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Dossier : 2012-3088(IT)G

 

ENTRE :

ADRIAN CASSA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Requête entendue le 21 janvier 2013 à Toronto (Ontario) et motifs de l'ordonnance rendus oralement à l'audience le 23 janvier 2013

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocates de l'intimée :

Me H. Annette Evans

Me Rishma Bhimji

 

 

ORDONNANCE

 

          VU la requête de l'intimée du 10 janvier 2013 sollicitant :

 

1.       une ordonnance radiant l'avis d'appel modifié déposé le 20 novembre 2012;

 

2.       dans l'éventualité où la Cour ne rendrait pas une ordonnance radiant l'avis d'appel modifié ou rejetant l'appel, une ordonnance prorogeant le délai imparti à l'intimée pour signifier et déposer une réponse à l'avis d'appel modifié à 60 jours après la date de l'ordonnance tranchant la présente requête;

 

3.       à titre subsidiaire, dans l'éventualité où la Cour rendrait une ordonnance autorisant l'appelant à modifier l'avis d'appel en lui permettant de déposer un nouvel avis d'appel modifié, une ordonnance prorogeant le délai imparti à l'intimée pour signifier et déposer une réponse au nouvel avis d'appel modifié à 60 jours après la date de la signification du nouvel avis d'appel modifié;

 

4.       les dépens de la présente requête quelle que soit l'issue de la cause.

 

(Avis de requête modifié de l'intimée, pages 1 et 2, paragraphes 1 à 4)

 

          ET VU QUE, lors de l'audition de la requête, l'avocate de l'intimée a modifié la mesure de redressement demandée de manière à inclure le nouvel avis d'appel modifié que l'appelant a déposé le 17 janvier 2013 après avoir reçu signification de l'avis de requête modifié de l'intimée;

 

          ET VU les observations des parties;

 

          LA COUR ORDONNE :

 

          La requête de l'intimée en radiation de l'avis d'appel modifié déposé le 20 novembre 2012 et en radiation du nouvel avis d'appel modifié déposé le 17 janvier 2013 est accordée.

 

          Les dépens, fixés à 1 000 $, sont accordés à l'intimée et sont payables immédiatement par l'appelant.

 

          Le tout conformément aux motifs de l'ordonnance ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de février 2013.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d'avril 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 43

Date : 20130201

Dossier : 2012-3088(IT)G

 

ENTRE :

ADRIAN CASSA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[Traduction française OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Campbell

 

[1]             Il s'agit d'une requête de l'intimée en radiation du nouvel avis d'appel modifié de l'appelant, déposé à la Cour le 17 janvier 2013.

 

[2]             Avant de déposer son nouvel avis d'appel modifié, l'appelant avait déposé un avis d'appel initial le 20 juillet 2012, et un avis d'appel modifié le 20 novembre 2012.

 

[3]             Par son contenu, toute la documentation de l'appelant est similaire à celle qui m'a été présentée relativement à des requêtes déposées par l'intimée en juin de l'année passée. Les présents appels font partie d'un grand groupe pour lequel on m'a confié la gestion des instances. Dans environ la moitié des appels, les appelants se font représenter par des avocats, tandis que, dans l'autre moitié, les appelants comparaissent en personne. Vu la similarité des libellés de centaines de ces appels, il est manifeste que ces appelants ont reçu des « conseils » d'un tiers. Le juge en chef adjoint Rooke de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a qualifié de tels tiers de [TRADUCTION] « gourous » dans Meads c. Meads, 2012 ABQB 571.

 

[4]             Dans la plupart des appels dont j'ai été saisie relativement à ces requêtes, les appelants invoquaient l'argument ci‑après pour faire accepter telles quelles les déclarations qu'ils avaient produites, et probablement pour se soustraire au paiement de l'impôt ou aux autres obligations fiscales que la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») pourrait par ailleurs leur imposer. Cet argument est ainsi formulé : si le ministre du Revenu national (le « ministre ») ne délivre pas un avis de ratification dans le délai prévu à l'alinéa 169(1)b) de la Loi, alors la déclaration du contribuable n'a pas été [TRADUCTION] « démontrée incorrecte » et elle doit être acceptée telle quelle. Par conséquent, il s'ensuit que la Cour devrait annuler la cotisation établie par le ministre.

