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Dossier : 2016‑1152(IT)G

ENTRE :

MONT‑BRUNO C.C. INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Requête présentée au titre des alinéas 53(1)c) et 53(1)d) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), entendue le 7 septembre 2017 à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Réal Favreau

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

MGuy Du Pont, Ad. E.

MMatthias Heilke

MDov Whitman

Avocat de l’intimée :

Me Simon Petit

 

ORDONNANCE

  La requête présentée par l’appelante au titre des alinéas 53(1)c) et 53(1)d) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) en vue de faire radier la nouvelle réponse modifiée déposée par l’intimée le 23 mai 2017 est rejetée conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑joints. Les dépens de la requête sont adjugés à l’intimée au tarif des dépens entre parties.

  La Cour ordonne également la prorogation de tous les délais liés au déroulement de l’appel interjeté par l’appelante qui sont nécessaires au règlement définitif de la présente requête.

Signé à Toronto (Ontario), ce 4e jour de juin 2018.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2018 CCI 105

Date : 20180827

Dossier : 2016‑1152(IT)G

ENTRE :

MONT‑BRUNO C.C. INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS MODIFIÉS DE L’ORDONNANCE

Le juge Favreau

[1]  La Cour est saisie d’une requête présentée par l’appelante au titre des alinéas 53(1)c) et 53(1)d) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90‑688a (les « Règles de la CCI »), en vue de faire radier la nouvelle réponse modifiée déposée par l’intimée le 23 mai 2017, au motif qu’elle constitue un recours abusif ou ne révèle aucun moyen raisonnable de contestation de l’appel.

I. LES FAITS

[2]  L’appelante est un organisme sans but lucratif qui exploite un terrain de golf. En 2006, l’appelante a réalisé un gain de 1 742 500 $ lors de la disposition d’une parcelle de terrain, à savoir un terrain boisé vacant et séparé du terrain de golf par une route municipale (la « parcelle de terrain »). L’appelante a déclaré cette disposition et le gain en résultant dans sa déclaration de renseignements des organismes sans but lucratif T1044 de 2006 (la « déclaration T1044 »), mais ne l’a pas fait dans sa déclaration de renseignements et de revenus des fiducies T3 (la « déclaration T3 »). Le 13 mai 2015, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour défaut de déclaration de la disposition et du gain dans sa déclaration T3.

[3]  L’appelante n’a pas déclaré la disposition de la parcelle de terrain dans sa déclaration T3 parce qu’elle pensait que le gain en résultant était exonéré d’impôt, la parcelle de terrain ayant été utilisée exclusivement et directement dans le but de fournir des repas, des services récréatifs ou des installations destinées aux sports, comme l’exige l’exemption prévue au sous‑alinéa 149(5)e)(ii) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée (la « LIR »).

[4]  Le 6 août 2015, l’appelante a déposé un avis d’opposition à la cotisation. Le ministre a reconnu que, bien que l’appelante n’ait pas déclaré le gain tiré de la parcelle de terrain dans sa déclaration T3, elle l’a déclaré dans les documents suivants présentés à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») : 1) sa déclaration T2, à la ligne 113 de l’annexe 1; 2) sa déclaration T2, aux lignes 220 à 250 de l’annexe 6; 3) sa déclaration T1044, à la ligne 103; 4) ses états financiers vérifiés.

[5]  La nouvelle cotisation du 13 mai 2015 dont l’appelante a fait l’objet a été établie par le ministre après la période normale de nouvelle cotisation prévue au paragraphe 152(3.1) de la LIR et serait ainsi frappée de prescription, à moins que le ministre puisse montrer que le paragraphe 152(4) de la LIR s’applique. Pour ce faire, le ministre devait montrer que l’appelante avait, par négligence, inattention ou omission volontaire, fait une présentation erronée des faits dans sa déclaration de 2006 en ne déclarant pas le gain dans sa déclaration T3. Dans sa réponse à l’avis d’appel de l’appelante, l’intimée devait énoncer, dans ses hypothèses de fait, des faits sur lesquels la Cour pourrait s’appuyer pour conclure que l’appelante avait fait une présentation erronée des faits.

[6]  C’est ce que l’intimée a tenté de faire dans sa réponse envoyée à l’appelante le 17 juin 2016. Le 29 juin 2016, l’intimée a envoyé une réponse modifiée. L’appelante a contesté avec succès la réponse modifiée dans le cadre d’une requête visant à la faire radier au motif qu’elle n’énonçait pas de faits sur lesquels la Cour canadienne de l’impôt (la « Cour ») pouvait s’appuyer pour conclure que l’appelante avait fait une présentation erronée des faits. Conformément à l’ordonnance du juge Paris du 21 mars 2017, la réponse modifiée a été radiée en entier, avec autorisation de la modifier.

[7]  Le 23 mai 2017, l’intimée a envoyé à l’appelante une nouvelle réponse modifiée, qui est en cause en l’espèce. La Cour est appelée à décider si la nouvelle réponse modifiée corrige les lacunes des réponses précédentes, c’est‑à‑dire l’absence de faits sur lesquels la Cour pourrait s’appuyer pour conclure que l’appelante a fait une présentation erronée des faits.

[8]  Les parties s’entendent sur le fait que le terrain de golf comprend [traduction] « le parcours de golf, le chalet et ses annexes, ainsi que les chemins et les routes d’accès qui s’y trouvent, et que la partie restante est un terrain boisé en friche ». Elles ne contestent pas non plus que ce terrain boisé en friche est la parcelle de terrain, qui est séparée du terrain de golf par une route municipale.

II. LES FAITS CONTESTÉS

[9]  L’intimée conteste les faits suivants tirés de l’avis d’appel de l’appelante :

·  L’intimée conteste la taille du terrain sur lequel l’appelante exploite le terrain de golf, ainsi que la superficie du terrain en acres. L’appelante affirme dans son avis d’appel que le terrain s’étend sur plus de 339 acres.

