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Dossier : 2012-551(IT)I

ENTRE :

FRANK CRICHTON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 1er mars 2013, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Randall Bocock

 

Comparutions :

Représentante de l’appelant :

Mme Barb Weatherall

Avocat de l’intimée :

Me Tony Cheung

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005 et 2006 est accueilli en partie, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en tenant compte de ce qui suit :

 

a)                 l’entreprise exploitée par l’appelant n’était pas une exploitation agricole;

 

b)                des dépenses d’entreprise supplémentaires de 6 759,17 $ et de 7 740,00 $ sont admises pour les années d’imposition 2005 et 2006, respectivement.

 

       Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour d’avril 2013.

 

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mai 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 96

Date : 20130404

Dossier : 2012-551(IT)I

 

ENTRE :

FRANK CRICHTON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bocock

 

[1]             Trois questions ont été soumises à la Cour à l’égard des nouvelles cotisations établies à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 2005 et 2006 (les « années pertinentes »).

 

[2]             Premièrement, le contribuable faisait‑il de l’« agriculture » dans le contexte de son entreprise, de sorte que l’article 31 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») s’applique afin de restreindre les pertes à au plus 8 750 $?

 

[3]             Deuxièmement, l’appelant a-t-il des revenus non déclarés de 10 590 $ et de 5 873 $ pour les années 2005 et 2006?

 

[4]             Troisièmement, l’appelant avait-il supporté les dépenses d’entreprise supplémentaires de 26 718 $ de plus que le montant de 12 204 $ admis pour l’année d’imposition 2005 et de 19 688 $ de plus que le montant de 12 536 $ admis pour l’année d’imposition 2006?

 

I.       Les faits

 

[5]             L’entreprise exploitée par l’appelant au cours des années d’imposition 2005 et 2006 est un manège extérieur consistant en une remorque sur laquelle est fixé un appareil muni de rayons que l’on attache à des harnais. Si l’on s’imagine en train de regarder une roue de chariot de haut, le moyeu est fixé à la remorque. Au bout de chacun des rayons se trouve un poney. Le poney est attaché par une bride au bout d’un rayon qui tourne autour d’un point central. Lorsque les affaires sont bonnes, tous les poneys promènent un jeune enfant sur leur dos, leurs parents ou tuteurs ayant payé pour que les enfants puissent profiter du manège. En bref, il s’agit d’un manège ou d’un carrousel que l’on peut voir lors des foires et des expositions agricoles partout au Canada. La seule différence est que la bête de somme sur laquelle se tient l’enfant ravi n’est pas un animal de bois, mais un animal vivant. Cette entreprise porte le nom de Charlies Pride Ponies (« Charlies Pride »).

 

II.      Exploitation agricole ou entreprise?

 

[6]             Comme les bêtes utilisées pour promener les enfants sont des animaux vivants et non des animaux de bois, il faut des aliments pour animaux, des stalles, des harnais, des fers, de la pâture et des remorques fermées pour le transport des animaux, plutôt que du pétrole, de l’espace d’entreposage, des pièces de fixation, des étançons, des caisses et des étagères. Le fait qu’il s’agissait d’êtres animés et non pas inanimés a amené l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et le ministre à croire que l’entreprise de l’appelant était une entreprise agricole. L’avocat de l’intimée a soutenu que la définition donnée au paragraphe 248(1) vise l’entreprise de l’appelant. L’avocat de l’intimée s’est concentré sur le fait que l’appelant annonçait qu’il offrait la possibilité à ses clients d’obtenir un portrait avec les poneys, ce dont jamais personne ne s’est prévalu, et sur le fait qu’il s’agissait d’animaux élevés aux fins d’« exposition ». La définition du terme « agriculture » est rédigée ainsi :

 

« agriculture » Sont compris dans l’agriculture la culture du sol, l’élevage ou l’exposition d’animaux de ferme, l’entretien de chevaux de course, l’élevage de la volaille, l’élevage des animaux à fourrure, la production laitière, la pomoculture et l’apiculture. Ne sont toutefois pas visés par la présente définition la charge ou l’emploi auprès d’une personne exploitant une entreprise agricole.

 

[7]             Lors de sa plaidoirie, l’intimée a fait valoir que l’entreprise constituait en « l’élevage ou l’exposition d’animaux de ferme ».

 

[8]             En toute déférence, il y a 100 ans, une telle affirmation aurait fait en sorte que toutes les boulangeries, les laiteries, les entreprises de construction ou les autres entreprises qui avaient besoin de la force animale pour pouvoir accomplir leurs activités auraient été considérées comme des entreprises agricoles. Les poneys vivent dans une ferme parce qu’ils doivent loger dans une étable, manger du foin et de l’avoine, être pansés et recevoir d’autres soins. Il n’est pas question d’en faire le commerce ou bien de les élever à des fins de reproduction ou d’exposition dans des concours ou pour les faire participer à des courses. L’appelant veut simplement les garder en vie pour qu’ils puissent faire tourner le manège et ainsi lui permettre de tirer un revenu des promenades en poney. Ce mode de traction animale (grâce aux poneys) est peut-être anachronique et archaïque, mais, sur le plan des faits, c’est tout simplement ce dont il s’agit. Cela n’est pas de l’agriculture. Par conséquent, quelles que soient les pertes d’entreprise, il s’agit de simples pertes subies par une entreprise et non de pertes agricoles.

