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Dossier : 2010-2547(IT)G

ENTRE :

Élise Bohbot-Gagnon,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 4 avril 2013, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Laurent Tessier

Avocat de l'intimée :

Me Alain Gareau

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de l’article 227.1 de la Loi sur l’impôt sur le revenu et de l’article 83 de la Loi sur l’assurance emploi par le ministre du Revenu national en date du 16 juillet 2008 est rejeté.

 

        L’intimée aura droit à ses dépens. À leur demande, les parties devront soumettre leurs représentations sur le montant des dépens par écrit dans le mois suivant la signature de ce jugement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d’avril 2013.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 128

Date : 20130425

Dossier : 2010-2547(IT)G

ENTRE :

Élise Bohbot-Gagnon,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

 

[1]             L’appelante en appelle d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (ministre) en date du 16 juillet 2008 par laquelle on lui réclame un montant de 45 786,26 $ aux termes de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et de l’article 83 de la Loi sur l’assurance emploi.

 

[2]             Ce montant correspond au montant impayé des retenues à la source qui auraient dû être remises par la société Jus d’Or Inc. (Jus d’Or) au receveur général du Canada après avoir été prélevées des salaires versés à ses employés pour les années 2005 et 2006, incluant les intérêts et pénalités (pièce I-4).

 

[3]             Le ministre considère que l’appelante était administratrice de Jus d’Or durant la période comprise entre le 31 décembre 2004 et le 18 juillet 2006, et qu’à ce titre elle était solidairement responsable avec Jus d’Or du montant cotisé puisqu’elle n’a pas fait la démonstration qu’elle a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

 

[4]             L’appelante conteste cette cotisation en soulevant deux arguments. D’une part, elle soutient qu’elle a démissionné de son poste d’administrateur le 7 juillet 2006 et que la cotisation en date du 16 juillet 2008 est donc prescrite aux termes du paragraphe 227.1(4) de la LIR. En effet, aux termes de cette disposition, toute action ou procédure visant le recouvrement d’une somme payable par un administrateur d’une société en vertu du paragraphe 227.1(1) de la LIR se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l’administrateur cesse pour la dernière fois d’être un administrateur de cette société.

 

[5]             Alternativement, l’appelante soutient qu’elle n’est pas responsable de l’omission de Jus d’Or de remettre les sommes retenues à la source des paies de ses employés puisqu’elle considère qu’elle a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté requis aux termes du paragraphe 227.1(3) de la LIR.

 

 

Dispositions législatives

 

Loi de l’impôt sur le revenu

 

227.1. (1) Responsabilité des administrateurs pour défaut d’effectuer les retenues — Lorsqu’une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu aux paragraphes 135(3) ou 135.1(7) ou aux articles 153 ou 215, ou a omis de verser cette somme ou a omis de payer un montant d’impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d’imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

 

(2) Restrictions relatives à la responsabilité — Un administrateur n’encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a)   un certificat précisant la somme pour laquelle la société est responsable selon ce paragraphe a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 223 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

 

b) la société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution ou elle a fait l’objet d’une dissolution et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures ont été engagées et du jour de la dissolution;

 

c) la société a fait une cession ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l’ordonnance de faillite.

 

(3) Défense de « diligence » — Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe (1) lorsqu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

 

(4) Prescription — L’action ou les procédures visant le recouvrement d’une somme payable par un administrateur d’une société en vertu du paragraphe (1) se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l’administrateur cesse pour la dernière fois d’être un administrateur de cette société.

 

(5) Montant recouvrable — Dans le cas du défaut d’exécution visé à l’alinéa (2)a), la somme qui peut être recouvrée d’un administrateur est celle qui demeure impayée après l’exécution.

 

(6) Privilège — Lorsqu’un administrateur verse une somme à l’égard de laquelle la société encourt une responsabilité en vertu du paragraphe (1), qui est établie lors de procédures de liquidation, de dissolution ou de faillite, il a droit à tout privilège auquel Sa Majesté du chef du Canada aurait eu droit si cette somme n’avait pas été payée et, lorsqu’un certificat a été enregistré relativement à cette somme, il peut exiger que le certificat lui soit cédé jusqu’à concurrence du versement et le ministre est autorisé à faire cette cession.

 

(7) Répétition — L’administrateur qui a satisfait à la créance en vertu du présent article peut répéter les parts des administrateurs tenus responsables de la créance.

 

Loi sur l’assurance emploi

 

83. (1) Responsabilité des administrateurs — Dans les cas où un employeur qui est une personne morale omet de verser ou de déduire un montant de la manière et au moment prévus au paragraphe 82(1), les administrateurs de la personne morale au moment de l’omission et la personne morale sont solidairement responsables envers Sa Majesté de ce montant ainsi que des intérêts et pénalités qui s’y rapportent.

 

(2) Application de la Loi de l’impôt sur le revenu — Les paragraphes 227.1(2) à (7) de la Loi de l’impôt sur le revenu s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à l’administrateur de la personne morale.