·  L’intimée conteste que la parcelle de terrain serve de zone tampon entre le terrain de golf et les propriétés avoisinantes. Elle reconnaît qu’une zone tampon entre le terrain de golf et les propriétés avoisinantes peut être bénéfique, mais elle conteste que la parcelle de terrain joue ce rôle. L’intimée reconnaît que, durant les années 1970, la parcelle de terrain a été expropriée pour la construction d’une route municipale et qu’elle a par conséquent été séparée du terrain de golf tout en demeurant la propriété de l’appelante. Elle conteste cependant que la parcelle de terrain fasse toujours partie de la zone tampon constituée naturellement par la terre boisée en friche qui entoure le terrain de golf, maintenant qu’une route les sépare.

·  L’intimée conteste que la parcelle de terrain fasse partie du plan original du terrain de golf et qu’elle soit caractéristique d’un club de golf de prestige ou que la présence d’aires boisées environnantes soit essentielle. L’intimée conteste que la parcelle de terrain ait été configurée pour être une zone tampon entre le parcours de golf et les propriétés avoisinantes (pour éviter les accidents causés par les balles de golf perdues et pour que le parcours de golf soit paisible). Elle conteste que cette configuration de la parcelle de terrain ait aidé l’appelante à continuer d’exploiter un terrain de golf haut de gamme.

·  L’intimée conteste que la parcelle de terrain ait été destinée à avoir pour seul usage celui de fournir aux membres des installations pour les loisirs ou le golf et que l’accès à la parcelle de terrain ait été réservé aux membres. L’intimée conteste que la parcelle de terrain ait été utilisée par l’appelante exclusivement et directement dans le but de fournir à ses membres des installations pour les loisirs, le sport ou les repas.

·  L’intimée conteste que le ministre ait établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante près de six ans après la cotisation initiale. Cependant, comme la cotisation initiale est datée du 25 juillet 2007 et que la nouvelle cotisation est datée du 13 mai 2015, la nouvelle cotisation a en fait été établie huit ans après la cotisation initiale.

III. LA CHRONOLOGIE

[10]  Voici la chronologie des faits :

Date

Fait

Le 25 juillet 2007

Le ministre établit la cotisation initiale à l’égard de la déclaration T3 de l’appelante figurant dans sa déclaration de revenus de 2006.

Le 13 mai 2015

Le ministre établit une nouvelle cotisation à l’égard de la déclaration de revenus de 2006 de l’appelante et refuse l’exemption fiscale demandée en application du sous‑alinéa 149(5)e)(ii) de la LIR pour le gain en capital imposable de 871 250 $ issu de la disposition de la parcelle de terrain.

Le 6 août 2015

L’appelante dépose un avis d’opposition à la nouvelle cotisation du ministre.

Le 8 mars 2016

Le ministre confirme la nouvelle cotisation par un avis de confirmation.

Le 30 mars 2016

L’appelante dépose un avis d’appel pour s’opposer à la nouvelle cotisation. Dans l’avis d’appel, l’appelante soutient que la nouvelle cotisation a été établie après la période normale de nouvelle cotisation. Par conséquent, dans sa réponse à l’avis d’appel, l’intimée devait démontrer qu’elle pouvait procéder à la nouvelle cotisation même après la période normale de nouvelle cotisation parce qu’un des cas prévus au paragraphe 152(4) de la LIR s’appliquait (en l’espèce, une présentation erronée des faits par l’appelante).

Le 17 juin 2016

L’intimée dépose une réponse à l’avis d’appel.

Le 29 juin 2016

L’intimée dépose une réponse modifiée.

Le 22 juillet 2016

L’appelante dépose une requête en radiation de la réponse modifiée sans autorisation de la modifier au motif que la réponse n’énonce aucun fait qui permettrait à la Cour de conclure que l’appelante a fait une présentation erronée des faits dans sa déclaration T3 et qu’elle ne révèle donc aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel aux termes de l’alinéa 53(1)d) des Règles de la CCI.

Le 21 mars 2017

En réponse à la requête de l’appelante en radiation de la réponse modifiée, le juge Paris ordonne que la réponse modifiée soit radiée en entier avec autorisation de la modifier au titre de l’alinéa 53(1)d) des Règles de la CCI, au motif qu’elle ne révèle aucun moyen raisonnable de contestation de l’appel. Le juge Paris conclut que les éléments factuels énoncés dans l’avis d’appel ne doivent pas être réputés véridiques aux fins d’examen de la requête dont il est saisi et qu’aucun fait n’a été établi dans le reste de la réponse pour permettre à la Cour de conclure que l’appelante a fait une présentation erronée des faits dans sa déclaration de revenus de 2006. De plus, le juge Paris adjuge les dépens à l’appelante au tarif des dépens entre parties.

L’ordonnance du juge Paris précise au paragraphe 3 que l’intimée dispose de 60 jours à compter de la date de l’ordonnance pour déposer une nouvelle réponse modifiée à l’avis d’appel. L’intimée a déposé une nouvelle réponse modifiée le 23 mai 2017, soit plus de 60 jours après l’ordonnance rendue par le juge Paris le 21 mars 2017. Cependant, dans son avis de requête en radiation de la nouvelle réponse modifiée, l’appelante a bien précisé qu’elle demandait également une ordonnance visant [traduction] « c) la prorogation de tous les délais liés au déroulement de l’appel interjeté par l’appelante qui sont nécessaires au règlement définitif de la présente requête ».

Le 23 mai 2017

L’intimée dépose une nouvelle réponse modifiée.

Le 30 mai 2017

L’appelante dépose une requête en radiation de la nouvelle réponse modifiée.

Le 7 septembre 2017

La requête en radiation de la nouvelle réponse modifiée est entendue.

