendant. […]

 

[7]             Compte tenu de ce qui précède, j’analyserai tout d’abord l’intention des parties et, ensuite, j’examinerai si la réalité de leur relation concordait avec cette intention au regard des facteurs spécifiés dans l’arrêt Wiebe Door, ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 41 de l’arrêt Connor Homes.

 

 

LES TÉMOINS

 

[8]             En tout, 11 personnes ont témoigné.

 

[9]             Michael Watson a témoigné pour le compte de L.A. Music. Il s’agit d’un employé de l’ARC à la retraite, qui travaillait pour L.A. Music pendant la période pertinente et qui continue de le faire. Il est manifestement au fait des différences entre un employé et un entrepreneur indépendant. En tant que personne au service de L.A. Music, il avait une raison pour soutenir cette dernière. À mon avis, sa connaissance du droit et son désir de soutenir L.A. Music l’ont amené à enjoliver son témoignage lorsqu’il a eu l’impression que cela favoriserait L.A. Music. Pour cette raison, dans les cas où son témoignage entre en conflit avec celui d’autres témoins plus fiables, c’est le témoignage de ces derniers que j’ai privilégié.

 

[10]        Kevin Pooler a témoigné pour le compte de L.A. Music. C’est le témoin que j’ai trouvé le plus fiable. Il a paru répondre aux questions avec honnêteté, sans tenter d’adapter son témoignage en fonction d’un résultat particulier.

 

[11]        Mark Rudyj a témoigné pour le compte de L.A. Music. Il a été licencié par cette dernière au cours de la période en question et, à l’évidence, il a encore une dent contre ce magasin. À mon avis, son ressentiment l’a amené à présenter son témoignage avec parti pris en faveur de l’intimé. Pour cette raison-là, dans les cas où son témoignage entre en conflit avec celui d’autres témoins plus fiables, c’est le témoignage de ces derniers que j’ai privilégié.

 

[12]        Robert Paul Jacobs (appelé « Paul Jacobs » et nommé comme tel dans les présentes) a témoigné pour le compte de L.A. Music. J’ai considéré qu’il était un témoin fiable.

 

[13]        Dragan Petrovic a témoigné pour le compte de L.A. Music. J’ai considéré qu’il était un témoin fiable. Il avait manifestement une opinion bien tranchée à propos de son statut d’entrepreneur indépendant, mais je n’ai pas eu l’impression qu’il tentait de quelque façon de présenter son témoignage avec parti pris en faveur de ce résultat.

 

[14]        Victor Miolla a témoigné pour le compte de L.A. Music. Je n’ai pas considéré qu’il était un témoin fiable. Malgré plusieurs objections de avocats de l’intimé et plusieurs mises en garde du juge Webb, Maria Piperni a posé des questions suggestives, en interrogatoire principal, à un grand nombre des témoins de L.A. Music. J’ai trouvé que ces questions tendancieuses étaient particulièrement fréquentes lorsqu’elle a procédé à l’interrogatoire principal de Victor Miolla. Ce dernier est toujours au service de L.A. Music et il était donc manifestement disposé à ce que Maria Piperni le guide. Sauf aux endroits indiqués, j’ai essentiellement fait abstraction du témoignage de cet homme.

 

[15]        Maria Piperni a témoigné pour son propre compte. J’ai conclu que cette dernière a souvent exagéré ses propos quand elle a senti que cela favoriserait sa cause et, à l’occasion, elle s’est exprimée de manière évasive. Pour cette raison, dans les cas où le témoignage de Maria Piperni était contredit par celui d’autres travailleurs, j’ai généralement privilégié le témoignage de ces derniers et, dans certaines circonstances, j’ai tout simplement rejeté son propre témoignage.

 

[16]        Mauro Piperni a témoigné pour son propre compte. Il est arrivé à de nombreuses reprises que, en interrogatoire principal, Maria Piperni le guide. J’ai accordé moins de poids à son témoignage dans ces circonstances. À l’instar de Maria, Mauro Piperni a eu tendance à exagérer des éléments de preuve et il y a donc eu un certain nombre de cas où j’ai privilégié le témoignage d’autres témoins ou de cas où j’ai tout simplement rejeté son propre témoignage.

 

[17]        Antonio Moreira a témoigné pour le compte de l’intimé. J’ai trouvé qu’il était un témoin fiable. Quoiqu’il ait été licencié par L.A. Music quelque temps après la période en question et qu’il n’apprécie manifestement pas les Piperni, j’ai conclu qu’il avait répondu de manière franche aux questions qu’on lui posait, et il a peu tenté de présenter son témoignage avec parti pris en défaveur de L.A. Music. Le souvenir qu’il avait des dates était faible, mais j’ai conclu que cela était dû à l’écoulement du temps plutôt qu’à un désir quelconque d’induire la Cour en erreur. La confiance que j’ai en son témoignage est affermie par le fait que ce dernier concordait de façon générale avec celui de Kevin Pooler, qui, ai-je conclu, était un témoin très fiable.

 

[18]        Robert Simpson a témoigné pour le compte de l’intimé. Il avait décidé d’arrêter de travailler pour L.A. Music au cours de la période en question, mais, au moment de son témoignage, il tentait activement d’avoir de nouveau une place dans ce magasin. De ce fait, il était de toute évidence motivé à faire plaisir à Maria et à Mauro Piperni. Ce désir de plaire ressortait clairement dans les réponses qu’il a données au moment où Maria Piperni l’a contre-interrogé. Malgré cela, j’ai trouvé que son témoignage était généralement fiable.

 

[19]        Riley O’Connor a témoigné pour le compte de l’intimé. J’ai considéré qu’il était un témoin fiable. Bien qu’il estime avoir été licencié par L.A. Music quelque temps après la période en question et qu’il ait manifestement une dent contre ce magasin, il n’a pas semblé présenter son témoignage avec parti pris pour cette raison.

 

[20]        Malgré de nombreuses objections de la part des avocats de l’intimé et plusieurs mises en garde de la part du juge Webb, tant Maria que Mauro Piperni ont continué d’essayer de mettre en preuve des faits dans le cadre des questions qu’ils posaient aux témoins. Je n’ai pas considéré ces « faits » comme des éléments de preuve.

 

ANALYSE

 

[21]        Par souci de simplicité, je vais scinder mon analyse concernant les 23 travailleurs en deux groupes : ceux qui faisaient partie de la famille élargie des Piperni (c’est-à-dire les Piperni et les Hilmarson), et ceux qui étaient étrangers à cette famille.

 

 

Les travailleurs étrangers à la famille

 

L’intention

 

[22]        La première étape, selon l’arrêt Connor Homes, consiste à examiner les intentions des parties.

 

[23]        Il ne fait aucun doute que l’intention de L.A. Music était que chacun de ses travailleurs soit un entrepreneur indépendant. La question est de savoir si cette intention était aussi celle des travailleurs. Michael Watson, Paul Jacobs, Dragan Petrovic et Robert Simpson avaient tous l’intention d’être des entrepreneurs indépendants à compter du moment où ils sont entrés au service de L.A. Music. Les intentions des autres travailleurs sont moins claires.

 

[24]        L.A. Music a conclu des contrats écrits avec les travailleurs étrangers à la famille[2]. Un modèle de contrat conclu entre L.A. Music et Michael Watson est reproduit à l’annexe B. Les contrats écrits étaient essentiellement identiques. Les seules exceptions marquantes étaient le nom du travailleur et la description des compétences que ce dernier possédait et qui étaient énoncées aux paragraphes 1(2) et 1(4) du contrat écrit.

 

[25]        Maria Piperni a établi les contrats écrits en s’inspirant de certains modèles qu’elle avait trouvés sur Internet. Les contrats ont été établis en 2008, après que l’ARC eut commencé à vérifier L.A. Music. Il s’agissait manifestement d’une tentative de L.A. Music pour fournir à l’ARC une preuve écrite des intentions des parties, ainsi que pour mettre dorénavant ces intentions par écrit.

 

[26]        Il a été demandé aux travailleurs qui étaient déjà au service de L.A. Music avant la tenue de la vérification, dans le cadre d’un contrat verbal, de signer les contrats écrits. Les travailleurs ayant commencé à travailler pour L.A. Music après le début de la vérification ont signé les contrats écrits à peu près au même moment que celui où ils ont commencé à travailler. Dans un certain nombre de cas, les contrats écrits ont été antidatés afin de donner l’impression qu’ils avaient été signés au moment où le travailleur était entré au service de L.A. Music.

 

[27]        Malgré les affirmations contraires de L.A. Music, je suis d’avis que les contrats écrits ne représentent pas les conditions réelles de l’entente contractuelle qu’elle a conclue avec les travailleurs :

 

a)          Le paragraphe 1(6) du contrat écrit spécifie que les travailleurs doivent [traduction] « être disponibles pour donner des leçons, des cours et des stages, au besoin ». Les seuls travailleurs qui donnaient réellement des leçons étaient Michael Dorosz et Riley O’Connor. Il n’y avait aucune preuve qu’aucun des autres travailleurs n’avait déjà donné des leçons au magasin L.A. Music. À l’exception de Riley O’Connor, aucun des travailleurs qui ont témoigné n’a indiqué qu’il croyait que l’enseignement faisait partie de ce à quoi il s’était engagé à faire par contrat. En fait, Dragan Petrovic a déclaré qu’on lui avait demandé d’enseigner et qu’il avait refusé de le faire.

 

b)         La clause 3 du contrat écrit indique que le travailleur doit [traduction] « détenir une assurance responsabilité pour tout service qu’il fournit » pour le compte de L.A. Music. Aucun des travailleurs qui ont témoigné ne détenait une telle assurance, pas plus que L.A. Music n’a pu donner un exemple d’un travailleur qui en avait souscrit une.

 

c)          La clause 4 du contrat écrit porte censément sur la rémunération. Les travailleurs qui ont témoigné ont clairement indiqué que le taux quotidien ou horaire qu’on leur payait était un aspect qui était directement négocié; pourtant, le contrat écrit indique simplement que [traduction] « L.A. MUSIC versera au consultant indépendant le montant dont les deux parties auront convenu, à la fin de chaque période de service ». Le taux de rémunération n’est pas précisé, pas plus qu’on y relève une mention quelconque du système de primes de L.A. Music. J’admets que le taux de rémunération et le délai de paiement aient différé d’un travailleur à un autre et qu’il ait donc été peut-être plus commode pour L.A. Music de décrire la rémunération en des termes généraux comme ceux-là. Cependant, je n’admets pas que l’une ou l’autre des parties ait signé un contrat contenant des clauses aussi vagues si leur intention était de mettre précisément par écrit les conditions de leur relation, par opposition au fait de créer tout simplement un document à présenter à l’ARC.

 

d)         Chaque travailleur qui a témoigné a clairement indiqué que ses heures et ses jours de travail ainsi que la possibilité qu’il avait de décider de ne pas travailler un jour en particulier étaient des aspects qui étaient négociés directement et que, pour lui, cela était fort important. Pourtant, le contrat écrit n’indique absolument rien sur le sujet.

 

[28]        Maria Piperni a expliqué que les incohérences susmentionnées étaient attribuables au fait qu’elle n’avait pas suivi de formation juridique et qu’elle avait conçu le contrat en consultant Internet. Bien que j’admette que ce soit le cas, je ne suis pas disposé à faire tout simplement abstraction des incohérences relevées dans le contrat écrit; je reconnais cependant que ce document représente d’une manière exacte l’intention qu’avaient les parties que les travailleurs soient des entrepreneurs indépendants. Soit le contrat écrit représente de manière complète et exacte l’entente conclue entre les parties, soit il s’agit d’une opération de maquillage. Je n’accorde donc aucun poids aux clauses des contrats écrits pour ce qui est d’apprécier les intentions des parties.

 

[29]        Quoique je rejette l’idée que le contrat écrit reflète les conditions de l’entente conclue entre L.A. Music et les travailleurs qui l’ont signé, je conviens que le fait qu’un travailleur particulier ait signé le contrat écrit peut être une preuve d’une intention qu’avait ce travailleur d’être un entrepreneur indépendant. Autrement dit, j’admets qu’un travailleur qui voulait être un entrepreneur indépendant puisse avoir été disposé à signer un contrat écrit qui confirmait censément cette intention, peu importe la teneur du reste de ce document. Pour arriver à cette conclusion, il faudrait que j’examine les circonstances dans lesquelles chacun des travailleurs a signé le contrat.

 

[30]        Les circonstances dans lesquelles les contrats écrits ont été signés ont été l’objet de témoignages contradictoires :

 

a)          Kevin Pooler a déclaré que L.A. Music lui avait présenté le contrat un certain temps après qu’il avait commencé à travailler, et on lui avait dit qu’il s’agissait d’un document qu’il devait signer. Il l’avait amené à la maison et l’avait lu avant de le signer. Il n’avait pas eu le sentiment qu’il n’avait pas d’autre choix que de le signer. On ne lui avait pas dit explicitement qu’il perdrait son emploi s’il ne le signait pas, mais il croyait que ce serait le cas.

 

b)         Antonio Moreira a déclaré avoir signé le contrat parce qu’il avait besoin du travail.