 

[5]             J'ai traité de cette question dans mes motifs relatifs à des appels libellés de manière similaire, dont j'ai été saisie en juin 2012. À ce moment‑là, j'ai étudié la jurisprudence, notamment un certain nombre d'arrêts de la Cour d'appel fédérale, et j'ai clairement indiqué que l'annulation d'une cotisation en raison d'un retard du ministre ne constituait pas un recours approprié et encore moins un recours que j'étais disposée à accorder. Dans ces mêmes motifs, j'ai bien précisé que la documentation requise pour interjeter appel devant la Cour devait être conforme aux Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles ») et, plus particulièrement, à la formule 21(1)a), en ce sens que les avis d'appel doivent contenir 1) les faits pertinents sur lesquels repose la contestation de la cotisation, 2) l'énonciation des points en litige qui seront soumis à la Cour.

 

[6]             Comme la quasi‑totalité de ces appels sont interjetés sous le régime de la procédure générale, ils doivent être conformes aux règles de procédure qui régissent ce type d'appels. La première étape consiste à déposer un avis d'appel en bonne et due forme — un avis auquel la Couronne peut répondre comme il se doit. J'ai tenté de donner autant d'orientation et de temps que possible aux appelants qui comparaissent en personne, sachant que chacun d'eux avait choisi de comparaître en personne devant la Cour. Ils ont tout à fait le droit de le faire. Cependant, il faut rappeler que je ne peux pas donner de conseils juridiques, que les appelants doivent soit retenir les services d'un avocat, soit comparaître en personne, et non se faire représenter par des mandataires, des fiduciaires ou des fondés de pouvoir et, enfin, qu'il s'agit d'une cour et non d'une tribune sur laquelle on vient débattre avec le juge qui préside.

 

[7]             L'intimée demande que je radie l'avis d'appel modifié et le nouvel avis d'appel modifié de l'appelant en vertu de l'article 53 des Règles.

 

[8]             L'article 53 est rédigé ainsi :

 

53. La Cour peut radier un acte de procédure ou un autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier parce que l'acte ou le document :

 

apeut compromettre ou retarder l'instruction équitable de l'appel;

 

best scandaleux, frivole ou vexatoire;

 

cconstitue un recours abusif à la Cour.

 

La disposition confère à la Cour un pouvoir qu'elle doit exercer avec beaucoup de prudence et seulement dans des circonstances exceptionnelles. Comme l'ancien juge en chef Bowman le dit au paragraphe 11 de la décision Sentinel Hill Productions (1999) Corporation c. La Reine, 2007 CCI 742 : « L'application de ces mots devrait être réservée aux assertions clairement et manifestement insensées [...] ». Au paragraphe 4, le juge en chef énonce les principes que la Cour doit appliquer dans le cas d'une requête en radiation :

 

[4]        J'énoncerai en premier lieu les principes qui, selon moi, doivent s'appliquer dans une requête en radiation fondée sur l'article 53 des Règles. La question a été examinée dans de nombreuses décisions de la Cour et de la Cour d'appel fédérale. Il n'est pas nécessaire de les citer toutes étant donné que les principes sont bien établis.

 

a)         Les faits allégués dans l'acte de procédure contesté doivent être considérés comme exacts sous réserve des limites énoncées dans l'arrêt Operation Dismantle Inc. c. Canada, [1985] 1 R.C.S. 441, à la page 455. Il n'est pas loisible à la partie qui attaque un acte de procédure en vertu de l'article 53 des Règles de contester des assertions de fait.

 

b)         Pour qu'un acte de procédure soit radié, en tout ou en partie, en vertu de l'article 53 des Règles, il doit être évident et manifeste que la position qui est prise n'a aucune chance de succès. Il s'agit d'un critère rigoureux et il faut faire preuve d'énormément de prudence en exerçant le pouvoir conféré en matière de radiation d'un acte de procédure.

 

c)         Le juge des requêtes doit éviter d'usurper les fonctions du juge du procès en tirant des conclusions de fait ou en se prononçant sur la pertinence. Il faut laisser de telles questions à l'appréciation du juge qui entend la preuve.

 

d)         C'est l'article 53 des Règles et non l'article 58 qu'il faut appliquer dans le cadre d'une requête en radiation.