IV. LA QUESTION À TRANCHER

[11]  La question est de savoir si la nouvelle réponse modifiée corrige les lacunes des réponses précédentes, qui n’énonçaient pas de faits pertinents permettant de déterminer si l’appelante avait fait ou non une présentation erronée des faits.

[12]  Dans sa requête en radiation, l’appelante a soutenu que la nouvelle réponse modifiée devait être radiée en application des alinéas 53(1)c) ou d) des Règles de la CCI au motif que la réponse « constitue un recours abusif à la Cour » ou « ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel », respectivement, parce qu’elle ne vise qu’à rouvrir le débat sur une question qui a déjà été tranchée dans la décision et les motifs du juge Paris lorsqu’il a radié la réponse modifiée le 21 mars 2017. Le juge Paris avait radié la réponse modifiée au motif qu’elle n’énonçait pas de faits qui auraient permis à la Cour de conclure que l’appelante avait fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire dans sa déclaration de revenus de 2006. La Cour est appelée à décider si la nouvelle réponse modifiée corrige cette erreur.

V. LES THÈSES DES PARTIES

[13]  L’appelante estime que la nouvelle réponse modifiée doit être radiée en application des Règles de la CCI sans autorisation de la modifier parce qu’elle ne corrige pas les lacunes de la réponse modifiée.

[14]  L’intimée estime quant à elle que la nouvelle réponse modifiée ne doit pas être radiée parce qu’elle corrige les lacunes de la réponse modifiée.

VI. LES DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

[15]  Les dispositions légales applicables en l’espèce sont reproduites ci‑dessous.

Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (DORS/90‑688a)

Règles de la CCI – Radiation d’un acte de procédure ou d’un autre document

53 (1) La Cour peut, de son propre chef ou à la demande d’une partie, radier un acte de procédure ou tout autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier parce que l’acte ou le document :

a) peut compromettre ou retarder l’instruction équitable de l’appel;

b) est scandaleux, frivole ou vexatoire;

c) constitue un recours abusif à la Cour;

d) ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel.

(2) Aucune preuve n’est admissible à l’égard d’une demande présentée en vertu de l’alinéa (1)d).

(3) À la demande de l’intimé, la Cour peut casser un appel si :

a) elle n’a pas compétence sur l’objet de l’appel;

b) une condition préalable pour interjeter appel n’a pas été satisfaite;

c) l’appelant n’a pas la capacité juridique d’introduire ou de continuer l’instance.

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)

Établissement d’une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation

152 (3.1) Pour l’application des paragraphes (4), (4.01), (4.2), (4.3), (5) et (9), la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable pour une année d’imposition s’étend sur les périodes suivantes :

a) quatre ans suivant soit la date d’envoi d’un avis de première cotisation en vertu de la présente partie le concernant pour l’année, soit, si elle est antérieure, la date d’envoi d’une première notification portant qu’aucun impôt n’est payable par lui pour l’année, si, à la fin de l’année, le contribuable est une fiducie de fonds commun de placement ou une société autre qu’une société privée sous contrôle canadien;

b) trois ans suivant celle de ces dates qui est antérieure à l’autre, dans les autres cas.

[...]

(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

[...]

Exemptions – Exception concernant le revenu de placements de certains clubs

149 (1) Aucun impôt n’est payable en vertu de la présente partie, sur le revenu imposable d’une personne, pour la période où cette personne était :

[…]

l) Organisations à but non lucratif – un cercle ou une association qui, de l’avis du ministre, n’était pas un organisme de bienfaisance au sens du paragraphe 149.1(1) et qui est constitué et administré uniquement pour s’assurer du bien‑être social, des améliorations locales, s’occuper des loisirs ou fournir des divertissements, ou exercer toute autre activité non lucrative, et dont aucun revenu n’était payable à un propriétaire, un membre ou un actionnaire, ou ne pouvait par ailleurs servir au profit personnel de ceux‑ci, sauf si le propriétaire, le membre ou l’actionnaire était un cercle ou une association dont le but premier et la fonction étaient de promouvoir le sport amateur au Canada;

[...]

149 (5) Malgré les paragraphes (1) et (2), lorsqu’un cercle ou une association était, pendant une période donnée, un cercle ou une association, visé à l’alinéa (1)l), dont l’objet principal consistait à fournir à ses membres des installations pour les loisirs, le sport ou les repas (appelé « club » au présent paragraphe), une fiducie est réputée avoir été établie au dernier en date de la fin de 1971 et du début de la période et avoir continué à exister tout au long de la période. De plus, les règles ci‑après s’appliquent tout au long de la période :

a) la propriété du club est réputée être la propriété de la fiducie;

b) lorsque le club est une société, la société est réputée être le fiduciaire exerçant le contrôle des biens de la fiducie;

c) lorsque le club n’est pas une société, les dirigeants du club sont réputés être les fiduciaires exerçant le contrôle des biens de la fiducie;

d) l’impôt prévu par la présente partie est payable par la fiducie sur son revenu imposable pour chaque année d’imposition;

e) le revenu et le revenu imposable de la fiducie pour chaque année d’imposition doivent être calculés à supposer qu’elle n’ait pas eu de revenus ni de pertes autres que :

(i) des revenus et des pertes provenant de biens,

(ii) des gains en capital imposables et des pertes en capital déductibles découlant des dispositions de biens, autres que des biens utilisés, exclusivement et directement, dans le but de fournir des repas, des services récréatifs ou les installations destinées aux sports qu’elle met à la disposition de ses membres;

[…]

VII. APPLICATION DE LA LOI AUX FAITS

[16]  Compte tenu des dispositions légales applicables, je conclus que la nouvelle réponse modifiée ne devrait pas être radiée pour les motifs exposés ci‑dessous.