 

c)          Mark Rudyj a déclaré que le fils de Mauro et Maria Piperni, Michael, lui avait dit que s’il ne signait pas le contrat il ne serait pas payé pour le travail qu’il avait déjà fait. J’admets que M. Rudyj se soit senti obligé de signer le contrat et que ce soit Michael Piperni qui a fait pression sur lui, mais pas qu’on l’ait menacé de la manière décrite. Aucun autre travailleur n’a déclaré qu’on l’avait menacé de cette façon. De plus, priver par un moyen détourné un travailleur de la rémunération gagnée pour un travail déjà accompli paraît tout à fait incompatible avec le genre de milieu que, j’en conviens, L.A. Music s’efforçait d’offrir à son personnel. Comme je l’ai expliqué plus tôt, dans les cas où le témoignage de M. Rudyj contredit celui d’autres travailleurs, c’est le témoignage de ces derniers que je privilégie parce que M. Rudyj a manifestement une dent contre L.A. Music.

 

d)         Riley O’Connor a déclaré avoir signé le contrat parce qu’il avait peur de perdre son emploi et avait peur de ce que l’ARC pourrait faire si elle le soumettait à une vérification.

 

e)          Paul Jacobs a déclaré qu’on lui avait remis le contrat et qu’on lui avait dit de le lire. Il l’avait montré à son comptable avant de le signer. Il n’y avait fait aucun changement.

 

f)           Dragan Petrovic a déclaré avoir lu le contrat avec son avocat avant de le signer, parce qu’il a un peu de difficulté à comprendre le langage contractuel en anglais. Il a dit qu’il n’avait pas eu l’impression qu’on faisait pression sur lui pour qu’il signe le contrat et que, s’il l’avait voulu, il aurait pu faire changer une clause.

 

g)          Robert Simpson a déclaré qu’on lui avait dit qu’il fallait que le contrat soit signé afin de soutenir le différend que L.A. Music avait avec l’ARC. Il a dit ne pas avoir négocié pour que le mot [traduction] « responsabilité » soit retiré de la disposition relative à l’assurance. Il s’agit là de la seule preuve présentée selon laquelle un travailleur avait effectivement négocié une clause du contrat.

 

h)         Michael Watson a déclaré qu’il avait discuté de tous les aspects de son contrat et qu’il les avait négociés avant de le signer. Il a déclaré[3] :

 

[traduction]

 

[…] En ce sens que ce contrat a fait l’objet de négociations; nous avons discuté de tout ce qu’il contenait avant qu’il soit rédigé. Ce document officialise simplement une discussion ou un processus négocié que nous avons suivi.

 

Je ne souscris pas au témoignage de M. Watson. Selon moi, il est fort peu probable que ce dernier ait négocié chacune des clauses pour finir ensuite par signer un contrat qui était essentiellement identique à celui que tous les autres avaient signé et qui, en fait, ne reflétait pas les conditions de son entente. Il s’agit là d’un exemple clé de la manière dont M. Watson a enjolivé son témoignage dans une tentative pour étayer la conclusion selon laquelle il était un entrepreneur indépendant. Cela dit, bien que je ne conclue pas qu’il a témoigné de façon crédible sur ce point, j’admets tout de même qu’il a signé le contrat pour faire preuve de son intention constante d’être un entrepreneur indépendant.

 

i)            Maria Piperni a déclaré qu’elle avait donné à chaque travailleur le choix de signer le contrat et de continuer à travailler à titre d’entrepreneur indépendant, ou celui de devenir un employé. J’admets qu’elle a donné ce choix à certains des travailleurs, mais je ne crois pas qu’elle l’ait fait pour tous, car ce n’est pas ce que confirment les témoignages des travailleurs. Maria Piperni a affirmé qu’aucune pression n’avait été exercée sur les travailleurs pour qu’ils signent le contrat. Je ne souscris pas à son témoignage sur ce point. Compte tenu de ce que les autres travailleurs ont déclaré, je ne puis croire qu’on n’ait pas exercé une certaine pression.

 

[31]        En résumé, il ressort clairement des témoignages qui précèdent que ceux de ces travailleurs qui voulaient manifestement être des entrepreneurs indépendants (Michael Watson, Paul Jacobs, Dragan Petrovic et Robert Simpson) ont estimé qu’on n’avait pas fait pression sur eux pour qu’ils signent le contrat, et que tous les autres ont eu le sentiment de ne pas avoir le choix. Comme je n’ai pas souscrit au témoignage de Maria Piperni sur cette question, je ne dispose d’aucune preuve qui me permette d’apprécier les circonstances dans lesquelles les travailleurs étrangers à la famille qui n’ont pas témoigné ont signé le contrat. Compte tenu de la preuve contradictoire que j’ai obtenue des personnes qui ont témoigné, je ne suis pas disposé à tirer du fait que le reste des travailleurs étrangers à la famille ont signé le contrat écrit une conclusion quelconque quant à leurs intentions.

 

[32]        Les parties ont passé un temps considérable à vérifier si les travailleurs saisissaient parfaitement bien ce que voulait dire le fait d’être un entrepreneur indépendant. Il y a eu de nombreux témoignages sur les discussions que Maria Piperni a pu avoir eues – ou non – avec des travailleurs à propos de la distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant, ainsi que des avantages d’être l’un ou l’autre avant qu’ils signent les contrats[4]. À mon avis, tout cela est sans importance. Dans la mesure où il est pertinent que les travailleurs comprennent bien la distinction, il s’agirait de la compréhension qu’ils en avaient au moment où ils ont commencé à travailler, et non au moment où ils ont signé les contrats. La preuve des autres travailleurs qui ont témoigné dénote que, bien qu’ils aient tous été manifestement embauchés à titre d’entrepreneurs indépendants, ils n’ont pas eu l’impression qu’il s’agissait là de la nature véritable de leur relation avec L.A. Music[5] :

 

a)          Kevin Pooler a déclaré qu’il avait le sentiment qu’il travaillait pour L.A. Music de 9 heures à 17 heures et il qu’il exploitait en parallèle sa propre entreprise d’enregistrement.

 

b)         Antonio Moreira a déclaré qu’il avait le sentiment d’être un employé.

 

c)          Riley O’Connor a déclaré qu’il avait le sentiment d’être un employé, tant au moment où il était entré au service de L.A. Music qu’au moment où il avait signé le contrat. Il a ajouté qu’il avait fait des travaux à forfait dans d’autres aspects de sa vie et que les trois années qu’il avait passées au service de L.A. Music ne ressemblaient pas à du travail fait à forfait.

 

d)         Mark Rudyj a déclaré n’avoir jamais eu le sentiment d’être un entrepreneur indépendant. Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’ai l’impression que M. Rudyj présentait son témoignage avec parti pris en défaveur de L.A. Music. De ce fait, je ne souscris pas entièrement à ce qu’il a déclaré, mais je suis disposé à admettre que, à tout le moins, il n’était pas sûr de son statut.

 

[33]        Compte tenu de ces témoignages, je conclus que Kevin Pooler, Antonio Moreira, Riley O’Connor, Mark Rudyj et Victor Miolla n’avaient pas l’intention d’être des entrepreneurs indépendants.

 

[34]        L’intimé n’a formulé aucune hypothèse de fait quant aux intentions des travailleurs. Maria et Mauro Piperni ont déclaré que les autres travailleurs avaient l’intention d’être des entrepreneurs indépendants. Cependant, ils ont dit la même chose au sujet des travailleurs mentionnés plus tôt. Au vu des témoignages susmentionnés, lesquels contredisent celui de Maria et de Mauro Piperni, je ne suis pas prêt à admettre que les travailleurs à propos desquels je ne dispose d’aucune autre preuve avaient l’intention d’être des entrepreneurs indépendants en me fondant simplement sur le fait qu’ils avaient accepté le travail pour cette raison-là.

 

[35]        En conclusion, je suis d’avis que les seuls travailleurs étrangers à la famille qui avaient une intention commune avec L.A. Music quant à la nature de leur relation sont Michael Watson, Paul Jacobs, Dragan Petrovic et Robert Simpson. De ce fait, pour ces quatre travailleurs et en me conformant au critère énoncé dans l’arrêt Connor Homes, je me dois d’examiner si la réalité objective confirme leur intention subjective. Pour le reste des travailleurs étrangers à la famille, il me faut simplement examiner si la réalité objective dénote qu’ils étaient des entrepreneurs indépendants ou des employés.

 

[36]        J’appliquerai le critère énoncé dans l’arrêt Connor Homes à chaque travailleur séparément. Cependant, étant donné qu’une bonne partie des éléments de preuve liés à la relation objective sont communs à tous les travailleurs, j’examinerai tout d’abord ces éléments de preuve et je les utiliserai ensuite au moment d’examiner la situation particulière de chacun, à la lumière de son intention ou de son absence d’intention.

 

Le contrôle

 

[37]        Au cours de la période en question, L.A. Music exploitait au départ deux magasins. À un certain moment en 2008, elle a fermé le second magasin. Ce dernier avait auparavant réalisé quelques ventes et c’était là que L.A. Music exploitait son entreprise de location. L’entreprise de location n’est pas pertinente à l’égard des questions qui me sont soumises, car aucun des travailleurs n’y a participé. Je n’ai entendu presque aucun témoignage sur l’aménagement physique de ce magasin-là. Essentiellement, la totalité des éléments de preuve a été axée sur le magasin restant.

 

[38]        Le magasin restant avait une superficie d’environ 12 000 pieds carrés, répartis sur trois étages, ainsi qu’un sous-sol. Les ventes avaient lieu au premier et au troisième étages. Le magasin était un immeuble de bureaux transformé et, malgré les rénovations, il donnait toujours l’impression d’être formé d’un certain nombre de locaux distincts, entourant un hall central à chaque étage. C’est ainsi que le rayon des batteries et percussions ne faisait pas partie d’un vaste magasin ouvert, mais occupait plutôt un local distinct, à côté du hall central au troisième étage. Le premier étage comportait une salle de guitares acoustiques et le rayon des guitares électriques. Le deuxième étage était destiné aux leçons de musique et il comportait aussi quelques locaux à bureaux loués à des tiers. Les leçons ont été données par L.A. Music pendant une partie de la période en question, ainsi que par une tierce partie durant le reste de la période. Au troisième étage se trouvaient le rayon des claviers, le rayon des batteries et percussions, ainsi que le rayon « audio-pro »[6]. Le sous-sol était un lieu de rangement et de stockage.

 

[39]        L.A. Music exploitait son magasin d’une manière qui semble être relativement singulière au sein de l’industrie locale. Elle embauchait des vendeurs qui jouaient avec beaucoup d’habileté un ou plusieurs instruments ou qui, dans le cas du rayon « audio-pro », étaient fort compétents en matière de programmation et d’utilisation du matériel pertinent. Tous les vendeurs de L.A. Music avaient au départ une étroite connaissance des instruments, du matériel ou des logiciels utilisés dans leur domaine d’expertise particulier. Ils étaient des passionnés de leur domaine d’expertise en dehors du travail, et cette passion les habitait aussi au travail. Les ventes aux clients étaient faites non pas en faisant pression sur eux pour qu’ils achètent un instrument donné, mais plutôt en faisant en sorte que ces vendeurs des plus compétents démontrent leur habileté sur divers instruments ou appareils en vue d’inciter un client à acheter l’instrument ou l’appareil en question. Quand on entrait dans le magasin L.A. Music, il n’était pas rare de tomber sur un ou plusieurs de ces vendeurs faisant une prestation impromptue en vue de susciter l’intérêt de la clientèle.

 

[40]        La stratégie du magasin L.A. Music consistait à trouver des travailleurs ayant les compétences nécessaires pour susciter l’intérêt de la clientèle et, ensuite, à leur laisser agir à leur guise dans le rayon pertinent afin de voir comment ils se débrouillaient en tant que vendeurs. Les travailleurs ne suivaient aucune formation. Ils disposaient au départ des compétences musicales nécessaires. Ils ne suivaient pas de formation sur les techniques de vente ou, dans le cas des travailleurs qui donnaient aussi des leçons de musique, sur les techniques d’enseignement. Ce fait milite en faveur de l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant.

 

[41]        Il y a eu de nombreux témoignages sur la souplesse dont bénéficiaient les travailleurs sur le plan de leurs heures et de leurs jours de travail. Il était évident que cette souplesse était l’une des principales raisons pour lesquelles, d’une part, les travailleurs décidaient d’entrer au service de L.A. Music et, d’autre part, L.A. Music était capable d’attirer des travailleurs et de les garder à son service.

 

[42]        Quand un éventuel travailleur rencontrait pour la première fois L.A. Music, il négociait les jours et les heures de travail qu’il allait effectuer. La plupart des travailleurs convenaient de travailler depuis l’heure d’ouverture du magasin jusqu’à son heure de fermeture, quel que soit leur jour de travail, mais certains, en raison d’autres engagements, avaient négocié une heure d’arrivée plus tardive ou une heure de départ plus avancée. Mauro Piperni a dit de cette souplesse quant à la possibilité de choisir au départ ses jours et ses heures de travail dénotait l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant. Je ne suis pas d’accord. Ce degré de souplesse serait également présent si un employé présentait sa candidature en vue d’exercer un emploi à temps partiel auprès d’un employeur qui offrait divers quarts de travail possibles.