 

[9]             Maintenant, lorsque j'examine les trois tentatives de l'appelant pour présenter un avis d'appel conforme aux Règles, je constate qu'il a échoué même en ce qui a trait à l'élément le plus fondamental de son appel : sa décision de persister à invoquer l'alinéa 169(1)b), malgré mes motifs de juin 2012 et malgré le fait qu'il était présent dans la salle d'audience et qu'il m'y a entendu répéter à un certain nombre d'appelants qui l'ont précédé que cet argument était sans fondement et ne saurait être retenu. Même si j'écarte la partie du document d'appel qui traite de l'alinéa 169(1)b), le reste du document contient des assertions décousues et dépourvues de sens, qui n'ont aucune chance de donner à l'appelant gain de cause devant la Cour ou devant toute autre cour. La plaidoirie de M. Cassa aurait pu jeter une certaine lumière sur les faits pertinents sur lesquels il s'appuyait, mais elle a plutôt créé encore plus de confusion. Elle n'équivalait à rien de plus qu'à un amas absurde d'arguments ridicules qu'il a mis dans ses documents d'appel. La documentation et les observations de M. Cassa utilisaient le langage des soi‑disant « contestataires du fisc » et contenaient notamment ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

·                    « l'appelant, Adrian Cassa, agissait à titre de mandataire pour un mandant dont l'identité n'est pas révélée »;

 

·                    « le mandant est un homme vivant, en chair et en os »;

 

·                    « le mandant est communément appelé Adrian de la famille Cassa »;

 

·                    « le mandant gagnait un salaire en contrepartie d'un travail »;

 

·                    « le salaire était perçu par l'appelant »;

 

·                    « l'appelant supportait des dépenses de travail »;

 

·                    « l'appelant ne tirait avantage d'aucune dépense ».

 

Et poursuivant, l'appelant soutient ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

·                    « un particulier n'est pas défini comme un homme aux termes de la LIR »;

 

·                    « selon le paragraphe 248(1) de la LIR, les entreprises sont des « activités de quelque genre que ce soit » »;

 

·                    « le fait d'agir comme un mandataire constitue une entreprise »;

 

·                    « sans mandant, l'appelant ne pourrait pas continuer d'agir comme mandataire »;

 

·                    « sans l'appelant, le mandant ne pourrait pas continuer de travailler ».

 

Et, relativement à cette dernière assertion, l'appelant a soutenu dans ses observations qu'aucune disposition de la Loi n'autorisait l'État à assujettir le travail à l'impôt. L'appelant a également soutenu que j'étais tenue de prendre connaissance d'office de la différence entre les faits et les inférences, entre les faits et les conjectures, et entre les faits et les suppositions.

 

[10]        L'avis d'appel comportait une liste interminable de lois que M. Cassa avait l'intention d'invoquer, dont les suivantes : [TRADUCTION] « la Loi sur les lettres de change, la Charte canadienne des droits et libertés, la Déclaration canadienne des droits, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu de 1917, le Code civil du Québec, la Loi sur la preuve au Canada, la CNUDCI, la Loi sur les statistiques de l'état civil, les accords de l'UPU, le Code criminel et l'« UCC » » (avis d'appel modifié, paragraphe 37). Cependant, il n'a indiqué ni comment ni pourquoi il avait l'intention d'incorporer dans son appel cette panoplie de sources divergentes et pour la plupart dépourvues de pertinence et, plus particulièrement, il n'a pas précisé les dispositions des textes de loi qu'il avait l'intention d'invoquer.

 

[11]        Le nouvel avis d'appel modifié de l'appelant est rempli d'arguments et d'allégations incompréhensibles. Il ne mentionne aucun fait pertinent précis et porte presque entièrement sur l'évitement des obligations imposées par la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[12]        Au commencement des présents motifs j'ai fait référence à la décision Meads. L'appelant a soutenu que cette décision était [TRADUCTION] « préjudiciable et prématurée » afin de me persuader, je suppose, de faire abstraction des motifs de cette décision. Bien entendu, il s'agit d'une proposition absurde, à l'instar de plusieurs de ses autres assertions. La décision Meads traite de manière exhaustive des plaideurs qui se servent de diverses techniques de litige et de différents arguments, préconisés par de prétendus gourous, et conçus pour gêner les activités et les procédures des tribunaux. Le juge en chef adjoint Rooke a désigné ces plaideurs dans leur ensemble par l'appellation [TRADUCTION] « plaideurs organisés d'arguments commerciaux pseudo‑juridiques », quoiqu'il ait reconnu qu'on pouvait les désigner par toutes sortes d'autres noms et que certains particuliers et groupes de ce genre n'avaient aucune identité particulière outre les types d'arguments et de stratagèmes qu'ils tentaient de faire valoir devant les tribunaux canadiens.