 

(3) Cotisation des administrateurs — Les dispositions de la présente partie concernant la cotisation d’un employeur pour un montant qu’il doit payer en vertu de la présente loi et concernant les droits et les obligations d’un employeur cotisé ainsi s’appliquent à l’administrateur d’une personne morale pour un montant que celui-ci doit payer en vertu du paragraphe (1) de la manière et dans la mesure applicables à l’employeur visé par ces dispositions.

 

 

Faits

 

[6]             Seule l’appelante a témoigné. Jus d’Or a été constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) le 24 mars 1981 (voir Registre des entreprises, pièce A-1, onglet 1). En 1999, l’appelante est devenue l’unique actionnaire de Jus d’Or. De 1999 à 2004, elle a exploité une entreprise dans le domaine de la restauration et détenait des permis émis par la Régie des alcools, des courses et des jeux (vidéos-poker). En 2004, suite à une augmentation de loyer trop importante, elle a cessé d’exploiter cette entreprise et elle a quitté les lieux qu’elle occupait en prenant soin d’annuler le permis de distribution d’alcool rattaché à son commerce à l’endroit qu’elle quittait.

 

[7]             L’appelante s’est alors mise à la recherche d’un emploi. Elle a d’abord travaillé dans un restaurant tunisien dans la préparation de repas. Puis elle a été engagée par le marché d’alimentation Poivre et Sel pour préparer des plats cuisinés pour emporter. C’est dans ce dernier emploi qu’elle a fait la connaissance d’une cliente, une dame du nom de Martine Clairoux qui, à l’époque, était la conjointe de M. Normand Descoteaux, lequel avait des antécédents judiciaires criminels. Ces deux derniers individus exploitaient plusieurs restaurants, bars et hôtels sur la rue Ste-Catherine à Montréal. Mme Clairoux aurait demandé à l’appelante au printemps 2005 de venir travailler pour eux comme gérante de l’un des restaurants, Le Club Sandwich. L’appelante, ne travaillant que quelques heures par semaine chez Poivre et Sel, a accepté l’offre de Mme Clairoux pour, dit-elle, « relever un défi et espérer un salaire plus élevé ». Elle s’occupait des banquets. Quelques semaines après son arrivée au Club Sandwich, Mme Clairoux et son conjoint lui ont demandé de leur transférer son permis d’alcool qu’elle possédait par l’intermédiaire de Jus d’Or. Étant donné ses antécédents judiciaires, M. Descoteaux ne pouvait lui-même obtenir un permis de distribution d’alcool.

 

[8]             L’appelante, ayant été mise au courant de ce fait, a d’abord refusé par crainte d’avoir des problèmes légaux si ce permis, dont elle était responsable, n’était pas exploité selon les normes.

 

[9]             Elle craignait également les conséquences légales pour Jus d’Or si les remises au gouvernement n’étaient pas faites selon les règles. Elle en connaissait bien le fonctionnement puisqu’elle avait exploité elle-même un restaurant jusqu’en 2004 et s’était toujours conformée aux règles fiscales en signant les chèques appropriés aux autorités fiscales en présence de son comptable, un dénommé M. Messire.

 

[10]        Bien que je crois comprendre qu’elle ne se soit rien fait offrir en compensation pour l’exploitation de son permis d’alcool, elle s’est fait convaincre de laisser Jus d’Or agir comme prête-nom aux fins de l’exploitation des restaurants et bars appartenant à M. Descoteaux (voir paragraphe 5 de l’avis d’opposition, pièce I-2). Elle aurait alors fait des démarches pour remettre en vigueur le permis d’alcool octroyé à Jus d’Or. Elle aurait pris cette décision après avoir rencontré l’avocat de M. Descoteaux, Me Sénéchal. Ce dernier, qu’elle ne connaissait pas auparavant, lui a paru honnête. Il aurait proposé de préparer un contrat de gestion par lequel une société portant la dénomination de 9079-1526 Québec Inc., représentée par un dénommé M. Yves St‑Arneault, s’engageait à gérer les ressources humaines de Jus d’Or, incluant les remises fiscales pour les employés en conformité avec les lois en vigueur.

 

[11]        Apparemment, l’appelante aurait montré ce contrat à son comptable qui lui aurait donné la bénédiction même si elle ne connaissait pas cette société de gestion, non plus que ses représentants. Le comptable aurait alors remis le livre des procès-verbaux à l’appelante et cessé de s’occuper de Jus d’Or. Le contrat de gestion, dont copie a été déposée en preuve sous la cote A-1 à l’onglet 2, n’est pas daté, et aucune rémunération n’est prévue pour les honoraires de gestion à être versés au gestionnaire. La durée du contrat également n’est pas prévue. L’appelante a dit qu’elle était seule avec Me Sénéchal lorsqu’elle a signé ce document et qu’elle n’a jamais rencontré M. St-Arneault, qui aurait signé ce contrat par la suite.