A. Les motifs pouvant justifier la radiation de la nouvelle réponse modifiée

[17]  Comme il a été établi dans les décisions qui suivent, il est difficile de satisfaire au critère relatif à la radiation d’un acte de procédure, et le seuil à cet égard est élevé :

·  Dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, la Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit, à la page 980 : « Ce n’est que si l’action est vouée à l’échec parce qu’elle contient un vice fondamental [...] que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées [...] »

·  Dans l’arrêt Succession Odhavji c. Woodhouse, [2003] 3 R.C.S. 263, au paragraphe 15, la Cour suprême du Canada a affirmé qu’« [i]l s’agit là d’un critère rigoureux ».

·  Dans l’arrêt Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Canada, 2013 CAF 122, au paragraphe 7, la Cour d’appel fédérale a affirmé que, « s’agissant d’une requête en radiation de la réponse de Sa Majesté dans le cadre d’un appel en matière fiscale, la requête n’est accueillie que s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués dans la réponse sont avérés, que la réponse ne permet pas de conclure de façon raisonnable que la nouvelle cotisation frappée d’appel est correcte ».

·  Dans Dyson v. AG, [1911] 1 KB 410, aux pages 418 et 419, la Cour a indiqué que [traduction] « ce pouvoir de mettre fin à une action et de la trancher sans procès doit être utilisé très modérément et rarement, voire jamais, sauf dans les cas où l’action constitue un recours abusif à la procédure judiciaire » et que [traduction] « notre système judiciaire ne permettrait jamais qu’un demandeur soit ainsi privé d’un jugement sans qu’une cour ait examiné son droit d’être entendu, sauf dans les cas où la cause d’action est manifestement et presque incontestablement mal fondée ».

[18]  Dans l’ordonnance de radiation de la réponse modifiée, le juge Paris a affirmé que [traduction] « pour qu’il puisse être radié sans autorisation de modification, l’acte de procédure doit comporter un vice qui ne peut être corrigé par une modification ». L’alinéa 53(1)c) des Règles de la CCI autorise la Cour à radier un acte de procédure sans autorisation de le modifier au motif qu’il constitue un recours abusif, comme cela a été fait dans l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77, dans lequel la Cour suprême du Canada a jugé que l’acte de procédure avait pour but de rouvrir une question que le tribunal avait déjà tranchée.

[19]  L’alinéa 53(1)b) des Règles de la CCI autorise la Cour à radier un acte de procédure vexatoire. Le terme « vexatoire » est de façon générale synonyme de la notion de recours abusif. Il peut donc être utile d’examiner des précédents où des actes ont été radiés au motif qu’ils étaient vexatoires pour déterminer s’il y a lieu de radier un acte au motif qu’il constitue un recours abusif (voir Wilson c. Revenu Canada, 2006 CF 1535). Comme il a été confirmé dans l’arrêt Murray c. Canada, [1978] A.C.F. no 406 (QL) (C.A.F.), un acte de procédure est vexatoire lorsqu’il n’expose pas assez les faits sur lesquels la demande est fondée pour qu’il soit possible à un défendeur d’y répondre ou à un tribunal de diriger l’instance. De même, la Cour d’appel fédérale a affirmé dans l’arrêt Merchant Law Group c. Agence du revenu du Canada, 2010 CAF 184, qu’une demande qui ne contient que de simples affirmations ou conclusions, sans présenter de faits substantiels à l’appui, devrait être radiée au motif qu’elle est vexatoire. Pour les mêmes raisons, un acte de procédure peut être radié au motif qu’il constitue un recours abusif.

[20]  L’alinéa 53(1)d) des Règles de la CCI autorise la Cour à radier un acte de procédure sans autorisation de le modifier au motif qu’il ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel. Il a été invoqué dans les affaires suivantes :

·  Dans la décision Cudmore v. The Queen, 2010 DTC 1220, la Cour a affirmé qu’une réponse ne devrait pas être radiée en entier à moins d’être tellement futile que les positions défendues n’ont aucune chance de succès.

·  Dans l’arrêt Succession Odhavji c. Woodhouse, [2003] 3 R.C.S. 263, au paragraphe 15, la Cour suprême du Canada a précisé qu’« il faut se demander s’il est “évident et manifeste” que l’action doit être rejetée ».

·  Dans l’arrêt R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2011] 3 R.C.S. 45, aux paragraphes 17 à 23, la Cour suprême du Canada a réitéré le principe selon lequel « l’action ne sera rejetée que s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable [...] L’approche doit être généreuse et permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais soutenable. [...] Le juge [...] ne peut pas anticiper [si] la preuve qui sera produite permettra d’établir » que « la demande [n’a] aucune possibilité raisonnable d’être accueillie ». S’il existe une possibilité raisonnable que la demande soit accueillie, « il faut lui laisser suivre son cours ».

·  Dans l’arrêt French c. Canada, 2016 CAF 64, aux paragraphes 25 et 26, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il « faut rechercher s’il est évident et manifeste que la thèse attaquée n’a aucune chance de succès ».

·  Dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la p. 989, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’« il suffit que le demandeur ait quelques chances de succès ».

[21]  Dans son ordonnance, le juge Paris a radié la réponse modifiée puisqu’elle n’énonçait pas de faits qui permettraient à la Cour de conclure que l’appelante a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire dans sa déclaration de revenus de 2006. La question consiste maintenant à savoir si la nouvelle réponse modifiée corrige cette lacune. Plus précisément, le juge Paris a radié la réponse modifiée parce que les hypothèses de fait énoncées par l’intimée à l’appui de son argument relatif à la présentation erronée des faits reposaient sur des allégations mixtes de droit et de fait. Les décisions qui suivent établissent que la Couronne ne peut pas invoquer des allégations mixtes de fait et de droit dans ses hypothèses de fait :

·  Dans l’arrêt Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Canada, 2013 CAF 122, au paragraphe 92, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’« [i]l est bien établi que les conclusions de droit n’ont pas leur place dans l’énoncé des hypothèses de fait du ministre ».