 

[13]        La décision Meads fait expressément référence, parmi plusieurs autres groupes semblables, aux soi‑disant [TRADUCTION] « contestataires du fisc », ou ceux qui tentent de se soustraire à leurs obligations en matière d'impôt sur le revenu ainsi qu'à la notion des [TRADUCTION] « citoyens souverains » et au concept de la personne double ou divisée. L'appel de M. Cassa contient tous les éléments précédents. Dans le nouvel avis d'appel modifié, l'appelant parle du mandant comme étant communément appelé « Adrian de la famille Cassa ». Dans le certificat de signification, il utilise le langage similaire suivant : [TRADUCTION] « Se présente, Adrian Cassa, à titre de mandataire de l'homme de libre volonté, communément appelé Adrian de la famille Cassa, le mandant dont l'identité n'est pas révélée ». Il s'agit, semble‑t‑il, d'une stratégie communément utilisée par de tels plaideurs. Comme il est noté dans la décision Meads, cet argument fondé sur la dualité est un concept étrange et portant à confusion, utilisé pour faire valoir une division artificielle et fictive de la personne à l'appui d'un argument par ailleurs absurde. Quoi qu'il en soit, cet argument est sans fondement, il détourne l'attention des procédures judiciaires et est totalement dépourvu de sens. Ma manière de répondre à toute tentative de l'appelant de faire usage d'un tel non‑sens dans ma Cour a été simplement de ne pas en tenir compte.

 

[14]        Dans sa plus grande partie, l'appel que l'appelant projette d'interjeter est truffé d'une multitude de concepts et de termes auxquels il est fait allusion dans la décision Meads. Il contient des assertions inintelligibles, incompréhensibles, dépourvues de sens et de pertinence et qui, d'un point de vue factuel, ne sauraient être retenues. Je juge que ces types d'arguments constituent un recours abusif à la Cour. De telles futilités nuisent à la disponibilité des ressources de la Cour pour les contribuables qui comparaissent en personne et qui s'efforcent honnêtement de faire valoir leurs appels dans le système judiciaire en temps opportun.

 

[15]        J'accueillerai la requête de l'intimée en radiation du nouvel avis d'appel modifié de l'appelant, avec des dépens de 1 000 $ payables immédiatement à l'intimée. Bien que les présents motifs aient été rendus oralement, j'ai l'intention, en tant que juge responsable de la gestion des instances, d'en faire préparer rapidement une version écrite. Il y a d'autres appels semblables qui attendent dans les coulisses et j'ai bon espoir que mes motifs donneront des orientations quant aux types d'assertions qui ne sauraient nullement être favorables à l'avancement de ces appels. Les appelants qui sont encore incertains quant à la voie à suivre pourraient avoir avantage à retenir les services d'un avocat. En tant que juge responsable de la gestion des instances, j'ai pour objectif de faire en sorte que les appels se déroulent de manière ordonnée, de sorte que les appelants qui se conforment aux Règles régissant les procédures et aux motifs que j'ai déjà formulés ou que je formulerai bénéficient d'une instruction équitable.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de février 2013.

 

 

« Diane Campbell »

Le juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d'avril 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 43

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2012-3088(IT)G

 

INTITULÉ :                                      ADRIAN CASSA c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 21 janvier 2013

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    L'honorable juge D. Campbell

 

DATE DE L'ORDONNANCE :        Le 1er février 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocates de l'intimée :

Me H. Annette Evans

Me Rishma Bhimji

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelant :

 

          Nom :

          Cabinet :

 

Pour l'intimée :     William F. Pentney

                             Sous-procureur général du Canada

                             Ottawa, Canada

 

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