 

[43]        Cependant, ce qu’il y a d’inusité dans la relation que L.A. Music entretenait avec ses travailleurs est que ceux-ci pouvaient – et ils le faisaient souvent – aviser simplement le magasin que, pendant une partie ou la totalité d’un ou plusieurs jours particuliers, ils ne viendraient pas travailler. Ils n’étaient pas tenus de demander la permission de s’absenter[7]. Il était essentiel que L.A. Music offre à ses travailleurs ce degré de souplesse si elle voulait attirer le genre de talents qu’elle recherchait. Pour la grande majorité des travailleurs, cette souplesse était la principale raison pour laquelle ils étaient au service de L.A. Music, et non d’un autre magasin de musique. Les travailleurs étaient des musiciens ou des techniciens en premier lieu, et des vendeurs en deuxième, voire en troisième lieu. Tous avaient à l’extérieur des intérêts musicaux qui pouvaient inopinément requérir leur attention et qui, à leurs yeux, avaient priorité sur le travail qu’ils accomplissaient pour L.A. Music. Par exemple, un grand nombre d’entre eux jouaient dans un groupe ou un orchestre. Il était entendu que, si l’occasion de participer à un spectacle se présentait inopinément, les travailleurs n’avaient qu’à informer L.A. Music qu’ils ne seraient pas en mesure de travailler. Pour ce qui était des vacances, la situation était la même. S’ils voulaient en prendre, ils avisaient simplement le magasin des jours où ils seraient absents. On s’attendait à ce que les travailleurs qui allaient s’absenter tentent de prendre les dispositions nécessaires pour qu’un collègue de leur rayon les remplace, mais ils n’étaient pas tenus de le faire. Ce degré inusité de souplesse confirme dans une large mesure le statut d’entrepreneur indépendant.

 

[44]        Mauro et Maria Piperni ont tous deux déclaré que les travailleurs n’avaient qu’à se présenter au magasin s’ils voulaient effectuer plus de jours ou d’heures de travail et qu’on leur permettait de le faire. Je ne souscris pas à leur témoignage sur ce point. Non seulement cela n’a-t-il aucun sens du point de vue commercial, mais cela n’a pas non plus été confirmé par l’un quelconque des travailleurs qui ont témoigné et, en fait, un certain nombre d’entre eux ont contredit ce témoignage. Je conclus que les travailleurs qui voulaient augmenter, réduire ou changer leurs jours et leurs heures de travail devaient négocier avec L.A. Music. Cependant, cette capacité de négociation ne dénote pas l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant. Un employé à temps partiel jouirait du même degré de souplesse pour ce qui est de négocier des changements.

 

[45]        Sous réserve du fait que les travailleurs devaient aviser L.A. Music qu’ils seraient absents pendant une partie de la journée, leurs heures de travail étaient fixes. Cependant, je ne pense pas que ces heures fixes dénotent l’existence d’une relation d’emploi. Les heures fixes étaient en général celles auxquelles le magasin était ouvert. L.A. Music avait besoin de travailleurs pour vendre du matériel durant ces heures d’ouverture. Elle n’était pas intéressée à ce que des travailleurs soient sur place à minuit.

 

[46]        De façon générale, le travail se faisait au magasin[8]. Le fait que c’était L.A. Music qui déterminait le lieu de travail ne milite en faveur ni de l’existence d’un statut d’entrepreneur indépendant ni de l’existence d’un statut d’employé. L.A. Music était une entreprise de vente au détail qui exploitait ses activités à partir d’un lieu fixe. Elle avait besoin de ses travailleurs pour vendre du matériel à son magasin.

 

[47]        Les vendeurs étaient tous tenus de faire des démonstrations et de vendre des instruments, du matériel et des accessoires connexes, ainsi que d’aider les clients qui avaient des questions à poser ou des problèmes à régler. Cependant, certains des vendeurs avaient des obligations additionnelles[9]. À mon avis, il y avait deux catégories de vendeurs. La première catégorie était celle des vendeurs dont l’emploi consistait uniquement à vendre des instruments et du matériel ainsi qu’à aider à répondre aux questions ou régler les problèmes des clients. Je qualifierai les membres de cette catégorie de « commis vendeurs ». La seconde catégorie était celle des travailleurs qui, en plus de leurs activités de vente, étaient tenus d’exécuter un éventail d’autres fonctions liées de plus près aux activités générales du magasin, comme décharger les livraisons, déplacer des éléments de stock, mettre en place des présentoirs, afficher le prix des produits, mettre à jour les prix dans le site Web de L.A. Music et faire des travaux de nettoyage. Je qualifierai les membres de cette catégorie de « préposés aux ventes ». Les fonctions restreintes des commis vendeurs ne dénotent l’existence ni d’un statut d’employé ni d’un statut d’entrepreneur indépendant. Cependant, les fonctions de nature plus générale qu’exécutaient les préposés aux ventes concordent davantage avec l’existence d’une relation d’emploi.

 

[48]        Il y a eu des témoignages contradictoires quant au fait de savoir si les travailleurs étaient supervisés ou non. Pour les motifs énoncés plus en détail dans le cadre de mon analyse concernant la relation entre Michael Piperni et l’autre fils de Maria et Mauro Piperni, Rob Piperni, et L.A. Music, je conclus que Michael et Rob Piperni exerçaient au magasin des tâches de supervision. Je conclus également que Mauro et Maria Piperni agissaient en qualité de superviseurs.

 

[49]        Il ne semble pas que les activités de vente proprement dites faisaient l’objet d’une grande supervision. En fait, il s’agissait apparemment d’une mesure délibérée de la part de L.A. Music, car celle-ci était d’avis qu’un milieu contrôlant ne permet pas aux personnalités créatrices de s’épanouir. Personne ne suivait de près les travailleurs pour leur dire comment vendre les produits. Cependant, L.A. Music avait des politiques de vente que les travailleurs devaient suivre. Ces politiques régissaient des aspects tels que les relations avec la clientèle, les remboursements, les échanges, les retours et les rabais. Comme il serait normal qu’une entreprise qui embauche des travailleurs fixe des paramètres à l’intérieur desquels le travail doit être exécuté, je conclus que ces règles ne font pas pencher la balance en faveur du statut d’entrepreneur indépendant ou du statut d’employé.

 

[50]        La seule supervision exercée dans le cadre du processus de vente avait lieu quand un client demandait à l’un des travailleurs s’il pouvait obtenir un rabais. Dans un tel cas, le travailleur devait obtenir l’autorisation d’un superviseur[10]. Je ne considère pas que le simple fait d’avoir à obtenir une autorisation dans cette circonstance-là dénote l’existence d’une relation d’emploi.

 

[51]        Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les commis vendeurs étaient peu supervisés. Par contraste, l’existence d’une supervision était plus évidente dans le cas des fonctions qu’accomplissaient les préposés aux ventes. Les travailleurs que je qualifierais de préposés aux ventes ont indiqué qu’un superviseur leur disait d’exécuter diverses activités et qu’ils avaient le sentiment de ne pas avoir d’autre choix que de le faire. Cela dénote l’existence d’une relation d’emploi.

 

[52]        Les vendeurs qui donnaient également des leçons n’étaient pas supervisés dans le cadre de leurs fonctions d’enseignement. On leur disait quand et où donner des leçons, mais pas de quelle façon. Cela dit, on ne s’attend pas à un degré élevé de supervision dans le cas d’un enseignant, qu’il soit employé ou entrepreneur indépendant.

 

[53]        Les travailleurs ne bénéficiaient pas de jours de maladie ou de paye de vacances. Cela concorde avec l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant.

 

[54]        Il n’était pas interdit aux travailleurs de travailler pour des concurrents dans le secteur de la vente au détail d’articles de musique, mais il n’y avait toutefois aucune preuve que les commis vendeurs le faisaient réellement. Il y avait des éléments de preuve selon lesquels un certain nombre des travailleurs, pendant leurs temps libres, faisaient partie de groupes ou d’orchestres ou prenaient part à d’autres entreprises de nature musicale. Selon moi, ces activités ne faisaient pas concurrence à celles de L.A. Music. Certains travailleurs faisaient concurrence aux leçons de musique que donnait L.A. Music en offrant leurs propres leçons. Paul Jacobs était en voie d’ouvrir son propre magasin de musique (à une distance suffisamment éloignée, toutefois, de L.A. Music pour ne pas la concurrencer directement) pendant qu’il était au service de L.A. Music. Dans l’ensemble, le fait que les travailleurs pouvaient exercer une concurrence et que, dans le cas des leçons, ils le faisaient effectivement milite en faveur de l’existence du statut d’entrepreneur indépendant.

 

[55]        Les travailleurs étaient autorisés à donner leur nom et leurs coordonnées aux clients qui étaient peut-être intéressés à les engager en marge de L.A. Music dans le but de fournir certains services. Ainsi, Kevin Pooler a déclaré qu’il remettait ses coordonnées aux clients que ses services d’enregistrement pouvaient intéresser. Riley O’Connor a également dit qu’il fournissait à des clients ses coordonnées pour son entreprise personnelle de cours de musique. Ce facteur milite en faveur du statut d’entrepreneur indépendant.

 

[56]        La fréquence avec laquelle les travailleurs étaient rémunérés variait de l’un à l’autre, et elle était fixée à la discrétion de chacun. La plupart d’entre eux étaient rémunérés à la semaine. Certains l’étaient aux deux semaines, d’autres mensuellement. Indépendamment de la fréquence de paiement, les travailleurs étaient rémunérés le dernier jour de la période de paye pour tout le travail accompli jusqu’à ce jour-là, inclusivement. La variation de la fréquence de paiement milite légèrement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant, mais le fait que le paiement était fait dès la fin de la période pour l’ensemble du travail accompli jusque-là est un facteur plus caractéristique d’une relation d’emploi. De ce fait, dans l’ensemble, je considère que ce facteur est neutre.

 

[57]        Avant la vérification de l’ARC, les travailleurs ne produisaient pas de factures. Quelque temps après le début de la vérification, L.A. Music a informé les travailleurs qu’ils ne seraient pas payés s’ils ne produisaient pas de factures écrites. La décision d’exiger des factures était clairement motivée par le désir de créer des documents qui confirmeraient l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant. Je n’accorde donc aucun poids aux factures proprement dites. Avant la vérification, les travailleurs tenaient simplement compte du nombre de jours où ils avaient travaillé, ainsi que du nombre de primes qu’ils avaient acquises, et ils avisaient verbalement L.A. Music de l’argent qui leur était dû. L.A. Music ne recourait à aucun mécanisme officiel pour faire le suivi des jours de travail ou des ventes des travailleurs. Maria Piperni a déclaré qu’à cause de la petite taille de l’entreprise, ils savaient quelles personnes avaient travaillé et quand, ce qu’elles avaient vendu et ce qui leur était dû. Dans l’ensemble, je ne considère pas que la présence ou l’absence de factures soit utile pour déterminer le statut des travailleurs.

 

[58]        Certains des facteurs qui précèdent dénotent que les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants. D’autres dénotent qu’ils étaient des employés. À mon avis, les facteurs les plus importants sont la souplesse dont bénéficiaient les travailleurs pour ce qui était de la planification de leur travail, des fonctions qu’ils exécutaient ainsi que du degré correspondant de supervision auquel ils étaient soumis. Les facteurs restants, considérés dans leur ensemble, sont bel et bien neutres. C’est donc dire qu’au moment d’appliquer, ci-après, le critère énoncé dans l’arrêt Connor Homes à chaque travailleur, je mettrai principalement l’accent sur les aspects de la souplesse, des fonctions et de la supervision.

 

 

Les instruments de travail

 

[59]        L’intimé a fait valoir que le magasin lui-même, le stock, les articles en montre et la totalité du mobilier, des accessoires fixes et du matériel étaient des instruments de travail que L.A. Music fournissait. J’admets que ces articles étaient fournis par L.A. Music, mais je ne souscris pas à la position de l’intimé selon laquelle il s’agissait tous d’instruments de travail. La position de l’intimé présuppose que la question en litige dans le présent appel consiste à savoir si les travailleurs avaient pour entreprise de vendre des instruments de musique. Cela n’est pas la question qui est en litige. L’entreprise de vente d’instruments de musique est l’entreprise de L.A. Music. La question en litige consiste à savoir si les travailleurs avaient pour entreprise de fournir des services de vendeur. Il y avait un nombre restreint d’instruments de travail dont les vendeurs avaient réellement besoin pour faire leur travail. La stratégie de vente de L.A. Music était de vendre des instruments en recourant aux prestations des travailleurs. C’est donc dire que le principal instrument de travail requis était les instruments de musique et le matériel de démonstration. Ces instruments et ce matériel étaient la propriété de L.A. Music[11]. Sans eux, les vendeurs ne pouvaient pas susciter l’intérêt des clients et, cela étant, selon le modèle d’entreprise qu’appliquait L.A. Music, ils auraient eu plus de difficulté à réaliser des ventes.

 

[60]        Pour ce qui était des travailleurs qui donnaient des leçons, l’instrument dont l’élève apprenait à jouer était aussi un instrument de travail requis. À l’exception d’une vieille paire de cymbales fournie par Riley O’Connor, les instruments de musique que les élèves apprenaient à jouer étaient fournis soit par L.A. Music, soit par les élèves eux-mêmes. Maria Piperni a indiqué que Michael Dorosz apportait sa propre guitare pour s’en servir lui-même pendant qu’il enseignait.

 

[61]        Maria Piperni a longuement témoigné au sujet du fait que les travailleurs fournissaient des ordinateurs portables et des lecteurs SCSI[12]. J’ai conclu que son témoignage sur ce point était peu fiable et je n’y ai accordé aucun poids, sauf lorsqu’il était confirmé par d’autres témoins. En général, le témoignage de Maria Piperni sur ce point a plutôt été une énumération d’articles que les travailleurs avaient apportés au magasin à un moment ou à un autre qu’une description d’instruments de travail précis qu’ils utilisaient concrètement dans le cadre de leur travail. Par exemple, elle a dit que Kevin Pooler et Antonio Moreira se servaient de leurs ordinateurs portables au travail. M. Pooler, qui a été, selon moi, un témoin très fiable, n’a pas parlé d’un ordinateur portable quand on lui a demandé quels étaient les instruments de travail qu’il avait fournis. M. Moreira a déclaré qu’il apportait son ordinateur portable personnel au magasin, mais qu’il ne s’en était jamais servi pour le travail.