·  Dans l’ordonnance radiant la réponse modifiée, le juge Paris a affirmé que les hypothèses de fait alléguées incorrectement ne pouvaient être réputées véridiques. Comme il est indiqué dans l’arrêt R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2011] 3 R.C.S. 45, paragraphe 23, « [l]es faits allégués sont réputés véridiques ». Lorsqu’il est question de « faits allégués », ce sont les faits qui sont réputés véridiques dans les hypothèses de fait, et non pas les allégations de droit ou les allégations mixtes de fait et de droit.

·  Dans la décision Health Quest Inc. c. La Reine, 2014 CCI 211, la Cour canadienne de l’impôt a affirmé que le ministre ne peut faire que des hypothèses de fait et non pas des hypothèses mixtes de fait et de droit. La Cour a affirmé que les questions de fait portent sur ce qui s’est réellement passé entre les parties, alors que les questions mixtes de fait et de droit consistent à déterminer si les faits satisfont au critère juridique. Une hypothèse mixte de fait et de droit représente l’opinion du ministre sur l’applicabilité du droit aux faits ou énonce la réponse à la question que la Cour doit trancher. L’appelant n’a pas le fardeau de réfuter une hypothèse invalide et, lorsque le ministre n’énonce pas d’hypothèses de fait valides, c’est au ministre qu’il incombe d’établir que ses énoncés sont corrects.

·  Dans la décision Weyerhaeuser Co. c. La Reine, 2007 CCI 65, la Cour canadienne de l’impôt a affirmé que, parce que les hypothèses énoncées dans les actes de procédure constituaient dans une mesure plus ou moins large des énoncés de l’opinion de l’intimée quant au droit et qu’il s’agissait en bonne partie de ce sur quoi la Cour devait se prononcer, elles auraient dû être radiées et la Cour n’en a fait aucun cas.

·  Dans la décision Ver c. La Reine, [1995] A.C.I. no 593 (QL) (C.C.I.), la Cour canadienne de l’impôt a souligné que de simples affirmations selon lesquelles le ministre a présumé qu’il y avait présentation erronée des faits sont inopportunes lorsque celui‑ci doit prouver qu’il y a eu présentation erronée des faits.

·  Enfin, dans l’arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltée, 2003 CAF 294, au paragraphe 26, la Cour d’appel fédérale a affirmé que le ministre doit indiquer « les éléments de fait présumés, de façon à ce que le contribuable sache exactement quelles hypothèses de fait il doit réfuter pour avoir gain de cause ».

[22]  Le juge Paris a conclu que la réponse modifiée contenait des hypothèses mixtes de fait et de droit à deux endroits précis, soit aux points 13b) et 12h) de la réponse modifiée.

[23]  L’appelante soutient que l’intimée n’a pas corrigé ces deux cas d’allégations mixtes de fait et de droit; il s’ensuit que la nouvelle réponse modifiée ne corrige pas les vices de la réponse modifiée et qu’elle devrait pour cette raison être radiée en application des Règles de la CCI. En fonction des actes de procédure et de la jurisprudence, et pour les motifs que j’expose ci‑après, j’arrive à la conclusion que l’intimée a corrigé ses erreurs aux points 13b) et 12h), de sorte que la nouvelle réponse modifiée ne devrait pas être radiée.

B. Les allégations mixtes de fait et de droit au point 13b) de la réponse modifiée

[24]  Au paragraphe 26 de la décision par laquelle il a radié la réponse modifiée, le juge Paris a fait observer qu’il était indiqué, au point 13b) de la réponse modifiée, que les administrateurs de Mont‑Bruno [traduction] « savaient ou auraient dû savoir que la thèse adoptée par l’appelante au moment de la production de sa déclaration était erronée ». Le juge Paris était d’avis que cette phrase devait être radiée : [traduction] « Le renvoi à la “thèse adoptée au moment de la production de sa déclaration” pose problème, car cette thèse pourrait être fondée à la fois sur des assertions de fait et de droit. La thèse adoptée au moment de la production d’une déclaration peut être erronée en fait, en droit ou en fait et en droit. Par conséquent, la réponse modifiée ne montre pas clairement quels étaient les éléments factuels de la thèse que, selon les allégations du ministre, les administrateurs savaient être erronés au moment du dépôt de la déclaration T3 ».

[25]  Selon le raisonnement du juge Paris, pour rectifier le problème posé par le point 13b) de la réponse modifiée, la nouvelle réponse modifiée doit [traduction] « montrer clairement quels étaient les éléments factuels de la thèse que, selon les allégations du ministre, les administrateurs savaient être erronés au moment du dépôt de la déclaration T3 ». Dans la nouvelle réponse modifiée, l’intimée a corrigé le problème constaté au point 13b) en supprimant ce passage et, de ce fait, le renvoi à la thèse adoptée par l’appelante au moment de la production de sa déclaration. En ce qui concerne ce que l’appelante savait relativement à sa thèse au moment de la production de la déclaration, la nouvelle réponse modifiée énonce dans ses hypothèses de fait ce qui suit :

·  Au point 13b) : [traduction] « Les membres du conseil d’administration de l’appelante sont des gens d’affaires avertis et expérimentés en matière de fiscalité. À tous les moments pertinents, ils connaissaient ou auraient dû connaître les faits énoncés aux points 12g) à 12m). » Par rapport à la réponse modifiée, les points 12g) à 12m) de la nouvelle réponse modifiée comporte les faits additionnels suivants : [traduction] « h) la parcelle de terrain était un terrain boisé vacant et séparé du terrain de golf par une route municipale, la rue des Hirondelles; i) une clôture à mailles losangées séparait le terrain de golf de la rue des Hirondelles; j) l’appelante n’a pas organisé d’activités sur la parcelle de terrain; k) l’appelante n’a ni aménagé ni transformé la parcelle de terrain en vue de la tenue d’activités, quel qu’en soit le type; l) les membres de l’appelante ne se rendaient pas sur la parcelle de terrain dans l’exercice des activités du club; m) l’appelante a déclaré que les gains étaient exonérés d’impôt dans sa déclaration de renseignements des organismes sans but lucratif de 2006. »