 

III.     Le revenu non déclaré

 

[9]             L’ARC a procédé à une analyse des dépôts bancaires dans les trois comptes bancaires qu’avait Charlies Pride. Deux des comptes appartenaient à l’appelant et le troisième appartenait à Mme Weatherall, l’assistante non rémunérée et fidèle amie de M. Crichton. Après avoir déduit le revenu déclaré figurant dans les T4 de M. Crichton et de Mme Weatherall, le ministre a inclus le solde excédentaire dans le calcul du revenu de l’appelant en tant que revenu non déclaré.

 

[10]        Même si Mme Weatherall, qui représentait aussi M. Crichton, ne souscrivait pas à la qualification en ce qui concerne la question du revenu non déclaré, elle n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter ces hypothèses logiques et raisonnables. Mme Weatherall a admis que les documents comptables de Charlies Pride n’étaient pas bien organisés et qu’ils n’étaient pas exhaustifs pour les années pertinentes. Pour ce motif, la Cour reconnaît que le ministre devait effectuer une autre analyse en l’espèce et admet les conclusions raisonnables qui ont été tirées et l’absence d’éléments de preuve réfutant ces hypothèses. Par conséquent, l’appelant ne peut pas avoir gain de cause à cet égard.

 

IV.     Les dépenses refusées

 

[11]        Généralement, la preuve concernant les dépenses d’entreprise refusées suivait un mode de présentation assez uniforme, quoique long : Mme Weatherall ou M. Crichton a, de mémoire, présenté une preuve anecdotique directe concernant les dépenses; certains reçus (plus ou moins complets) ont été présentés à l’audience; et, avec le consentement de l’avocat de l’intimée, des éléments de preuve documentaire limités, soit des reçus, ont été présentés à la Cour après l’audience.

 

[12]        Plus précisément, le ministre a refusé les dépenses non étayées par des reçus, les dépenses qui n’étaient pas claires ou celles qui n’étaient pas raisonnables.

 

[13]        L’avocat de l’intimée a reconnu dans ses observations qu’il y avait lieu d’accorder les dépenses à présent appuyées d’un document (reçu, accusé de réception ou pièce justificative) ou de tout autre élément de preuve non équivoque et qui avaient un lien avec l’entreprise. Cette concession a été faite en réponse à l’affirmation par la Cour que la façon la plus logique d’analyser les dépenses refusées consistait à suivre la comparaison élément par élément effectuée entre les dépenses déduites et les dépenses admises qui a été préconisée par le ministre et qui permet d’obtenir un montant refusé pour chacune des catégories de dépenses.

 

[14]        Par conséquent, les dépenses refusées que l’appelante conteste pour chacune des années d’imposition peuvent être analysées au moyen du tableau ci-dessous :

 

i)                   2005

 

Description de la dépense

Montant déclaré par l’appelant dans la déclaration de revenus

Montant refusé par le ministre

Conclusion tirée par la Cour suivant l’audience

Autres dépenses admises par la Cour

Achat de poneys

7 131,00 $

6 631,00 $

À la lecture des reçus produits, on constate que l’appelant a payé un total de 3 835 $ pour l’achat de poneys, mais les poneys représentent des éléments d’actif et non une dépense d’entreprise courante.

 

-Néant-

Frais liés à l’étable

1 990,00 $

383,00 $

À l’audience, on a témoigné qu’un montant supplémentaire de 100 $ par mois avait été payé pour la location de l’étable, pour un total de 1 200 $ par année.

 

817,00 $

Affichage

230,00 $

230,00 $

Une facture a été produite pour cette affiche et la dépense doit être admise.

 

230,00 $

Carburant / stationnement

1 451,00 $

1 366,00 $

Le total des factures et des reçus de cartes de crédit et de Canadian Tire produits concernant l’essence achetée pour les véhicules liés à l’entreprise.

 

387,00 $

Permis / assurance

1 919,00 $

1 845,00 $

Les factures d’assurance pour 2005 totalisaient 1 079,00 $.

 

1 004,00 $

Entretien de véhicules

1 671,00 $

1 671,00 $

Les frais d’entretien de véhicules – comptabilisés une seule fois (compte non tenu des frais de réparation des véhicules) – totalisaient 679,00 $.

 

679,00 $

Main d’œuvre temporaire

976,00 $

976,00 $

Des reçus pour l’affichage concernant le salaire de la main‑d’œuvre temporaire totalisaient 710,00 $.

 

710,00 $

 

 

 

 

 

Formation ou entraînement extérieur

2 597,00 $

1 397,00 $

Des factures pour un montant supplémentaire de 600,00 $ ont été produites.

 

600,00 $

Frais bancaires

580,00 $

580,00 $

Les frais bancaires correspondaient en moyenne à un forfait (frais de transaction) de 11,00 $ par mois pour un compte et à 20,00 $ par mois au titre de frais d’intérêts.