 

[62]        Quant aux préposés aux ventes qui étaient tenus de mettre à jour le site Web de L.A. Music, un ordinateur était manifestement un instrument de travail requis, mais, pour cette tâche-là, c’était L.A. Music qui le fournissait.

 

[63]        L.A. Music a semblé croire que les instruments de travail que possédaient ses travailleurs et dont ils se servaient dans le cadre de leurs activités commerciales menées en marge de L.A. Music étaient des instruments de travail dont il fallait tenir compte au moment d’examiner le critère de la propriété des instruments de travail dans le cadre de la relation qu’ils entretenaient avec L.A. Music. Je ne souscris pas à cette position. Prenons par exemple Kevin Pooler, qui possède pour plusieurs milliers de dollars de matériel d’enregistrement dont il se sert dans le cadre de son entreprise d’enregistrement. Le travail fait à l’aide de ce matériel permet peut-être à M. Pooler d’approfondir ses connaissances et ses compétences au sujet du fonctionnement du matériel dont il fait la démonstration et la vente dans le magasin de L.A. Music, mais cela ne veut pas dire que son matériel d’enregistrement est un instrument de travail dont il se sert dans le cadre de ses activités de commis vendeur.

 

 

Les chances de profit

 

[64]        Les travailleurs étaient rémunérés selon un taux quotidien fixe, et ce taux était négocié au moment de leur embauche.

 

[65]        L.A. Music payait des primes aux travailleurs qui atteignaient certains objectifs de vente quotidiens. Les témoignages n’ont pas permis de déterminer clairement comment le système de primes fonctionnait exactement. Soit le système était différent suivant les travailleurs, soit le souvenir qu’ils en avaient l’était. Ces différences sont sans importance. Le système que Paul Jacobs a décrit semble être assez caractéristique. Il a déclaré qu’il touchait une prime de 25 $ après avoir réalisé des ventes de 3 500 $, et une prime de 50 $ après avoir réalisé des ventes de 5 000 $. Il y avait une preuve que certains travailleurs touchaient des primes lors de périodes de pointe précises de l’année, comme à Noël, mais il a semblé qu’en général, les primes n’étaient pas fréquentes chez les travailleurs et il était clair que certains d’entre eux n’en touchaient presque pas.

 

[66]        L.A. Music a fait valoir que le système de primes offrait au travailleur une possibilité de réaliser un profit. L’intimé a soutenu que la possibilité de gagner davantage en étant apte à vendre des instruments et du matériel n’est pas une possibilité de réaliser un profit. Il a invoqué la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire City Water International Inc. c. La Reine, 2006 CAF 350, [2006] A.C.F. no 1653. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a examiné si des techniciens en entretien et réparation étaient des employés ou des entrepreneurs indépendants. Ces techniciens étaient rémunérés à l’heure et touchaient une prime de rendement de 200 $ par mois s’ils évitaient qu’on les rappelle pour reprendre du travail. Cette prime était réduite de 50 $ pour chaque rappel, jusqu’à épuisement de la somme de 200 $. La Cour d’appel fédérale a conclu, au paragraphe 24 de l’arrêt, qu’« [i]l est vrai [que les techniciens] étaient incités à travailler plus fort et à recevoir 200 $ supplémentaires, mais cela n’équivaut pas au risque commercial de diriger une entreprise […] ». En me fondant sur l’arrêt City Water, je conviens avec l’intimé que le système de primes de L.A. Music ne créait pas en soi une chance de profit.

 

[67]        Les travailleurs n’ont pas confié leurs quarts de travail à des sous-traitants, pas plus que je n’admets qu’il leur ait été loisible de le faire. Ils ne pouvaient donc pas réaliser un profit en recourant à de la sous-traitance. Lorsqu’un travailleur était absent et qu’il s’organisait pour qu’un collègue de travail le remplace, ce dernier touchait son propre taux quotidien, et non pas celui du travailleur absent, et c’était L.A. Music qui le payait directement, et non pas le travailleur absent. Tous ces facteurs militent en faveur de l’existence d’une relation d’emploi.

 

[68]        Quant aux commis vendeurs qui donnaient aussi des leçons, Riley O’Connor a déclaré que le tarif que payaient les élèves était fixé par le magasin et que la rémunération qu’il touchait pour les leçons qu’il donnait faisait simplement partie de son taux de rémunération quotidien. Maria Piperni a déclaré que le tarif que payaient les élèves était fixé par voie de négociation entre l’enseignant et l’élève. Je préfère le témoignage de M. O’Connor à celui de Maria Piperni, car il est plus logique. Je ne puis voir pourquoi L.A. Music laisserait à l’enseignant le soin de négocier le tarif si cet enseignant n’avait pas d’incitation financière à négocier un tarif supérieur.

 

[69]        Quoique L.A. Music n’ait pas plaidé expressément ce point dans ses observations, d’après certaines questions posées à des témoins, il a semblé que L.A. Music a peut-être cru que le travail de vente qu’effectuait un travailleur donné s’inscrivait dans le cadre d’une entreprise de musique de plus grande envergure qu’exploitait ce travailleur. Je ne souscris pas à cette position. Prenons l’exemple de Michael Watson. Celui-ci joue de la batterie dans un groupe et vend des batteries au magasin de L.A. Music, mais je ne considère pas qu’il exploite une entreprise générale de batteries qui englobe ces deux activités. Son groupe est peut‑être une entreprise dans le cadre de laquelle il se sert d’une batterie comme instrument pour faire de la musique. Cette entreprise-là n’a aucun rapport avec le travail qu’il fait au magasin. Dans son groupe, c’est une prestation qu’il vend; au magasin, ce sont des batteries qu’il vend. Le fait que le groupe puisse être une activité commerciale qu’exploite M. Watson n’a pas d’incidence sur ma décision quant au fait de savoir si ses activités de vente sont une activité commerciale distincte ou non.

 

 

Le risque de perte

 

[70]        Les travailleurs étaient rémunérés selon un taux quotidien garanti, peu importe le nombre d’instruments et d’appareils qu’ils vendaient. Ils avaient peu de frais, sinon aucuns. Mauro Piperni a déclaré qu’il ne renvoyait jamais un travailleur chez lui s’il y avait trop de travailleurs sur place. C’est donc dire que non seulement on garantissait aux travailleurs leur taux quotidien, mais aussi qu’on ne réduisait pas inopinément le nombre de jours où ils étaient censés travailler.

 

 

Conclusion

 

[71]        Après avoir passé en revue les éléments de preuve qui sont communs à tous les membres étrangers à la famille, j’appliquerai maintenant à chacun d’eux le critère qui est énoncé dans l’arrêt Connor Homes.

 

a)          Paul Jacobs : Comme il a déjà été mentionné, M. Jacobs avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant. La réalité objective de sa relation avec L.A. Music confirme cette intention :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres travailleurs, la souplesse dont jouissait M. Jacobs pour ce qui était de déterminer le moment où il travaillait milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. M. Jacobs était commis‑vendeur. Il a déclaré qu’il ne nettoyait pas le magasin ou qu’il n’exécutait aucun type de travail semblable. Bien qu’il lui soit arrivé, à un moment donné, d’aider le magasin à créer des affiches en recourant à ses compétences en matière de graphisme, je ne considère pas que cette activité le place dans la catégorie des préposés aux ventes. En tant que commis vendeur, M. Jacobs était soumis à une supervision restreinte à l’égard de ses activités. En plus de ses activités de vente ordinaires, il avait une entente unique avec L.A. Music. Il avait l’impression qu’il pouvait attirer plus de clients au magasin et vendre plus de produits en offrant ces derniers en ligne par l’intermédiaire de Kijiji. Il en avait parlé à Mauro Piperni et avait négocié une entente dans le cadre de laquelle L.A. Music lui paierait la somme de 10 $ pour chaque article qu’il vendrait par l’intermédiaire de Kijiji. Les ventes proprement dites n’avaient pas lieu en ligne. M. Jacobs se servait de Kijiji pour attirer d’éventuels clients au magasin, où il complétait ensuite la vente. Les indices de contrôle qui se rapportent aux ventes réalisées par l’intermédiaire de Kijiji étaient différents de ceux qui s’appliquaient aux autres ventes. Les produits nouveaux étaient annoncés sur Kijiji à leur prix de détail ordinaire, mais les produits plus anciens étaient fixés à un prix dont M. Jacobs et Mauro Piperni avaient convenu. M. Jacobs exerçait donc un certain contrôle sur les prix demandés. Comme les clients étaient attirés en ligne, M. Jacobs n’avait pas à être physiquement présent au magasin pour afficher les annonces sur Kijiji ou répondre aux courriels d’éventuels clients. Il a déclaré qu’il faisait une bonne partie de ce travail à partir de chez lui et que son épouse l’aidait à l’exécuter. Il n’y a eu aucune preuve qu’il rémunérait son épouse pour ce travail, mais il n’en demeure pas moins qu’il était capable de déléguer ce travail à une assistante. Dans l’ensemble, le critère du contrôle confirme de manière objective et solide l’intention qu’il avait d’être un entrepreneur indépendant.

 

Les instruments de travail : M. Jacobs se servait de guitares fournies par L.A. Music pour susciter l’intérêt des clients. Il a déclaré qu’il apportait les instruments de travail dont il se servait pour accorder les guitares au magasin afin d’être sûr que la sonorité de la guitare dont il faisait la démonstration à un client était bonne. Il semble que certains des instruments de travail qu’il apportait étaient également disponibles au magasin L.A. Music, mais pas certains types de clés Allen qu’il apportait. Cependant, dans l’ensemble, la quantité d’instruments de travail qu’il fournissait pour ses activités de vente était supérieure à celle des instruments de travail que fournissait L.A. Music. Par contraste, M. Jacobs a fourni la majorité des instruments de travail nécessaires aux ventes réalisées par l’intermédiaire de Kijiji. Il avait un appareil de photographie numérique dont il se servait pour photographier les éléments de stock de L.A. Music. Il n’a pas dit comment il mettait en ligne les annonces de Kijiji à partir de chez lui, mais il se servait vraisemblablement d’un portable ou d’un autre ordinateur. M. Jacobs avait également la propriété des annonces mises en ligne sur Kijiji. Quand il a quitté L.A. Music, cette propriété intellectuelle n’a pas été transférée au magasin. Vu l’importance qu’accordait M. Jacobs aux ventes réalisées par l’intermédiaire de Kijiji, je conclus que, dans l’ensemble, le critère des instruments de travail confirme de manière objective et solide l’intention qu’il avait d’être un entrepreneur indépendant.

 

Les chances de profit : Les chances de profit de M. Jacobs étaient nettement différentes de celles des autres travailleurs à cause des ventes qu’il réalisait par l’intermédiaire de Kijiji. Grâce à Kijiji, il était capable de gagner de l’argent pendant les moments où il n’était pas au travail. Il était également capable de gagner de l’argent grâce au travail d’autres personnes (comme son épouse). Il gagnait 10 $ par vente conclue, indépendamment du prix de l’article. Si M. Jacobs vendait quatre articles dans une journée par l’intermédiaire de Kijiji et si un autre vendeur vendait les mêmes quatre articles dans le magasin, M. Jacobs gagnait 40 $ tandis que l’autre travailleur ne touchait qu’une prime si le total de ses ventes quotidiennes dépassait l’objectif fixé. M. Jacobs a déclaré que les ventes faites par l’intermédiaire de Kijiji avaient tant de succès qu’il avait en fait accepté de réduire son taux quotidien, car il voulait consacrer au magasin plus de temps à la réalisation de ventes par l’intermédiaire de Kijiji. Il a donc échangé un revenu quotidien garanti au magasin contre la possibilité de gagner nettement plus d’argent grâce aux efforts qu’il faisait par l’intermédiaire de Kijiji. De plus, les conditions qu’il avait négociées avec Mauro Piperni lui permettaient d’inclure les ventes effectuées par l’intermédiaire de Kijiji dans ses objectifs de vente quotidiens, de sorte qu’il lui était possible de toucher non seulement la somme de 10 $ par vente dans le cas des ventes effectuées par l’intermédiaire de Kijiji, mais aussi les primes de vente. La création et la tenue du système de ventes par l’intermédiaire de Kijiji ont mis M. Jacobs dans une position nettement différente de celle des autres travailleurs. La présence d’une commission fixe et d’un système de primes ne veut pas forcément dire qu’un travailleur a une chance de profit, mais, si l’on considère la situation sous le prisme de l’intention qu’avait M. Jacobs d’être un entrepreneur indépendant, la possibilité qu’il avait de réaliser un profit grâce à un système créé de sa propre initiative confirme de manière objective son intention d’être un entrepreneur indépendant.

 

Le risque de perte : À l’instar de tous les autres travailleurs, M. Jacobs n’avait aucun risque de perte. Ce facteur ne confirme donc pas son intention objective d’être un entrepreneur indépendant.