·  Au point 13d) : [traduction] « Par résolution du conseil d’administration de l’appelante datée du 7 avril 2005, il a été convenu de demander le plus tôt possible l’avis d’un professionnel concernant l’obligation fiscale relative à la vente de la parcelle de terrain. Cet avis n’a pas été obtenu. »

·  Au point 13e) : [traduction] « En 1982, l’appelante a vendu une parcelle de terrain semblable et a déclaré à cet égard un gain en capital imposable dans sa déclaration T3 de cette année‑là, comme la Loi de l’impôt sur le revenu l’exige. La parcelle de terrain vendue en 1982 était aussi un terrain boisé séparé du terrain de golf par une rue résidentielle et zoné en vue d’un usage résidentiel. »

(1) Le fondement factuel de la présentation erronée des faits

[26]  L’intimée estime que l’appelante a fait une présentation erronée des faits dans sa déclaration de revenus en déclarant que le gain issu de la disposition du terrain était exonéré d’impôt et en ne le déclarant pas comme gain en capital imposable.

[27]  Dans son avis de requête en radiation de la nouvelle réponse modifiée, l’appelante affirme au point 3a) que l’intimée n’a pas allégué suffisamment de faits pour étayer une conclusion de présentation erronée des faits, parce que les faits allégués ne permettent pas à la Cour de conclure que l’appelante [traduction] « a fait une présentation erronée des faits quant à son utilisation de la parcelle de terrain en considérant le gain comme étant exonéré d’impôt dans sa déclaration T3 ». Dans cette déclaration, l’argument de l’appelante repose sur le sens donné à l’expression « présentation erronée des faits » utilisée au paragraphe 152(4) de la LIR.

[28]  L’appelante soutient qu’elle n’a pas dissimulé le gain puisqu’elle l’a déclaré dans les documents suivants présentés à l’ARC : 1) sa déclaration T2, à la ligne 113 de l’annexe 1; 2) sa déclaration T2, aux lignes 220 à 250 de l’annexe 6; 3) sa déclaration T1044, à la ligne 103; 4) ses états financiers vérifiés. L’appelante soutient qu’elle a adopté la thèse selon laquelle le gain était exonéré d’impôt et ne l’a donc pas déclaré dans sa déclaration T3.

[29]  Tel qu’il est indiqué dans la décision Ridge Run Developments Inc. c. La Reine, 2007 CCI 68, au paragraphe 73, le sous‑alinéa 152(4)a)(i) ne vise pas une présentation erronée des faits qui « se rapporte à l’interprétation de la loi ». Dans cette affaire, la présentation erronée des faits était due à la mauvaise compréhension par le contribuable de ce que constitue une perte autre qu’une perte en capital reportée d’une année d’imposition antérieure. En raison de cette mauvaise compréhension, le contribuable a présumé à tort qu’il avait droit à la déduction dans sa déclaration de revenus. Dans la décision Gestion Fortier Inc. c. La Reine, 2013 CCI 337, au paragraphe 16, la Cour canadienne de l’impôt a fait la déclaration suivante : « Dans la décision Savard c. La Reine, la Cour canadienne de l’impôt a réitéré que les contribuables ont le droit d’être en désaccord avec le ministre dans leur interprétation de la loi, sans que cela soit nécessairement interprété comme une présentation erronée des faits. [...] En l’espèce, il y avait suffisamment d’éléments pour justifier l’interprétation retenue par l’appelant […] »

[30]  L’appelante soutient que c’est en raison de la thèse qu’elle a adoptée au moment de la production de sa déclaration qu’elle a déclaré le gain dans la déclaration T1044, qui est le formulaire se rapportant aux activités exonérées, plutôt que dans la déclaration T3, qui est le formulaire de déclaration des revenus imposables. En invoquant la décision Ver c. La Reine, précitée, l’appelante fait valoir que des faits divulgués ne sauraient être qualifiés à juste titre de présentation erronée des faits. Au paragraphe 13 de cette décision, la Cour a déclaré ce qui suit :

Le reproche de l’intimée concernant la façon dont la perte a été déclarée se fonde sur certains énoncés de droit ou de droit et de faits, selon lesquels les montants « n’avaient pas été engagés pour tirer un revenu », qu’il n’y avait « pas d’attente raisonnable de profit » et que les dépenses étaient des « frais personnels ou de subsistance ». Ces points pourraient servir à établir le bien‑fondé des cotisations et à justifier le rejet de certaines dépenses, mais les questions subjectives, telles que la répartition entre les dépenses d’entreprise et les dépenses de caractère personnel, sont de celles que le ministre devait régler durant le processus normal de cotisation et dans les trois années qui lui sont allouées.

[31]  Selon l’appelante, étant donné qu’elle n’a pas dissimulé le gain tiré de la vente du terrain, elle n’a pas fait de présentation erronée des faits, et les faits que l’intimée a allégués à cet égard ne révèlent donc aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation d’appel aux termes de l’alinéa 53(1)d) des Règles de la CCI. L’appelante a affirmé que [traduction] « rien dans la réponse n’indique que l’intimée a été induite en erreur de quelque façon que ce soit par la déclaration de Mont‑Bruno » et que [traduction] « rien dans la réponse ne mène à la conclusion que le ministre ne disposait pas des renseignements nécessaires pour évaluer, au cours de la période normale de nouvelle cotisation, la thèse adoptée par Mont‑Bruno dans sa déclaration de revenus ».