 

[12]        L’appelante a expliqué qu’elle rencontrait une secrétaire (Mme Noiseux) à chaque semaine qui lui montrait les chèques préparés par la société de gestion pour les employés. Elle dit avoir vu les talons de chèques sur lesquels on pouvait voir que les déductions à la source avaient été effectuées sur les paies. Elle a donc présumé du même coup que ces montants prélevés à la source avaient été remis aux autorités gouvernementales, sans poser de questions. Elle payait donc la société de gestion en lui signant des chèques tirés sur le compte de Jus d’Or qu’elle remettait ensuite à la secrétaire.

 

[13]        Par ailleurs, une deuxième convention de services aurait été signée entre Jus d’Or et une autre société portant la dénomination 6369910 Canada Inc., représentée par une dénommée Mme Louise Mongeau. Cette convention est datée du 16 septembre 2005 et a été déposée sous la cote A-1 à l’onglet 5. L’appelante ne se rappelait pas si elle était en présence de Mme Mongeau lorsqu’elle a signé cette deuxième convention. C’est Me Sénéchal qui lui a fait signer celle-ci et elle n’a pas demandé d’explications sur le changement de société de gestion. La secrétaire, Mme Noiseux, s’est contentée de lui dire que c’était la même société, portant une autre dénomination.

 

[14]        Par ailleurs, selon les chèques qui ont été déposés en preuve sous la cote I-3, l’appelante aurait signé également des chèques à l’attention d’une troisième société, portant la dénomination 9145-5287 Québec Inc. Encore une fois, elle s’est contentée de l’explication de la secrétaire qui lui disait que c’était toujours la même société de gestion. L’appelante, elle-même, était rémunérée 500 $ comptant par semaine sans aucune déduction à la source, puisque dit-elle, elle se déclarait travailleur autonome.

 

[15]        Selon le témoignage de l’appelante, ce n’est qu’à la fin du mois de décembre 2005 qu’elle a appris par deux inspecteurs de l’Agence du revenu du Canada (ARC) que les sommes déduites à la source sur les paies des employés n’avaient pas été remises aux autorités gouvernementales. Elle aurait alors contacté Me Sénéchal au début du mois de janvier 2006 pour lui faire part de son intention de vendre Jus d’Or. Ce dernier lui aurait promis de trouver un acheteur. À la fin du mois de février 2006, voyant que Me Sénéchal n’avait toujours pas trouvé d’acheteur, elle a décidé de prendre contact avec la compagnie Ceridian, connue pour faire la gestion de paie. Elle a obligé Me Sénéchal à engager Ceridian et à compter de ce moment, Jus d’Or n’aurait plus été en défaut (selon la pièce I-4, on voit que la cotisation pour l’année 2006 a été établie le 10 mars 2006, ce qui laisse présumer qu’après cette date, Jus d’Or était en règle avec les autorités fiscales).

 

[16]        Le 6 juillet 2006, Me Sénéchal a appelé l’appelante pour qu’elle vienne signer le contrat de vente de Jus d’Or. Le contrat de vente des actions a été signé par elle le 7 juillet 2006 (pièce A-1, onglet 3). L’acquéreur, trouvé par M. Descoteaux, était un dénommé André Perreault, qui selon l’appelante n’était pas intéressé à l’achat des 100 actions acquises pour 1$ l’action. L’appelante dit n’avoir discuté aucune clause du contrat de vente avec Me Sénéchal. Les articles 7.1 et 7.2 de ce contrat prévoient la démission de l’appelante de son poste d’administrateur de Jus d’Or (la société) dans ces termes :

 

7.         Démission :

 

7.1       La vendeuse démissionne en date des présentes de son poste de Président, secrétaire et administrateur de la société;

 

7.2       Cette démission est acceptée en date des présentes par la société et sera effective en date de l’émission des prochains statuts de modifications de la société;

 

[17]        Selon son témoignage, l’inscription de la vente au Registre des entreprises n’était pas une condition préalable à sa démission. La déclaration modificative signée par André Perreault, l’acquéreur des actions de Jus d’Or, le 18 juillet 2006 aurait été estampillée au Registre des entreprises le 28 juillet 2006 et le 23 août 2006 (pièce A-1, onglet 4). L’appelante a dit qu’elle avait donné sa démission le 7 juillet 2006 au moment de la signature du contrat de vente des actions, et qu’elle avait signé le livre des minutes le même jour. Aucune copie du contrat de vente non plus que de la résolution de la société Jus d’Or par laquelle elle démissionnait de son poste d’administrateur ne lui a été remise le jour de la vente. Selon son témoignage, elle aurait récupéré par la suite une copie du contrat de vente déposé en preuve après avoir fait des menaces à Me Sénéchal de porter plainte au Barreau. Elle n’aurait jamais pu récupérer la résolution du livre de procès-verbaux, Me Sénéchal lui ayant dit qu’elle n’avait plus d’accès à ce livre par suite de la vente de ses actions.