 

b)         Dragan Petrovic : Comme il a déjà été mentionné, M. Petrovic avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant, mais la réalité objective de la relation qu’il entretenait avec L.A. Music ne la confirme pas :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres travailleurs, la souplesse dont bénéficiait M. Petrovic pour ce qui était de déterminer quand il travaillait milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. M. Petrovic a semblé en fait avoir même plus de souplesse que les autres travailleurs. Il appartenait à la catégorie des commis vendeurs, mais on ne sait avec certitude dans quelle mesure il se consacrait réellement à la vente. Je l’ai inscrit dans cette catégorie parce que les deux activités sur lesquelles il se concentrait manifestement (les démonstrations sur les claviers et les réponses aux questions des clients) s’inscrivent dans la catégorie des commis‑vendeurs, et aussi parce que, manifestement, il n’aurait accompli aucune des tâches moins importantes qu’exécutaient les préposés aux ventes, car il estimait que ceux-ci se situaient à un rang inférieur au sien. En tant que commis vendeur, M. Petrovic était soumis à une supervision restreinte. Dans l’ensemble, le facteur du contrôle confirme de manière objective et solide l’intention subjective qu’avait M. Petrovic d’être un entrepreneur indépendant.

 

Les instruments de travail : M. Petrovic avait besoin de deux choses pour vendre des claviers : premièrement, des claviers de démonstration sur lesquels jouer et, deuxièmement, des lecteurs SCSI qu’il branchait à ces claviers en vue de démontrer le plein potentiel de ces instruments. L.A. Music fournissait les claviers de démonstration; M. Petrovic fournissait les lecteurs SCSI. Ceux-ci contenaient de la musique qu’il avait préparée chez lui. Il se servait d’un lecteur SCSI pour faire une démonstration des capacités des claviers dans le magasin. Il possédait plus qu’un seul lecteur SCSI, car ceux-ci étaient propres à des claviers différents. Un lecteur SCSI coûte entre 100 $ et 150 $. J’ai eu l’impression que M. Petrovic aurait été propriétaire des lecteurs SCSI, peu importe le travail qu’il accomplissait au magasin de L.A. Music. La valeur des lecteurs SCSI par rapport aux claviers de démonstration est également peu élevée. En conséquence, bien que le fait que M. Petrovic fournissait les lecteurs SCSI ne soit pas incompatible avec son intention subjective d’être un entrepreneur indépendant, je n’accorde pas beaucoup de poids à ce facteur.

 

Les chances de profit : M. Petrovic a dit qu’il s’était spécifiquement exclu du système de primes. Mon impression générale a été que M. Petrovic avait le sentiment que la vente était une activité indigne d’un véritable musicien. Il semblait très satisfait de son taux de rémunération quotidien et s’intéressait davantage au fait de jouer simplement de la musique au magasin, d’établir des contacts dans l’industrie et d’avoir la possibilité d’acheter au rabais des claviers au magasin de L.A. Music que de réaliser un profit. À mon avis, son attitude à l’égard du profit et ses actes ne confirment pas de manière objective son intention subjective d’être un entrepreneur indépendant.

 

Le risque de perte : À l’instar de tous les autres travailleurs, M. Petrovic n’avait aucun risque de perte. Ce facteur ne confirme donc pas son intention subjective d’être un entrepreneur indépendant

 

c)          Michael Watson : Comme il a déjà été mentionné, M. Watson avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant. Bien que ses arguments ne soient pas aussi solides que ceux de M. Jacobs, la réalité objective de la relation qu’entretenait M. Watson avec L.A. Music confirme son intention d’être un entrepreneur indépendant :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres travailleurs, la souplesse dont jouissait M. Watson pour ce qui était de déterminer à quel moment travailler milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. À titre de commis vendeur, M. Watson était soumis à une supervision restreinte. Dans l’ensemble, le facteur du contrôle confirme de manière objective et solide l’intention subjective qu’avait M. Watson d’être un entrepreneur indépendant.

 

Les instruments de travail : M. Watson se servait des batteries que fournissait L.A. Music pour susciter l’intérêt des clients et réaliser des ventes. Rien ne prouve qu’il fournissait ses propres instruments. Vu le nombre élevé de batteries de démonstration que L.A. Music aurait fournis, je conclus que le facteur des instruments de travail ne confirme pas de manière objective l’intention subjective qu’avait M. Watson d’être un entrepreneur indépendant.

 

Les chances de profit : Il ressort de la preuve que M. Watson avait plus de succès qu’un grand nombre des autres travailleurs sur le plan des primes gagnées. Bien que la capacité de gagner une prime dans ces circonstances ne dénote pas l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant, si on la considère sous le prisme de l’intention qu’avait M. Watson d’être un entrepreneur indépendant, cette capacité n’est pas objectivement incompatible avec cette intention.

 

Le risque de perte : M. Watson a soutenu qu’il engageait des frais en prenant part à des salons commerciaux axés sur le secteur des batteries et en s’abonnant à des revues spécialisées. J’admets que cela l’ait aidé dans ses activités de vente, mais je soupçonne qu’il a enjolivé une fois de plus son témoignage. Je soupçonne qu’il s’agissait là de frais qu’il aurait engagés, peu importe le travail qu’il faisait au magasin. Je conclus donc que, à l’instar de tous les autres travailleurs, M. Watson ne s’exposait à aucun risque de perte. Ce facteur ne confirme donc pas son intention subjective d’être un entrepreneur indépendant.

 

d)         Robert Simpson : Comme il a déjà été mentionné, M. Simpson avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant. Bien que ses arguments ne soient pas aussi solides que ceux de M. Jacobs, la réalité objective de la relation qu’il entretenait avec L.A. Music confirme son intention d’être un entrepreneur indépendant :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres travailleurs, la souplesse dont jouissait M. Simpson pour ce qui était de déterminer à quel moment travailler milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. Aucune preuve n’a donné à penser qu’il était autre chose qu’un commis vendeur. À ce titre, M. Simpson était soumis à une supervision restreinte. Dans l’ensemble, le facteur du contrôle confirme de manière objective et solide l’intention subjective qu’avait M. Simpson d’être un entrepreneur indépendant.

 

Les instruments de travail : M. Simpson se servait du matériel audio professionnel que fournissait L.A. Music pour susciter l’intérêt des clients et réaliser des ventes. En général, il n’apportait pas ses propres instruments de travail au magasin. À une occasion, il avait apporté quelques outils pour réparer le couvercle antipoussière d’un ensemble de haut-parleurs. Il avait fabriqué un dispositif qui permettait aux clients de faire l’essai de casques d’écoute, mais comme il l’avait vendu à L.A. Music ce n’était pas un instrument qu’il avait fourni. Le facteur des instruments de travail ne confirme pas son intention subjective d’être un entrepreneur indépendant.

 

Les chances de profit : M. Simpson n’a jamais gagné de primes, mais le système de primes lui donnait toutefois la possibilité de le faire. Comme il y avait une preuve que d’autres personnes, comme Michael Watson, gagnaient des primes grâce au système de primes, j’admets que la possibilité qu’avait M. Simpson d’en faire autant n’était pas seulement un vœu pieux. Bien que la possibilité de gagner des primes dans ces circonstances ne dénote pas l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant, si on la considère sous le prisme de l’intention qu’avait M. Simpson d’être un entrepreneur indépendant, cette possibilité n’est pas objectivement incompatible avec cette intention.

 

Les risques de perte : À l’instar de tous les autres travailleurs, M. Simpson ne s’exposait à aucun risque de perte. Ce facteur ne confirme donc pas son intention subjective d’être un entrepreneur indépendant.

 

e)          Kevin Pooler : Comme il a déjà été mentionné, il m’a été impossible de conclure que M. Pooler avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant. Par conséquent, la détermination de son statut repose essentiellement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, et je conclus que ces derniers dénotent qu’il était un employé :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres travailleurs, la souplesse dont jouissait M. Pooler pour ce qui était de déterminer à quel moment travailler milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. M. Pooler était un préposé aux ventes. Outre la vente, ses fonctions consistaient à recevoir des éléments de stock et à les mettre de côté ou en montre, ainsi qu’à afficher les prix sur les articles en montre et à mettre à jour le site Web en y consignant des prix. À titre de préposé aux ventes, M. Pooler faisait l’objet d’une supervision, bien qu’il ait été responsable d’un moins grand nombre des activités de vente plus importantes qu’accomplissaient certains des autres préposés aux ventes, et il était donc soumis à moins de supervision. Dans l’ensemble, le facteur du contrôle dénote que M. Pooler était un entrepreneur indépendant.

 

Les instruments de travail : M. Pooler utilisait le matériel audio professionnel que fournissait L.A. Music pour susciter l’intérêt des clients et réaliser des ventes. Rien ne prouve qu’il fournissait ses propres instruments de travail. Le facteur des instruments de travail dénote donc que M. Pooler était un employé.

 

Les chances de profit : La capacité de gagner une prime dans ces circonstances ne dénote pas l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant.

 

Les risques de perte : À l’instar de tous les autres travailleurs, M. Pooler n’était exposé à aucun risque de perte. Ce facteur dénote donc l’existence d’une relation d’emploi.

 

f)           Mark Rudyj : Comme il a déjà été mentionné, il m’a été impossible de conclure que M. Rudyj avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant. De ce fait, la détermination de son statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Je conclus que ces facteurs dénotent qu’il était un employé :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres travailleurs, la souplesse dont jouissait M. Rudyj pour ce qui était de déterminer à quel moment travailler milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. M. Rudyj était un préposé aux ventes. Outre les ventes, ses fonctions consistaient à empiler la marchandise, à scanner à l’occasion des articles dans le système informatique, à expédier des produits d’un magasin L.A. Music à l’autre, à tenir en ordre son rayon, à sortir les déchets et à défaire des boîtes. Il a également déclaré qu’il avait aidé à nettoyer le sous-sol du magasin à l’époque où L.A. Music rénovait cette partie du bâtiment. Je crois que, dans son témoignage, il a insisté exagérément sur le temps qu’il avait passé à mettre de l’ordre, à sortir les déchets et à défaire des boîtes, mais j’admets qu’il s’agit là de choses qu’on lui disait de faire de temps à autre. Comme M. Rudyj avait à exécuter des tâches moins importantes que celles de certains des autres préposés aux ventes, je conclus qu’il était également soumis à plus de supervision que les autres. Dans l’ensemble, les types de tâches que M. Rudyj était tenu d’exécuter ainsi que le degré de supervision l’emportent sur la souplesse dont il bénéficiait au travail. Je conclus que le facteur du contrôle milite en faveur du statut d’employé.

 

Les instruments de travail : M. Rudyj se servait du matériel audio professionnel que fournissait L.A. Music pour susciter l’intérêt des clients et réaliser des ventes. Rien ne prouve qu’il fournissait ses propres instruments de travail. En conséquence, le facteur des instruments de travail dénote que M. Rudyj était un employé.

 

Les chances de profit : La capacité de gagner une prime dans ces circonstances ne dénote pas l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant.

 

Les risques de perte : À l’instar de tous les autres travailleurs, M. Rudyj n’était exposé à aucun risque de perte. Par conséquent, ce facteur dénote l’existence d’une relation d’emploi.

 

g)          Victor Miolla : Comme il a déjà été mentionné, il m’a été impossible de conclure que M. Miolla avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant. Par conséquent, la détermination de son statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Je conclus que ces facteurs dénotent qu’il était un employé. Comme nous l’avons également vu plus tôt, en raison de la mesure dans laquelle Maria Piperni a orienté M. Miolla dans son témoignage, j’ai essentiellement fait abstraction de la majeure partie de ce dernier :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres travailleurs, la souplesse dont jouissait M. Miolla pour ce qui était de déterminer à quel moment travailler milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. Je ne souscris pas à la description que M. Miolla a faite de ses fonctions. Je conclus qu’il était un préposé aux ventes et qu’il était assujetti à une certaine supervision. De plus, M. Miolla a déclaré en contre‑interrogatoire que Riley O’Connor était son assistant et qu’il pouvait ordonner à ce dernier d’exécuter des tâches pour lui. Ce témoignage a été confirmé par M. O’Connor. Dans l’ensemble, je conclus que la supervision de M. Miolla et, de plus, le fait qu’il supervisait M. O’Connor étaient suffisants pour l’emporter sur la souplesse de son horaire de travail, et cela dénote qu’il était un employé.

 

Les instruments de travail : M. Miolla se servait des batteries que fournissait L.A. Music pour susciter l’intérêt des clients et réaliser des ventes. Il n’a donné aucune preuve fiable qu’il fournissait ses propres instruments de travail. De ce fait, le facteur des instruments de travail dénote que M. Miolla était un employé.

 

Les chances de profit : La capacité de gagner une prime dans ces circonstances ne dénote par l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant.

 

Les risques de perte : À l’instar de tous les autres travailleurs, M. Miolla ne s’exposait à aucun risque de perte. Par conséquent, ce facteur dénote l’existence d’une relation d’emploi.