 

480,00 $

Frais de réparation du harnachement d’équitation et des harnais

1 731,00 $

1 731,00 $

Il y avait des factures totalisant 350,94 $ et la dépense devrait être admise.

 

350,94 $

Frais de réparation de l’équipement

2 015,00 $

2 015,00 $

Diverses réparations et divers achats d’équipement totalisaient la très modeste somme de 717,00 $.

 

717,00 $

Frais de réparation du chariot

1 269,00 $

1 269,00 $

Des documents faisant état de frais de 345,10 $ au titre de matériel et de fournitures pour le chariot ont été présentés à l’audience.

 

345,10 $

Frais de transport des poneys

1 105,00 $

1 105,00 $

Il y avait des factures totalisant 449,14 $ au titre de fournitures pour le transport des poneys.

 

449,13 $

 

ii)                2006

 

Description de la dépense

Montant déclaré par l’appelant dans la déclaration de revenus

Montant refusé par le ministre

Conclusion tirée par la Cour suivant l’audience

Autres dépenses admises par la Cour

Achat de poneys

825,00 $

202,00 $

Le coût des poneys en 2006 était de 750,00 $, mais les poneys représentent des biens immobilisés et non des dépenses.

 

-Néant-

Frais liés à l’étable

2 595,00 $

1 538,00 $

Aucune autre facture n’a été présentée pour les frais liés à l’étable.

 

-Néant-

 

 

 

 

 

 

Affichage

285,00 $

285,00 $

Il y avait une facture de 285,00 $ au titre d’une dépense d’affichage en 2006.

 

285,00 $

Permis / assurance

1 200,00 $

1 126,00 $

Une autre facture d’assurance s’élevant à 1 037,00 $ a été présentée.

 

1 126,00 $

Frais de transport des poneys

473,00 $

473,00 $

Un reçu de 200,00 $ a été présenté au titre de frais de transport de poneys.

 

200,00 $

Entretien de véhicules

1 285,00 $

1 285,00 $

On a pu voir que des frais d’entretien de véhicules totalisant 613,00 $ avaient été supportés.

 

613,00 $

Main d’œuvre temporaire

541,00 $

541,00 $

Des reçus signés totalisant 530,00 $ ont été présentés pour 2006.

 

530,00 $

Frais bancaires

1 426,00 $

1 426,00 $

Comme pour 2005, les frais bancaires étaient de 11,00 $ par mois et les frais d’intérêts s’élevaient en moyenne à 20,00 $ par mois, pour un total de 32,00 $ par mois.

 

480,00 $

Frais de réparation du harnachement d’équitation et des harnais

1 982,00 $

1 816,00 $

Il y avait une facture de 3 891,00 $ en 2006 pour la réparation des harnais / du harnachement d’équitation et du chariot.

 

1 816,00 $

Frais de réparation de l’équipement

1 813,00 $

1 816,00 $

La modeste somme de 891,00 $ a été calculée pour les réparations de l’équipement en fonction des factures et des reçus présentés.

 

891,00 $

Frais de réparation du chariot

1 799,00 $

1 799,00 $

Comme il est mentionné ci-dessus, il y avait une facture de 3 891,00 $ en 2006 pour la réparation des harnais / du harnachement d’équitation et du chariot.

 

1 799,00 $

 

[15]        Pour établir les dépenses supplémentaires admises par la Cour, on a pris soin de ne pas inclure deux fois les dépenses pour tenir compte du fait que le ministre avait peut‑être déjà admis les dépenses dans une catégorie différente. L’appelant doit assumer les conséquences que comporte le recours à une telle méthode de calcul, compte tenu du désordre qu’il y avait dans les documents comptables de l’entreprise. En toute justice pour le ministre et l’ARC, il faut dire que plusieurs factures à l’appui des dépenses n’ont été fournies qu’à l’audience elle‑même.

 

V.               Résumé

 

[16]        Tout d’abord, l’entreprise était une entreprise exploitant un manège extérieur et non une exploitation agricole. L’article 31 de la Loi ne s’applique pas de manière à limiter les pertes de l’entreprise. Ensuite, le montant calculé par le ministre au titre du revenu non déclaré demeure le même pour l’établissement de la nouvelle cotisation. Enfin, l’appel est accueilli en partie et des dépenses d’entreprise supplémentaires de 6 759,17 $ et de 7 740,00 $ sont admises pour les années d’imposition 2005 et 2006, respectivement. Je tiens en outre à souligner que les chevaux ne sont pas des stocks, mais des éléments d’actif, et le ministre devra peut-être effectuer de nouveaux calculs pour refléter ce fait. Je ne rendrai pas d’ordonnance quant aux dépens, étant donné que l’appelant n’a eu gain de cause qu’en partie et vu le piètre état des documents comptables de l’entreprise, qui est probablement à l’origine du présent appel.

 

 

       Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour d’avril 2013.

 

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mai 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 96

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2012-551(IT)I

 

INTITULÉ :                                      FRANK CRICHTON c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE:                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Randall Bocock

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 4 avril 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelant :

Mme Barb Weatherall

Avocat de l’intimée :

Me Tony Cheung

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     s.o.

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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