 

[18]        Suite à cette vente, elle a reçu des lettres du ministère du Revenu chez elle. Elle dit les avoir tout simplement réacheminées à Me Sénéchal. À compter du 7 juillet 2006, elle n’a plus jamais signé de chèques sur le compte de Jus d’Or.

 

[19]        Au mois d’août 2006, elle a reçu des appels provenant du ministère du Revenu l’avisant qu’elle devait des sommes au fisc. C’est alors qu’elle a réalisé que la vente n’avait pas été enregistrée au Registre des entreprises. Elle a contacté Me Sénéchal à plusieurs reprises afin qu’il remédie à ce défaut et, selon son témoignage, la vente aurait été finalement enregistrée ce même mois d’août 2006. Le  25 octobre 2006, elle a écrit une lettre qu’elle a envoyée à l’ARC dans laquelle elle mentionnait qu’elle n’était plus propriétaire de Jus d’Or depuis le début août 2006 (pièce A-2).

 

 

Arguments de l’appelante

 

[20]        L’appelante soutient en premier lieu que la cotisation est prescrite. Selon elle, il est stipulé au contrat de vente des actions de Jus d’Or qu’elle démissionnait de son poste d’administrateur le jour même de la vente. Jus d’Or ayant été constituée en vertu de la LCSA, elle se réfère à l’article 108 de cette loi qui stipule ce qui suit :

 

Loi canadienne sur les sociétés par actions

 

108. (1) Fin du mandat — Le mandat d’un administrateur prend fin en raison :

           

            a) de son décès ou de sa démission;

            b) de sa révocation aux termes de l’article 109;

            c) de son inhabilité à l’exercer, aux termes du paragraphe 105(1).

 

(2) Date d’effet de la démission — La démission d’un administrateur prend effet à la date de son envoi par écrit à la société ou, à la date postérieure qui y est indiquée.

 

____________________________________________

 

Canada Business Corporations Act

 

108 (1) Ceasing to hold office — A director of a corporation ceases to hold office when the director

 

            (a) dies or resigns;

            (b) is removed in accordance with section 109; or

            (c) becomes disqualified under subsection 105(1).

 

(2) Effective date of resignation — A resignation of a director becomes effective at the time a written resignation is sent to the corporation, or at the time specified in the resignation, whichever is later.

 

[21]        Elle se réfère à l’article 1425 du Code civil du Québec (CCQ) qui stipule que l’on doit se référer à l’intention des parties. Cet article se lit comme suit :

 

Code civil du QuÉbec

 

Livre cinquiÈme

des obligations

titre premier

des obligations en gÉnÉral

chapitre deuxiÈme

du contrat

section iv

de l’interprÉtation du contrat

 

Art. 1425. Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.

 

[22]        L’appelante souligne qu’en vendant ses actions le 7 juillet 2006, son intention évidente était de donner sa démission comme administrateur. De fait, elle n’a plus agi du tout pour le compte de Jus d’Or à compter de cette date. L’appelante soutient que l’enregistrement au Registre des entreprises n’est pas une condition préalable pour que la démission soit en vigueur.

 

[23]        L’appelante soutient que dès la vente de ses actions, elle n’avait plus aucun pouvoir et que, même si la vente a été enregistrée par la suite, elle avait cessé de facto d’agir comme administrateur le jour où elle a disposé de ses actions. Elle n’était donc plus, dès ce moment, en position pour exercer le degré de diligence requis pour prévenir le défaut de remettre les déductions à la source. Elle se réfère à une décision de notre Cour dans l’affaire MacArthur v. Minister of National Revenue, 1991 CarswellNat 553, au paragraphe 19 (version française : [1991] A.C.I. no 335 (QL)).

 

[24]        L’appelante ajoute qu’il incombe à la compagnie et non à l’administrateur démissionnaire d’inscrire la modification au registre gouvernemental approprié et qu’on ne peut opposer à cet administrateur un manquement à cet égard pour « écarter » sa démission (Marcil c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2010 CarswellQue 13723, 2010 QCCQ 11545 (Cour du Québec), au paragraphe 47 ; Netupsky c. R., 2003 CarswellNat 5940, [2003] A.C.I. no 30 (QL), (CCI), au paragraphe 24).

 

[25]        Quant à son deuxième argument, l’appelante soutient que la preuve démontre qu’elle a exercé le degré de diligence requis pour se soustraire à la responsabilité des administrateurs. Elle soutient que l’on ne peut tirer une inférence négative de l’absence du témoignage de Me Sénéchal, lequel de toute évidence n’agissait pas en sa faveur, mais bien plus pour le compte de M. Descoteaux (elle se réfère à une décision de notre Cour dans Ehrhardt c.. R., 2008 CarswellNat 3253, 2008 CCI 112, au paragraphe 39).