 

h)         Antonio Moreira : Comme il a déjà été mentionné, il m’a été impossible de conclure que M. Moreira avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant. Par conséquent, la détermination de son statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Je conclus que ces facteurs dénotent qu’il était un employé :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres travailleurs, la souplesse dont jouissait M. Moreira pour ce qui était de déterminer à quel moment travailler milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. M. Moreira était un préposé aux ventes. Outre les ventes, ses fonctions consistaient à tenir l’étage en ordre, à stocker des instruments et des appareils dans son rayon, à mettre à jour le site Web de L.A. Music en y ajoutant des prix et des images de produits, à décharger de nouveaux éléments de stock des camions et, ensuite, à les trier et à les envoyer au rayon auquel ils étaient destinés. De plus, on lui demandait d’accomplir des tâches qui étaient tout à fait étrangères à celles que l’on attendait d’un préposé aux ventes ordinaire. À une occasion, dans l’ancien magasin de L.A. Music, il avait passé deux jours à arracher des cloisons sèches et du revêtement acoustique. À une autre occasion, on lui avait dit de se rendre dans un immeuble locatif appartenant à Mauro Piperni et d’aider un peintre à déplacer du mobilier. Enfin, à son dernier jour de travail, on lui avait dit de se rendre dans l’immeuble locatif de Mauro Piperni et de se débarrasser de la poussière qui se trouvait sous un puits d’escalier. Il ne voulait faire aucune de ces tâches additionnelles, mais il avait le sentiment de ne pas avoir le choix. Toutes ces tâches additionnelles dénotent un degré très élevé de supervision. Dans l’ensemble, les types de fonctions que M. Moreira était tenu d’exécuter ainsi que le degré de supervision exercé l’emportent sur la souplesse dont il bénéficiait au travail. Je conclus que le facteur du contrôle milite fortement en faveur du statut d’emploi.

 

Les instruments de travail : M. Moreira se servait du matériel audio professionnel que fournissait L.A. Music pour susciter l’intérêt des clients et réaliser des ventes. Il ne fournissait aucun de ses propres instruments de travail. Il s’était servi à une reprise de son propre ordinateur portable afin de créer un compte MySpace pour L.A. Music, à la demande de Michael Piperni. Il n’avait pas été rémunéré pour le temps consacré à ce travail. Le facteur des instruments de travail dénote donc que M. Moreira était un employé.

 

Les chances de profit : M. Moreira a déclaré qu’il touchait un taux horaire plutôt qu’un taux quotidien. Bien que son témoignage contredise celui de tous les autres témoins, j’admets qu’il croyait être rémunéré à l’heure. Je ne pense toutefois pas que cela soit d’une importance quelconque. M. Moreira a déclaré qu’il n’avait gagné une prime qu’à deux reprises, car ses ventes n’étaient en général pas assez élevées[13]. La capacité de gagner une prime dans ces circonstances ne dénote pas l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant.

 

Les risques de perte : À l’instar de tous les autres travailleurs, M. Moreira ne s’exposait à aucun risque de perte. Par conséquent, ce facteur dénote l’existence d’une relation d’emploi.

 

i)            Riley O’Connor : Comme il a déjà été mentionné, il m’a été impossible de conclure que M. O’Connor avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant. Par conséquent, la détermination de son statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Je conclus que ces facteurs dénotent qu’il était un employé :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres travailleurs, la souplesse dont jouissait M. O’Connor pour ce qui était de déterminer à quel moment travailler milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. M. O’Connor était un préposé aux ventes. Il donnait aussi des leçons de musique au magasin. Lorsqu’il n’enseignait pas, on s’attendait à ce qu’il fasse de la vente. Outre la vente et l’enseignement, ses fonctions consistaient à stocker des articles dans son rayon, à mettre en place des présentoirs, à mettre à jour le site Web de L.A. Music en y intégrant des prix et des images de produits ainsi qu’à décharger de nouveaux éléments de stock des camions. Ces tâches dénotent que M. O’Connor faisait l’objet d’une certaine supervision. En outre, Victor Miolla a déclaré que M. O’Connor était son assistant, et ce dernier l’a confirmé. Pour ce qui était des leçons qu’il donnait, M. O’Connor a déclaré qu’une personne, qu’il a appelée le [traduction] « coordonnateur des leçons », fixait pour lui son programme de leçons. Cependant, il a aussi dit qu’il avait ses propres élèves en marge de L.A. Music et qu’il recrutait librement de nouveaux élèves parmi les clients qui fréquentaient le magasin. Dans l’ensemble, les types de fonctions que M. O’Connor était tenu d’exécuter de même que son degré de supervision l’emportent sur la souplesse dont il bénéficiait au travail et le fait qu’il faisait concurrence à L.A. Music. Je conclus que le facteur du contrôle milite en faveur du statut d’employé.

 

Les instruments de travail : M. O’Connor se servait des batteries que fournissait L.A. Music pour susciter l’intérêt des clients et réaliser des ventes. Il ne se servait pas de ses propres instruments de travail dans le cadre de son travail de vente. Pour ce qui était de ses leçons, il a déclaré qu’il lui arrivait de fournir sa propre musique en feuilles, qu’il apportait l’un de ses vieux ensembles de cymbales pour les leçons et qu’il lui incombait d’établir ses propres plans de leçon. Le reste de la batterie utilisée dans le cadre des leçons provenant de L.A. Music. Dans l’ensemble, le facteur des instruments de travail milite en faveur du statut d’employé.

 

Les chances de profit : Le fait que M. O’Connor était enseignant n’augmentait pas ses chances de profit. Sa capacité de gagner une prime ne dénote pas l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant.

 

Les risques de perte : À l’instar de tous les autres travailleurs, M. O’Connor ne s’exposait à aucun risque de perte. Par conséquent, ce facteur dénote l’existence d’une relation d’emploi.

 

j)            Tim Guerin : M. Guerin n’a pas témoigné. Comme je l’ai dit plus tôt, je n’ai pas en mains une preuve suffisante pour conclure que M. Guerin avait l’intention d’être un entrepreneur indépendant. Par conséquent, la détermination de son statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Mauro Piperni a déclaré que M. Guerin se trouvait exactement dans la même situation que Kevin Pooler. Comme j’ai conclu que M. Pooler était un employé, je conclus donc que M. Guerin l’était aussi.

 

k)         Les autres travailleurs étrangers à la famille : Les travailleurs étrangers à la famille qui suivent n’ont pas témoigné. Le peu d’éléments de preuve que Mauro et Maria Piperni ont fournis au sujet de ces travailleurs ne m’ont pas permis de les distinguer les uns des autres :

 

·        Frank Bartoletti

·        Michael Dorosz

·        Archy Hachey

·        Lorne MacMillan

·        Matthew Sprague

·        Kyle Ray

·        Graham Wallace

 

Comme il a déjà été mentionné, je ne dispose pas d’une preuve suffisante pour conclure que ces travailleurs avaient l’intention d’être des entrepreneurs indépendants. Par conséquent, la détermination de leur statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Je conclus que ces facteurs dénotent qu’ils étaient des employés :

 

Le contrôle : À l’instar de tous les autres, la souplesse dont jouissaient ces travailleurs pour ce qui était de déterminer à quel moment travailler milite fortement en faveur du statut d’entrepreneur indépendant. Comme je n’ai aucune preuve au sujet des fonctions qu’ils exécutaient, je ne suis pas en mesure de déterminer s’il faut les classer comme des commis vendeurs ou comme des préposés aux ventes, et il m’est donc impossible de déterminer leur degré probable de supervision. L’intimé a émis l’hypothèse de fait suivante : en plus de s’occuper des ventes, tous les commis vendeurs exécutaient en partie ou en totalité les tâches suivantes : nettoyer et organiser le magasin, mettre à jour le site Web de L.A. Music, décharger des éléments de stock des camions de livraison, répondre au téléphone et mettre en place des présentoirs. Dans le cas de ces derniers travailleurs, je conclus que cette hypothèse n’a pas été réfutée. En me fondant sur cette hypothèse, je qualifierai donc ces travailleurs de préposés aux ventes et je conclus qu’ils étaient soumis à un degré supérieur de supervision. Dans l’ensemble, les types de fonctions que ces travailleurs étaient tenus d’exécuter de même que leur degré de supervision l’emportent sur la souplesse dont ils jouissaient au travail. Je conclus donc que le facteur du contrôle dénote qu’ils étaient des employés.

 

Les instruments de travail : Aucune preuve fiable ne donne à penser que ces travailleurs fournissaient leurs propres instruments de travail, hormis Michael Dorosz, qui se servait de sa propre guitare quand il donnait des leçons de guitare. Étant donné que ces travailleurs, quand ils réalisaient des ventes, se servaient des instruments et du matériel de L.A. Music à des fins de démonstration, j’en suis réduit à conclure que le facteur des instruments de travail dénote qu’ils étaient des employés[14].

 

Les chances de profit : La capacité de gagner une prime dans ces circonstances ne dénote pas l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant.

 

Les risques de perte : Je n’ai aucune preuve que ces travailleurs s’exposaient à un risque de perte. Par conséquent, ce facteur dénote l’existence d’une relation d’emploi.

 

 

Les travailleurs membres de la famille

 

[72]        Les travailleurs membres de la famille sont les quatre enfants Piperni (Michael, Rob, Jacqueline et Valerie), de même que les soeurs Hilmarson (Ashley et Candice). Durant les années en question, Ashley vivait avec Michael et s’était plus tard fiancée avec lui. Pour les besoins de mon analyse, j’ai donc considéré que Ashley et Candice faisaient partie de la famille Piperni élargie.

 

[73]        Aucun des travailleurs membres de la famille n’a témoigné. Maria Piperni a déclaré qu’ils vivaient tous dans les environs, de sorte qu’ils auraient vraisemblablement été disponibles pour témoigner. Je n’ai pas tiré d’inférence défavorable du fait qu’ils n’ont pas témoigné, mais cela ne change pas le fait que l’absence des éléments de preuve qu’ils auraient pu fournir a porté préjudice à la cause de L.A. Music.

 

[74]        J’appliquerai maintenant le critère énoncé dans l’arrêt Connor Homes à chacun des travailleurs membres de la famille.

 

a)          Michael Piperni et Rob Piperni : Bien que je dispose d’une preuve limitée sur la question, je suis prêt à admettre que Michael et Rob Piperni ont toujours eu l’intention d’être des entrepreneurs indépendants. Cependant, la réalité objective de la relation qu’ils entretenaient avec L.A. Music ne confirme pas cette intention :

 

Le contrôle : Il y a eu une preuve contradictoire au sujet du rôle que Michael et Rob Piperni jouaient au magasin de L.A. Music :

 

i)             M. Watson a déclaré qu’il n’y avait pas de superviseur ou de gérant dans le rayon des batteries et percussions. Il a déclaré qu’il soumettait les questions importantes à Maria ou à Mauro Piperni. Il a nié que Michael ou Rob aient été des superviseurs, et il a dit que ces derniers travaillaient à ses côtés. Il a ajouté que Maria et Mauro Piperni, quand ils partaient en vacances, laissaient le magasin entre les mains de Michael et de Rob Piperni.

 

ii)          Kevin Pooler a qualifié Michael et Rob Piperni de [traduction] « chefs de rayon », bien que ceux-ci ne lui aient jamais été officiellement présentés en tant que tels. Il a déclaré que Rob était sur place presque tous les jours. Quand il avait voulu alléger son horaire de travail de façon permanente, il en avait parlé à Michael. Il a déclaré aussi que, quand il savait qu’il allait s’absenter du travail, il le faisait savoir à Michael et à Rob.

 

iii)        Mark Rudyj a déclaré qu’il considérait Michael et Rob Piperni comme des superviseurs. Comme son témoignage concorde avec celui de Keven Pooler sur ce point, j’y souscris. Il a déclaré aussi que Michael s’était présenté à lui en tant que gérant. Comme d’autres témoins ont tous dit que Michael ne l’avait pas fait, je ne souscris pas au témoignage de M. Rudyj sur ce point.

 

iv)        Mark Rudyj, Robert Simpson et Riley O’Connor ont tous déclaré que c’était Michael qui les avait embauchés.

 

v)          Paul Jacobs a déclaré que Michael et Rob Piperni étaient chargés du magasin quand Mauro et Maria Piperni s’absentaient.

 

vi)        Antonio Moreira a déclaré qu’il considérait Michael et Rob Piperni comme des gérants, bien que ces derniers ne lui aient jamais été présentés comme tels. Il a ajouté qu’il avait été embauché par Rob, que c’était Michael ou Rob qui lui disait de décharger les camions de livraison, que, quand il s’absentait du travail, il le faisait savoir à Michael ou à Rob et que c’était Michael qui lui avait dit d’effectuer les tâches manuelles dans l’ancien magasin ainsi que dans l’immeuble locatif de Mauro Piperni. Il a ajouté que quand un client voulait négocier un prix, il en parlait à Rob.

 

vii)     Robert Simpson a déclaré que Rob était son superviseur et que, si un client voulait obtenir un rabais, c’était à Rob qu’il en parlait.

 

viii)   Riley O’Connor a déclaré que Michael et Rob Piperni étaient tous deux des gérants, bien qu’ils ne lui aient jamais été officiellement présentés en cette qualité. Il a ajouté qu’il avait négocié ses heures de travail et son taux de rémunération avec Michael. Il a également déclaré que Rob était le gérant du troisième étage et que, lorsqu’un client voulait négocier un prix, c’était à lui qu’il fallait en parler.

 

ix)        Mauro Piperni a déclaré que Michael et Rob n’avaient pas le pouvoir d’embaucher et de congédier des travailleurs; ils devaient plutôt soumettre ces décisions à lui ou à Maria. J’admets que cela a pu être le cas, mais il n’en demeure pas moins qu’ils donnaient l’impression de détenir ce pouvoir et qu’ils jouaient manifestement un rôle important dans le cadre du processus d’embauche, car un certain nombre de travailleurs ont déclaré qu’ils avaient été embauchés sans même s’être entretenus avec Mauro ou Maria Piperni.