[32]  Le raisonnement énoncé dans la décision Ver c. La Reine, précitée, appuie l’opinion de l’appelante à ce sujet. Au paragraphe 13 de ce jugement, la Cour a effectivement conclu à l’absence de présentation erronée des faits :

Une présentation erronée, au sens du sous‑alinéa 152(4)a)(i), s’entend d’une présentation erronée des faits. [...] Il [n’]est ni prouvé ni suggéré qu’un chiffre quelconque de l’État des revenus et des dépenses a été falsifié, que les produits n’ont pas été achetés et revendus pour les montants indiqués ou que les montants dont la déduction a été demandée au titre des dépenses n’ont pas réellement été engagés. [...] [L]es questions subjectives, telles que la répartition entre les dépenses d’entreprise et les dépenses de caractère personnel, sont de celles que le ministre devait régler durant le processus normal de cotisation et dans les trois années qui lui sont allouées. Elles ne constituent pas une présentation erronée au sens du sous‑alinéa 152(4)a)(i). [...] Il n’a pas été établi que les contribuables ont dissimulé des faits importants. L’objectif de la disposition autorisant le ministre à rouvrir le dossier de contribuables relativement à des années prescrites est de permettre l’examen de déclarations après la période normale de cotisation, lorsque des faits ont été, volontairement ou par négligence, omis, dissimulés ou rapportés incorrectement. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[33]  De même, l’appelante a invoqué la décision Inwest Investments v. R., 2015 BCSC 1375, aux paragraphes 141 à 143 : [traduction] « Rien n’indique non plus que l’ARC ait été induite en erreur quant à la thèse adoptée par Wesbild dans sa déclaration de 2002. [...] Rien n’indique que Wesbild a omis de divulguer à l’ARC tout ce qu’elle devait divulguer. [...] En termes simples, la thèse adoptée dans la déclaration de 2002 était certainement une présentation des faits, mais il ne s’agissait en aucune façon d’une présentation erronée des faits. »

[34]  Dans la décision Gestion Fortier Inc. c. La Reine, précitée, la Cour canadienne de l’impôt a affirmé ce qui suit, au paragraphe 16 :

Le point de départ est la décision de la Cour fédérale, Regina Shoppers Mall Limited v. The Queen. Cette cause était centrée sur la question de savoir si le produit de la vente d’un terrain devait être inscrit par le contribuable dans ses déclarations de revenus comme un gain en capital ou comme un revenu. Le contribuable l’avait inscrit comme un gain en capital, et le ministre a conclu qu’il y avait ainsi eu présentation erronée des faits qui lui permettait de cotiser après la période normale. Le juge Addy, au paragraphe 10 de sa décision, a expliqué que lorsqu’un contribuable produit sa déclaration de revenus sur une base qu’il pense être bien fondée, après avoir fait une analyse réfléchie, prudente et délibérée, il ne peut y avoir présentation erronée des faits. Cette position a été avalisée par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 7 de sa décision. De plus, au paragraphe 15 de son jugement, le juge Addy a expliqué que la loi n’impose pas aux contribuables l’obligation de caractériser leurs opérations de la manière que préfèrerait le ministre. Si le contribuable réfléchit soigneusement à sa position et n’essaie pas de tromper le ministre, il ne fait pas de présentation erronée.

[35]  Dans la décision Petric c. La Reine, 2006 CCI 306, la Cour canadienne de l’impôt a affirmé ce qui suit au paragraphe 40 :

Bien que la juste valeur marchande soit en fin de compte une question de fait qui doit être tranchée par le juge des faits, il s’agit surtout d’une question d’opinion à laquelle on doit répondre en analysant les différentes approches méthodologiques. Le ministre a certainement le droit de ne pas souscrire à l’opinion du contribuable quant à la juste valeur marchande et peut établir une nouvelle cotisation, dans le délai de prescription, en fonction de sa propre évaluation. Toutefois, lorsque la question est de savoir si le ministre a le droit de profiter d’une exception à l’application du délai de prescription, il faut démontrer que le contribuable a fait une présentation erronée en produisant sa déclaration de revenus. En l’espèce, je suis d’avis qu’à moins que l’on puisse affirmer que l’opinion des appelants quant à la juste valeur marchande était déraisonnable au point qu’elle ne pouvait pas être sincère, il n’y a pas vraiment eu présentation erronée.

[36]  Cependant, dans l’arrêt Dalphond c. Canada, 2009 CAF 121, au paragraphe 5, la Cour d’appel fédérale a affirmé que le fait pour le contribuable de demander une déduction à laquelle il n’a pas droit constitue une présentation erronée des faits. Cela étaye l’opinion de l’intimée, selon laquelle le fait que l’appelante a présumé à tort qu’elle avait droit à un allègement fiscal ou qu’elle a demandé à tort une exemption à laquelle elle n’avait pas droit constitue une présentation erronée des faits visée par le paragraphe 152(4) de la LIR. Suivant ce principe, l’intimée a énoncé des faits permettant à la Cour de conclure que l’appelante a fait une présentation erronée des faits, et par conséquent la nouvelle réponse modifiée ne devrait pas être radiée au motif qu’elle ne révèle aucun moyen raisonnable.

[37]  Selon la jurisprudence, une présentation erronée des faits s’entend notamment d’une déclaration inexacte (voir la décision Minister of National Revenue v. Foot, [1964] CTC 317, 64 DTC 5196) ou d’une erreur (voir la décision Minister of National Revenue v. Taylor, [1961] CTC 211, 61 DTC 1139), par exemple un montant inexact découlant d’un calcul erroné « qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que toute nouvelle cotisation ultérieure » (voir la décision Nesbitt c. La Reine, 1996 CanLII 11569 (C.A.F.)) effectué en produisant la déclaration de revenus (voir la décision Succession de Vine c. Canada, 2015 CAF 125), que l’erreur soit innocente ou frauduleuse (voir la décision Minister of National Revenue v. Taylor, [1961] CTC 211, 61 DTC 1139) ou qu’elle ait été commise de bonne foi (voir la décision Jet Metal Products Ltd v. Minister of National Revenue, [1979] CTC 2738, 79 DTC 624). Dans la décision Ridge Run Developments Inc. c. La Reine, 2007 CCI 68, au paragraphe 96, la Cour a affirmé que « [m]ême une présentation erronée des faits de bonne foi est attribuable à la négligence » et peut ainsi servir de fondement à l’établissement d’une nouvelle cotisation au titre du paragraphe 152(4) de la LIR.