 

 

Arguments de l’intimée

 

[26]        L’intimée s’appuie sur l’article 108 de la LCSA et sur les articles 7.1 et 7.2 du contrat de vente pour soutenir que la démission de l’appelante n’a pas pris effet le 7 juillet 2006, le jour de la vente, mais plus tard au moment où la déclaration modificative a été produite, sinon signée par l’acquéreur, soit au plus tôt le 18 juillet 2006. L’intimée se réfère à l’article 1428 du CCQ qui stipule qu’une clause dans l’interprétation d’un contrat « s’entend dans le sens qui lui confère quelque effet plutôt que dans celui qui n’en produit aucun ».

 

[27]        L’intimée ajoute qu’il aurait été inutile d’ajouter l’article 7.2 au contrat, si l’intention réelle des deux parties était que la démission prenne effet immédiatement. L’absence du témoignage des autres parties au contrat ne permet pas de conclure que l’intention des deux parties était celle que préconise l’appelante. Par ailleurs, cette interprétation viderait de tout sens l’article 7.2 du contrat, ce qui irait à l’encontre de l’article 1428 du CCQ.

 

[28]        Par ailleurs, l’intimée souligne que l’appelante elle-même a fait des démarches et pressé Me Sénéchal d’enregistrer la vente au Registre des entreprises. Elle était donc consciente que ceci était une exigence du contrat.

 

[29]        L’intimée s’appuie finalement sur la décision de notre Cour dans l’affaire Arevian c. La Reine, 2008 CCI 327, [2008] A.C.I. no 426 (QL), 2008 CarswellNat 3612, dans laquelle il a été décidé que pour déterminer la date de départ du délai de prescription en vertu du paragraphe 323(5) de la Loi sur la taxe d’accise (l’équivalent du paragraphe 227.1(4) de la LIR), c’est le moment où la contribuable a cessé d’être administrateur et non le moment où elle a cessé d’agir comme administrateur qu’il faut retenir. Le juge Bédard de notre Cour s’exprime ainsi aux paragraphes 7 à 10 :

 

[7] À mon avis, il ressort du paragraphe 323(5) de la LTA que ce que doit déterminer la Cour, c’est le moment où l’appelant a cessé d’être administrateur et non le moment où il a cessé d’agir comme administrateur. Bien que les actes d’une personne puissent être pertinents pour déterminer si celle-ci était un administrateur de facto d’une société et pendant quelle période précise, il en va différemment pour déterminer le point de départ du délai de prescription du recours contre l’administrateur. Les jugements auxquels l’avocat de l’appelant renvoie la Cour (Corsano et Silcoff) sont d’ailleurs des causes où les tribunaux devaient déterminer si les personnes visées par les cotisations étaient des administrateurs de facto, ce qui explique l’analyse de leurs actes. Je suis d’avis qu’aux fins de l’application du paragraphe 323(5) de la LTA, il y a lieu de consulter les dispositions de la loi en vertu de laquelle la société a été constituée, en l’espèce la Loi canadienne sur les sociétés par actions, pour déterminer à partir de quand un administrateur de jure a cessé d’être un administrateur. C’est ce qu’a décidé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt La Reine c. Kalef, no du dossier A-11-95, 1er mars 1996, 96 D.T.C. 6132, en ces termes :

 

La Loi de l’impôt sur le revenu ne définit pas le terme « administrateur » et elle n’établit pas de critère en ce qui concerne le moment où une personne cesse d’occuper ce poste. Compte tenu du silence de la Loi de l’impôt sur le revenu, il est logique de se tourner vers la loi régissant la constitution en personne morale de la compagnie pour y trouver une réponse. [. . .]

 

[8] Or, l’article 108 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions stipule :

 

108(1) Le mandat d’un administrateur prend fin en raison :

 

a)   de son décès ou de sa démission;

b)   de sa révocation aux termes de l’article 109;

c)   de son inhabilité à l’exercer, aux termes du paragraphe 105(1).

 

(2)La démission d’un administrateur prend effet à la date de son envoi par écrit à la société ou, à la date postérieure qui y est indiquée.

 

[9] En l’espèce, l’appelant a cessé d’être administrateur en raison de sa destitution qui a été décidée par les actionnaires de la société présents lors d’une assemblée extraordinaire tenue le 30 juillet 2002. Si une telle destitution a fait l’objet d’une résolution le 30 juillet 2002, c’est nécessairement parce que l’appelant était toujours en fonction comme administrateur et qu’il n’avait pas remis sa démission. Le fait qu’il ait cessé d’agir comme administrateur (si tel est le cas) dans les jours qui ont précédé l’assemblée des actionnaires au cours de laquelle il a été destitué ne lui enlève pas son statut d’administrateur au sens de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

 