 

x)          Maria Piperni a déclaré que Michael et Rob n’étaient pas des superviseurs. Elle a ajouté que Michael travaillait en compagnie des autres vendeurs et que, si ces derniers lui posaient parfois des questions, c’était à cause de l’étendue de ses connaissances. Quand on lui a demandé dans quel rayon Michael travaillait, Maria a répondu évasivement. Je crois que c’est en fait parce que Michael couvrait tous les rayons, et cela est étayé par le témoignage des autres travailleurs qui ont dit que Michael et Rob travaillaient à un étage particulier, et non dans un rayon en particulier.

 

Il aurait été possible de concilier ces opinions contradictoires à propos des rôles que jouaient Michael et Rob Piperni si l’un ou l’autre d’entre eux avait témoigné. Comme ils ne l’ont pas fait, j’en suis réduit à faire un choix entre les diverses opinions exprimées. Les explications de Mauro et Maria Piperni ne sont tout simplement pas logiques. Ils voudraient que je croie que les fils des propriétaires de l’entreprise ont un emploi dans le cadre duquel ils se déplacent d’un rayon à un autre à un étage particulier, où ils donnent des conseils et se font poser des questions sur la possibilité d’accorder un rabais, mais sans exercer une supervision quelconque sur ces rayons. Cela n’est tout simplement pas crédible. Je préfère donc le témoignage des travailleurs à celui de Mauro et de Maria Piperni. Le seul travailleur qui a déclaré que Michael et Rob n’étaient pas des superviseurs ou des gérants a été M. Watson. Comme je l’ai expliqué plus tôt, j’ai eu l’impression que M. Watson présentait son témoignage avec parti pris en faveur de l’intimé chaque fois qu’il était possible de le faire. Compte tenu de la preuve accablante des autres travailleurs (dont trois étaient les propres témoins de L.A. Music), je conclus donc que Michael et Rob étaient des superviseurs. À ce titre, ils supervisaient MM. Jacobs, Watson et Simpson. Cela veut dire qu’il y avait une situation dans laquelle deux personnes (Michael et Rob), qui étaient censément des entrepreneurs indépendants, supervisaient d’autres personnes (MM. Jacobs, Watson et Simpson) qui, ai-je déjà conclu, étaient des entrepreneurs indépendants, sans qu’il y ait de relation contractuelle entre Michael et Rob d’une part, et MM. Jacobs, Watson et Simpson d’autre part. Dans l’arrêt Pluri Vox Media Corp. c. La Reine, 2012 CAF 295, 2013 DTC 5012, la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que, dans une situation dans laquelle un travailleur supervise un entrepreneur indépendant et où il n’existe entre ces deux travailleurs aucune relation contractuelle, l’interprétation la plus juste est que le travailleur agissant comme superviseur est, en fait, un employé. Il n’y a presque aucune preuve sur ce que Michael et Rob faisaient, à part faire des ventes et exercer une supervision, ni aucune preuve indiquant s’ils bénéficiaient de la même souplesse que les autres travailleurs, ni aucune preuve de leurs conditions de travail en général, à part le fait que Maria et Mauro Piperni les supervisaient. De ce fait, étant donné que la seule preuve disponible indique qu’ils étaient des employés, je n’ai pas d’autre choix que de conclure que le facteur du contrôle ne confirme pas de manière objective leurs intentions subjectives d’être des entrepreneurs indépendants.

 

Les instruments de travail : Il n’existe aucune preuve crédible que Michael ou Rob Piperni fournissait des instruments de travail qui avaient un lien avec leurs fonctions de vente ou de supervision. Maria Piperni a déclaré que Michael apportait au magasin une partie de son matériel d’éclairage et « audio-pro » commercial en vue de le montrer à des clients. Michael se servait de ce matériel pour du travail qu’il faisait à l’extérieur du magasin. Vu la propension de Maria à l’exagération, je ne suis pas convaincu que Michael apportait le matériel au magasin en vue d’y vendre du matériel semblable, plutôt que de l’apporter simplement pour le montrer ou pour une quelque autre raison. Dans l’ensemble, ce facteur n’étaye pas de manière objective les intentions subjectives de Michael et de Rob d’être des entrepreneurs indépendants.

 

Les chances de profit : Il semble que Michael et Rob prenaient tous deux part au système de primes, mais il n’y a aucune preuve de la fréquence à laquelle ils gagnaient des primes, et on ne sait avec certitude s’ils étaient principalement des superviseurs ou principalement des vendeurs. Bien que la capacité de gagner une prime dans ces circonstances ne dénote pas l’existence d’une relation d’entrepreneur indépendant, si on la considère sous le prisme des intentions de Michael et de Rob d’être des entrepreneurs indépendants, cette capacité ne concorde pas objectivement avec ces intentions.

 

Les risques de perte : Rien ne prouve que Michael ou Rob engageaient des frais ou qu’ils s’exposaient à un risque quelconque de perte. Ce facteur ne confirme donc pas leurs intentions subjectives d’être des entrepreneurs indépendants.

 

b)         Valerie Piperni : La preuve est insuffisante pour me permettre de conclure que Valerie avait l’intention d’être une entrepreneure indépendante. Par conséquent, la détermination de son statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Doors. Ces facteurs dénotent qu’elle était une employée :

 

Le contrôle : Au cours des années en question, Valerie poursuivait des études collégiales ou venait tout juste d’avoir un enfant. Elle n’avait pas de fonctions assignées au préalable. En général, elle travaillait comme caissière ou s’occupait des étalages de produits. Elle ne s’occupait pas des ventes ou des leçons. Je conclus que les fonctions que Valerie exécutait concordent avec celles d’une employée, et non d’une entrepreneure indépendante. Valerie n’avait pas d’horaire fixe et travaillait simplement quand elle le voulait. Cependant, il était évident que la souplesse dont elle jouissait, en travaillant quand elle le voulait et en exerçant les fonctions qu’elle voulait, découlait du fait qu’elle était la fille de Mauro et de Maria Piperni, et non pas d’une relation contractuelle quelconque. Je n’ai donc accordé aucun poids à cette souplesse. Son travail était manifestement supervisé par ses parents. Dans l’ensemble, le facteur du contrôle dénote que Valerie était une employée.

 

Les instruments de travail : On a laissé entendre que l’une des trois personnes – Valerie, Candice ou Ashley – s’était peut-être servie de son ordinateur portable personnel pour aider à concevoir des étiquettes de prix. La caisse enregistreuse dont Valerie se servait était fournie par L.A. Music. Dans le meilleur des cas, ce facteur est neutre.

 

Les chances de profit : Valerie n’avait aucune chance de gagner des primes. Elle était simplement rémunérée lorsqu’elle travaillait. Ce facteur milite en faveur du statut d’employée.

 

Les risques de perte : Valerie n’était exposée à aucun risque de perte. Par conséquent, ce facteur dénote l’existence d’une relation d’emploi.

 

c)          Jacqueline Piperni : La preuve est insuffisante pour me permettre de conclure que Jacqueline avait l’intention d’être une entrepreneure indépendante. Par conséquent, la détermination de son statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Ces facteurs dénotent qu’elle était une employée :

 

Le contrôle : À l’instar de Valerie, Jacqueline travaillait quand elle le voulait, et aucune fonction ne lui était assignée au préalable. Elle travaillait en général comme caissière, ou elle  répondait au téléphone. Elle s’occupait aussi de la coordination des leçons. Elle ne travaillait pas dans le secteur de la vente et ne donnait pas de leçons. Je conclus que les fonctions qu’exécutait Jacqueline concordent avec celle d’une employée, et non d’une entrepreneure indépendante.

 

Les instruments de travail : Maria Piperni a déclaré que Jacqueline apportait son ordinateur portable au travail, mais l’usage qu’elle en faisait n’était pas clair, car L.A. Music fournissait les ordinateurs dont les caissières se servaient. Ce facteur indique l’existence d’une relation d’emploi.

 

Les chances de profit : Jacqueline était rémunérée selon un taux quotidien fixe, sans primes. Aucune preuve ne dénote qu’elle avait une possibilité de réaliser un profit. Cela dénote qu’elle était une employée.

 

Les risques de perte : Jacqueline n’était exposée à aucun risque de perte. Cela dénote qu’elle était une employée.

 

d)         Ashley Hilmarson : La preuve est insuffisante pour me permettre de conclure qu’Ashley avait l’intention d’être une entrepreneure indépendante. Par conséquent, la détermination de son statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Ces facteurs dénotent qu’elle était une employée :

 

Le contrôle : Ashley travaillait quand bon lui semblait. Je conclus que c’était parce qu’elle était membre de la famille Piperni, et je n’accorde aucun poids à ce facteur. Elle travaillait en général comme caissière, répondait au téléphone et s’occupait des étalages de produits. Elle s’occupait aussi de coordonner les leçons. Elle ne s’occupait pas des ventes et ne donnait pas de leçons. Je conclus que les fonctions qu’Ashley exécutait concordent avec celles d’une employée, et non d’une entrepreneure indépendante.

 

Les instruments de travail : On a laissé entendre que l’une des trois personnes – Valerie, Candice ou Ashley – s’était peut-être servie de son ordinateur portable personnel pour aider à concevoir des étiquettes de prix. La caisse enregistreuse dont Ashley se servait appartenait à L.A. Music. Dans le meilleur des cas, ce facteur est neutre.

 

Les chances de profit : Ashley était rémunérée selon un taux quotidien fixe, sans primes. Aucune preuve n’indique qu’elle avait une possibilité de réaliser un profit. Cela dénote qu’elle était une employée.

 

Les risques de perte : Ashley n’était exposée à aucun risque de perte. Cela dénote qu’elle était une employée.

 

 

e)          Candice Hilmarson : La preuve est insuffisante pour me permettre de conclure que Candice avait l’intention d’être une entrepreneure indépendante. Par conséquent, la détermination de son statut repose uniquement sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door. Ces facteurs dénotent qu’elle était une employée :

 

Le contrôle : Candice travaillait quand bon lui semblait. Je conclus que cette souplesse était due au fait qu’elle était membre de la famille Piperni, et je n’accorde donc aucun poids à ce facteur. Il existe une preuve contradictoire quant aux fonctions que Candice exerçait. Cette dernière ne s’occupait pas des ventes et ne donnait pas de leçons. Dans son témoignage direct, Mauro Piperni a déclaré que Candice s’occupait des étalages de vitrine pour L.A. Music. En contre-interrogatoire, il a admis qu’elle travaillait aussi comme caissière. Dans son témoignage direct, Maria Piperni a donné l’impression que Candice avait une certaine compétence en matière de conception d’étalages en vitrine et avait offert de s’occuper des étalages en vitrine de L.A. Music en échange d’un taux de rémunération quotidien, plus le matériel. En contre-interrogatoire, Maria Piperni a reconnu qu’à de rares occasions Candice travaillait aussi comme caissière. Par contraste, Antonio Moreira a dit de Candice qu’elle était la caissière du troisième étage qui, à l’occasion, réorganisait les présentoirs de produits et, à une occasion particulière, avait monté un étalage de Noël dans la vitrine du magasin. Comme Candice elle-même n’a pas témoigné, je ne puis faire qu’un choix entre la version de Mauro et Maria Piperni et celle de M. Moreira. J’admets que M. Moreira n’était peut-être pas au courant des autres travaux d’étalage que Candice effectuait, mais je crois aussi que Mauro et Maria Piperni ont exagéré le travail d’étalage que faisait Candice afin de donner l’impression qu’elle était une entrepreneure externe. Je conclus que Candice était une caissière qui faisait aussi du travail d’étalagiste dans divers secteurs du magasin et qu’elle recevait le même taux de rémunération quotidien pour les deux types de travail. Ces fonctions et cette méthode de paiement concordent avec celle d’une employée, et non d’une entrepreneure indépendante.

 

Les instruments de travail : On a laissé entendre que l’une des trois personnes – Valerie, Candice ou Ashley – avait peut-être utilisé son ordinateur portable personnel pour aider à concevoir des étiquettes de prix. La caisse enregistreuse dont Ashley se servait appartenait à L.A. Music. Dans le meilleur des cas, ce facteur est neutre.

 

Les chances de profit : Candice était rémunérée selon un taux quotidien fixe, sans primes. Il n’y a aucune preuve qui indiquerait qu’elle avait une possibilité de réaliser un profit. Cela dénote qu’elle était une employée.

 

Les risques de perte : Candice se faisait rembourser les frais de conception qu’elle engageait. Elle n’était exposée à aucun risque de perte. Cela dénote qu’elle était une employée.

 

L’emploi assurable

 

[75]        L’alinéa 5(2)i) de la Loi exclut un emploi de la définition d’un « emploi assurable » si l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance. Les personnes apparentées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance. Toutefois, aux termes de l’alinéa 5(3)b), s’il est raisonnable de penser que l’employeur et l’employé auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance, les parties sont réputées ne pas avoir de lien de dépendance. De ce fait, l’emploi est considéré comme assurable et la Loi sur l’AE s’applique.

 

[76]        Le ministre n’a pas établi de cotisation d’AE à l’endroit de L.A. Music pour ce qui était de Valerie et de Jacqueline, car il a conclu que ces dernières exerçaient un emploi exclu. Étant donné que Valerie et Jacqueline sont apparentées à Mauro et à Maria Piperni, le ministre est sûrement arrivé à la conclusion que Valerie et Jacqueline n’auraient pas conclu de contrats de travail à peu près semblables avec L.A. Music s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance entre elles et le magasin.