[38]  Pas plus tard qu’en 2016, dans l’arrêt Robertson c. Canada, 2016 CAF 303, aux paragraphes 1 à 5, la Cour d’appel fédérale a jugé que « le défaut de l’appelant de déclarer 102 600 $ et 508 658 $ en avantages découlant de la levée d’options d’achat de certaines actions de compagnies privées aux États‑Unis pour les années d’imposition 2006 et 2007 constituait une représentation erronée imputable à de la négligence et de l’inattention », et ce, même si l’appelant « croyait fermement [...] que les avantages n’étaient pas imposables au Canada puisqu’ils provenaient des États‑Unis » et qu’il s’agissait d’« une erreur d’inattention ».

(2) Le fondement factuel permettant de conclure que la présentation erronée des faits a été faite par inattention, négligence ou omission volontaire

[39]  Les affirmations de l’intimée aux points 13b), d) et e) de sa nouvelle réponse modifiée pourraient permettre d’établir que la présentation erronée des faits de l’appelant a été faite par omission volontaire, négligence ou inattention, particulièrement par négligence ou omission, compte tenu des observations écrites de l’intimée énoncées au point 23, selon lesquelles l’appelante [traduction] « n’a pas fait preuve de diligence raisonnable » alors qu’elle aurait dû le faire pour ne pas être visée par le paragraphe 152(4) de la LIR.

[40]  Plus précisément, les faits allégués par l’intimée relativement à l’expérience en affaires des administrateurs de l’appelante et au fait que ceux‑ci n’ont pas obtenu l’avis d’un professionnel sur les conséquences fiscales de la vente du terrain sont des faits sur lesquels la Cour pourrait s’appuyer pour conclure à une présentation erronée des faits due à la négligence. Selon le raisonnement de l’arrêt Dalphond, précité, le fait que le contribuable ne se soit pas enquis du statut de la société relativement à la déduction pour gains en capital qu’il avait demandée montrait que sa présentation erronée des faits à cet égard avait été faite par négligence. Cela va à l’encontre des observations faites par l’appelante dans son avis de requête, selon lesquelles la réponse modifiée devrait être radiée au motif qu’elle n’énonce pas de faits qui permettraient à la Cour de conclure que l’appelante a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire.

(3) Les allégations mixtes de fait et de droit au point 12h) de la réponse modifiée

[41]  Dans les motifs de sa décision radiant la réponse modifiée, le juge Paris a pris note du fait qu’il était indiqué, au point 12h) de la réponse modifiée, que [traduction] « la parcelle de terrain n’a jamais été utilisée exclusivement et directement dans le but de fournir aux membres des installations pour les loisirs, les sports ou les repas ». Le juge Paris a affirmé qu’il s’agissait d’une allégation mixte de fait et de droit, plaidée de manière irrégulière, et qu’elle ne pouvait donc pas être prise en compte ou réputée véridique, car il s’agissait simplement d’une paraphrase du sous‑alinéa 149(5)e)(ii) de la LIR. Selon le raisonnement du juge Paris, pour rectifier le problème posé par le point 12h) de la réponse modifiée, l’intimée doit alléguer des faits qui permettraient à la Cour de conclure que [traduction] « la parcelle de terrain n’a jamais été utilisée exclusivement et directement dans le but de fournir aux membres des installations pour les loisirs, les sports ou les repas ».

[42]  Dans ses observations écrites en réponse à la requête présentée par l’appelante en vue de faire radier la nouvelle réponse modifiée, l’intimée a déclaré que le point 12h) de la réponse modifiée avait été remplacé au point 12 de la nouvelle réponse modifiée par les faits suivants : [traduction] « h) la parcelle de terrain était un terrain boisé vacant et séparé du terrain de golf par une route municipale, la rue des Hirondelles; i) une clôture à mailles losangées séparait le terrain de golf de la rue des Hirondelles; j) l’appelante n’a pas organisé d’activité sur la parcelle de terrain; k) l’appelante n’a ni aménagé ni transformé la parcelle de terrain en vue de la tenue d’activités, quel qu’en soit le type; l) les membres de l’appelante ne se rendaient pas sur la parcelle de terrain dans l’exercice des activités du club ». Tous ces faits peuvent étayer la conclusion selon laquelle [traduction] « la parcelle de terrain n’a jamais été utilisée exclusivement et directement dans le but de fournir aux membres des installations pour les loisirs, les sports ou les repas »; il ne s’agit pas uniquement d’une paraphrase du sous‑alinéa 149(5)e)(ii) de la LIR. À mon avis, le problème posé par le point 12h) a été corrigé dans la nouvelle réponse modifiée.

[43]  Pour tous les motifs qui précèdent, la requête est rejetée. Les dépens de la requête sont adjugés à l’intimée au tarif des dépens entre parties.

[44]  De plus, la Cour ordonne la prorogation de tous les délais liés au déroulement de l’appel interjeté par l’appelante qui sont nécessaires au règlement définitif de la présente requête.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 27e jour d’août 2018.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 105

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2016‑1152(IT)G

INTITULÉ :

MONT‑BRUNO C.C. INC. c. LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 septembre 2017

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Réal Favreau

DATE DE L’ORDONNANCE :

DATE DES MOTIFS MODIFIÉS DE L’ORDONNANCE

Le 4 juin 2018

Le 27 août 2018

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

MGuy Du Pont, Ad. E.

MMatthias Heilke

MDov Whitman

Avocat de l’intimée :

Me Simon Petit

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Guy Du Pont, Ad. E.

Matthias Heilke

Dov Whitman

Cabinet :

Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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