[10] Les dispositions des lois sur les sociétés en matière de responsabilité des administrateurs pour les salaires impayés sont semblables. Ainsi, le paragraphe 119(3) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions fixe la prescription à l’exercice du recours à deux ans suivant la cessation du mandat de l’administrateur poursuivi. Or, en réponse à des moyens de défense fondés sur la faible participation ou l’absence de participation de certains administrateurs aux décisions de la société, les tribunaux ont décidé qu’il importe peu qu’un administrateur participe activement ou non à l’administration de la société pour qu’il soit tenu responsable4. Cette jurisprudence appuie en quelque sorte la position de l’intimée que les actes de l’administrateur avant sa démission ou sa révocation ne sont pas pertinents pour déterminer le point de départ du délai de prescription de deux ans au paragraphe 323(5) de la LTA. En résumé, cette jurisprudence appuie la thèse de l’intimée que c’est la date de démission ou de révocation qui doit seule être considérée pour déterminer le point de départ du délai de prescription de deux ans au paragraphe 323(5) de la LTA.

 

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4.      Champagne c. Amiri, (2004), J.E. 94-836 (C.A.Q.)

 

[30]        Quant à l’argument de la diligence raisonnable, l’intimée a eu recours à l’arrêt Buckingham c. La Reine, 2011 CAF 142, qui a déterminé qu’il fallait appliquer une norme objective, à savoir, une personne raisonnable dans les circonstances, aurait-elle agi ainsi ? L’intimée est d’avis qu’une personne raisonnable n’aurait pas agi comme l’appelante et que cette dernière, n’a pas fait montre, selon la preuve, qu’elle avait exercé le degré de diligence requis pour se soustraire à sa responsabilité.

 

 

Analyse

 

 

I        La cotisation est-elle prescrite par application du paragraphe 227.1(4) de la LIR ?

 

[31]        L’appelante soutient qu’elle a donné sa démission comme administrateur le 7 juillet 2006, lors de la vente de ses actions de Jus d’Or. Si elle n’était plus administrateur à compter de cette date, la cotisation du 16 juillet 2008 serait prescrite, car établie plus de deux ans après que l’appelante aurait cessé d’être administrateur pour la dernière fois de Jus d’Or.

 

[32]        Je n’accepte pas cette prétention. L’article 7.1 du contrat de vente indique bien que la vendeuse démissionne en date des présentes [de la date de la vente] de son poste d’administrateur de la société, mais l’article 7.2 précise que cette démission acceptée en date des présentes, sera effective en date de l’émission des prochains statuts de modification de la société.

 

[33]        L’arrêt Kalef c. Canada, [1996] A.C.F. no 269 (QL), 1996 CarswellNat 188 (angl.), nous rappelle que l’on doit regarder les dispositions pertinentes de la législation applicable relative au droit des sociétés aux fins de l’application du paragraphe 227.1(4) de la LIR. Dans le cas présent, c’est la loi fédérale, la LCSA qui trouve application. L’article 108 de la LCSA stipule que le mandat de l’administrateur peut prendre fin en raison de sa démission, et que cette démission prend effet à la date de son envoi par écrit à la société, ou à la date postérieure qui y est indiquée. La version anglaise stipule: « A resignation of a director becomes effective at the time a written resignation is sent to the corporation, or at the time specified in the resignation, whichever is later ».

 

[34]        L’article 7.2 du contrat de vente indique spécifiquement que la démission « sera effective en date de l’émission des prochains statuts de modifications de la société ». Il est donc difficile de prétendre que cette démission a pris effet le jour de la vente si les statuts de modification n’ont pas été émis à cette date.

 

[35]        L’appelante a également reconnu dans sa lettre adressée à l’ARC qu’elle n’était plus propriétaire depuis août 2006 (pièce A-2). Elle reconnaît donc implicitement que la vente n’est pas entrée en vigueur le 7 juillet 2006. De plus, le fait qu’elle ne pouvait plus agir comme administrateur de facto après le 7 juillet 2006 na change rien au fait que l’appelante ne pouvait cesser d’être administrateur de la société tant que les conditions prévues selon la législation applicable, soit l’article 108 de la LCSA, n’étaient pas remplies (voir Butterfield c. La Reine, 2009 CCI 575, confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2010 CAF 330 ; Arevian c. La Reine, précitée).

 

[36]        La décision MacArthur précitée de notre Cour, à laquelle l’appelante a fait référence, précisait qu’à partir du moment où l’administrateur de facto avait établi son intention de ne plus agir comme administrateur, cela pouvait avoir une influence sur la possibilité de l’administrateur d’agir avec diligence, et ce, malgré le fait que la société avait tardé à enregistrer formellement cette démission. Ici, le défaut de faire les remises a eu lieu avant la vente des actions. De plus, il s’agit de déterminer la date de départ de la prescription, et il ressort clairement de l’arrêt Butterfield, et de la décision Arevian, précités, que ce point de départ est la date où le contribuable a cessé d’être administrateur en vertu du droit corporatif applicable.