 

[77]        Je conclus que les contrats de travail d’Ashley et de Candice étaient essentiellement identiques à ceux de Valerie et de Jacqueline. Le ministre a déjà conclu qu’il s’agissait de contrats avec lien de dépendance. Je souscris à cette conclusion et je conclus donc qu’Ashley et Candice n’exerçaient pas un emploi assurable, car elles avaient un lien de dépendance avec L.A. Music.

 

 

RÉSUMÉ

 

[78]        En résumé, je conclus que les seuls travailleurs, tant ceux qui étaient membres de la famille que les autres, qui avaient le statut d’entrepreneur indépendant étaient Paul Jacobs, Michael Watson et Robert Simpson. Cependant, je conclus aussi que l’emploi qu’exerçaient Ashley et Candice Hilmarson n’était pas assurable.

 

[79]        L’appel est donc accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que :

 

a)          Ashley Hilmarson n’exerçait pas un emploi assurable en 2008 et 2009;

 

b)         Candice Hilmarson n’exerçait pas un emploi assurable en 2009;

 

c)          Paul Jacobs n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension en 2008 et 2009;

 

d)         Michael Watson n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension en 2008 et 2009;

 

e)          Robert Simpson n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension en 2008.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mai 2013.

 

 

 

 

« David E. Graham »

Juge Graham

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour d’août 2013.

 

C. Laroche, traducteur


Annexe A

 

Travailleurs à l’égard desquels une cotisation a été établie

au titre de l’AE et du RPC

 

Travailleur

Années de travail au cours de la période en question

1.              Frank Bartoletti

2008 et 2009

2.              Michael Dorosz

2007

3.              Tim Guerin

2008

4.              Archy Hachey

2008

5.              Ashley Hilmarson

2008 et 2009

6.              Candice Hilmarson

2009

7.              Robert Paul Jacobs (appelé « Paul Jacobs »)

2008 et 2009

8.              Lorne MacMillan

2008

9.              Victor Miolla

2008 et 2009

10.         Antonio Da Silva Moreira

2008 et 2009

11.         Riley O’Connor

2007, 2008 et 2009

12.         Dragan Petrovic

2008

13.         Kevin Pooler

2008 et 2009

14.         Kyle Ray

2008 et 2009

15.         Mark Rudyj

2008

16.         Robert Simpson

2008

17.         Matthew Sprague

2009

18.         Graham Wallace

2008 et 2009

19.         Michael Watson

2008 et 2009

 

Travailleurs à l’égard desquels une cotisation a été établie

au titre du RPC seulement

 

Travailleur

Années de travail au cours de la période en question

1.              Michael Piperni

2007, 2008 et 2009

2.              Jacqueline Piperni

2007

3.              Robert Piperni

2007 et 2008

4.              Valerie Piperni

2007


Annexe B

Exemple de contrat – contrat conclu entre L.A. Music et Michael Watson

 

[traduction]

 

L.A. MUSIC

 

CONTRAT D’ENTREPRISE

 

Le présent contrat d’entreprise est conclu entre L.A. MUSIC (la « société »)

et Michael Watson (le « consultant indépendant »).

En contrepartie de l’entente réciproque et des modalités énoncées ci-après, les parties aux présentes conviennent de ce qui suit :

 

1.      La SOCIÉTÉ : La société désigne le consultant comme son consultant indépendant non exclusif pour les fins suivantes :

1.   fournir des services de consultation aux clients souhaitant faire l’acquisition d’un produit musical;

2.      Michael Watson utilisera ses connaissances et ses compétences spécialisées en matière de vente, relativement aux batteries ordinaires, aux batteries numériques et électroniques, ainsi qu’aux instruments de percussion et aux articles connexes;

3.      vous devrez apporter des instruments de travail en vue de faire montre de vos compétences à d’éventuels clients. Au besoin, vous devrez utiliser et évaluer la marchandise offerte en vente;

4.      le consultant doit se tenir au fait des mises à jour et des tendances les plus récentes au sein du marché des batteries;

5.      dans le cadre de vos services de consultation, vous formulerez des recommandations sur les produits et ferez des commentaires au représentant de L.A. MUSIC « au besoin »;

6.      le consultant doit être disponible pour donner des leçons, des cours et des stages, au besoin.

 

Le consultant indépendant ne pourra lier la société à un contrat quelconque, à moins d’en avoir obtenu l’autorisation écrite du ou des propriétaires de la société L.A. Music.

 

2. CONSULTANT INDÉPENDANT : La présente entente ne fait pas du consultant indépendant un employé, un associé ou un fournisseur conjoint de la société pour quelque fin que ce soit. Le consultant indépendant est et demeurera un consultant indépendant dans le cadre de la relation qu’il entretiendra avec la société. La société ne sera pas tenue d’effectuer des retenues au titre de l’impôt en rapport avec la rémunération que gagnera le consultant indépendant. Ce dernier ne pourra formuler aucune réclamation à l’endroit de la société, aux termes des présentes ou autrement, au titre d’une paye de vacances, d’un congé de maladie, de prestations de retraite, de la sécurité sociale, de l’indemnisation des accidents du travail, des prestations de santé ou d’invalidité, des prestations d’assurance-emploi ou des avantages sociaux de toute nature.

 

260, CHEMIN LAKESHORE, MISSISSAUGA (ONT) L5G 1J9

905-271-0303

– 1 –

L.A. MUSIC


3. ASSURANCE : Le consultant indépendant doit détenir une assurance responsabilité pour tout service qu’il fournit pour le compte de la société L.A. MUSIC.

 

4. RÉMUNÉRATION : Moment des paiements

Pour ce qui est des services à exécuter, L.A. MUSIC, à la fin de chaque période de service, versera au consultant indépendant le montant dont les deux parties auront convenu.

 

 

5. DÉPENSES : Les dépenses ne sont pas applicables. L.A. Music ne sera pas tenue de rembourser au consultant indépendant les dépenses additionnelles qu’il pourrait engager dans le cadre de l’exécution des services prévus par la présente entente, sauf si la société l’autorise par écrit et au préalable à le faire.

 

6. DURÉE : À moins d’être renouvelée, la présente entente expire à minuit le _________________.

 

7. RENOUVELLEMENT : La présente entente est automatiquement renouvelée pour des périodes de sept jours, sauf si l’une des parties donne avis à l’autre, par écrit ou de vive voix, qu’elle entend ne pas la renouveler.

 

8. INTÉGRALITÉ DE L’ENTENTE : La présente entente énonce la totalité de l’entente conclue entre les parties quant à l’objet des présentes, et elle annule et remplace toutes les discussions que les parties ont pu avoir antérieurement. Aucune modification à la présente entente ni aucune renonciation à un droit qu’elle prévoit n’entreront en vigueur, à moins qu’il y ait une entente par écrit.

 

9. RECONNAISSANCES ADDITIONNELLES : Les deux parties reconnaissent et conviennent que : a) les parties signent la présente entente de leur plein gré, sans contrainte ou influence indue; b) les parties ont lu la présente entente avec soin et elles ont posé toutes les questions voulues pour en comprendre les modalités, les conséquences et l’effet exécutoire de la présente entente et les comprennent entièrement; c) les parties ont sollicité l’avis d’un avocat de leur choix respectif, au besoin, avant de signer la présente entente.

 

La présente entente, d’une longueur de deux pages, celle-ci incluse, est conclue

 

ce   7e     jour de février           2008.

 

Société : L.A. MUSIC

Maria Piperni

 

« signé par Maria Piperni »                           Signature du représentant de la société

 

Entrepreneur indépendant

Michael Watson

 

« signé par Michael Watson »                        Signature du consultant indépendant

 

 

260, CHEMIN LAKESHORE, MISSISSAUGA (ONT) L5G 1J9

905-271-0303

– 2 –


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 122

 

Nos DE DOSSIER DE LA COUR :   2010-2539(EI)

                                                          2010-2540(CPP)

 

INTITULÉ :                                      LA SCALA CONSERVATORY OF MUSIC II ET M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATES D’AUDIENCE :                  19 janvier 2011,
3, 4, 5, 6 et 7 octobre 2011,
18, 19 et 20 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge David E. Graham

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 6 mai 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentants de l’appelante :

Mme Maria Piperni et M. Mauro Piperni

Avocats de l’intimé :

Mes Alisa Apostle et Christopher Bartlett

 

AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                            William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Dans le présent appel, les arguments ont été entendus avant que l’on rende un jugement dans l’affaire Connor Homes. J’ai demandé et reçu des observations additionnelles des deux parties après le prononcé de ce jugement.

[2] D’après ce que j’ai compris, tous ces contrats avaient été déposés en tant que pièces. Cependant, il ressort d’un examen de ces dernières qu’elles ne comportaient pas de contrat pour Tim Guerin, Archy Hachey, Lorne MacMillan, Kyle Ray, Matthew Sprague et Graham Wallace. Aucun de ces travailleurs n’a témoigné. Compte tenu des conclusions que je formule ci-après au sujet des contrats, ainsi que des travailleurs n’ayant pas témoigné, rien ne repose sur le fait que ces contrats, s’ils existaient, n’ont pas été déposés en tant que pièces.

[3] Transcription du 19 janvier 2011, page 70, lignes 3 à 8.

[4] Le témoignage des travailleurs ne confirme pas la déclaration de Maria Piperni selon laquelle elle avait expliqué la distinction et les avantages à chacun des travailleurs avant qu’ils signent les contrats. J’admets qu’elle ait effectivement discuté avec certains des travailleurs des avantages d’être un entrepreneur indépendant et que certains de ces entretiens aient pu avoir lieu avant la signature des contrats, mais je n’admets pas qu’elle l’ait fait avec tous les travailleurs, pas plus que toutes les discussions qu’elle a eues se soient déroulées avant la signature des contrats, ou qu’elle ait expliqué les avantages d’être un employé.

 

[5] Pour les raisons indiquées plus tôt, je n’accorde aucun poids au témoignage de Victor Miolla sur ce point.

[6] « Audio-pro » signifie « audio professionnel ». Ce terme n’a pas été clairement défini dans les témoignages, mais il semble qu’il englobe les systèmes de sonorisation et, peut-être, d’éclairage conçus pour de vastes auditoires (un concert, par exemple), de même que le matériel de mixage et d’enregistrement professionnel.

[7] Mauro et Maria Piperni auraient aimé que je croie qu’il n’était même pas nécessaire que les travailleurs les avisent qu’ils allaient s’absenter, mais je n’admets pas que cela ait été le cas. Que cela ait été dit ou non, il était clairement entendu parmi les travailleurs qu’en cas d’absence, ils devaient en aviser Mauro, Maria, Michael ou Rob Piperni. Mais cela importe peu; je m’attendrais à ce que des travailleurs avisent leur payeur d’une absence prévue, furent-ils entrepreneurs indépendants ou employés.

[8] Il est ressorti des témoignages qu’il était arrivé à quelques occasions que l’on demande aux travailleurs du rayon « audio-pro » de travailler à l’extérieur du magasin, à un endroit où L.A. Music fournissait du matériel audio professionnel, mais il a été clair que cela se faisait à la demande de L.A. Music.

 

[9] Maria Piperni s’est opposée à ce que l’on emploie le mot « obligations ». À son avis, les travailleurs avaient toujours le choix d’exécuter ou non les tâches additionnelles qui leur étaient assignées. Il ressort clairement du témoignage de la plupart des travailleurs que ceux-ci n’étaient pas du même avis. Je souscris au point de vue des travailleurs sur cette question.

[10] Dans son témoignage, Michael Watson a déclaré qu’il était habilité à consentir des rabais. Ce témoignage a été contredit par de nombreux autres témoins, dont Mauro Piperni. L.A. Music avait pour politique générale d’offrir des rabais si les clients payaient en espèces, et ce, à certains moments de l’année. Il me semble que M. Watson a voulu donner l’impression que cette politique concernant les paiements en espèces était assimilable au fait qu’il consente un rabais à un client. Cela illustre une fois de plus pourquoi j’ai conclu que M. Watson avait enjolivé son témoignage en faveur de L.A. Music.

[11] Il y avait une preuve que les travailleurs apportaient leurs propres instruments à l’occasion, mais la grande majorité des démonstrations se faisaient à l’aide d’instruments et d’appareils appartenant à L.A. Music, vu que l’objectif était de vendre les instruments de L.A. Music, et non ceux des travailleurs.

 

[12] D’après ce que j’ai compris, un lecteur SCSI est un dispositif de stockage de données électroniques qu’il est possible de brancher à un instrument ou à un appareil.

[13] Lors de son interrogatoire principal, il a déclaré qu’il n’avait gagné qu’une seule prime. En contre-interrogatoire, on lui a présenté une facture faisant état d’une seconde prime et il a admis qu’il avait certainement dû gagner celle-là aussi. Je ne considère pas que cela mine sa crédibilité. J’attribue cette incohérence à l’écoulement du temps, et non à une intention d’induire en erreur.

[14] Mauro Piperni a déclaré que Michael Dorosz apportait au magasin sa propre guitare et qu’il s’en servait à des fins de démonstration, mais d’autres témoins ont clairement indiqué que M. Dorosz apportait sa guitare au travail parce qu’il l’apportait partout avec lui, et non pas parce qu’il s’en servait comme instrument de travail. Quoi qu’il en soit, M. Dorosz a dû s’être servi de guitares de L.A. Music à des fins de démonstration, parce que c’était les guitares de L.A. Music qu’il essayait de vendre, et non la sienne.

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