 

[37]        Par ailleurs, même s’il est vrai qu’il incombe à la société et non à l’administrateur démissionnaire, d’inscrire la démission de l’administrateur au Registre des entreprises (référence à l’affaire Marcil précitée, évoquée par l’appelante), j’estime, à la lumière des actes de l’appelante, incluant la lettre qu’elle a écrite à l’ARC, que cette dernière considérait elle-même que cette démission n’avait pas pris effet avant le moment de la modification des statuts corporatifs au mois d’août 2006. D’une part, elle a signé le contrat de vente, incluant la clause 7.2, en toute connaissance de cause. Le fait que Me Sénéchal ne lui ait pas expliqué les clauses du contrat ne peut pas servir d’argument pour changer ce qui est spécifiquement indiqué au contrat. Si elle ne comprenait pas le sens de cette clause, elle aurait dû elle-même demander de clarifier ceci avant de signer quoi que ce soit. D’autre part, elle a laissé entendre lors de son témoignage, que Me Sénéchal devait s’occuper de l’enregistrement à son retour de vacances suite à la vente. Celle-ci aurait ensuite insisté auprès de ce dernier pour qu’il procède à cet enregistrement après avoir reçu des appels du ministère du Revenu. Ces éléments tendent plutôt à démontrer qu’elle avait bien compris le sens de la clause 7.2 du contrat.

 

[38]        J’estime donc que l’appelante n’a pas démontré qu’elle a cessé d’être administrateur pour la dernière fois le 7 juillet 2006. Elle n’a pas démontré que la cotisation a été établie plus de deux ans après le moment où elle a cessé pour la dernière fois d’être administrateur de Jus d’Or.

 

 

II       Défense de diligence raisonnable

 

[39]        En ce qui concerne cette défense, la Cour d’appel fédérale rappelait dans l’arrêt Buckingham, précité au paragraphe 33 ce qui suit : « [l]'obligation de diligence prévue au paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu vise aussi expressément à empêcher la société de faire défaut de verser des retenues d'impôts précises, notamment les retenues à la source sur les salaires. […] Les administrateurs doivent établir qu'ils ont exercé le degré de soin, de diligence et d'habileté requis « pour prévenir le manquement ». L'objet de ces dispositions est clairement de prévenir les défauts de versement ».

 

[40]        Par ailleurs, il est maintenant établi que la norme de soin, de diligence et d’habileté exigée au paragraphe 227.1(3) de la LIR est une norme objective tel qu’énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples Inc.(Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68, [2004] 3 R.C.S. 461.

 

[41]        À cet égard, la Cour d’appel fédérale s’exprimait ainsi dans l’arrêt Buckingham, précité, aux paragraphes 38 et 39 :

 

38     Cette norme objective écarte le principe de common law selon lequel la gestion d'une société par un administrateur doit être jugée suivant les compétences, les connaissances et les aptitudes personnelles de celui-ci : Magasins à rayons Peoples, aux paragraphes 59 à 62. Si l'on qualifie cette norme d'objective, il devient évident que ce sont les éléments factuels du contexte dans lequel agissent l'administrateur qui sont importants, plutôt que les motifs subjectifs de ces derniers : Magasins à rayons, au paragraphe 63. L'apparition de normes plus strictes force les sociétés à améliorer la qualité des décisions des conseils d'administration au moyen de l'établissement de bonnes règles de régie d'entreprise : Magasins à rayons Peoples, au paragraphe 64. Des normes plus strictes empêchent aussi la nomination d'administrateurs inactifs choisis pour l'apparence ou qui ne remplissent pas leurs obligations d'administrateurs en laissant aux administrateurs actifs le soin de prendre les décisions. Par conséquent, une personne nommée administrateur doit activement s'acquitter des devoirs qui s'attachent à sa fonction, et il ne lui sera pas permis de se défendre contre une allégation de malfaisance dans l'exécution de ses obligations en invoquant son inaction : Kevin P. McGuinness, Canadian Business Corporations Law, 2e édition (Markham, Ontario: LexisNexis Canada, 2007), à la page 11.9.

 

39     Une norme objective ne signifie toutefois pas qu'il ne doit pas être tenu compte des circonstances propres à un administrateur. Ces circonstances doivent être prises en compte, mais elles doivent être considérés au regard de la norme objective d'une « personne raisonnablement prudente ». Comme l'a souligné la Cour dans Magasins à rayons Peoples au paragraphe 62 :

 

Le texte de l'al. 122(1)b) de la LCSA qui énonce l'obligation de diligence reprend presque mot à mot celui que propose le Rapport Dickerson. La principale différence réside dans le fait que la version qui a été adoptée comprend les mots « en pareilles circonstances », ce qui modifie la norme légale en exigeant qu'il soit tenu compte du contexte dans lequel une décision donnée a été prise. Le législateur n'a pas introduit un élément subjectif relatif à la compétence de l'administrateur, mais plutôt un élément contextuel dans la norme de diligence prévue par la loi. Il est clair que l'al. 122(1)b) est plus exigeant à l'égard des administrateurs et des dirigeants que la norme traditionnelle de diligence prévue par la common law et expliquée, par exemple, dans la décision Re City Equitable Fire Insurance, précitée. [[1925] 1 Ch. 407]

 

[42]        Ainsi, l’administrateur doit démontrer qu’il s’est préoccupé des versements requis et qu’il s’est acquitté de son obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés, au regard de la norme objective d’une « personne raisonnablement prudente » dans des circonstances comparables.

 

[43]        Dans le cas présent, dès le moment où l’appelante a accepté de laisser exploiter sa société Jus d’Or par M. Descoteaux, elle savait ou aurait dû savoir, qu’elle devait être particulièrement vigilante. Elle a elle-même dit qu’elle avait d’abord hésité puisqu’elle n’était pas certaine que l’exploitation du permis d’alcool et les retenues à la source allaient se faire selon les règles. Elle invoque le fait qu’elle s’est fait rassurer par Me Sénéchal lorsque ce dernier lui a proposé de lui faire signer un contrat de services avec une société de gestion. Toutefois, la preuve révèle certains éléments qui auraient dû la mettre en garde. Dès le départ, l’autre signataire du contrat n’était pas présent lors de la signature de ce contrat. De plus, ce contrat ne prévoyait aucune rémunération à la société de gestion. Par la suite, elle a accepté de transiger avec deux autres sociétés (dont l’une avec laquelle aucun contrat n’a été signé), sans poser trop de questions. Pour prouver sa diligence, elle soumet qu’elle s’assurait que les retenues à la source étaient bien déduites des paies des employés. Sa diligence s’est toutefois arrêtée là. Elle ne s’est pas informée davantage à savoir si ces montants déduits des paies des employés avaient été remis au gouvernement. Elle avait exploité un commerce par elle-même de 1999 à 2004. Elle connaissait le fonctionnement des remises au gouvernement. Durant cette période, elle avait un comptable pour l’aider dans cette tâche et elle signait les chèques aux autorités fiscales en présence de ce dernier. Elle devait donc savoir qu’elle devait vérifier non seulement si les retenues à la source étaient déduites des paies des employés, mais ensuite remises au gouvernement. Lorsqu’elle signait les chèques tirés du compte de Jus d’Or, elle aurait dû s’enquérir auprès, soit de la secrétaire Mme Noiseux, soit de Me Sénéchal qui lui avait fait signer les contrats de gestion, si l’argent qu’elle déboursait était utilisé pour faire les remises au gouvernement.

 

[44]        Sachant que M. Descoteaux avait des démêlés judiciaires au point de ne pouvoir exploiter un commerce de resto-bar à son nom, elle aurait dû porter une attention plus particulière aux obligations légales de sa société.

 

[45]        En ne s’informant pas jusqu’au bout de ce qui advenait des sommes déduites sur les paies des employés, elle ne peut prétendre qu’elle s’est préoccupée des versements requis au gouvernement comme l’aurait fait une « personne raisonnablement prudente » dans des circonstances comparables.

 

[46]        L’appelante donne l’impression d’une personne qui réagit plutôt que de prévenir. À titre d’exemple, au début de 2006, lorsqu’elle a appris par les inspecteurs du ministère du Revenu que les remises fiscales n’avaient pas été faites, elle a voulu vendre sa société au lieu de s’assurer, en tout premier lieu, que tout redevienne en règle.

 

[47]        Ce n’est qu’à la fin de février 2006, voyant que Me Sénéchal ne s’occupait pas de la vente, qu’elle a forcé ce dernier à faire affaire avec Ceridian, entité qui s’occupe efficacement du service de paie. Si l’appelante a su imposer Ceridian à Me Sénéchal à la fin de février 2006, elle aurait pu tout aussi bien imposer à Me Sénéchal que ce dernier lui montre les livres de la société et s’assurer que tout était en ordre, ce qu’elle a négligé de faire.

 

[48]        Compte tenu de ce qui précède et de la preuve, j’estime que l’appelante n’a pas réussi à démontrer, selon une preuve prima facie, qu’elle s’est acquittée de son obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés par la cotisation dont elle fait appel. Elle ne peut donc se prévaloir du paragraphe 227.1(3) de la LIR pour se soustraire de sa responsabilité solidaire.

 

[49]        En conséquence, l’appel est rejeté. Quant aux dépens, l’intimée y aura droit. Les parties ont mentionné à la fin de l’audition qu’il y avait eu des propositions de règlement et qu’elles désiraient faire des représentations suite à l’issue du litige. J’invite donc les parties à me soumettre leurs représentations sur dépens, par écrit, dans le mois suivant la signature de mon jugement.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d’avril 2013.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 128

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2010-2547(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Élise Bohbot-Gagnon c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 4 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 25 avril 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Laurent Tessier

Avocat de l'intimée :

Me Alain Gareau

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                           Me Laurent Tessier

 

                 Cabinet :                          Ravinsky Ryan Lemoine sencrl.

                                                          Montréal, Québec

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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